9 septembre 2022
Cour d'appel de Paris
RG n° 21/01844

Pôle 5 - Chambre 11

Texte de la décision

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 5 - Chambre 11



ARRET DU 09 SEPTEMBRE 2022



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/01844 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CDAKK



Décision déférée à la Cour : Jugement du 17 Décembre 2020 -Tribunal de Commerce de PARIS - RG n° 2019047677





APPELANTE



S.A.S. BUTAGAZ agissant poursuites et diligences en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 402 960 397

[Adresse 2]

[Localité 4]



représentée par Me Arnaud GUYONNET de la SCP AFG, avocat au barreau de PARIS, toque : L0044, avocat postulant

assistée de Me Leyla DJAVADI de l'AARPI FOURGOUX DJAVADI ET ASSOCIES - FDA, avocat au barreau de PARIS, toque : P0069, avocat plaidant





INTIMEE



S.A.S.U. COMPAGNIE IBM FRANCE prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

immatriculée au RCS de NANTERRE sous le numéro 552 118 465

[Adresse 1]

[Localité 3]



représentée par Me Jeanne BAECHLIN de la SCP Jeanne BAECHLIN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0034, avocat postulant

assistée de Me Philippe GLASER de la SELAS VALSAMIDIS AMSALLEM JONATH FLAICHER et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : J010, avocat plaidant substitué par Me Leonardo PINTO de la SELAS VALSAMIDIS AMSALLEM JONATH FLAICHER et ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : J010, avocat plaidant







COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 19 Mai 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Madame Marie-Sophie L'ELEU DE LA SIMONE, chargée du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :

Monsieur Denis ARDISSON, président de chambre

Madame Marie-Sophie L'ELEU DE LA SIMONE, conseillère

Madame Marion PRIMEVERT, conseillère



qui en ont délibéré





Greffière, lors des débats : Madame Marie-Gabrielle de La REYNERIE





ARRÊT :

- contradictoire



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Monsieur Denis ARDISSON, président de chambre et par Monsieur Damien GOVINDARETTY, greffier à qui la minute du présent arrêt a été remise par le magistrat signataire.










La société Butagaz est une société spécialisée dans la fabrication, le conditionnement et la distribution, en France et à l'étranger, de gaz en bouteille et en citerne pour le chauffage et l'électricité à destination des consommateurs et des professionnels. La société Compagnie IBM France est à la fois un distributeur de produits informatiques et une société de services en ingénierie informatique. La société Talan Solutions, anciennement dénommée EXL Group, est une SSII spécialisée dans le conseil et l'ingénierie de systèmes informatiques.



Au cours de l'année 2016, la société Butagaz a souhaité se doter d'un logiciel de gestion de maintenance assisté par ordinateur (GMAO) pour assurer des opérations de maintenance de son parc d'équipements de stockage et de distribution de gaz auprès de ses clients.



Le 20 décembre 2016, la société Butagaz a acquis auprès de la société Talan Solutions les différentes licences lui permettant d'utiliser le logiciel Maximo et a contracté avec IBM au titre du « Contrat International Passport Advantage IBM » aux conditions internationales de logiciel IBM. Au titre de contrat de licence, la société IBM fournissait un service d'assistance dénommé « Support Logiciel IBM » valable pour une période d'un an à compter de l'acquisition du logiciel.



La société Butagaz a dû solliciter la société Talan en qualité d'intégrateur du logiciel et IBM en tant qu'éditeur de ce dernier afin qu'elles traitent les incidents survenus pendant la phase d'intégration du logiciel au cours de l'année 2017 et début 2018.



Estimant que les correctifs nécessaires au bon fonctionnement du logiciel Maximo n'avaient pas été apportés en temps utile et de manière satisfaisante, la société Butagaz a mis en demeure la société IBM de l'indemniser à hauteur de 350.000 euros HT par lettre recommandée du 28 mai 2018.



Plusieurs échanges ont alors eu lieu en 2018 et 2019, la société Butagaz se plaignant du non-fonctionnement du logiciel et la société IBM rappelant n'être en charge d'aucune mission d'intégration du logiciel et avoir correctement livré l'ensemble des correctifs permettant de résoudre les bugs rencontrés par la société Butagaz. La société IBM proposait un geste commercial à la société Butagaz, que celle-ci rejetait, réclamant la somme de 250.000 euros HT.

Suivant exploit du 9 août 2019, la société Butagaz a alors fait assigner la société Compagnie IBM France devant le tribunal de commerce de Paris afin d'obtenir l'indemnisation de son préjudice.



Par jugement du 17 décembre 2020, le tribunal de commerce de Paris a :



débouté la société Butagaz de l'intégralité de ses demandes,

condamné la société Butagaz à payer à la Compagnie IBM France la somme de 5.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

condamné la société Butagaz aux dépens de l'instance.



La société Butagaz a formé appel du jugement par déclaration du 26 janvier 2021 enregistrée le 29 janvier 2021.



Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 10 mai 2022, la société Butagaz demande à la cour, au visa des articles 1604, 1226 et 1231-1 du code civil :



de recevoir la société Butagaz et la dire bien fondée en son appel ; 

En statuant à nouveau : 

d'infirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions et notamment en ce qu'il a :

* débouté Butagaz de l'intégralité de ses demandes, notamment de sa demande de condamnation de la société Compagnie IBM France au paiement d'une indemnité de 348.150 euros HT (soit 417.782,40 euros TTC) en réparation de son préjudice, ainsi qu'au paiement d'une somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamné Butagaz à payer à la société Compagnie IBM France la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

* condamné Butagaz aux entiers dépens de l'instance.

de constater que la société Compagnie IBM France a manqué à ses obligations contractuelles en ne délivrant pas un logiciel fonctionnel et conforme ;

En conséquence :

de condamner la société Compagnie IBM France à payer à la société Butagaz une indemnité de 348.152 euros HT en réparation de son préjudice ;

de condamner la société Compagnie IBM France à payer la somme de 15.000 euros à la société Butagaz au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

de condamner la société Compagnie IBM France aux entiers dépens, sur le fondement de l'article 699 du code de procédure civile.



Suivant ses dernières conclusions transmises par le réseau privé virtuel des avocats le 11 mai 2022, la société Compagnie IBM France demande à la cour, au visa des articles 1231-1 et 1604 du code civil :



de débouter la société Butagaz de l'intégralité de ses demandes ;

En conséquence,

de confirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris ;

Y ajoutant

de condamner la société Butagaz à payer à la société Compagnie IBM la somme de 25.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

de condamner la société Butagaz aux entiers dépens de l'instance.



*









La clôture a été prononcée suivant ordonnance en date du 12 mai 2022.






SUR CE, LA COUR,





Sur les demandes de la société Butagaz



La société Butagaz reproche à la société Compagnie IBM France de lui avoir délivré un module Scheduler non conforme. Elle soutient que ce module n'a jamais fonctionné et n'a pu être utilisé. Elle fait valoir que la société Talan n'a commis aucune faute et n'intervenait pas pour régler le défaut de fonctionnement de Scheduler puisque seule IBM était chargée d'apporter des correctifs qui n'ont pas été efficaces. Elle en déduit que la résiliation à son initiative était bien fondée.



La société Compagnie IBM France soutient que les sociétés Talan et Butagaz ont défini seules, sans aucune intervention de sa part, les modalités commerciales et opérationnelles de la mission d'intégration du logiciel Maximo. Elle fait valoir qu'elle n'était pas partie au Contrat d'Intégration, Talan étant par ailleurs seule bénéficiaire de la rémunération convenue au titre de la mission d'intégration à hauteur de 237.907 euros HT. Elle est donc intervenue au titre d'une prestation de service d'après-vente et de support en sa qualité d'éditeur du logiciel.



Aux termes de l'article 1604 du code civil : « La délivrance est le transport de la chose vendue en la puissance et possession de l'acheteur. ».



En vertu de l'article 1226 du même code :

« Le créancier peut, à ses risques et périls, résoudre le contrat par voie de notification. Sauf urgence, il doit préalablement mettre en demeure le débiteur défaillant de satisfaire à son engagement dans un délai raisonnable.

La mise en demeure mentionne expressément qu'à défaut pour le débiteur de satisfaire à son obligation, le créancier sera en droit de résoudre le contrat.

Lorsque l'inexécution persiste, le créancier notifie au débiteur la résolution du contrat et les raisons qui la motivent.

Le débiteur peut à tout moment saisir le juge pour contester la résolution. Le créancier doit alors prouver la gravité de l'inexécution. ».



Les sociétés Butagaz et IBM sont liées contractuellement par les Conditions Internationales d'Utilisation du Logiciel et le Contrat International Passport Advantage IBM signé le 20 décembre 2016. La société IBM est intervenue au titre d'une prestation de service d'après-vente et de support dont elle est tenue contractuellement en sa qualité d'éditeur du logiciel.



Le logiciel Maximo était composé de trois modules :

l' « Asset Management », module principal qui supporte les bases de données ; il vise à assurer la gestion de la maintenance d'un parc d'équipements,

le « Scheduler », module de planification de tâches et d'affectation des interventions aux équipes de maintenance,

le « Anywhere » propose la mise en place d'une solution de mobilité permettant d'accéder au module « Asset Management » en tout lieu et en tout temps y compris via des smartphones ou des tablettes connectées ; c'est donc l'outil utilisable par les techniciens Butagaz en clientèle.



La société Butagaz a acquis auprès de Talan (anciennement EXL Group) suivant bon de commande du 20 décembre 2016 :

134 licences pour le module « Asset Management », pour un montant de 63.495,50 euros HT,

28 licences pour le module « Anywhere », pour un montant de 10.988 euros HT,

14 licences pour le module « Scheduler », pour un montant de 5.243 euros HT.





Le prix total - après remise de 75 % - payé par la société Butagaz a été de 79.727 euros HT.



Un avenant a été signé entre Talan Solutions et Butagaz le 3 mai 2017 pour un montant total, après remise, de 124.800 euros TTC. Il précise « Il est entendu que ce bon de commande concerne un avenant au contrat actuel afin de garantir une implémentation de Maximo sur un mode forfait basé sur le périmètre établi conjointement à l'issue de la phase de conception. ». Un contrat d'intégration a ainsi été régularisé entre la société Butagaz et la société Talan Solutions. Ce contrat précise en préambule :

« Pour répondre au mieux aux exigences de l'entreprise Butagaz exprimées dans le fichier « Présentation du besoin V2 29 juin 2016 » et du Cahier des charges, EXL Group propose d'accompagner Butagaz dans la transformation de son processus de maintenance et dans la mise en 'uvre de l'outil de GMAO [Gestion de la Maintenance Assistée par Ordinateur] Maximo. ».



En son article 2, le contrat d'intégration prévoit son objet et précise les prestations d'EXL Group en ces termes :

« Les prestations assurées par EXL Group, objet du présent contrat, représentent la somme de l'expression des besoins de Butagaz compilée et présentée de manière détaillées dans le cahier des charges, le rapport de cadrage et la proposition commerciale annexés au présent contrat.

Ces prestations son entièrement réalisées au forfait et incluent :

La conception de la Solution, les spécifications et la mise en 'uvre du Progiciel MAXIMO, solution structurée et riche fonctionnellement, ouverte sur l'international et évolutive :

* le paramétrage de MAXIMO,

* la réalisation de composants spécifiques permettant de coller au mieux aux besoins des aspects exprimés dans les Annexes 1, 2 et 3,

* la réalisation d'interfaces,

* la réalisation d'outils de reprise des données initiales,

* le développement des rapports d'entreprise,

* les tests d'intégration et de qualification de la Solution,

* l'accompagnement en recette,

* l'accompagnement au déploiement.

La formation de formateurs impliqués dans al montée en compétence des utilisateurs finals,

l'assurance d'un maintien en conditions opérationnelles de l'application par le biais d'une garantie (dans le forfait) et d'une TMA (en option), assurées par EXL Group.

(...) ».



Suivent plusieurs schémas détaillant notamment les phases d'installation, paramétrage, reprise des données, recette et mise en production. Il est précisé en page 61 (article 5.2) que la phase de lancement du projet commence le 1er février 2017.



La société IBM indique que le produit livré correspond à un logiciel standard commercialisé par le biais de Talan et pour lequel elle n'était pas tenue de réaliser une prestation de cadrage, d'accompagnement ou de réalisation de développements spécifiques.



En effet, IBM était débitrice au titre du Contrat de Licence (Contrat International Passport Advantage), d'une prestation d'assistance « Support Logiciel IBM » pour une période d'un an à compter de l'acquisition du logiciel et comprenant « les procédés de correction, de limitation et de contournement ainsi que toutes nouvelles versions, éditions ou mises à jour mises à disposition par IBM ». Le Contrat de Licence prévoit :

« IBM répond i) aux questions simples d'ordre pratique du Client concernant l'installation et l'utilisation, et ii) aux questions liées au code du Logiciel (ci-après dénommées collectivement le « Support ») » (article 3.8 du Contrat International Passport Advantage).







Entre le 18 mai 2017 et le 11 juillet 2017, trois demandes d'ouverture de PMR (Problem Management Record) ont été adressées à IBM concernant le module Scheduler, toutes résolues. Concernant le module Anywhere, deux PMR ont été ouverts en septembre 2017 et résolus. En octobre 2017, cinq PMR ont été ouverts sur le module Scheduler et un sur le module Asset Management, tous résolus. Au mois de novembre 2017, deux PMR au sujet du module Asset Management et un au sujet du module Anywhere ont été ouverts puis résolus par IBM, outre quatre PMR concernant le module Scheduler, également résolus. Enfin deux PMR ont été ouverts en décembre 2017 sur le module Scheduler, puis résolus.



Le 5 décembre 2017, la société Butagaz avait écrit à Talan et IBM pour solliciter la résolution de tous les incidents résiduels pour le 15 décembre 2017.



S'agissant du dernier PMR ouvert le 19 décembre 2017, le correctif définitif a finalement été livré à Butagaz le 15 janvier 2018. Cependant la société Butagaz a refusé de mettre en 'uvre ce correctif au motif de l'existence d'un défaut de fonctionnement du logiciel Maximo dans ses composantes Scheduler et Anywhere.



Pourtant IBM, qui n'était pas en charge d'une mission d'intégration, a livré tous les correctifs permettant de résoudre les bugs rencontrés par Butagaz.



Il ne peut être déduit de l'ensemble des PMR ouverts une livraison non conforme du logiciel Maximo par la société IBM qui a apporté l'ensemble des correctifs nécessaires tout au long de la phase d'intégration dudit logiciel au sein de Butagaz, intégration qui ne lui incombait pas puisqu'un contrat spécifique avait été conclu avec Talan à cette fin.



Aucun vice de conception du logiciel Maximo, dans son module Scheduler ou dans un autre module n'est démontré par la société Butagaz. Les incidents et erreurs, au surplus résolus par IBM, ne peuvent en aucun caractériser à eux seuls un vice affectant le logiciel. Butagaz n'apporte aucun élément technique, notamment un constat par un expert, d'un quelconque défaut intrinsèque du logiciel Maximo.



C'est donc bien un logiciel correspondant aux spécifications convenues qui a été livré dans la mesure où le contrat conclu ne prévoyait pas de développements particuliers.



D'autre part, si Butagaz affirme que la solution logicielle aurait été livrée avec retard, la date du 1er novembre 2017 étant le terme prévu, celle-ci ne figure qu'au contrat d'intégration auquel IBM n'est pas partie.



Ainsi les manquements reprochés à la société IBM ne sont pas caractérisés, l'intimée ayant respecté son obligation de résultat de délivrance du logiciel conforme aux spécifications et son obligation de moyens de correction des bugs et erreurs et dysfonctionnements.



Le jugement sera en conséquence confirmé en ce qu'il a débouté la société Butagaz de l'ensemble de ses demandes.



Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile



La société Butagaz succombant à l'action, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a statué sur les dépens et les frais irrépétibles et statuant de ces chefs en cause d'appel, elle sera aussi condamnée aux dépens, mais il n'est pas inéquitable de laisser à chacune des parties la charge de ses propres frais sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



















PAR CES MOTIFS,



CONFIRME le jugement en toutes ses dispositions et y ajoutant,



CONDAMNE la société Butagaz aux dépens ;



LAISSE à chacune des parties, la charge de ses propres frais engagés sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.







LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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