9 septembre 2022
Cour d'appel de Paris
RG n° 20/00116

Pôle 4 - Chambre 6

Texte de la décision

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 6



ARRET DU 09 SEPTEMBRE 2022



(n° /2022 , 28 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/00116 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBGD6



Décision déférée à la Cour : Jugement du 18 Octobre 2019 -Tribunal de Commerce de PARIS RG n° 2016000718





APPELANTE (RG 20/00116)



SNC INEO PROVENCE ET COTE D'AZUR VENANT AUX DROITS DE INEO RESEAUX COTE D'AZUR prise en la personne de son Gérant en exercice domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 3]

[Localité 1]



Représentée par Me Patricia HARDOUIN de la SELARL 2H Avocats à la cour, avocat au barreau de PARIS, toque : L0056

Assistée de Me Renaud DUBOIS,avocat au barreau de PARIS,toque : J008



APPELANT (RG 20/00531)



SELARL AXYME, représentée par Mr [X] [M] es qualité de liquidateur

judiciaire de la société DUTHEIL

[Adresse 5]

[Localité 7]



Représentée par Me Véronique DE LA TAILLE de la SELARL RECAMIER AVOCATS ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : K0148

Assistée de Eric SPAETH, avocat au barreau de PARIS,toque : E0449





INTIMEES



S.A.R.L. APPLICATION PROVENCALE HYDRAULIQUE

[Adresse 8]

[Localité 9] / France



Représentée par Me Patrick MARÈS de la SELARL BOSCO AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : P0035

Assistée de Me Thomas HEINTZ,avocat au barreau de PARIS,toque : P0035,substituant Me Robin STUCKEY, avocat au barreau de MARSEILLE.



S.A.R.L. SENSATION agissant en la personne de son gérant, domicilié en cette qualité audit siège

[Adresse 2]

[Localité 7]



Représentée par Me Pascale FLAURAUD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0090

Assistée de Me Jacques DESGARDIN, avocat au barreau de PARIS,toque : D1283



SA BANQUE DU BATIMENT ET DES TRAVAUX PUBLICS

[Adresse 4]

[Localité 7]



Représentée et Assistée par Me Bertrand MAHL de l'ASSOCIATION OLTRAMARE GANTELME MAHL, avocat au barreau de PARIS, toque : R032



SA SWISSLIFE ASSURANCE DE BIENS

[Adresse 6]

[Localité 11]



Représentée par Me Bruno REGNIER de la SCP REGNIER - BEQUET - MOISAN, avocat au barreau de PARIS, toque : L0050

Assistée de Stéphane KARAGEORGIOU, avocat au barreau de PARIS, toque C0536, substituant Me Eric LE FEBVRE, avocat au barreau de PARIS, toque : R226





INTERVENANTE



S.C.P. DE SAINT-RAPT BERTHOLET es qualité d'administrateur provisoire de la société APPLICATION PROVENCALE HYDRAULIQUE

[Adresse 12]

[Adresse 12]

[Localité 10]



Non assistée, non représentée





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 14 Avril 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Valérie GUILLAUDIER,Conseillère faisant fonction de Présidente

Mme Valérie GEORGET, Conseillère

Mme Alexandra PELIER-TETREAU, Vice-Présidente placée faisant fonction de Conseillère



qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Alexandra PELIER-TETREAU dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.



Greffière lors des débats : Mme Suzanne HAKOUN





ARRET :



- par défaut



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, délibéré initialement prévu le 24 juin 2022 et prorogé au 01er juillet 2022, au 02 septembre 2022 puis au 09 septembre 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Valérie GUILLAUDIER, Conseillère faisant fonction de Président et par Suzanne HAKOUN, Greffière présente lors de la mise à disposition.








FAITS ET PROCEDURE



La société Sensation, agissant en qualité de maître d'ouvrage, a confié à la société Dutheil la réalisation de travaux, tous corps d'état, d'agrandissement et de rénovation d'un hôtel situé à [Localité 16]. La réception des ouvrages était fixée au 1er juin 2010.



Le maître d'oeuvre-architecte de l'opération était le Cabinet Ory.



Le Bureau Veritas est intervenu comme bureau de contrôle et comme coordonnateur SPS (sécurité protection de la santé).



La société Dutheil a réalisé les travaux du lot gros oeuvre et a sous-traité les autres lots et en particulier ceux qui sont en cause :


le lot électricité à la société Pignatta devenue Ineo Provence et Côte d'Azur,

le lot Voirie et Réseau Divers (VRD) à la société Agri Services Entretien,

le lot traitement piscine à la société Application Provençale Hydraulique,

le lot plomberie climatisation ventilation à la société Atenia.




Le déroulement du chantier a été affecté par certains événements qui ont provoqué un décalage de la date contractuelle de livraison.



Un important sinistre s'est produit dans la nuit du 15 au 16 juin 2010 à l'occasion d'un violent orage. Les locaux techniques et le matériel qui était déjà installé ont été endommagés. Des installations provisoires ont dû être mises en place pour permettre à l'hôtel de fonctionner en juillet 2010.



Le maître d'ouvrage n'a pas honoré les situations de la société Dutheil en raison du retard dans la livraison des travaux et des malfaçons se traduisant par un désaccord sur le décompte général définitif et les entreprises sous-traitantes n'ont pas achevé les travaux considérant qu'elles n'avaient pas été payées par la société Dutheil.



La société Dutheil a saisi le tribunal de grande instance de Paris d'une demande tendant à voir ordonner une mesure d'expertise judiciaire. Par décision rendue le 7 février 2011, le juge des référés a désigné M. [K] en qualité d'expert avec pour mission de donner un avis sur les réserves non levées, sur les comptes entre les parties et sur les responsabilités.



Sur la base d'une note adressée aux parties par l'expert, la société Dutheil a demandé au juge des référés de statuer sur une demande de provision à l'encontre de la société Sensation. Le juge des référés du tribunal de grande instance de Paris a condamné, par ordonnance du 6 juillet 2011, la société Sensation à payer une provision de 1 000 000 euros à la société Dutheil et a condamné celle-ci à payer des provisions aux différents sous-traitants.



La société Dutheil a été placée en redressement judiciaire le 23 juin 2011, puis en liquidation judiciaire le 26 octobre 2011 par jugement du tribunal de commerce de Paris qui a désigné Me [M] en qualité de liquidateur.



La société Sensation a interjeté appel de cette ordonnance du 6 juillet 2011 qui a été confirmée par arrêt de la cour d'appel de Paris le 11 mai 2012. La Cour de cassation - saisie par la société Sensation - a cassé la décision par arrêt du 10 septembre 2013. La société Sensation a alors saisi la cour d'appel de renvoi en sollicitant la réformation de l'ordonnance du 6 juillet 2011.



Dans le cadre de la procédure de vérification des créances, Me [M] de la société Axyme, liquidateur judiciaire de la société Dutheil, a sollicité du juge commissaire qu'il soit sursis à statuer sur la vérification de la créance de la société Sensation en raison du pourvoi et de l'expertise en cours, ce qui lui a été accordé par ordonnance du 3 juin 2013 rendue par le président du tribunal de commerce.



L'expert judiciaire a déposé son rapport le 12 mai 2014.



Par arrêt du 23 octobre 2014, statuant sur renvoi après cassation, la cour d'appel de Paris a infirmé l'ordonnance du 6 juillet 2011 en ce qu'elle avait condamné la société Sensation à verser une provision de 1 000 000 euros à la société Dutheil.



Par conclusions du 8 décembre 2014, la société Sensation a fait rétablir l'instance l'opposant à la société Pignatta objet du sursis à statuer.



Par assignation en date du 16 juillet 2015, Me [M], ès qualités de liquidateur de la société Dutheil, a saisi le tribunal de commerce de Paris, en réouverture de la procédure de fixation des créances.



Deux autres procédures étaient également pendantes devant le tribunal de commerce de Paris : l'une opposant la société Sensation à la Banque du Bâtiment et des Travaux publics et l'autre opposant le liquidateur de la société Dutheil aux assureurs de la société Agri Services Entretien (Sésame Assurances et Swisslife Assurances de Biens).



Par jugement en date du 13 janvier 2017, le tribunal a prononcé la jonction des quatre procédures.



Puis, par jugement du 18 octobre 2019, le tribunal de commerce de Paris a :



- Dit que le Décompte Général Définitif de la société Sensation, maître d'ouvrage, n'a pas été accepté par la société Dutheil, représentée par la SELARL Axyme prise en la personne de Me [X] [M], ès qualités de liquidateur judiciaire,

- Débouté la SELARL Axyme, ès qualités, de sa demande dommages et intérêts formée à l'encontre de la société Sensation concernant l'assurance tous risques chantier (TRC),

- Rejeté la demande la SELARL Axyme prise en la personne de Me [X] [M], liquidateur de la société Dutheil, contre la société Sensation au titre de son mémoire de réclamation ;



Au titre de la compensation des créances entre les sociétés Sensation et Dutheil et entre les sociétés Sensation et Pignatta issues des condamnations du tribunal :

- Fixé la créance de la société Sensation au passif de la liquidation de la société Dutheil à la valeur de 61 690,60 euros comme solde de tout compte,

- Condamné la société Ineo Provence et Côte d'Azur qui vient aux droits de Pignatta à verser à la société Sensation la somme de 339 332,76 euros comme solde de tout compte entre les sociétés Pignatta et Sensation ;



Concernant la société Application Provençale Hydraulique :

- Débouté la SELARL Axyme, ès qualités, de sa demande de paiement de la somme de 164 438,10 euros HT formée à l'encontre de la société Application Provençale Hydraulique,

- Débouté la société Application Provençale Hydraulique de sa demande en paiement à hauteur de 17 653,72 euros formée à l'encontre de la SELARL Axyme, ès qualités ;



Concernant la société Agri Services Entretien :

- Débouté la SELARL Axyme, ès qualités, de sa demande de paiement formée à l'encontre de la société Swisslife Assurances de Biens, au titre du préjudice relatif aux travaux de la société Agri Services Entretien,







Concernant la BTP Banque :

- Dit que l'opposition à libération de la caution de retenue de garantie formée par la société Sensation est dépourvue de support légal,

- Débouté la société Sensation de ses demandes formées contre la BTP Banque,

- Débouté les parties de leur demande respective au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;



En tout état de cause :

- Débouté les parties de leurs demandes plus amples, autres, ou contraires aux présentes dispositions,

- Ordonné l'exécution provisoire sans constitution de garantie ;

- Condamné aux dépens qui comprendront les frais de l'expertise judiciaire, la SELARL Axyme prise en la personne de Me [X] [M] liquidateur de la société Dutheil, la société Sensation, la société Ineo Provence et Côte d'Azur et la société Application Provençale Hydraulique selon la répartition suivante :


Axyme : 40%,

Sensation : 40%,

Ineo Provence et Côte d'Azur : 15%,

Application Provençale Hydraulique : 5%,


- Liquidé les dépens à recouvrer par le greffe à la somme de 200,56 euros dont 32,66 euros de TVA.



Par déclaration du 17 décembre 2019, la société Ineo Provence et Côte d'Azur a interjeté appel du jugement, intimant la société Sensation, Me [X] [M] ès qualités de liquidateur de la société Dutheil, la société Application Provençale Hydraulique, la Banque du Bâtiment et des Travaux Publics, la société Swisslife Assurance et Patrimoine devant la cour d'appel de Paris.



De même, par déclaration du 20 décembre 2019, Me [X] [M], ès qualités de liquidateur de la société Dutheil, a interjeté appel du jugement, intimant les mêmes parties devant la présente cour.



***



Par conclusions du 7 janvier 2021, la société Axyme prise en la personne de Me [X] [M], ès qualités de mandataire judiciaire de la société Dutheil, appelante, demande à la cour, au visa des articles 1134 (ancien), 1147 (ancien), 1137 nouveau et 1792 et suivants et 1799-1 du code civil, de l'article 367 alinéa 1 du code de procédure civile, de :



- la dire et juger recevable et bien fondée en son appel,

- infirmer le jugement entrepris,



Et statuant à nouveau :

Y faisant droit,

- débouter la société Sensation de toutes ses demandes à quelque fin qu'elles tendent ;

- dire et juger que la société Sensation a commis une faute en souscrivant une police d'assurance Tous Risques Chantier comportant une clause de non garantie non révélée à la société Dutheil, que cette faute est constitutive d'un dol par réticence ;

- prononcer en conséquence la nullité du marché, en ses dispositions relatives aux délais, quels qu'en soient l'objet et la portée, ainsi qu'aux pénalités et coûts des travaux de reprise des installations techniques sinistrées ;

- condamner la société Sensation à réparer les préjudices de toute nature subis par la société Dutheil du fait de ce dol, notamment à supporter le coût de réparation du sinistre ayant endommagé les installations du sous-sol technique tel qu'il sera retenu par cour ;

- condamner en outre la société Sensation à l'indemniser par le versement à titre de dommages et intérêts d'une somme de 300 000 euros au titre des conséquences indirectes de l'absence de prise en charge du sinistre par une police TRC (impossibilité de réparer ; conflit avec les sous-traitants ; non-paiement des situations de travaux ; pénalités de retard, etc) et au titre du préjudice subi du fait de l'opposition abusive et nulle effectuée entre les mains de la BTP Banque ;

- constater que les réserves émises au titre des installations électriques étaient visibles à la réception et dénoncées postérieurement à celle-ci qu'il s'agisse de la date du procès-verbal (30 septembre 2010) ou de sa date d'effet (22 juillet 2010) ;

- dire que les réserves afférentes au local technique sont de la responsabilité des sous-traitants concernés, les sociétés Aph et Atenia, sous la garde desquels elles se trouvaient le 15 juin 2010 ;

- constater que les autres réserves de réception ont été levées par la société Dutheil ;

- constater que les réserves alléguées par la société Sensation au titre du parfait achèvement ont été levées par Dutheil ou couvertes par la réception compte tenu de leur caractère apparent ;

- constater que bien que mise en demeure par la société Dutheil par courrier du 2 novembre 2010, la société Sensation n'a pas, dans les 15 jours, fourni la garantie de paiement du prix du marché et de ses avenants ;

- dire que la société Dutheil était fondée à suspendre toute intervention notamment au titre de la levée des réserves de réception et de parfait achèvement faute de paiement de ses situations de travaux et des autres manquements contractuels imputables à la société Sensation ;

- dire la société Aph irrecevable à soulever la nullité du contrat de sous-traitance faute d'avoir formulé la demande dans le délai de cinq années à compter de la signature du marché ;



Subsidiairement, sur la nullité alléguée du contrat de sous-traitance et l'obligation du sous-traitant de livrer un ouvrage exempt de défaut malgré la nullité du sous-traité alléguée,

- condamner la société Aph à supporter le coût de réfection et/ou de mise en conformité des installations litigieuses, soit 188 732 euros HT, ou à lui verser la somme de 222 554 euros HT afin de replacer les parties dans leur situation antérieure ;



Dans tous les cas,

- la condamner à la garantir de toute condamnation à ce titre, en particulier au titre de tout préjudice allégué par le maître d'ouvrage du fait du sinistre ayant détruit ces installations et du chef des pénalités susceptibles d'être appliquées à la société Dutheil par sa faute ;

- condamner en outre la société Aph à lui payer une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts afin de sanctionner son refus abusif et injustifié de reprendre son ouvrage endommagé en dépit de l'indemnisation reçue de la part de son assureur ;

- dire et juger que compte tenu du manquement persistant et grave de la société Sensation à ses obligations contractuelles et légales, la société Dutheil était par hypothèse fondée à se prévaloir de l'exception de non-exécution pour ne pas donner suite à ses demandes de finaliser certaines réserves, à les supposer fondées ;

- dire et juger que la société Dutheil n'était dès lors pas tenue de poursuivre l'exécution des travaux de levée des réserves et notamment des travaux relevant du lots électricité (société Pignatta), du lot de station de relevage et VRD (société Agri Services Entretien), des lots techniques (sociétés Aph et Atenia) et ne saurait dans ces conditions, supporter le coût des travaux correspondants tels que retenus par l'expert ;

- constater que le délai d'exécution des travaux a été prolongé de 75 jours au minimum selon l'expert judiciaire, de sorte que la retenue pour pénalités de retard est sans objet ;



A titre subsidiaire,

- réduire de manière substantielle le montant des pénalités applicables ;

- dire et juger que le décompte définitif de Dutheil présente à l'actif un montant de 8 203 930 euros HT ;



- dire et juger que le décompte définitif de la société Dutheil présente au passif un montant de 6 884 798,60 euros HT ;

- dire et juger que le solde restant dû à la société Dutheil s'élève à la somme de 1 319 131,40 euros HT ;

- condamner la société Sensation à lui verser la somme de 1 319 131,40 euros HT ;

- condamner la société Swisslife Assurances de Biens, assureur de la société Agri Services Enretien, à lui payer la somme de 409 426,60 euros HT ou à la garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre au titre de son lot sur le fondement de la garantie décennale ;

- débouter les sociétés Sensation, Ineo/Pignatta, Aph,Swisslife Assurances de Biens, assureur de la société Agri Services Enretien, de toutes leurs demandes à son encontre ou contraires au présent dispositif ;

- condamner la BTP Banque à lui verser la somme de 455 739,47 euros TTC ;

- débouter la BTP Banque de toutes ses demandes à son encontre ou contraires au présent dispositif ;

- dire que toute somme objet d'une condamnation à l'encontre de la société Sensation, des sociétés APH et Ineo portera intérêts au taux conventionnel capitalisé à compter de sa date d'exigibilité et au plus tard à compter de la date de réception de l'ouvrage, le 22 juillet 2010 ;

- condamner in solidum les sociétés Sensation, Pignatta /Ineo, Aph, Swisslife Assurances de Biens et BTP Banque à lui verser la somme 60 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens qui comprendront les frais d'expertise.



Par conclusions du 10 septembre 2020, la société Ineo Provence et Côte d'Azur (venant aux droits de la société Ineo Réseaux Côte d'Azur, anciennement dénommée Pignatta), intimée, demande à la cour, au visa des articles 1193, 1217 et 1240 du code civil (tels que résultant de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016), et de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975, de :



A titre principal :

- dire et juger que la société Sensation a méconnu ses obligations résultant des dispositions de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance,

- dire et juger qu'elles subit un préjudice du fait de ce manquement qui correspond au solde du prix des travaux qu'elle a réalisés, soit la somme de 418 754,73 euros TTC,



En conséquence :

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Sensation sur le fondement de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Sensation à lui payer la somme de 257 028,58 euros TTC au titre des situations impayées,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de voir condamner la société Sensation au paiement des sommes de 38 907,82 euros TTC au titre des travaux supplémentaires réalisés et de 122 818,33 euros TTC à titre de rémunération complémentaire,

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a fait droit à la demande reconventionnelle de la société Sensation à son encontre et l'a condamnée à lui payer la somme de 339 332,76 euros TTC comme solde de tout compte,



Et statuant à nouveau :

- condamner la société Sensation à lui payer la somme complémentaire de 161 726,15 euros TTC (38 907,82 euros TTC + 122 818,33 euros TTC) augmentée des intérêts au taux légal à compter du 17 novembre 2010, date de la mise en demeure,

- débouter la société Sensation de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions dirigées contre elle,





A titre subsidiaire, s'il n'était pas fait droit à la demande principale, ou que partiellement :

- dire et juger qu'elle n'a pas été réglée du solde du prix des travaux qu'elle a réalisés qui s'élève à la somme de 418 754,73 euros TTC,



En conséquence :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté les parties de leurs demandes plus amples, autres, ou contraires aux dispositions du jugement,

- fixer sa créance au passif de la société Dutheil à hauteur de la somme de 418 754,73 euros TTC augmentée des intérêts au taux légal à compter du 17 novembre 2010, date de la mise en demeure,



En tout état de cause :

- ordonner la capitalisation des intérêts sur sa demande de condamnation, lesdits intérêts étant capitalisés par année entière à la date anniversaire de signification de son assignation délivrée le 21 décembre 2011,

- condamner tous succombants à lui payer la somme de 50 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner tous succombants aux entiers dépens (en ce compris les frais de l'expertise judiciaire), dont distraction opérée conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;



En conséquence :

- réformer le jugement entrepris en ce qu'il l'a condamnée au paiement des dépens - en ce compris les frais de l'expertise judiciaire - à hauteur de 15% ;

- débouter la Selarl Axyme ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Dutheil de toutes ses demandes, fins et conclusions dirigées contre elle,

- débouter toute autre partie de l'ensemble de ses demandes, fins et prétentions.



Par conclusions du 15 juin 2020, la société Sensation, intimée, demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1792 du code civil, et de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance, de :



- juger la société Axyme, prise en la personne de Me [X] [M], ès qualités de mandataire judiciaire de la société Dutheil, recevable mais mal fondée en son appel ;



En conséquence,

- l'en débouter ;

- juger la société Ineo Provence et Cote d'Azur, recevable, mais mal fondée en son appel ;



En conséquence,

- l'en débouter ;



Reconventionnellement, à titre incident,

- réformer la décision entreprise en ce qu'elle a :


'dit que le Décompte Général Définitif de la société Sensation maître d'ouvrage n'a pas été accepté par la société Dutheil, représentée par la société Axyme, prise en la personne de Me [X] [M] ès qualités de liquidateur judiciaire' ;

'jugé que la société SEnsation aurait méconnu ses obligations au titre de la souscription de la police TRC et rejeté les demandes ayant trait à la non comptabilisation des travaux non livrés par la société Dutheil' ;

'fixé la créance de la société Sensation au passif de la liquidation de la société Dutheil à la valeur de 61 690,60 euros comme solde de tout compte entre la société Dutheil et la société Sensation' ;

'condamné la société Ineo Provence et Côte d'Azur qui vient aux droits de la société Pignatta à verser à la société Sensation la somme de 338 332,76 euros comme solde de tout compte entre les sociétés Pignatta et Sensation' ;

'jugé que la société Sensation aurait méconnu ses obligations résultant des dispositions de l'article14-l de la loi du 31décembre1975 relative à la sous-traitance' ;

'retenu la responsabilité de Sensation sur le fondement de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance' ;




Concernant la BTP Banque,


'dit que l'opposition à libération de la caution de retenue de garantie formée par Sensation est dépouvue de support légal' ;

'débouté la société Sensation de ses demandes formées contre la BTP Banque' ;

'débouté la société Sensation de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et mis à sa charge une fraction du coût de l'expertise de M. [K]' ;




Statuant à nouveau,

- juger la société Dutheil, représentée par la société Axyme prise en la personne de Me [X] [M] ès qualités de liquidateur judiciaire mal fondée en ses demandes ;



En conséquence,

- l'en débouter ;

- fixer la créance de la société Sensation à la liquidation de la société Dutheil à la somme de 740 391,95 euros, augmentée des sommes, qui seraient mises à la charge de la société Sensation au profit de la société Ineo ou de tout autre sous-traitant de la société Dutheil ;

- débouter la société Ineo de sa demande de condamnation formée à l'encontre de la société Sensation ;

- condamner la société Ineo à verser à la société Sensation la somme de 712 428,17 euros HT en valeur mars 2013, actualisée entre la date du devis et la date de la décision à intervenir par application de l'indice BT01 et intérêts légaux pour le surplus ;

- condamner la BTP Banque à verser a la société Sensation la somme de 462 367,85 euros en exécution de son obligation de caution des engagements de la société Dutheil ;

- condamner tout succombant aux dépens de la procédure, qui comprendront les frais de l'expertise [K], dont distraction opérée conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;

- condamner la société Pignatta à verser à la société Sensation une indemnité pour frais de procédure de 8 000 euros ;

- condamner la SARL Emj, ès qualités, à verser à la société Sensation une indemnité pour frais de procédure de 30 000 euros.



Par conclusions du 12 juin 2020, la société Application Provençale Hydraulique, intimée, demande à la cour, au visa des dispositions de la loi du 31 décembre 1975 et notamment ses articles 1, 14 et 15, de l'article 1101 et suivants du code civil, et de l'article 1382 du code civil, de :



- constater la violation des dispositions impératives de la loi du 31 décembre 1975 par la société Dutheil ;

- ordonner la nullité du contrat de sous-traitance conclu entre la société Dutheil et la société APH ainsi que ses avenants ;



Par conséquent,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de sous-traitance conclu entre la société Dutheil et la société Aph ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a débouté la société Aph de sa demande de paiement de la somme de 17 653,72 euros adressée à la société Axyme ès qualités de liquidateur de la société Dutheil ;

Et statuant à nouveau,

- fixer au passif de la société Dutheil la somme de 17 653,72 euros au titre des sommes dues par la société Dutheil à la société Aph selon le rapport d'expertise ;



En tout état de cause,

- débouter la société Axyme ès qualités de liquidateur de la société Dutheil, de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société Aph ;

- débouter toute autre partie de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions à l'encontre de la société Aph ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société Aph au paiement des dépens, en ce compris les frais de l'expertise judiciaire, à hauteur de 5% ;



Par conséquent,

- ordonner la capitalisation des intérêts sur la demande de condamnation formulée par la société APH à compter de sa date d'exigibilité ;

- condamner tous succombants à payer à la société Aph la somme de 50 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ou fixer au passif de la société Dutheil en cas de condamnation de la société Axyme ès qualités de liquidateur de la société Dutheil ;

- condamner tous succombants aux entiers dépens comprenant les frais d'expertise ou fixer au passif de la société Dutheil en cas de condamnation de la société Axyme, ès qualités de liquidateur de la société Dutheil.



Par conclusions du 27 juillet 2020, la société Swisslife Assurances de Biens, intimée, demande à la cour, au visa des articles 328 à 330 du code de procédure civile et des articles 1147 et 1792 du code civil, de :



- confirmer le jugement rendu le 18 octobre 2019 par le tribunal de commerce de Paris en toutes ses dispositions ;

- dire et juger que le rapport d'expertise de M. [K] lui est inopposable ;

- dire et juger que Me [M] n'établit pas la responsabilité de la société Agri Services Entretien sur le fondement de la garantie décennale au sens de l'article 1792 et suivants du code civil ;



En conséquence,

- dire et juger sans fondement toute demande ou appel en garantie formés à son encontre ;



Subsidiairement,

- dire et juger qu'elle ne saurait être tenue que dans les limites des garanties de la police stipulant notamment une franchise opposable aux tiers (cf. article 3 des dispositions personnelles du contrat Responsabilité Civile Décennale) ;

- dire et juger qu'en tout état de cause, le liquidateur ne saurait prétendre qu'au seul montant de 148 922 euros HT imputé par l'expert à l'entreprise Agri Services Entretien ;

- condamner Me [M], ès qualités de mandataire liquidateur de la société Dutheil, à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens dont distraction conforme à l'article 699 du même code.



Par conclusions du 4 mai 2020, la BTP Banque, intimée, demande à la cour, au visa des dispositions des articles 1134, 1315, 1792-6 et 2308 et suivants du code civil en leurs dispositions applicables à la cause, des dispositions de la loi du 16 juillet 1971, des dispositions des articles L. 313-23 et suivants du code monétaire et financier, de :



Statuant à nouveau, confirmant partiellement la décision entreprise, y ajoutant et rejetant toutes prétentions contraires,



- juger que les encaissements issus de créances cédées, venant en couverture des engagements et risques noués d'ordre de la société Dutheil ne pourraient redevenir des avoirs juridiquement disponibles au profit de la procédure collective, que sous la double réserve, d'une part, que par une décision judiciaire définitive, la société Sensation soit irrévocablement déboutée de ses prétentions formées à son encontre sur le fondement de l'acte de caution de retenue de garantie en cause, puisqu'à défaut, elle resterait exposée à son risque et, d'autre part, que la caution de retenue de garantie n° 21054650 souscrite dans le plafond de 462 367,85 euros TTC constitue l'unique engagement rentrant dans le champ de la garantie affectée aux cessions, ce qui n'est pas le cas, d'autres engagements demeurant en risque ;



Dès lors et en l'état,

- juger que les demandes de la société Axyme, en la personne de Me [M], ès qualités, quant à sa condamnation sont prématurées et par voie de conséquence irrecevables et par ailleurs injustifiées et par voie de conséquence mal fondées ;



- juger que la caution de retenue de garantie souscrite dans le cadre de la loi du 16 juillet 1971 n'a pas pour objet, dans le plafond de 5% du montant du marché, de garantir à la bonne fin de son exécution, mais seulement pour objet légal, conformément aux dispositions de l'article premier de cette loi du 16 juillet 1971, dans le plafond maximum de 5% du montant du marché, de garantir la représentation de la retenue en nature non pratiquée, et ce, à seule fin de satisfaire à son affectation légale spéciale et au titre du seul marché initial ;



- juger que la caution de retenue de garantie a la même affectation légale spécifique que la retenue en nature elle-même soit, et à l'exclusion de toute autre, dans le plafond de 5% du marché ou dans le plafond de la caution elle-même, la couverture des seules sommes nécessaires à l'exécution des travaux s'imposant pour assurer la levée des seules réserves régulièrement faites lors de la réception des travaux ;



- juger que, pour les motifs évoqués, il ne résulte d'aucune des pièces que la société Sensation ait rapporté la preuve d'une créance exigible, éligible à sa garantie, dans son principe comme dans son quantum, eu égard notamment à la retenue en nature pratiquée et en conséquence, la déclarant irrecevable et de surcroît mal fondée en ses prétentions dirigées à son encontre, l'en débouter ;



- condamner chacune pour leur part et in solidum entre elles, la société Axyme, représentée par Me [M] ès qualités, et la société Sensation, ainsi que tout succombant à son égard, à lui payer 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel et juger qu'à l'égard de la société Axyme, représentée par Me [M] ès qualités, ces condamnations devront être employées en frais privilégiés de procédure collective.



***



L'ordonnance de clôture a été prononcée le 17 mars 2022.






MOTIFS



Sur la demande de la société Dutheil, prise en son liquidateur, formée à l'encontre de la société Sensation



Exposé des moyens des parties :



Me [M], ès qualités de liquidateur de la société Dutheil, soutient que le délai de 30 jours, imparti par le CCAP (cahier des clauses administratives particulières) pour contester le décompte général définitif (le DGD), a été interrompu par la délivrance de l'assignation en référé tendant à la désignation d'un expert en ce qu'elle exposait les motifs de contestations qu'elle opposait sur les retenues appliquées par la société Sensation aux termes de son décompte. Il précise que la société Dutheil dispose d'une créance vérifiée et validée par le maître d'oeuvre, qu'elle a vu sa demande de travaux supplémentaires validée en cours d'expertise judiciaire à hauteur de 692 976 euros HT, que les retenues opérées par la société Sensation sont infondées, qu'aucun retard ne peut être comptabilisé à son encontre et faisant obstacle, par conséquent, à l'application de pénalités en raison de la prolongation contractuelle du délai d'exécution. Enfin, il ajoute que l'ouvrage aurait dû bénéficier de la garantie TRC qui couvre tous risques survenant durant le chantier, y compris avant la réception, que le maître d'ouvrage s'était contractuellement engagé à souscrire, de sorte que le défaut d'une telle garantie est constitutif d'une faute dolosive de la société Sensation.



La société Sensation fait valoir que les demandes de la société Dutheil sont irrecevables faute pour elle d'avoir contesté le DGD dans le délai de 30 jours suivant sa notification par le maître de l'ouvrage, de sorte qu'elle est réputée avoir acquiescé au décompte faisant ressortir une dette à l'égard du maître d'ouvrage. Elle ajoute que la cour d'appel, statuant sur renvoi après cassation, a constaté que la créance alléguée par la société Dutheil n'était ni certaine, ni liquide, ni exigible, notamment en ce que celle-ci n'a jamais répondu à la notification de son mémoire définitif, ni dans les délais, ni dans les formes. Elle oppose que le maître d'oeuvre n'a ni vérifié ni approuvé le décompte, de sorte que la société Dutheil est réputée avoir définitivement acquiescé au décompte entre elle et le maître d'ouvrage consacrant l'existence d'un trop versé. Elle indique que l'expert n'a pris en compte ni le coût du sinistre ayant affecté le sous-sol, ni les pénalités de retard. Elle soutient ainsi qu'elle a trop versé la somme de 681 496,19 euros alors que la société Dutheil est infondée à lui réclamer le moindre paiement. S'agissant de la garantie tout risque chantier, elle expose qu'en sa qualité de gardienne du chantier avant la réception des travaux, la réfection du local technique en suite des inondations doit demeurer à la charge de la société Dutheil et qu'une garantie TRC a bien été souscrite.



Réponse de la cour :



Sur le décompte général définitif entre les parties



L'article 13 du CCAP stipule que l'entrepreneur dispose d'un délai de 30 jours pour présenter un mémoire de réclamation par lettre recommandée avec avis de réception.



En l'espèce, le délai de contestation du décompte notifié par la société Sensation n'a pas commencé à courir, faute pour cette dernière de produire la justification de l'avis de réception du courrier de notification du décompte qu'elle prétend avoir adressé le 8 décembre 2010.



Aussi, convient-il de confirmer le jugement en ce qu'il a considéré que, dès lors que le décompte général définitif de la société Sensation intitulé 'réponse au décompte général définitif et au mémoire SIGMA' était produit sans courrier d'accompagnement et sans date certaine, le délai de contestation de ce décompte n'avait pu commencer à courir.



Par conséquent, la cour suivra le tribunal en ce qu'il a dit que le décompte général définitif du maître d'ouvrage ne pouvait être considéré comme accepté.



Sur l'assurance 'tous risques chantier'



- Sur la garde du chantier et ses conséquences :



L'entrepreneur, gardien de l'ouvrage avant la réception, doit supporter la perte de l'ouvrage et tout risque de destruction avant la réception par le maître d'ouvrage, conformément à l'article 1788 du code civil qui dispose que si la chose vient à périr de quelque manière que ce soit avant qu'elle soit livrée, la perte en est pour l'ouvrier.



En l'espèce, les articles 34 et 35 du CCAP reprennent ce principe.



Dès lors que l'ouvrage n'avait pas été réceptionné, il y a lieu de considérer que la société Dutheil, entrepreneur principal, avait la responsabilité de sa destruction et la charge de la perte subie par suite du sinistre (inondation des sous-sols) .



Il s'ensuit que la société Sensation, maître d'ouvrage, est bien fondée à imposer la somme de 164 438,10 euros HT en moins-value, ainsi que l'a proposé l'expert. Le jugement sera confirmé de ce chef.



- Sur la réticence dolosive soulevée au titre de l'exclusion de garantie :



Il résulte de l'article 1116 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 applicable aux faits que le dol est une cause de nullité de la convention lorsque les manoeuvres pratiquées par l'une des parties sont telles qu'il est évident que, sans ces manoeuvres, l'autre parie n'aurait pas contracté. Constitue en outre un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.



En vertu de l'article 19-4 du CCAP, la société Sensation s'était engagée à contracter une police TRC (tous risques chantier) concernant l'ouvrage.



L'assurance TRC est une assurance destinée à couvrir les ouvrages en cours de construction, ses principales caractéristiques étant d'être une garantie temporaire (du début du chantier jusqu'à la réception de l'ouvrage), d'être une assurance de "dommages" de type "tous risques" et d'assurer les intervenants au chantier, et ce, sans recherche de responsabilité.



Or, les dispositions particulières de la police d'assurance TRC souscrite stipulent qu'elle ne couvrait pas les risques d'inondation des locaux techniques en sous-sol, ce que la société Sensation ne pouvait ignorer et ce qu'elle n'a pas indiqué à l'entrepreneur principal qui oppose à ce titre au maître d'ouvrage sa réticence dolosive.



Il est effectivement constant que la société Sensation a refusé de transmettre les conditions de la police d'assurance lors de la conclusion du marché et durant toute la procédure subséquente (tribunal de grande instance, cour d'appel, Cour de cassation, cour d'appel de renvoi, tribunal de commerce) y compris pendant les opérations d'expertise, jusqu'à ce que le juge de la mise en état du tribunal de commerce lui délivre une injonction de communiquer ladite pièce.



Toutefois, cette révélation tardive (plus de dix ans après la conclusion du marché) de la part de la société Sensation ne saurait caractériser une réticence dolosive de celle-ci, dès lors que Me [M], ès qualités, n'établit pas que l'omission de révéler la condition particulière contenant une exclusion de garantie, nonobstant le fait qu'elle était expressément connue du maître d'ouvrage pour apparaître en caractère gras et non ambigus, aurait conduit la société Dutheil à s'engager au titre de ce projet avec la croyance que tous les risques du chantier étaient couverts par une assurance adaptée et que si elle avait eu connaissance de cette non-garantie, elle n'aurait pas contracté aux mêmes conditions.



Il n'est pas démontré que la condition de cette garantie ait été déterminante et essentielle pour l'entrepreneur principal s'agissant d'une opération d'une telle ampleur. De même, qu'il n'est pas établi que celui-ci ait été délibérément trompé par la dissimulation de cette exclusion qui ne remettait pas en cause l'existence de la garantie tous risques de chantier mais se bornait à en limiter le champ de couverture.



La cour en déduit qu'à défaut de preuve d'une intention dolosive du maître d'ouvrage, la réticence ne peut être retenue à titre de manoeuvre.



Aussi, convient-il de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté la SELARL Axyme, ès qualités, de sa demande dommages et intérêts formée à l'encontre de la société Sensation concernant l'assurance tous risques chantier (TRC).



Sur le décompte définitif entre les sociétés Dutheil et Sensation



Exposé des moyens des parties :



La société Dutheil poursuit la condamnation de la société Sensation au paiement de la somme de 1 169 328,23 euros TTC, se fondant sur un prix de marché initial (comprenant les avenants) de 7 596 025,75 euros, auquel elle ajoute des travaux supplémentaires à hauteur de 38 503,13 euros et de 196 425,75 euros, ainsi qu'une réclamation de 672 976 euros intégrant des devis dûment validés traduisant une renonciation du maître d'ouvrage à la règle du forfait, soit une somme totale de 8 503 930,63 euros HT.



En réplique, la société Sensation revendique des travaux non réalisés par l'entreprise générale à hauteur de 418 480,81 euros HT, réclame la somme de 640 324,90 euros HT au titre du sinistre du sous-sol et évalue les pénalités de retard qui lui sont dues à la somme de 327 464,80 euros HT. Considérant que la base du marché était de 7 634 528,88 euros HT (incluant le montant du marché initial de 7 400 000 euros, ainsi que les travaux supplémentaires de 196 025,75 euros et de 38 503,13 euros), qu'elle a payé la somme de 6 929 754,76 euros HT, alors qu'elle ne devait que 6 248 258,37euros HT, elle conclut qu'elle a trop versé la somme de 681 496,19 euros et que la société Dutheil n'est pas fondée à solliciter la moindre condamnation de paiement à son encontre compte tenu de la règle du forfait et de l'absence de bouleversement économique démontré du marché.



Réponse de la cour :



En application de l'article 1793 du code civil, lorsqu'un architecte ou un entrepreneur s'est chargé de la construction à forfait d'un bâtiment, d'après un plan arrêté et convenu avec le propriétaire du sol, il ne peut demander aucune augmentation de prix, ni sous le prétexte de l'augmentation de la main-d'oeuvre ou des matériaux, ni sous celui de changements ou d'augmentations faits sur ce plan, si ces changements ou augmentations n'ont pas été autorisés par écrit, et le prix convenu avec le propriétaire.



En l'espèce, il est constant que le montant initial du marché était de 7 400 000 euros HT et que le montant des paiements de la société Sensation à la société Dutheil s'est élevé à la somme de 8 261 535,41 euros TTC.



L'expert considère que la société Sensation doit verser à la société Dutheil la somme de 450 921,13 euros TTC et évalue, à ce titre, les travaux non réalisés à la somme de 185 828,12 euros, les travaux supplémentaires avec ordre de service à la somme de 196 425,75 euros, les travaux supplémentaires sans ordre de service mais validés par le maître d'oeuvre à la somme de 38 503,13 euros, outre les travaux à achever à la charge de la société Dutheil en suite du sinistre à la somme de 164 438,10 euros.



La cour retiendra les plus-values et moins-values suivantes :



- travaux non réalisés, tels que retenus par l'expert, à hauteur de 185 828,12 euros HT en moins-value,

- travaux à la charge de la société Dutheil par suite du sinistre, comme il a été vu supra, à hauteur de 164 438,10 euros HT en moins-value,

- travaux supplémentaires commandés par le maître d'ouvrage (p. 18 des conclusions de la société Sensation), tels que retenus par l'expert, à hauteur de 38 503,13 euros HT en plus-value,

- travaux supplémentaires avec ordre de service, tels que retenus par l'expert, à hauteur de 196 425,75 euros HT en plus-value.



Par conséquent, la cour, sur la base d'un marché initial de 7 400 000 euros HT, ramené pour tenir compte des éléments en plus et moins-values ci-dessus exposés, à la somme de 7'284'662,66 euros HT, soit 8'712'456,54 euros TTC, et d'un paiement non contesté de 8 261 535,41 euros TTC, retiendra une créance de la société Dutheil envers la société Sensation de 450'921,13 euros TTC et confirmera le jugement de ce chef.



En outre, s'agissant de la réclamation formée par la société Dutheil au titre des devis qu'elle prétend avoir été validés soit par le maître d'ouvrage, soit par le maître d'oeuvre ou leurs représentants sur le chantier, la cour confirmera le jugement en ce que ces montants ont été rejetés du décompte en l'absence de toute justification quant à leur quantum et quant à leur validation, conformément, d'une part, aux dispositions de l'article 1793 précité et conformément, d'autre part, à l'article 8-2 du CCAP qui conditionne également le paiement des travaux supplémentaires à un ordre de service daté, contresigné par le maître d'ouvrage et précisant la nature des travaux à exécuter, non respecté en l'espèce.



A cet égard, il est noté que l'expert, dans le corps de son rapport, a considéré que cette demande n'était pas justifiée, mais il a néanmoins, dans ses conclusions, accueilli cette demande à hauteur de 672 976 euros HT ce qui, selon lui, représenterait '10% du montant réglé eu égard à l'augmentation de la masse initiale des travaux commandés par le maître de l'ouvrage et de l'allongement des délais dû par certains événements [...].'. La cour considère qu'une telle estimation forfaitaire, globale et non justifiée poste par poste ne peut valablement prospérer, d'autant qu'aucun bouleversement dans l'économie du contrat du fait d'un tiers n'est établi.



Enfin, s'agissant des pénalités de retard réclamées par la société Sensation, l'article 8-4 du CCAP stipule qu' 'au cas où les travaux risqueraient d'apporter un retard dans les délais contractuels prévus au marché, l'entrepreneur devra le signaler de manière motivée et justifiée par lettre recommandée avec demande d'avis de réception au maître d'oeuvre et au maître d'ouvrage, afin qu'il en soit tenu compte dans le délai contractuel'.



Tout d'abord, la société Dutheil n'a jamais adressé de lettre recommandée dans les formes prescrites ci-dessus et, par conséquent, la prolongation de la date contractuelle de livraison du chantier n'a pas été acceptée par le maître d'ouvrage, de sorte que l'entrepreneur ne peut se prévaloir d'aucun ordre de service intégrant une prolongation du délai d'exécution du chantier.



La cour relève par ailleurs que la société Sensation n'apporte aucun élément justifiant le calcul des pénalités de retard qu'elle sollicite.



Enfin, l'article 1152 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, prévoit la possibilité pour le juge de modérer le montant de l'indemnité contractuelle lorsque son montant apparaît manifestement excessif.



En l'espèce, la pénalité pour 37 jours de retard - représentant la somme de 327 460,80 euros selon le maître d'ouvrage - sera écartée, ainsi qu'il a été statué par les premiers juges, en ce qu'elle présente un caractère excessif eu égard au délai décompté et au regard des circonstances de ce retard, dû au sinistre accidentel intervenu dans la nuit du 15 eu 16 juin 2010 ayant endommagé l'ouvrage.



Sur l'action de la société Ineo Provence et Côte d'Azur à l'encontre de la société Sensation



Exposé des moyens des parties :



La société Ineo sollicite, à titre principal, la réformation du jugement en ce qu'il l'a déboutée d'une partie de ses demandes à l'encontre de la société Sensation et, après compensation, l'a condamnée à lui payer la somme de 339 332,76 euros TTC comme solde de tout compte. Elle soutient que la société Sensation a contrevenu à la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, pour n'avoir pas vérifié si l'entrepreneur principal s'était conformé à ses obligations, notamment, s'il lui avait remis la caution ou la délégation prévues à l'article 14 de ladite loi. Considérant que sa demande n'est pas prescrite, que le manquement invoqué est directement causal du préjudice qu'elle a subi et qu'elle ne pourra être payée des travaux réalisés, en raison de la liquidation de la société Dutheil, elle réclame réparation à hauteur du montant de sa créance de travaux impayés, soit la somme de 418 754,73 euros TTC (correspondant à des situations contestées par la société Dutheil en raison de l'inexécution ou de la défectuosité des prestations réalisées, à des travaux complémentaires et à une rémunération complémentaire). A titre infiniment subsidiaire, la société Ineo demande à voir fixer sa créance au passif de la société Dutheil pour un montant de 418 754,73 euros TTC au titre des sommes qui lui restent dues en vertu de son contrat de sous-traitance.



La société Sensation allègue que la conséquence du défaut de cautionnement du marché est la nullité du sous-traité de sorte que si le contrat est nul, le sous-traitant ne peut revendiquer l'application du sous-traité et l'indemnisation du sous-traitant au titre des travaux réalisés et non réglés par l'entreprise. Elle énonce qu'elle a, à plusieurs reprises, demandé à l'entrepreneur principal de se mettre en conformité avec ses obligations à l'égard de ses sous-traitants. Elle soutient que si sa faute - pour n'avoir pas vérifié si l'entrepreneur principal s'était conformé à ses obligations - était toutefois retenue, la société Ineo ne pourrait solliciter que l'indemnisation des prestations exemptes de vices, ce qui n'est pas le cas en l'espèce, qu'elle a effectivement réalisées et dans la limite du montant de la situation du mois de juin 2010 (soit une créance échue de 195 997,19 euros TTC) dont le non-paiement aurait dû l'amener à prévenir le maître d'ouvrage des manquements de la société Dutheil. Elle fait enfin état d'une sous-traitance occulte, en ce que la société Ineo aurait elle-même sous-traité les travaux qui lui étaient confiés à un tiers en la personne de l'entreprise VR Elec, travaux pour lesquels aucun paiement n'est démontré.



Réponse de la cour :



Il résulte de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 telle que modifiée que, pour les contrats de travaux de bâtiment, le maître de l'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant pas fait l'objet des obligations définies à l'article 3, 5 et 6 (agrément du sous-traitant et des travaux sous-traités, et paiement direct par le maître d'ouvrage), mettre l'entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s'acquitter de ces obligations, et que si le sous-traitant accepté, et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, ne bénéficie pas de la délégation de paiement, le maître de l'ouvrage doit exiger de l'entrepreneur principal qu'il justifie avoir fourni la caution.



En l'espèce, il ressort du compte-rendu de chantier de la réunion tenue le 16 octobre 2009 que la société Dutheil a présenté la société Pignatta (devenue Ineo) à la société Sensation le 21 septembre 2009 et qu'il l'a agréée le 28 septembre 2009.



Il est par conséquent constant que la société Sensation était informée de la présence de ce sous-traitant sur le chantier. Cependant, la société Dutheil n'a jamais remis le cautionnement ou mis en place la délégation de paiement prévues à l'article 14-1 de la loi de 1975 précitée. En outre, la société Sensation, qui n'établit pas, contrairement à ce qu'elle prétend, avoir exigé de la société Dutheil qu'elle justifie la fourniture d'une telle sûreté à la société Pignatta, a commis une faute délictuelle vis-à-vis du sous-traitant qui ne dispose désormais d'aucune garantie de paiement de ses travaux, la procédure de liquidation judiciaire de la société Dutheil réduisant substantiellement ses chances d'obtenir le recouvrement de sa créance.



Par ailleurs, si la fourniture de la caution est prescrite 'à peine de nullité du sous-traité', seule la société Ineo peut s'en prévaloir s'agissant d'une nullité d'ordre public protectrice du sous-traitant. Or, il est observé que celle-ci ne sollicite pas la nullité du contrat de sous-traitance. Les moyens fondés sur l'anéantissement rétroactif de la relation contractuelle sont par conséquent déclarés inopérants.



Il s'ensuit que la société Ineo (anciennement Pignatta) est fondée à obtenir la réparation du préjudice qu'elle a subi du fait de la faute de la société Sensation, son préjudice correspondant au montant de sa créance de travaux impayés, les fautes commises par la société Ineo dans l'exécution de ses prestations étant prises en compte ci-après dans le cadre de la demande reconventionnelle de la société Sensation.



Enfin, la cour observe que la sous-traitance occulte de second rang dont il est fait état n'est pas établie par les pièces versées aux débats.



Il ressort dès lors des conclusions expertales que la société Dutheil n'a pas réglé à la société Pignatta des situations à hauteur de 214 906,67 euros HT, soit 257 028,38 euros TTC, la cour ne relevant aucune erreur matérielle quant aux montants ainsi relevés.



C'est donc à bon droit que les premiers juges ont retenu cette somme, nonobstant la contestation inopérante du liquidateur de la société Dutheil, et ont rejeté les travaux supplémentaires à hauteur de 32 531,62 euros HT, les devis produits à l'instance n'étant pas validés par la maîtrise d'ouvrage, ainsi que la rémunération complémentaire demandée par la société Pignatta au titre de laquelle il n'est pas établi qu'un bouleversement de l'économie du contrat du fait d'un tiers serait survenu et qui, au demeurant, n'a pas été validée par la maîtrise d'ouvrage.



Aussi, convient-il de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la société Sensation à payer la somme de 257 028,38 euros TTC à la société Ineo Provence et Côte d'Azur qui vient aux droits de la société Pignatta.



En outre, le tribunal a dit que la société Dutheil devait supporter les conséquences de l'action directe de la société Ineo envers la société Sensation et verser cette somme au maître d'ouvrage.



La société Sensation, dans le dispositif de ses conclusions, demande à la cour de 'fixer sa créance à la liquidation de la société Dutheil à la somme de 740 391,95 euros, augmentée des sommes qui seraient mises à la charge de la société Sensation au profit de la société Ineo', cette prétention devant s'analyser comme un recours en garantie de la société Sensation à l'encontre de Me [M], ès qualités.



Il conviendra par conséquent d'infirmer le jugement en ce qu'il a, après compensation, fixé la créance de la société Sensation au passif de la liquidation de la société Dutheil à la somme de 61 690,60 euros comme solde de tout compte. Statuant à nouveau, la cour fixera la créance de la société Sensation envers la société Dutheil à la somme de 257 028,38 euros TTC.



Sur la demande reconventionnelle de la société Sensation à l'encontre de la société Ineo Provence et Côte d'Azur



Exposé des moyens des parties :



La société Sensation soutient qu'elle dispose d'une action en responsabilité quasi-délictuelle à l'encontre de la société Ineo dès lors qu'il est démontré que celle-ci a commis des fautes dans la réalisation des prestations de construction qu'elle a exécutées sur le chantier. Elle sollicite la réparation de son préjudice à concurrence de 676 530,67 euros HT au titre des prestations à réaliser et de 35 797,50 euros HT au titre de la maîtrise d'oeuvre de direction de ces travaux, conformément aux conclusions du sapiteur. Elle demande que soit écartée la réduction opérée par l'expert dès lors que l'électricité n'est pas sa spécialité.



La société Ineo Provence et Côte d'Azur soutient que la société Sensation ne démontre pas qu'elle aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité délictuelle. Elle ajoute que la plupart des désordres / non-conformités allégués (200 sur les 330 postes chiffrés) étaient apparents lors de la réception, qu'ils n'ont pas fait l'objet de réserves et qu'ils représentent un montant de 48 153 euros HT. Elle conclut que compte tenu de l'effet exonératoire de responsabilité attaché à la réception sans réserve, la société Sensation n'est pas fondée à rechercher sa responsabilité.



Bien que la société Ineo ne forme aucun appel en garantie à l'encontre de la société Dutheil, Me [M], ès qualités, oppose également le caractère apparent des désordres, ajoutant qu'ils relèvent de la responsabilité exclusive de la société Ineo, tenue d'une obligation de résultat de livrer un ouvrage exempt de vice et d'une obligation de conseil à l'égard de l'entreprise principale.



Réponse de la cour :



En application de l'article 1382 du code civil, dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé, à le réparer.



Il est par ailleurs de principe que la réception sans réserve exonère l'entreprise de toute responsabilité sur les vices de construction et défauts de conformité apparents n'ayant fait l'objet d'aucune réserve, en ce que le maître d'ouvrage est réputé avoir accepté les travaux en l'état.



Le désordre ne présente pas le caractère d'apparence s'il n'a pu être constaté que postérieurement à la réception. Le caractère apparent d'un désordre relève d'une approche casuistique en prenant en compte la qualité du maître d'ouvrage. La qualité de profane est appréciée au regard des compétences propres, quelle que soit l'assistance qui a pu être apportée par un quelconque technicien ou maître d''uvre.



En l'espèce, l'expert M. [K] a missionné le sapiteur M. [I] pour qu'il donne son avis sur les installations électriques sous-traitées par la société Dutheil à la société Pignatta, lequel sapiteur, en conclusion de son rapport, retient que la société Pignatta devait respecter les conditions techniques décrites dans le CCTP Marché Électricité N°16 (Courants Forts et Courants Faibles), que la liste des malfaçons et non-façons montre qu'elle n'a pas rempli ses obligations et que les reprises sont nombreuses. Il impute les désordres principalement à la société Pignatta, devenue Ineo. Il ajoute que la société Dutheil devait contrôler et vérifier les travaux réalisés par son sous-traitant et assurer à son donneur d'ordre que ces travaux correspondaient au respect des pièces du dossier. Il constate que ces contrôles et surveillances n'ont pas été convenablement effectués.



En outre, ni l'expert, ni le sapiteur ne se sont prononcés sur le caractère apparent des désordres.



Enfin, il est constant que la société Sensation, professionnel de l'hôtellerie, ne dispose pas de compétence en matière d'électricité, laquelle implique une nécessaire technicité.



Pour sa part, la société Ineo ne rapporte pas la preuve du caractère visible pour un profane des vices constatés au terme de l'expertise, de sorte que le moyen fondé sur l'effet de purge de la réception sans réserve sera écarté.



Il y a par conséquent lieu de considérer que les désordres relevés par le sapiteur n'étaient pas apparents, nonobstant la présence du maître d'oeuvre Ory.



Le sapiteur a chiffré le coût des travaux nécessaires pour une terminaison complète du chantier à la somme de 676 530,67 euros HT et le coût du bureau d'études pour ces travaux réparatoires à la somme de 35 797,50 euros HT.



La cour suivra les premiers juges en ce qu'ils ont retenu un coût total des travaux de remise en état de l'installation électrique réalisée par la société Pignatta de 712 328,17 euros HT, soit 851 944,49 euros TTC.



Toutefois, la cour infirmera le jugement en ce qu'il a condamné la société Ineo à verser à la société Sensation la somme de 339 332,76 euros comme solde de tout compte, le tribunal ayant prononcé des condamnations après répartition des responsabilités alors que la société Ineo ne forme aucun appel en garantie à l'encontre de la société Dutheil.



Statuant à nouveau, la cour condamnera la société Ineo Provence et Côte d'Azur, pour avoir exécuté les installations électriques source de désordres engageant sa responsabilité, à payer à la société Sensation la somme de 712 328,17 euros HT, soit 851 944,49 euros TTC. Cette somme sera indexée sur l'évolution de l'indice BT 01 entre le dépôt du rapport d'expertise et la présente décision et portera intérêts au taux légal à compter de l'arrêt.



Sur les compensations entre les créances



Il résulte de ce qui précède les créances suivantes :


Au titre du DGD, la société Sensation doit à la société Dutheil la somme de 450 921,13 euros TTC ;

Au titre de l'action directe de la société Ineo envers la société Sensation, la société Sensation doit à la société Ineo la somme de 257 028,38 euros TTC à titre d'impayé de la part de la société Dutheil à son sous-traitant ;

Au titre de son recours en garantie dans le cadre de cet impayé, la créance de la société Sensation doit être fixée envers la société Dutheil à la somme de 257 028,38 euros TTC ;

Au titre des malfaçons affectant les installations électriques, la société Ineo doit à la société Sensation la somme de 851 944,49 euros TTC ;




En conséquence, la cour, infirmant le jugement et statuant à nouveau :



- condamne la société Sensation à payer à la société Dutheil, prise en la personne de son liquidateur, la somme de 450 921,13 euros TTC au titre de décompte général définitif,

- condamne la société Ineo à payer à la société Sensation la somme de 851 944,49 euros TTC au titre des malfaçons affectant les installations électriques,

- condamne la société Sensation à payer à la société Ineo la somme de 257 028,38 euros TTC au titre d'impayés de la part de la société Dutheil à son sous-traitant, les intérêts dus sur cette somme étant capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil dans sa version applicable à la date des faits,

- fixe la créance de la société Sensation envers la société Dutheil à la somme de 257 028,38 euros TTC dans le cadre de son recours en garantie.



Sur les demandes des sociétés Dutheil et Application Provençale Hydraulique l'une envers l'autre



Exposé des moyens des parties :



La société Dutheil, prise en son liquidateur, reconnaît n'avoir pas fourni la caution prescrite à l'article 14-1 de la loi de 1975 sur la sous-traitance emportant nullité du contrat de sous-traitance, mais soulève la forclusion de cette demande au motif que, s'agissant d'un moyen de nullité relative, le délai de mise en 'uvre de cette action est de cinq ans à compter de la conclusion du sous-traité, de sorte que le délai a expiré le 29 novembre 2014. Elle soutient que la prescription est applicable dès lors qu'elle concerne une demande reconventionnelle de la société Application Provençale Hydraulique et que le contrat a commencé à être exécuté. Sur le bien fondé de ses demandes, elle expose que son sous-traitant a partiellement exécuté les travaux objet du marché en totale connaissance de l'absence de garantie de sorte qu'il a renoncé à la nullité du contrat. Elle estime que son sous-traitant, tenu d'une obligation de résultat, doit supporter le coût des travaux de réparation à hauteur de 188 732,10 euros HT, outre une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour refus de reprendre l'ouvrage malgré l'indemnisation par son assureur. Subsidiairement, elle prétend que la nullité du contrat de sous-traitance ne la prive pas pour autant de solliciter l'indemnisation du préjudice subi du fait des désordres affectant les installations sinistrées.



La société Application Provençale Hydraulique (la société Aph) réplique que sa demande en nullité n'est pas prescrite puisqu'elle se borne à présenter une défense au fond alors que l'exception de nullité est imprescriptible. Elle soutient ensuite que le sous-traité est nul en l'absence de fourniture d'un cautionnement. Elle déduit de cette nullité qu'elle n'était pas tenue de lever les réserves sur les travaux réalisés pour lesquels elle n'avait pas été intégralement payée car, si le contrat n'avait pas été nul, elle aurait été fondée à opposer une exception d'inexécution pour ses factures impayées. Elle demande en outre la fixation de sa créance à l'encontre de la société Dutheil à la somme de 17 653,72 euros représentant la contre-valeur des travaux qu'elle a réalisés. Elle réclame enfin le rejet de la demande d'indemnités formée contre elle en réparation du sinistre, l'expert les ayant exclues comme n'étant pas justifiées.



Réponse de la cour :



Sur la prescription



Aux termes de ses articles 71 et 64, le code de procédure civile distingue la défense au fond comme étant le moyen qui tend à faire rejeter comme non justifiée, après examen au fond du droit, la prétention de l'adversaire, de la demande reconventionnelle comme étant la demande par laquelle le défendeur originaire prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la prétention de son adversaire.



A la différence de la défense au fond dans le cadre de laquelle l'exception de nullité soulevée est imprescriptible, la demande reconventionnelle est soumise à la prescription de l'article 1304 du code civil dans sa version antérieure au 1er janvier 2009, qui dispose que l'action en nullité dure cinq ans.





En l'espèce, la société Dutheil a fait assigner la société Aph en paiement d'une indemnité au titre de la reprise des installations litigieuses, la société Aph opposant dans ce cadre la nullité du contrat de sous-traitance. Force est ainsi de constater qu'il s'agit d'un moyen de défense au fond, et non d'une demande reconventionnelle, ce dont il se déduit que l'exception de nullité n'est pas soumise à la prescription.



La cour rejettera par conséquent la fin de non-recevoir soulevée par Me [M], ès qualités.



Sur la nullité du contrat de sous-traitance et ses conséquences



Sur le fond, dès lors que la société Dutheil ne conteste pas l'absence de fourniture d'une caution et en application de l'article 14 précité de la loi de 1975, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a dit que le contrat de sous-traitance était nul.



A cet égard, la circonstance selon laquelle la société Aph serait réputée avoir renoncé à la nullité dudit contrat au motif qu'elle l'aurait, même partiellement, exécuté en connaissance de l'irrégularité et qu'elle aurait dénoncé tardivement cette irrégularité à l'occasion de la présente instance est indifférente à la constatation de la nullité.



La nullité du contrat emporte sa disparition rétroactive et, si le contrat a été exécuté ou partiellement exécuté, les parties sont remises dans l'état où elles se trouvaient avant cette exécution, la restitution devant être effectuée au juste coût de l'ensemble des travaux effectués, tenant ainsi compte du coût des reprises le cas échéant.



Ainsi que l'expert a pu l'estimer, le principe du préjudice n'est pas établi, les éléments qu'il sollicitait pour en rapporter la preuve ne lui ayant pas été produits. Il en va de même pour le préjudice allégué au titre des réparations urgentes (mise en place d'une station de filtrage de dépannage) à hauteur de 24 294 euros qu'il a estimé non justifié.



C'est donc à bon droit que le tribunal a rejeté la demande de condamnation de la société Aph à payer entre les mains du liquidateur de la société Dutheil la somme de 188 732,10 euros HT, comme non validée par l'expert.



Sur la demande reconventionnelle de la société Aph envers la société Dutheil



Enfin, conformément à ce qu'a retenu l'expert, la société Aph est bien fondée à réclamer le paiement de la contre-valeur des travaux qu'elle a réalisés et qu'elle a valablement justifiés au cours des opérations d'expertise, soit la somme de 17 653,72 euros.



Le jugement sera infirmé de ce chef, pour avoir rejeté cette demande au motif inopérant que l'expert n'avait pas apporté de précisions suffisantes pour déterminer ce montant et, statuant à nouveau, la cour fixera la créance de la société Aph envers la société Dutheil à la somme de 17 653,72 euros, les intérêts dus sur cette somme étant capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil dans sa version applicable à la date des faits.



Sur la demande de dommages et intérêts de 50 000 euros



La demande de Me [M], ès qualités, en paiement d'une indemnité de 50 000 euros pour refus abusif de la part de la société Aph de reprendre son ouvrage endommagé en dépit de l'indemnisation reçue de la part de son assureur ne saurait prospérer, faute pour la société Dutheil de rapporter la preuve du paiement par l'assureur tel qu'allégué.









Sur la demande de la société Dutheil concernant les travaux exécutés par la société Agri Services Entretien à l'encontre de la société Swisslife Assurances de Biens



Exposé des moyens des parties :



La société Dutheil, prise en la personne de son liquidateur, allègue que l'expert a retenu, au titre de la reprise des malfaçons et non-façons affectant les travaux exécutés par la société Agri Services Entretien, la somme de 409 426,60 euros HT, que l'ampleur des désordres a été connue après la réception et, enfin, que compte tenu de leur nature et de leur importance, ces désordres ont un fondement décennal, ajoutant que la garantie décennale s'applique également en cas d'aggravation des désordres réservés après réception. Elle conclut qu'elle est fondée à réclamer la condamnation de la société Swisslife Assurances de Biens à lui payer la somme retenue par l'expert ou la garantir de toute condamnation de ce chef.



La société Swisslife Assurances de Biens, assureur décennal de la société Agri Services Entretien, soulève l'inopposabilité du rapport d'expertise en ce que l'ordonnance de désignation de l'expert n'aurait pas été signifiée à son assurée, et que la société Agri Services Entretien, placée en liquidation judiciaire le 15 novembre 2015, n'aurait pas pu valablement faire valoir ses droits durant l'expertise. Sur le fond, elle soutient que les désordres étaient visibles lors de la réception, de sorte que la garantie décennale, qui suppose l'existence de vices cachés, n'est pas mobilisable. Elle ajoute que la société Dutheil n'établit pas que l'ampleur et les conséquences des désordres se seraient révélées postérieurement à la prise de possession. Elle conclut que les non-façons et mal-façons constatées par l'expert ne constituent pas des dommages relevant de l'article 1792 du code civil mais de la garantie contractuelle exclue de son périmètre d'assurance.



Réponse de la cour :



Sur l'opposabilité du rapport d'expertise aux sociétés Agri Services Entretien et Swisslife Assurance de Biens



Il est de principe que le rapport d'expertise judiciaire n'est pas opposable à une partie qui n'a été ni appelée ni représentée aux opérations d'expertise.



Toutefois, le juge ne peut refuser de prendre en considération un rapport d'expertise judiciaire déposé à l'issue d'opérations auxquelles les parties n'ont été ni appelées ni représentées, s'il a été régulièrement versé aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties et qu'il est corroboré par d'autres éléments de preuve.



En l'espèce, il n'est pas utilement contesté que la société Agri Services Entretien a été placée en liquidation judiciaire par jugement du 15 novembre 2011 du tribunal de commerce de Cannes.



Il est par ailleurs constaté que la société Agri Services Entretien est citée comme défenderesse par l'ordonnance du 7 février 2011 ayant ordonné l'expertise et que son nom apparaît sur les listes de présence aux réunions d'expertise produites par l'expert dans son rapport.



Il est enfin constant que le liquidateur de la société Agri Services Entretien n'a été ni appelé ni représenté aux opérations d'expertise suivant le jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire.



Cependant, le rapport d'expertise, déposé le 12 mai 2014, a été versé aux débats, ses conclusions ayant par ailleurs été soumises à la discussion contradictoire des parties et son contenu est corroboré par d'autres éléments de preuve.

Ainsi, la cour, pour examiner les demandes des parties concernées, dispose également du contrat de sous-traitance signé entre la société Agri Services Entretien et la société Dutheil du 8 décembre 2009 et ses avenants des 4 juin et 2 juillet 2010, du procès-verbal d'opérations préalables à la réception établi le 12 juillet 2010, du procès-verbal de réception du 22 juillet 2010, du procès-verbal de réception partielle de levée des réserves du 30 septembre 2010, de la liste des réserves formulées par le maître d'oeuvre du 30 septembre 2010 de parfait achèvement, du tableau de levée des réserves du 12 avril 2011, des deux constats établis les 12 juillet 2010 et 6 janvier 2014 par Me [T], des clichés du chantier, des rapports de Sogeti, Socotec et SAV et, enfin, des 21 lettres adressées par la société Dutheil à la société Agri Services Entretien évoquant les désordres concernant les travaux exécutés par cette dernière et la demande de reprise.



Aussi, convient-il de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré le rapport d'expertise opposable à la société Agri Services Entretien et, partant, à son assureur.



Sur les désordres et les responsabilités



Aux termes de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit, envers le maître ou l'acquéreur de l'ouvrage, des dommages, même résultant d'un vice du sol, qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination.



En outre, en vertu du principe selon lequel la réception sans réserves purge les vices apparents, que ceux-ci soient des malfaçons, des défauts de conformité, défauts esthétiques ou de finition ainsi qu'il a été rappelé supra, l'entreprise ne peut plus voir sa responsabilité engagée à ce titre.



En l'espèce, il ne résulte pas des constatations de l'expert judiciaire que les désordres (malfaçons et non-façons) qu'il a constatés et imputés à la société Agri Services Entretien, auraient un caractère décennal. L'expert considère qu'il s'agit de réserves générales quant à la conformité de l'ouvrage.



Par ailleurs, la société Dutheil n'apporte aucun élément de fait probant afin d'étayer la thèse non établie de l'aggravation des désordres (dans leur ampleur et leurs conséquences) postérieurement à la réception, pas plus qu'elle ne justifie, par le versement de pièces complémentaires ou par des moyens de fond de nature à remettre en cause les constatations de l'expert, du caractère décennal des désordres constatés.



Il y a par conséquent lieu de confirmer le jugement en ce qu'il a écarté le caractère décennal des désordres.



S'agissant de la garantie souscrite par la société Agri Services Entretien, comme l'ont valablement déduit les premiers juges de l'article 3-1 des conditions générales du contrat d'assurance versé aux débats, la société Swisslife Assurances de Biens ne couvre pas les obligations contractuelles de l'assurée concernant les travaux avant et après réception qui ne relèvent pas de l'article 1792 du code civil, de sorte qu'il convient de confirmer le jugement en ce que la société Dutheil a été déboutée de sa demande de paiement dirigée à l'encontre de la société Swisslife Assurances de Biens au titre du préjudice relatif aux travaux exécutés par la société Agri Services Entretien.













Sur les demandes de Me [M], ès qualités de liquidateur de la société Dutheil, et de la société Sensation à l'encontre de la BTP Banque



Sur la demande de la société Sensation



Exposé des moyens des parties :



La société Sensation, après avoir rappelé que l'engagement de caution avait été donné par la BTP Banque à concurrence de 462 367,85 euros, énonce que ni les réserves de réception, ni les réserves de parfait achèvement n'ont été levées en raison de la défaillance de la société Dutheil et que les travaux de reprise, qui dépassent largement le montant du cautionnement, sont restés à sa charge. Elle sollicite en conséquence la condamnation de l'établissement bancaire à lui verser la somme précitée.



La société Dutheil, prise en la personne de son liquidateur, réplique que les comptes entre les parties font apparaître une créance à son profit, de sorte que l'opposition formée par la société Sensation à la mainlevée entre les mains de la BTP Banque doit être invalidée, que ladite banque doit être condamnée à lui restituer la somme immobilisée entre ses mains, soit la somme de 455 739,47 euros, et que la société Sensation doit être condamnée à lui verser les intérêts moratoires sur cette somme avec capitalisation à compter de la première demande de paiement.



La BTP Banque rappelle que la retenue de garantie et sa caution de substitution n'ont pour objet, dans le plafond de 5% du montant du marché, que de satisfaire à l'affectation spéciale, soit à l'exclusion de griefs relevant du parfait achèvement et/ou de la non-façon, de permettre à la levée des seules réserves régulièrement formées à la réception des travaux. Elle en déduit que la société Sensation, en invoquant la couverture de coûts de reprise dans le cadre de l'obligation spécifique de parfait achèvement, est irrecevable et mal fondée au regard de l'objet de la garantie. Elle ajoute que la caution ne garantit que l'exécution de l'obligation de représentation de la retenue en nature devant être libérée au profit de l'entrepreneur principal du fait de sa souscription en se substituant au consignataire et en évitant la consignation, et ce à seule fin de satisfaire à son affectation légale spéciale et au titre du seul marché initial.



Réponse de la cour :



Selon les articles 1er et 2 de la loi du 16 juillet 1971, la retenue de garantie, dans le plafond maximum de 5% du montant du marché, et la caution qui lui est substituée ont pour objet de garantir l'exécution des travaux pour satisfaire, le cas échéant, aux réserves formulées à la réception des travaux par le maître de l'ouvrage, et non pas à tous les chefs de préjudice procédant de ce que l'entrepreneur a mal exécuté le contrat (notamment de griefs relevant du parfait achèvement et/ou de la non-façon).



L'article L. 315-50 du code monétaire et financier institue pour sa part un mécanisme de garantie des cautions qui a pour objet d'honorer, en cas de défaillance d'un établissement de crédit ou d'une société de financement, les engagements de caution, exigés par un texte législatif ou réglementaire, pris par cet établissement ou cette société au profit de personnes physiques ou morales de droit privé.



Il incombe au bénéficiaire d'une caution de retenue de garantie, par application conjuguée des articles 1315 du code civil et des dispositions de la loi du 16 juillet 1971, de justifier du principe d'une créance éligible comme fondée sur une réserve régulièrement formée au jour de la réception des travaux au titre d'un défaut d'exécution imputable à l'entreprise et du quantum de la créance revendiquée.





Enfin, l'effet exécutoire de la caution est subordonné à l'absence de retenue de garantie en nature, dont la constitution est exclusive de sa mise en force puisque la constitution d'une retenue en nature rend sans objet la garantie destinée à l'éviter, alors qu'en outre le cumul d'une retenue en nature avec une garantie caractérise un arrangement prohibé.



En l'espèce, il n'est pas contesté qu'aux termes d'un acte de cautionnement du 19 octobre 2010, l'établissement bancaire BTP Banque s'est porté caution personnelle et solidaire des engagements de la société Dutheil vis-à-vis du maître d'ouvrage pour le montant de la retenue de garantie à laquelle l'entrepreneur est assujetti, dans les conditions prévues par les articles 1er et 2 précités, et ce pour la somme de 462 367,85 euros correspondant à 5% de la base du marché de travaux.



Le 18 juillet 2011, la société Sensation a notifié à la BTP Banque, conformément au texte précité, son opposition à la mainlevée de la caution, exposant avoir déjà exécuté, pour sa part, plus de 550 000 euros de travaux incombant à l'entreprise générale Dutheil.



Cependant, le maître d'ouvrage qui indique qu'il mettait en 'uvre la caution de retenue de garantie souscrite auprès de la BTP Banque afin d'assurer la couverture de coûts de reprise de griefs formés au titre des obligations de levée des réserves et de parfait achèvement, est mal fondé en ses demandes au regard de l'objet de la garantie, puisqu'il ne démontre pas que la mise en oeuvre de ce cautionnement garantirait l'exécution des travaux pour satisfaire aux réserves formulées à la réception, et non pas à tous les chefs de préjudice procédant de ce que l'entrepreneur ou ses sous-traitants ont mal exécuté le contrat.



En outre, ainsi qu'il a été examiné précédemment, la société Sensation est condamnée à payer à la société Dutheil, prise en la personne de son liquidateur, la somme de 450 921,13 euros TTC au titre du décompte général définitif, montrant qu'elle a d'ores et déjà procédé à une retenue de garantie, dont la constitution est exclusive de sa mise en force puisque la constitution de cette retenue rend sans objet la garantie, au surplus cautionnée, destinée à l'éviter, et que le cumul de cette retenue en nature avec une garantie conduit à contourner notamment la règle du plafond légal maximum de 5%.



Enfin et en tout état de cause, il résulte du rapport d'expertise que la très grande majorité des réserves a été levée.



Il n'y a dès lors pas lieu de faire droit à la demande du maître d'ouvrage tendant à la condamnation de l'établissement bancaire à lui verser la somme 462 367,85 euros.



Par conséquent, la cour confirmera le jugement en ce qu'il a débouté la société Sensation de ses demandes formées contre la BTP Banque.



Sur la demande de Me [M], ès qualités



Exposé des moyens des parties :



Me [M], ès qualités de liquidateur de la société Dutheil, demande à la cour d'ordonner la restitution de la somme de 455 739,47 euros immobilisée entre les mains de la BTP Banque au titre du cautionnement dès lors que la caution est exclusivement affectée à la garantie de sommes susceptibles d'être dues au maître d'ouvrage dans le cadre de la retenue de garantie.



En réplique, la BTP Banque expose que la société Dutheil a cédé des créances professionnelles à titre de garantie de la bonne fin du dénouement de l'universalité des engagements susceptibles d'avoir été souscrits à un titre quelconque envers la banque, ces cessions emportant transfert de propriété fiduciaire. Elle ajoute qu'il résulte de ses déclarations de créances à titre chirographaire et à titre privilégié un montant cumulé de créances supérieur à celui des encaissements sur créances cédées, de sorte que Me [M], ès qualités, n'est pas fondé à lui réclamer le remboursement des garanties fournies au titre de la caution de retenue de garantie.



Réponse de la cour :



Selon l'article L. 313-23 du code monétaire et financier, tout crédit qu'un établissement de crédit consent à une personne morale ou physique dans l'exercice par celle-ci de son activité professionnelle, peut donner lieu au profit de cet établissement, par la seule remise d'un bordereau, à la cession par le bénéficiaire du crédit, de toute créance que celui-ci peut détenir sur un tiers. Peuvent être cédées les créances liquides et exigibles, même à terme.



Par application de l'article L. 313-24 du code monétaire et financier, la cession de créance transfère au cessionnaire la propriété de la créance cédée. Sauf convention contraire, le signataire de l'acte de cession est garant solidaire du paiement des créances cédées.



En l'espèce, il est observé, à l'examen des quatre bordereaux Dailly versés aux débats, que la société Dutheil a effectivement cédé des créances professionnelles à la BTP Banque à titre de garantie du remboursement de toutes sommes en principal, intérêts, frais, commissions et accessoires que l'entreprise pourrait devoir à la banque concernant exclusivement les chantiers de reconstruction du collège [14] à [Localité 15] et la création de la circulation du [13] à [Localité 7].



Cependant, la BTP Banque n'établit pas de lien entre la restitution de la garantie sollicitée par l'entreprise et les cessions de créances opérées qui concernent d'autres chantiers et donc d'autres débiteurs.



La caution étant exclusivement affectée à la garantie des sommes susceptibles d'être dues à la société Sensation dans le cadre de la retenue de garantie relative aux travaux d'agrandissement de l'hôtel Sezz à [Localité 16] et dès lors que le maître d'ouvrage est débouté de ses prétentions à l'encontre de la BTP Banque de sorte que celle-ci cesse d'être exposée à son risque, Me [M], ès qualités, est bien fondé à voir ordonner la restitution de la somme immobilisée entre les mains de l'établissement bancaire au titre de l'engagement de caution, soit la somme de 455 739,47 euros, au profit du gage commun des créanciers à la procédure collective.



Par conséquent, la BTP Banque doit être condamnée à restituer à la société Dutheil, prise en la personne de son liquidateur, la somme immobilisée entre ses mains de 455 739,47 euros.



Il convient d'infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à cette demande.



Sur les demandes accessoires



Le sens du présent arrêt conduit à confirmer le jugement sur les dépens, qui comprennent les frais de l'expertise judiciaire, et l'application qui y a été équitablement faite des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.



En cause d'appel, il sera fait masse des dépens qui seront supportés par Me [M], ès qualités de liquidateur de la société Dutheil conformément à l'article L. 641-13 du code de commerce, la société Sensation, la société Ineo Provence et Côte d'Azur et la société Application Provençale Hydraulique qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile, selon la répartition suivante :

- Me [M], ès qualités : 40%,

- la société Sensation : 40%,

- la société Ineo Provence et Côte d'Azur : 15%,

- la société Application Provençale Hydraulique : 5%.



Les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.





PAR CES MOTIFS



La cour,



Infirme le jugement en ce qu'il a :



Au titre de la compensation des créances entre les sociétés Sensation et Dutheil et entre les sociétés Sensation et Pignatta issues des condamnations du tribunal :

- fixé la créance de la société Sensation au passif de la liquidation de Dutheil à la valeur de 61 690,60 euros comme solde de tout compte entre les sociétés Dutheil et Sensation,

- condamné la société Ineo Provence et Côte d'Azur qui vient aux droits de Pignatta à verser à la société Sensation la somme de 339 332,76 euros comme solde de tout compte entre les sociétés Pignatta et Sensation ;



Concernant la société Application Provençale Hydraulique :

- débouté la société Application Provençale Hydraulique de sa demande en paiement à hauteur de 17 653,72 euros adressée à la SELARL Axyme, ès qualités ;



Statuant à nouveau des chefs infirmés :



- condamne la société Sensation à payer à la SELARL Axyme prise en la personne de Me [X] [M], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Dutheil, la somme de 450 921,13 euros TTC au titre du décompte général définitif,



- condamne la société Ineo Provence et Côte d'Azur à payer à la société Sensation la somme de 851 944,49 euros TTC au titre des malfaçons affectant les installations électriques, et dit que cette somme sera indexée sur l'évolution de l'indice BT 01 entre le dépôt du rapport d'expertise et la présente décision et portera intérêts au taux légal à compter de l'arrêt,



- condamne la société Sensation à payer à la société Ineo Provence et Côte d'Azur la somme de 257 028,38 euros TTC au titre d'impayés de la part de la société Dutheil à son sous-traitant, les intérêts dus sur cette somme étant capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil dans sa version applicable à la date des faits,



- fixe la créance de la société Sensation envers la société Dutheil à la somme de 257 028,38 euros TTC dans le cadre de son recours en garantie,



- rejette la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action de la société Application Provençale Hydraulique soulevée par la SELARL Axyme prise en la personne de Me [X] [M], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Dutheil,



- fixe la créance de la société Application Provençale Hydraulique envers la société Dutheil à la somme de 17 653,72 euros, les intérêts dus sur cette somme étant capitalisés dans les conditions de l'article 1154 du code civil dans sa version applicable à la date des faits,



- déboute la SELARL Axyme prise en la personne de Me [X] [M], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Dutheil, de sa demande en paiement d'une indemnité de 50 000 euros pour refus abusif de la part de la société Aph de reprendre son ouvrage endommagé,



- déclare le rapport d'expertise opposable à la société Agri Services Entretien,



- condamne la BTP Banque à verser à la SELARL Axyme prise en la personne de Me [X] [M], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Dutheil, la somme de 455 739,47 euros TTC au titre de la caution,



Confirme le jugement pour le surplus,



Y ajoutant,



- déboute les parties de leur demande respective au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



- fait masse des dépens qui seront supportés par la SELARL Axyme prise en la personne de Me [X] [M], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Dutheil, conformément à l'article L. 641-13 du code de commerce, la société Sensation, la société Ineo Provence et Côte d'Azur et la société Application Provençale Hydraulique et qui seront recouvrés dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile, selon la répartition suivante :

- la SELARL Axyme prise en la personne de Me [X] [M], ès qualités de liquidateur judiciaire de la société Dutheil : 40%,

- la société Sensation : 40%,

- la société Ineo Provence et Côte d'Azur : 15%,

- la société Application Provençale Hydraulique : 5%.





La greffière, La Conseillère faisant fonction de Président,

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