7 septembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-11.592

Troisième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:C300601

Texte de la décision

CIV. 3

VB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 septembre 2022




Cassation partielle


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 601 F-D

Pourvoi n° J 21-11.592




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 SEPTEMBRE 2022

La société Emera Ehpad [2], société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 4], a formé le pourvoi n° J 21-11.592 contre l'arrêt rendu le 22 octobre 2020 par la cour d'appel d'Amiens (chambre économique), dans le litige l'opposant à la société BM associés, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Aldigé, conseiller référendaire, les observations de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de la société Emera Ehpad [2], de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société BM associés, après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Aldigé, conseiller référendaire rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, et Mme Letourneur, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Amiens, 22 octobre 2020), le 29 septembre 2004, la société BM associés (la bailleresse) a donné à bail commercial à la société [Adresse 3], devenue Emera Ehpad [2] (la locataire), des locaux à usage de maison de retraite pour une durée de onze ans et neuf mois.

2. Le 30 mars 2016, la bailleresse a signifié à la locataire un congé avec offre de renouvellement pour le 30 septembre 2016, puis l'a assignée en constatation du renouvellement du bail commercial.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en ses première et troisième branches

Enoncé du moyen

3. La locataire fait grief à l'arrêt de la condamner au paiement d'une certaine somme représentant le montant des loyers dus à compter du 1er février 2019 jusqu'au 30 septembre 2025, alors :

« 1°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que, pour retenir l'accord tacite de la société Emera Ehpad [2] sur le montant du loyer proposé dans le congé avec offre de renouvellement délivré le 30 mars 2016 par la société BM Associés, la cour d'appel relève que la locataire s'est acquittée du nouveau loyer proposé, après l'expiration de ce congé, ce qui démontre un accord tacite sur le prix entre les parties ; qu'en statuant ainsi, quand elle constatait pourtant que le congé avec offre de renouvellement portait sur un montant de loyer ayant la même valeur que celui en cours avant la délivrance du congé, ce dont il résultait que, le montant du loyer n'ayant pas évolué, la seule poursuite du paiement de ce montant par la locataire n'était pas de nature à établir sa volonté non équivoque d'accepter le renouvellement du bail selon les conditions prévues dans l'offre de la société bailleresse, la cour d'appel a violé l'article 1134, devenu 1103 du code civil ;

3°/ que les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que, pour affirmer que la société locataire aurait accepté l'offre de renouvellement du bail, ce qui aurait entraîné la conclusion d'un nouveau bail pour une durée de 9 ans, sans faculté de résiliation triennale, à compter du 1er octobre 2016, la cour d'appel se borne à énoncer que les parties avaient, à raison du caractère monovalent des locaux, la possibilité de conclure un bail d'une durée de neuf ans ferme sans faculté de résiliation triennale ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser, ainsi qu'elle y était invitée par la société Emera Ehpad [2] qui soutenait n'avoir pas accepté les nouvelles conditions du bail, l'acceptation non équivoque de la société Emera Ehpad [2] de cette clause dérogatoire, lui interdisant toute faculté de résiliation triennale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134, devenu 1103 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 1134, alinéa 1er, devenu 1103, du code civil :

4. Aux termes de ce texte, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

5. Pour accueillir la demande de la bailleresse en renouvellement du bail commercial, l'arrêt constate que la locataire s'est maintenue dans les lieux après la délivrance du congé avec offre de renouvellement, a gardé le silence et s'est acquittée régulièrement du loyer prévu au congé.

6. L'arrêt énonce également que les locaux loués étant à usage de maison de retraite, ceux-ci doivent être qualifiés de locaux monovalents, ce qui permet de conclure un bail d'une durée de neuf ans ferme sans faculté de résiliation triennale.

7. La cour d'appel en a déduit que la locataire avait accepté l'offre de renouvellement du bail et que celui-ci avait été renouvelé pour une durée ferme de neuf années.

8. En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'acceptation tacite sans équivoque par la locataire de l'offre de renouvellement, alors que le loyer offert correspondait au loyer stipulé au bail initial, et sans constater son consentement à la clause dérogatoire lui interdisant toute faculté de résiliation triennale du bail, la cour d'appel a violé le texte susvisé.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la locataire à payer à la bailleresse la somme de la somme de 1 296 516,80 euros HT (16 206,46 euros par mois) augmentée de la TVA applicable représentant le montant des loyers dus à compter du 1er février 2019 jusqu'au 30 septembre 2025 et qu'il déboute la locataire de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive et de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, l'arrêt rendu le 22 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Amiens, autrement composée ;

Condamne la société BM associés aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société BM associés et la condamne à payer à la société Emera Ehpad [2] la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept septembre deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Marlange et de La Burgade, avocat aux Conseils, pour la société Emera Ehpad [2]

La société EMERA EHPAD [2] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR condamnée à payer à la société BM ASSOCIES la somme de 1.296.516,80 € HT (16.206,46 € par mois) augmentée de la TVA applicable représentant le montant des loyers dus à compter du 1er février 2019 jusqu'au 30 septembre 2025 ;

ALORS QUE 1°), les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que, pour retenir l'accord tacite de la société EMERA EHPAD [2] sur le montant du loyer proposé dans le congé avec offre de renouvellement délivré le 30 mars 2016 par la société BM ASSOCIES, la cour d'appel relève que la locataire s'est acquittée du nouveau loyer proposé, après l'expiration de ce congé, ce qui démontre un accord tacite sur le prix entre les parties (arrêt, p. 7) ; qu'en statuant ainsi, quand elle constatait pourtant que le congé avec offre de renouvellement portait sur un montant de loyer ayant la même valeur que celui en cours avant la délivrance du congé (arrêt, p. 7), ce dont il résultait que, le montant du loyer n'ayant pas évolué, la seule poursuite du paiement de ce montant par la locataire n'était pas de nature à établir sa volonté non équivoque d'accepter le renouvellement du bail selon les conditions prévues dans l'offre de la société bailleresse, la cour d'appel a violé l'article 1134, devenu 1103 du code civil ;

ALORS QUE 2°), les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; qu'en affirmant que la société locataire aurait accepté l'offre de renouvellement du bail, ce qui aurait entraîné la conclusion d'un nouveau bail pour une durée de 9 ans, à compter du 1er octobre 2016 (arrêt, p. 7), sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée par la société EMERA EHPAD [2] qui soutenait n'avoir pas accepté les nouvelles conditions du bail (conclusions, p. 7), si la locataire avait donné son accord, de manière non équivoque, sur la modification essentielle de la durée du bail renouvelé proposée par la bailleresse, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134, devenu 1103 du code civil ;

ALORS QUE 3°), les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites ; que, pour affirmer que la société locataire aurait accepté l'offre de renouvellement du bail, ce qui aurait entraîné la conclusion d'un nouveau bail pour une durée de 9 ans, sans faculté de résiliation triennale, à compter du 1er octobre 2016, la cour d'appel se borne à énoncer que les parties avaient, à raison du caractère monovalent des locaux, la possibilité de conclure un bail d'une durée de neuf ans ferme sans faculté de résiliation triennale (arrêt, p. 7) ; qu'en statuant ainsi, sans caractériser, ainsi qu'elle y était invitée par la société EMERA EHPAD [2] qui soutenait n'avoir pas accepté les nouvelles conditions du bail (conclusions, p. 7), l'acceptation non équivoque de la société EMERA EHPAD [2] de cette clause dérogatoire, lui interdisant toute faculté de résiliation triennale, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article 1134, devenu 1103 du code civil.

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