7 septembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-21.222

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:CO00465

Titres et sommaires

REFERE - Applications diverses - Contrats de la commande publique - Référé contractuel - Recevabilité - Recours précontractuel antérieur - Conditions - Ignorance de l'effectivité de la conclusion du marché

Les dispositions de l'article 12 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009, qui prévoient que le recours contractuel n'est pas ouvert au demandeur ayant fait usage du référé précontractuel, dès lors que le pouvoir adjudicateur a respecté la suspension prévue à son article 4 et s'est conformé à la décision juridictionnelle rendue sur ce recours, n'ont pas pour effet de rendre irrecevable un recours contractuel introduit par un candidat évincé qui avait antérieurement présenté un recours précontractuel tandis qu'il était, au moment de sa saisine, dans l'ignorance de l'effectivité de la conclusion du marché par la société adjudicatrice, et ce quand bien même aurait-il été informé du projet de celle-ci de procéder à cette conclusion


REFERE - Applications diverses - Contrats de la commande publique - Référé contractuel - Domaine d'application - Détermination

Méconnaît les dispositions de l'article 13 de l'ordonnance n° 2009- 515 du 7 mai 2009 qui exclut le recours contractuel lorsque le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice a, avant la conclusion du contrat, rendu publique son intention de le conclure et observé un délai de onze jours après cette publication, le tribunal qui fait application de ce texte à un contrat, conclu à l'issue d'un appel d'offres formalisé, qui n'était pas un contrat dont la passation n'est pas soumise à une obligation de publicité préalable ni un contrat soumis à publicité préalable auquel ne s'applique pas l'obligation de communiquer la décision d'attribution aux candidats non retenus

Texte de la décision

COMM.

FB



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 septembre 2022




Cassation partielle


Mme DARBOIS, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 465 F-B

Pourvoi n° F 20-21.222




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 7 SEPTEMBRE 2022

La société Arc en ciel services, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° F 20-21.222 contre le jugement statuant en la procédure accélérée au fond rendu le 6 octobre 2020 par le président du tribunal judiciaire de Nanterre, dans le litige l'opposant à la société Logirep, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Michel-Amsellem, conseiller, les observations de la SCP Le Griel, avocat de la société Arc en ciel services, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de la société Logirep, et l'avis de M. Debacq, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présentes Mme Darbois, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Michel-Amsellem, conseiller rapporteur, Mme Champalaune, conseiller, et Mme Labat, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué, rendu en procédure accélérée au fond, (Nanterre, 6 octobre 2020), le 15 janvier 2020, la société Logirep a lancé un appel d'offres ouvert portant sur l'exécution de prestations d'entretien et de nettoyage des parties communes intérieures et extérieures, le traitement des ordures ménagères, le traitement des encombrants des immeubles de son patrimoine ainsi que le remplacement du personnel d'entretien ménager.

2. Par lettre du 9 mars 2020, elle a annoncé à la société Arc en ciel services le rejet de ses offres pour les lots n° 2 et 7.

3. Le 16 mars 2020, la société Arc en ciel services a délivré à la société Logirep une assignation en procédure accélérée au fond précontractuelle devant le président d'un tribunal judiciaire, sur le fondement des articles 1441-1 à 1441-3 du code de procédure civile, et 2 et 20 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009. En raison des mesures d'urgence sanitaires imposées dans le cadre de la pandémie liée au Covid 19, elle a déposé cette assignation au greffe du tribunal le 15 mai 2020.

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

4. La société Arc en ciel services fait grief au jugement de déclarer son recours précontractuel irrecevable comme tardif, alors :

« 1°/ qu'en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par des pouvoirs adjudicateurs des contrats de droit privé ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, les personnes ayant intérêt à conclure l'un de ces contrats et susceptibles d'être lésées par ce manquement peuvent saisir le juge judiciaire avant la conclusion du contrat ; que l'intérêt du demandeur à saisir le juge du référé précontractuel est suffisamment établi dès lors qu'il est établi qu'il a été écarté par le pouvoir adjudicateur dans des conditions susceptibles de l'avoir lésé ; qu'en l'espèce, tandis que la société Arc en ciel services reprochait à la société Logirep d'avoir manqué à ses obligations d'informations dans la notification qui lui avait été faite du rejet de sa candidature, le tribunal a constaté qu'il "n'était (...) pas possible [pour le pouvoir adjudicateur] d'indiquer de délai de recours alors que celui-ci expire avec la signature des contrats, dont la date n'est pas nécessairement prévisible" ; qu'en décidant que le recours en référé précontractuel de la société Arc en ciel services était irrecevable, après avoir pourtant constaté ainsi le manquement de la société Logirep à son obligation d'information sur les délais de recours et, partant, l'intérêt légitime de la société Arc en ciel services à agir en référé précontractuel, le tribunal n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 2 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 ;

2°/ que, s'agissant des marchés passés selon une procédure formalisée, un délai minimal de onze jours doit être respecté entre la date d'envoi de la notification prévue aux articles R. 2181-1 et R. 2181-3, transmise par voie électronique, et la date de signature du marché par l'acheteur ; qu'en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par des pouvoirs adjudicateurs des contrats de droit privé ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, les personnes ayant intérêt à conclure l'un de ces contrats et susceptibles d'être lésées par ce manquement peuvent saisir le juge judiciaire en référé précontractuel avant la conclusion du contrat ; que, cependant, en vertu de l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, tout recours qui aurait dû être formé pendant la période du 12 mars 2020 au 11 juin 2020 inclus (art. 1), ce qui était le cas en l'espèce, est réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois ; que, pour juger que ces dernières dispositions étaient inapplicables au litige, le tribunal a retenu qu'elles étaient "relatives à la prolongation du délai pour accomplir les actes prescrits à peine de caducité" et qu'il ne s'agissait pas, en l'espèce, d'une caducité "mais d'une cause objective d'impossibilité d'introduire un recours précontractuel après la signature du contrat" ; que, cependant, selon son propre intitulé, cette ordonnance ne s'applique pas exclusivement aux cas de caducité mais, d'une manière générale, "à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période", pour tous les actes devant être effectués "à temps" pendant cette période, ce qui était le cas en l'espèce ; qu'en se déterminant dès lors de la sorte pour juger irrecevable le recours en référé précontractuel de la société Arc en ciel services, le tribunal a violé l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 par refus d'application ;

3°/ qu'en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par des pouvoirs adjudicateurs des contrats de droit privé ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, les personnes ayant intérêt à conclure l'un de ces contrats et susceptibles d'être lésées par ce manquement peuvent saisir le juge judiciaire en référé précontractuel avant la conclusion du contrat ; que, cependant, en vertu de l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, tout recours qui aurait dû être formé pendant la période du 12 mars 2020 au 11 juin 2020 inclus (art. 1), ce qui était le cas en l'espèce, est "réputé avoir été fait à temps" s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir (11 jours en l'occurrence), dans la limite de deux mois ; que, s'agissant de la saisine du juge en référé précontractuel, l'acte "réputé avoir été fait à temps" ne peut s'entendre que d'un acte accompli avant toute conclusion de contrat ; qu'il s'ensuit que, dès lors que la société Arc en ciel services avait saisi le juge le 15 mai 2020, dans le délai fixé par l'ordonnance du 25 mars 2020, cette saisine était nécessairement réputée être intervenue "à temps" pour saisir le juge en matière précontractuelle, c'est-à-dire avant toute conclusion de contrat, de sorte que ses demandes étaient recevables ; qu'en jugeant dès lors irrecevable son recours précontractuel "comme tardif", au motif qu'il était impossible d'introduire un recours précontractuel après la signature du contrat, le tribunal a violé l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, ensemble les articles R. 2182-1 du code de la commande publique et 2 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009. »

Réponse de la Cour

5. Dès lors que c'est à bon droit qu'ayant relevé que les contrats des lots n° 2 et 7, litigieux, avaient été conclus par la société Logirep le 13 mai 2020 et qu'il avait été saisi le 15 mai 2020 par la remise de l'assignation au greffe, le tribunal a retenu qu'il n'y avait plus lieu à recours précontractuel à la date de sa saisine, de sorte que celui-ci était irrecevable, il s'ensuit que les griefs du moyen sont inopérants.

6. Le moyen ne peut donc être accueilli.

Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

7. La société Arc en ciel services fait grief au jugement de déclarer son recours contractuel irrecevable du fait de l'introduction préalable de son référé précontractuel, alors « que le recours régi par la section relative au référé contractuel n'est pas ouvert au demandeur ayant fait usage du recours prévu à l'article 2, relatif au référé précontractuel, lorsque le pouvoir adjudicateur a respecté la suspension prévue à l'article 4 et s'est conformé à la décision juridictionnelle rendue sur ce recours ; qu'en l'espèce, le tribunal a néanmoins jugé que ce principe, qui vise une suspension à compter de la saisine du juge et jusqu'à la notification de la décision juridictionnelle, soit dans la présente hypothèse à compter du 15 mai 2020, n'était pas applicable au cas d'espèce, dès lors que les contrats litigieux ont été signés le 13 mai 2020 - avant, par conséquent, le point de départ du délai de suspension ; qu'en décidant pourtant que le recours en référé contractuel de la société Arc en ciel services était irrecevable "du fait de la saisine préalable (...) du référé précontractuel", le tribunal n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 12 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 11 et 12 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 :

8. Aux termes du premier de ces textes, les personnes qui ont un intérêt à conclure l'un des contrats de droit privé mentionnés aux articles 2 et 5 de l'ordonnance et qui sont susceptibles d'être lésées par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles ils sont soumis peuvent saisir le juge d'un recours en contestation de la validité du contrat.
La demande est portée devant la juridiction judiciaire.

9. Selon le second, le recours n'est pas ouvert au demandeur ayant fait usage du recours prévu à l'article 2 ou à l'article 5 dès lors que le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice a respecté la suspension prévue à l'article 4 ou à l'article 8 et s'est conformé à la décision juridictionnelle rendue sur ce recours.

10. Après avoir relevé que les dispositions de l'ordonnance du 7 mai 2009, qui prévoient une suspension à compter de la saisine du juge et jusqu'à la notification de la décision juridictionnelle, soit en l'espèce après le 15 mai 2020, sont sans objet, dans la mesure où les contrats avaient été conclus le 13 mai 2020, le jugement retient que le recours de la société Arc en ciel services est irrecevable du fait de la saisine préalable du tribunal, même tardive, en recours précontractuel.

11. En statuant ainsi, alors que les dispositions de l'article 12 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009, qui prévoient que le recours contractuel n'est pas ouvert au demandeur ayant fait usage du référé précontractuel, dès lors que le pouvoir adjudicateur a respecté la suspension prévue à son article 4 et s'est conformé à la décision juridictionnelle rendue sur ce recours, n'ont pas pour effet de rendre irrecevable un recours contractuel introduit par un candidat évincé qui avait antérieurement présenté un recours précontractuel tandis qu'il était, au moment de sa saisine, dans l'ignorance de l'effectivité de la conclusion du marché par la société adjudicatrice, et ce, quand bien même aurait-il été informé du projet de celle-ci de procéder à cette conclusion, le tribunal a violé les textes susvisés.

Et sur le moyen relevé d'office

12. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 11 et 13 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 :

13. Aux termes du second de ces textes, le recours contractuel ne peut être exercé ni à l'égard des contrats dont la passation n'est pas soumise à une obligation de publicité préalable lorsque le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice a, avant la conclusion du contrat, rendu publique son intention de le conclure et observé un délai de onze jours après cette publication, ni à l'égard des contrats soumis à publicité préalable auxquels ne s'applique pas l'obligation de communiquer la décision d'attribution aux candidats non retenus lorsque le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice a accompli la même formalité.

14. Pour déclarer le recours contractuel de la société Arc en ciel services irrecevable, le jugement, après avoir énoncé que l'article 13 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 et les articles R. 2182-1 et R. 2183-3 du code de la commande publique prévoient que le recours ne peut être exercé lorsque le pouvoir adjudicateur a, avant la conclusion du contrat, rendu publique son intention de le conclure et observé un délai de onze jours après cette publication, retient que la société Logirep s'est conformée à cette obligation, dès lors qu'il n'est pas contesté qu'elle avait avisé la société Arc en ciel services de cette intention par lettre du 27 mars 2020, information que son avocat reconnaît au surplus avoir reçu aux termes de sa lettre du 6 avril 2020.

15. En statuant ainsi, alors que les contrats litigieux, conclus à l'issue d'un appel d'offres formalisé, n'étaient pas des contrats dont la passation n'est pas soumise à une obligation de publicité préalable ni des contrats soumis à publicité préalable auxquels ne s'applique pas l'obligation de communiquer la décision d'attribution aux candidats non retenus, de sorte que l'article 13 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 n'était pas applicable, le tribunal a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déclare irrecevable le recours contractuel de la société Arc en ciel services du fait de l'introduction de son recours précontractuel et en ce qu'il statue sur les dépens et l'application de l'article 700 du code de procédure civile, le jugement rendu le 6 octobre 2020, entre les parties, par le président du tribunal judiciaire de Nanterre ;

Remet, sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant le président du tribunal judiciaire de Versailles ;

Condamne la société Logirep aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Logirep et la condamne à payer à la société Arc en ciel services la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du sept septembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Le Griel, avocat aux Conseils, pour la société Arc en ciel services.

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société Arc-en-Ciel Services fait grief au jugement attaqué d'avoir déclaré irrecevable son recours précontractuel comme tardif ;

1° alors qu en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles e st soumise la passation par des pouvoirs adjudicateurs des contrats de droit privé ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, les personnes ayant intérêt à conclure l'un de ces contrats et susceptibles d'être lésées par ce manquement peuvent saisir le juge judiciaire avant la conclusion du contrat ; que l'intérêt du demandeur à saisir le juge référé préprécontractuel e st suffisamment établi dès lors qu'il est établi qu'il a été écarté par le pouvoir adjudicateur dans des conditions susceptibles de l'avoir lésé ; qu en l espèce, tandis que la société Arc en Ciel Services reprochait à la société Logirep d'avoir manqué à s es obligations d'informations dans la notification qui lui avait été faite d u rejet de sa candidature, le tribunal a constaté qu'il « n'était (...) pas possible [pour le pouvoir d'indiquer de délai de recours alors que celui ci expire avec la signature des contrats, dont la date n'est pas nécessairement prévisible » (jugement, p. 5, § 5) ; qu' en décidant que le recours en référé précontractuel de la société Arc en Ciel Services était irrecevable, après avoir pourtant constaté ainsi le manquement de la société Logirep à son obligation d'information sur les délais de recours et, partant, l'intérêt légitime de la société Arc en Ciel Services à agir en référé précontractuel, le tribunal n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 2 de l'ordonnance n° 2009 515 du 7 mai 2009 ;

2° alors que, s'agissant des marchés passés selon une procédure formalisée, un délai minimal de onze jours doit être respecté entre la date d'envoi de la notification prévue aux articles R. 2181 1 et R. 2181 3, transmise par voie électronique, et la date de signature du marché par l'acheteur ; qu'en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par des pouvoirs adjudicateurs des contrats de droit privé ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, les personnes ayant intérêt à conclure l'un de ces contrats et susceptibles d'être lésées par ce manquement peuvent saisir le juge judiciaire en référé précontractuel avant la conclusion du contrat ; que , cependant, en vertu de l'article 2 de l'ordonnance n° 2020 306 du 25 mars 2020, tout recours qui aurait dû être formé pendant la période du 12 mars 2020 au 11 juin 2020 inclus (art. 1), ce qui était le cas en l'espèce, est réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le dé lai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois ; que , pour juger que ces dernières dispositions étaient inapplicables au litige, le tribunal a retenu qu'elles étaient « relatives à la prolongation du délai pour accomplir les actes prescrits à peine de caducité » et qu'il ne s'agissait pas, en l'espèce, d'une caducité « mais d'une cause objective d'impossibilité d'introduire un recours précontractuel après la signature du contrat » ; que , cependant, selon son propre intitulé, cette ordonnance ne s'applique pas exclusivement aux cas de caducité mais, d'une manière générale, « à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période », pour tous les actes devant être effectués « à temps » pendant cette période, ce qui était le cas en l'espèce ; qu' en se déterminant dès lors de la sorte pour juger irrecevable le recours en référé précontractuel de la société Arc-en-Ciel Services, le tribunal a violé l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 par refus d'application ;

3° alors qu'en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par des pouvoirs adjudicateurs des contrats de droit privé ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, les personnes ayant intérêt à conclure l'un de ces contrats et susceptibles d'être lésées par ce manquement peuvent saisir le juge judiciaire en référé précontractuel avant la conclusion du contrat ; que, cependant, en vertu de l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, tout recours qui aurait dû être formé pendant la période du 12 mars 2020 au 11 juin 2020 inclus (art. 1), ce qui était le cas en l'espèce, est « réputé avoir été fait à temps » s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir (11 jours en l'occurrence), dans la limite de deux mois ; que, s'agissant de la saisine du juge en référé précontractuel, l'acte « réputé avoir été fait à temps » ne peut s'entendre que d'un acte accompli avant toute conclusion de contrat ; qu'il s'ensuit que, dès lors que la société Arc-en-Ciel Services avait saisi le juge le 15 mai 2020 (jugement, p. 5, § 6), dans le délai fixé par l'ordonnance du 25 mars 2020, cette saisine était nécessairement réputée être intervenue « à temps » pour saisir le juge en matière précontractuelle, c'est-à-dire avant toute conclusion de contrat, de sorte que ses demandes étaient recevables ; qu'en jugeant dès lors irrecevable son recours précontractuel « comme tardif », au motif qu'il était impossible d'introduire un recours précontractuel après la signature du contrat, le tribunal a violé l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020, ensemble les articles R. 2182-1 du code de la commande publique et 2 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009.

SECOND MOYEN DE CASSATION

La société Arc-en-Ciel Services fait grief au jugement attaqué d'avoir déclaré irrecevable le recours contractuel de la société Arc-en-Ciel Services du fait de l'introduction préalable de son référé précontractuel,

1° alors que le recours régi par la section relative au référé contractuel n'est pas ouvert au demandeur ayant fait usage du recours prévu à l'article 2, relatif au référé précontractuel, lorsque le pouvoir adjudicateur a respecté la suspension prévue à l'article 4 et s'est conformé à la décision juridictionnelle rendue sur ce recours ; qu'en l'espèce, le tribunal a néanmoins jugé que ce principe, qui vise une suspension à compter de la saisine du juge et jusqu'à la notification de la décision juridictionnelle, soit dans la présente hypothèse à compter du 15 mai 2020, n'était pas applicable au cas d'espèce, dès lors que les contrats litigieux ont été signés le 13 mai 2020 - avant, par conséquent, le point de départ du délai de suspension ; qu'en décidant pourtant que le recours en référé contractuel de la société Arc-en-Ciel Services était irrecevable « du fait de la saisine préalable (...) du référé précontractuel », le tribunal n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation de l'article 12 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 ;

2° alors que les personnes qui ont un intérêt à conclure l'un des contrats de droit privé mentionnés aux articles 2 et 5 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 et qui sont susceptibles d'être lésées par des manquements aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles ils sont soumis peuvent saisir le juge d'un recours en contestation de la validité du contrat ; que lorsqu'un contrat a été conclu avant l'expiration du délai exigé par l'article R. 2182-1 du code de la commande publique, le juge du référé contractuel est tenu soit de priver d'effets le contrat en l'annulant ou en le résiliant, soit de prononcer une sanction de substitution consistant en une pénalité financière ou une réduction de la durée du contrat, au besoin d'office ; qu'il en est de même lorsque le pouvoir adjudicateur a notifié au candidat évincé sa décision de rejet de sa candidature sans satisfaire aux obligations de motivation et d'information imposées par les articles R. 2181-1 et R. 2181-3 du code de la commande publique, et lorsqu'il ne l'a pas informé, en particulier, sur les recours dont il disposait et les délais auxquels ils étaient soumis ; qu'en effet, dans cette hypothèse, le délai susvisé de l'article R. 2182-1 n'a pas commencé à courir, de sorte que les contrats conclus postérieurement à la notification de rejet de candidature l'ont nécessairement été avant l'expiration du délai de suspension ; qu'il en résulte que le candidat évincé qui se prévaut d'une violation des obligations de motivation et d'information du pouvoir adjudicateur lors de la notification du rejet de sa candidature est nécessairement recevable à saisir le juge en référé contractuel pour faire constater et sanctionner ce manquement ; qu'en l'espèce, tandis que la société Arc-en-Ciel Services reprochait à la société Logirep un tel manquement, le tribunal a relevé qu'il « n'était (...) pas possible [au pouvoir adjudicateur] d'indiquer de délai de recours alors que celui-ci expire avec la signature des contrats, dont la date n'est pas nécessairement prévisible » (jugement, p. 4, § 5) ; qu'en jugeant que le recours en référé contractuel de la société Arc-en-Ciel Services était irrecevable, après avoir pourtant constaté ce manquement, ce dont il résultait que les contrats litigieux avaient été conclus avant l'expiration du délai de suspension, ce dont la société Arc-en-Ciel Services était en droit de demander réparation, le tribunal, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, a violé l'article 11 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009, ensemble les articles 18 et 19 de ladite ordonnance ;

3° alors que le délai de onze jours prévu par l'article R. 2182-1 du code de la commande publique, qui a pour objet de permettre au candidat évincé de recourir contre la décision de rejet de sa candidature portée à sa connaissance, a pour point de départ la date de notification de cette décision ; que le délai de onze jours prévu par l'article 13 de l'ordonnance n° 2009-515 du 7 mai 2009 a pour objet d'informer les candidats non retenus de l'intention du pouvoir adjudicataire de conclure un contrat ; que ces deux délais, s'ils ont une même durée, ne s'identifient ni par leur objet ni par leur point de départ ; que, pour déclarer irrecevable le recours de la société Arc-en-Ciel Services en référé contractuel, le tribunal a retenu que « l'article 13 de la même ordonnance et les articles R. 2182-1 et R. 2183-3 prévoient que le recours ne peut être exercé lorsque le pouvoir adjudicateur a, avant la conclusion du contrat, rendu publique son intention de le conclure et observé un délai de onze jours après cette publication » ; qu'en identifiant ainsi ces dispositions l'une à l'autre pour déterminer si le recours de la société Arc-en-Ciel Services était ou non recevable, le tribunal a violé les textes susvisés par fausse application ;

4° alors que l'article 13 de l'ordonnance du n° 2009-515 du 7 mai 2009 dispose que « le recours régi par le présent article [le recours en référé contractuel] ne peut être exercé ni à l'égard des contrats dont la passation n'est pas soumise à une obligation de publicité préalable lorsque le pouvoir adjudicateur (...) a, avant la conclusion du contrat, rendu publique son intention de le conclure et observé un délai de onze jours après cette publication, ni à l'égard des contrats soumis à publicité préalable auxquels ne s'applique pas l'obligation de communiquer la décision d'attribution aux candidats non retenus lorsque le pouvoir adjudicateur ou l'entité adjudicatrice a accompli la même formalité » : que, cependant, le pouvoir adjudicateur ne peut pas se prévaloir de ces dispositions lorsque, manquant à ses obligations, il n'a pas respecté les exigences des articles R. 2182-1 et R. 2183-3 du code de la commande publique et l'obligation particulière d'informer le candidat écarté des délais de recours qu'il pouvait exercer ; qu'en effet, dans l'hypothèse d'un tel manquement, le délai de suspension de l'article R. 2182-1 du code de la commande publique n'a jamais couru, de sorte que les contrats ultérieurement conclus, nécessairement illégaux, ne peuvent trouver une légitimation postérieure dans l'expiration du délai de 11 jours de l'article 13 précité ; qu'en l'espèce, le tribunal a constaté que le pouvoir adjudicateur n'avait pas informé la société Arc-en-Ciel Services sur les délais de recours contre sa décision d'écarter sa candidature (jugement, p. 4, § 5) ; qu'il en résultait que le délai de suspension de l'article R. 2182-1 susvisé n'avait pas commencé à courir et que les contrats litigieux ultérieurement conclus étaient illégaux ; qu'en jugeant pourtant que ces dispositions pouvaient justifier l'irrecevabilité du recours en référé contractuel de la société Arc-en-Ciel Services, le tribunal n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des articles 13 précité et R. 2182-1 et R. 2183-3 du code de la commande publique ;

5° alors que pour justifier la recevabilité de son recours, la société Arc-en-Ciel Services avait notamment fait valoir que, lors de la notification qu'il lui avait faite du rejet de sa candidature, le pouvoir adjudicateur avait manqué gravement à ses obligations d'information, en ne lui indiquant ni les voies de recours pouvant être exercées contre sa décision ni leurs délais, et surtout en ne lui donnant pas les motifs de ce rejet, malgré ses réclamations, et enfin en ne lui donnant aucune information ni sur le nom de l'attributaire ni sur les motifs qui avaient conduit à son choix ; qu'en se bornant dès lors à répondre que des délais n'étaient pas prévisibles et que la société Arc-en-Ciel Services avait pu « correctement initier (sic) son référé précontractuel », sans procéder à aucun examen des manquements tirés du défaut d'information sur les motifs du rejet de la candidature, sur le nom de l'attributaire, sur les motifs qui avaient conduit à son choix, et sans rechercher dès lors si la gravité de ces manquements, susceptibles d'avoir une incidence sur la légalité des contrats, ne justifiaient pas la recevabilité du recours contractuel de la société Arc-en-Ciel Services, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard des articles R. 2182-1, R. 2181-3 du code de la commande publique, ensemble de l'article 11 de l'ordonnance du n° 2009-515 du 7 mai 2009.

Vous devez être connecté pour gérer vos abonnements.

Vous devez être connecté pour ajouter cette page à vos favoris.

Vous devez être connecté pour ajouter une note.