7 septembre 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 19-25.108

Première chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C100614

Titres et sommaires

UNION EUROPEENNE - règlement (ue) n° 2016/44 du conseil du 18 janvier 2016 - gel d'avoirs libyens - mesure d'exécution - mise en oeuvre - conditions - détermination - portée

Il résulte des articles 1, 5, § 4, et 11, § 2, du règlement (UE) n° 2016/44 du Conseil du 18 janvier 2016 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye et abrogeant le règlement (UE) n° 204/2011 du Conseil du 2 mars 2011 et de l'article L. 211-2 du code des procédures civiles d'exécution que ne peut être diligentée, sur des fonds ou des ressources économiques gelés, aucune mesure d'exécution qui aurait pour effet, non seulement de les faire sortir du patrimoine du débiteur, mais aussi de conférer au créancier poursuivant un simple droit de préférence, sans une autorisation préalable du directeur du Trésor, autorité nationale désignée en application de l'article 11, § 2, du règlement n° 2016/44, une telle interprétation étant indispensable pour assurer l'efficacité des mesures restrictives, quels qu'en soient les effets sur les créanciers étrangers aux détournements de fonds publics opérés sous l'ancien régime libyen

Texte de la décision

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 septembre 2022




Cassation sans renvoi


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 614 FS-B

Pourvoi n° J 19-25.108






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 7 SEPTEMBRE 2022

La société Libyan Invesment Authority, société de droit libyen, dont le siège est [Adresse 3] (Libye), a formé le pourvoi n° J 19-25.108 contre l'arrêt rendu le 5 septembre 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 4, chambre 8), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société Libyan Arab Foreign Investment Company, société de droit libyen, dont le siège est [Adresse 4] (Libye),

2°/ à la société [P] [D] [F] et fils, société de droit koweïtien, dont le siège est [Adresse 1] (Égypte),

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Guihal, conseiller, les observations de la SARL Delvolvé et Trichet, avocat de la société Libyan Invesment Authority, de la SCP Rousseau et Tapie, avocat de la société Libyan Arab Foreign Investment Company, de la SCP Alain Bénabent, avocat de la société [P] [D] [F] et fils, et l'avis de Mme Caron-Deglise, avocat général, après débats en l'audience publique du 14 juin 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Guihal, conseiller rapporteur, M. Vigneau, conseiller doyen, MM. Hascher, Avel, Bruyère, conseillers, M. Vitse, Mmes Kloda, Champ, Robin-Raschel, conseillers référendaires, Mme Caron-Deglise, avocat général, et Mme Vignes, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 5 septembre 2019) et les productions, sur le fondement d'une sentence arbitrale revêtue de l'exequatur, portant condamnation à paiement de l'Etat libyen, la société [P] [D] [F] et fils (la société [F]) a fait pratiquer en France, le 5 juillet 2013, des saisies-attributions au préjudice de la Libyan Investment Authority (LIA) et de sa filiale à 100 %, la société Libyan Arab Foreign Investment Company (la société LAFICO), entre les mains de la banque BIA et de la Société générale, et, le 13 août 2013, une saisie de droits d'associés et de valeurs mobilières détenus par la société CER, filiale à 100 % de la société LAFICO.

2. L'arrêt du 5 septembre 2019 a rejeté les demandes de la LIA et de la société LAFICO en contestation de ces saisies.

3. Devant la Cour de cassation, la LIA a fait état du gel de ses avoirs en application de résolutions du Conseil de sécurité des Nations Unies mises en oeuvre, au sein de l'Union européenne, par le règlement (UE) n° 2016/44 du Conseil du 18 janvier 2016 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye.

4. Par un arrêt du 3 novembre 2021 (n° 655), il a été sursis à statuer jusqu'à la décision de la Cour de justice de l'Union européenne (CJUE), saisie par un arrêt de l'Assemblée plénière de la Cour de cassation (Ass. plén., 10 juillet 2020, pourvois n° 18-18.542 et 18-21.814) de la question de savoir si les dispositions d'un autre règlement européen, relatif à des mesures restrictives à l'égard de l'Iran et comportant une définition des mesures de gel analogue à celle du règlement n° 2016/44, s'opposaient à ce que soit diligentée sur des avoirs gelés, sans autorisation préalable de l'autorité nationale compétente, une mesure dépourvue d'effet attributif, telle qu'une saisie conservatoire.

5. Par un arrêt du 11 novembre 2021 (C-340/20), la CJUE a répondu à la question préjudicielle.

Examen des moyens

Sur le moyen relevé d'office


6. Après avis donné aux parties conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application de l'article 620, alinéa 2, du même code.

Vu les articles 1, 5 § 4 et 11 § 2 du règlement (UE) n° 2016/44 du Conseil du 18 janvier 2016 concernant des mesures restrictives en raison de la situation en Libye et abrogeant le règlement (UE) n° 204/2011 et l'article L. 211-2 du code des procédures civiles d'exécution :

7. Le premier de ces textes dispose :

« Aux fins du présent règlement, on entend par :

a) « fonds », les actifs financiers et les avantages économiques de toute nature, y compris et notamment, mais pas exclusivement :
i) le numéraire, les chèques, les créances en numéraire, les traites, les ordres de paiement et autres instruments de paiement ;
ii) les dépôts auprès d'établissements financiers ou d'autres entités, les soldes en comptes, les créances et les titres de créances ;
iii) les titres de propriété et d'emprunt, tels que les actions et autres titres de participation, les certificats représentatifs de valeurs mobilières, les obligations, les billets à ordre, les warrants, les obligations non garanties et les contrats sur produits dérivés, qu'ils soient négociés en Bourse ou fassent l'objet d'un placement privé ;
iv) les intérêts, les dividendes ou autres revenus d'actifs ou plus-values perçus sur des actifs ;
[...]
b) « gel des fonds », toute action visant à empêcher tout mouvement, transfert, modification, utilisation ou manipulation de fonds ou tout accès à ceux-ci qui aurait pour conséquence une modification de leur volume, de leur montant, de leur localisation, de leur propriété, de leur possession, de leur nature, de leur destination ou toute autre modification qui pourrait en permettre l'utilisation, y compris la gestion de portefeuilles. »

8. Selon le deuxième, tous les fonds et ressources économiques qui appartiennent aux entités énumérées à l'annexe VI, parmi lesquelles figure la LIA, ou que celles-ci avaient en leur possession, détenaient ou contrôlaient à la date du 16 septembre 2011 et qui se trouvaient en dehors de Libye à cette date restent gelés.

9. Le troisième dispose :

« 2. Par dérogation à l'article 5, paragraphe 4, et pour autant qu'un paiement soit dû au titre d'un contrat ou d'un accord conclu ou d'une obligation souscrite par la personne, l'entité ou l'organisme concerné avant la date de sa désignation par le Conseil de sécurité ou le comité des sanctions, les autorités compétentes des États membres, mentionnées sur les sites internet énumérés à l'annexe IV, peuvent autoriser, dans les conditions qu'elles jugent appropriées, le déblocage de certains fonds ou ressources économiques gelés, pour autant que les conditions suivantes soient réunies :

a) l'autorité compétente concernée a établi que le paiement n'enfreint pas l'article 5, paragraphe 2, ni ne profite à une entité visée à l'article 5, paragraphe 4 ;

b) l'État membre concerné a notifié au comité des sanctions, dix jours ouvrables à l'avance, son intention d'accorder une autorisation. »

10. Le quatrième dispose :

« L'acte de saisie emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles elle est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie, disponible entre les mains du tiers ainsi que de tous ses accessoires. Il rend le tiers personnellement débiteur des causes de la saisie dans la limite de son obligation.

La notification ultérieure d'autres saisies ou de toute autre mesure de prélèvement, même émanant de créanciers privilégiés, ainsi que la survenance d'un jugement portant ouverture d'une procédure de sauvegarde, de redressement judiciaire ou de liquidation judiciaire ne remettent pas en cause cette attribution.

Toutefois, les actes de saisie notifiés au cours de la même journée entre les mains du même tiers sont réputés faits simultanément. Si les sommes disponibles ne permettent pas de désintéresser la totalité des créanciers ainsi saisissants, ceux-ci viennent en concours.

Lorsqu'une saisie-attribution se trouve privée d'effet, les saisies et prélèvements ultérieurs prennent effet à leur date. »

11. La CJUE a été saisie par l'Assemblée plénière d'une question préjudicielle portant sur l'interprétation du règlement (CE) n° 423/2007 du Conseil, du 19 avril 2007, concernant l'adoption de mesures restrictives à l'encontre de l'Iran, dont l'article 1° dispose :

« Aux seules fins du présent règlement, on entend par :
[...]
h) « gel des fonds », toute action visant à empêcher tout mouvement, transfert, modification, utilisation ou manipulation de fonds qui aurait pour conséquence un changement de leur volume, de leur montant, de leur localisation, de leur propriété, de leur possession, de leur nature, de leur destination ou toute autre modification qui pourrait en permettre l'utilisation, notamment la gestion de portefeuilles. »

12. De cette définition, la CJUE déduit que « la notion de "gel des fonds" englobe toute utilisation de fonds ayant pour conséquence, notamment, un changement de la destination de ces fonds, même si une telle utilisation des fonds n'a pas pour effet de faire sortir des biens du patrimoine du débiteur » (§ 49).

13. La CJUE ajoute que cette interprétation est corroborée par les considérants du règlement n° 423/2007 selon lesquels :
- « les mesures restrictives adoptées contre la République islamique d'Iran ont une vocation préventive en ce sens qu'elles visent à empêcher un risque de prolifération nucléaire dans cet Etat » (§ 52 et 54) ;
- « les mesures de gel des fonds et des ressources économiques visent par conséquent à éviter que l'avoir concerné par une mesure de gel soit utilisé pour procurer des fonds, des biens ou des services susceptibles de contribuer à la prolifération nucléaire en Iran » (§ 55) ;
- « pour atteindre ces buts, il est non seulement légitime, mais également indispensable que les définitions des notions de "gel des fonds" et de "gel des ressources économiques" revêtent une interprétation large parce qu'il s'agit d'empêcher toute utilisation des avoirs gelés qui permettrait de contourner les règlements en cause et d'exploiter les failles du système » (§ 56).

14. La CJUE ajoute qu'elle « a déjà jugé que l'importance des objectifs poursuivis par un acte de l'Union établissant un régime de mesures restrictives est de nature à justifier des conséquences négatives, même considérables, pour certains opérateurs, y compris pour ceux qui n'ont aucune responsabilité quant à la situation ayant conduit à l'adoption des mesures concernées, mais qui se trouvent affectés notamment dans leurs droits de propriété [...], de sorte que la circonstance que la cause de la créance à recouvrer sur la personne ou l'entité dont les fonds ou les ressources économiques sont gelés est étrangère au programme nucléaire et balistique iranien et antérieure à la résolution 1737 (2006) n'est pas pertinente » (§ 66 et 67).

15. Les mesures de gel sont définies en termes similaires par le règlement concernant l'Iran et par celui relatif à la Libye. Les considérants de celui-ci, comme ceux du règlement concernant l'Iran, soulignent la portée préventive des mesures de gel, en l'occurrence la prévention de « la menace que représentent les personnes et entités qui possèdent ou contrôlent des fonds publics libyens détournés sous l'ancien régime de [S] [G], susceptibles d'être utilisés pour mettre en danger la paix, la stabilité ou la sécurité en Libye, ou pour entraver ou compromettre la réussite de sa transition politique » (deuxième considérant).

16. Il en résulte que ne peut être diligentée, sur des fonds ou des ressources économiques gelés, aucune mesure d'exécution qui aurait pour effet, non seulement de les faire sortir du patrimoine du débiteur, mais aussi de conférer au créancier poursuivant un simple droit de préférence, sans une autorisation préalable du directeur du Trésor, autorité nationale désignée en application de l'article 11 § 2 du règlement n° 2016/44, une telle interprétation étant indispensable pour assurer l'efficacité des mesures restrictives, quels qu'en soient les effets sur les créanciers étrangers aux détournements de fonds publics opérés sous l'ancien régime libyen.

17. Pour rejeter la demande de mainlevée des saisies-attributions diligentées en juillet et août 2013 par la société [F] sur des actifs détenus en France par la LIA et par sa filiale à 100 %, la société LAFICO, l'arrêt retient que la LIA est une émanation de l'Etat libyen et que les fonds ne bénéficient pas de l'immunité d'exécution.

18. En statuant ainsi, alors que tous les fonds et ressources économiques qui appartenaient à la LIA ou que celle-ci avait en sa possession, détenait ou contrôlait à compter du 16 septembre 2011 et qui se trouvaient hors de Libye à cette date étaient gelés et alors qu'il n'était pas justifié d'une autorisation préalable du directeur du Trésor, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

19. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

20. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

21. La société [F] n'ayant pas sollicité l'autorisation du directeur du Trésor préalablement aux saisies, il convient de confirmer le jugement qui en a donné mainlevée.

Portée et conséquences de la cassation

19. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

20. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

21. La société [F] n'ayant pas sollicité l'autorisation du directeur du Trésor préalablement aux saisies, il convient de confirmer le jugement qui en a donné mainlevée.


PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

CONFIRME le jugement rendu le 10 juillet 2018 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris ;

Condamne la société [F] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept septembre deux mille vingt-deux. MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SARL Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société Libyan Invesment Authority

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la Libyan Investment Authority (l'Autorité libyenne d'investissement) de sa demande de mainlevée des saisies-attribution pratiquées le 5 juillet 2013 par la société [F] entre les mains de la Société générale et de la banque BIA, et de mainlevée de la saisie de valeurs mobilières et de droits d'associés de la société financière CER pratiquée le 13 août 2013 ;

Aux motifs que " Sur la question de savoir si la Lia et la société Lifaco sont des émanations de l'Etat libyen :
Sur l'indépendance organique :
L'Autorité libyenne d'investissement a été créée par la loi n°205/1374 qui dispose en son article 4 qu'elle a pour "objet d'investir et de faire fructifier les fonds que lui attribue le Comité Populaire Général (..) aux fins de fructifier ces fonds, fournir des apports financiers adéquats et diversifier les sources de revenus nationaux de manière à augmenter les rentrées annuelles du Trésor public et limiter l'impact des fluctuations des revenus et ressources pétrolières ", que la loi n°(13) de 2010 portant organisation de l'Autorité libyenne d'investissement dispose que cette personne morale de droit public est rattachée au Comité populaire général, que son organe suprême (article 6) est le Conseil de fiduciaires composé du secrétaire du Comité populaire général en tant que président, des secrétaires des comités populaires généraux, du gouverneur de la Banque centrale et d'expert, que ce Conseil des fiduciaires désigne les membres du conseil d'administration (article 10) et décide de leur rémunération, qu'elle est exclue des dispositions du contrôle préalable prévu par les législations en vigueur ; que les employés de l'Autorité libyenne d'investissement sont considérés comme des employés publics et soumis aux règles de l'emploi public (article 27). L'Autorité, les sociétés qu'elle possède, les entités qui lui sont affiliées, sont exemptées des taxes et tarifs relatifs à toutes leurs activités (article 26) ; que la décision n° 7 prise en 2012 par le conseil des ministres du gouvernement provisoire constitué après le renversement du régime du colonel [G], publiée au journal officiel libyen le 9 juin 2013, fixe l'organisation du conseil des ministres et précise, dans une liste jointe, les organes sur lesquels s'exerce sa tutelle, la Lia y figurant en première ligne ; que ces éléments caractérisent l'absence d'indépendance organique de la Lia par rapport à l'Etat libyen à la date de la saisie, absence d'indépendance au demeurant confirmée par les dispositions ultérieures, telles la Résolution du Conseil des Ministres n°4 de 2014 portant sur la reconstitution du conseil des Fiduciaires de la Lia en vertu de laquelle ce conseil comporte six membres dont cinq membres du gouvernement, le Premier Ministre, le Gouverneur de la Banque Centrale de Libye, le Ministre des Finances, le Ministre de la Planification, le Ministre de l'Economie et M. [R] [O] [K] ; En ce qui concerne la confusion des patrimoines :
La loi n° 205/1374 créant la Lia dispose que " le capital de l'institution est fixé à 250 millions de dollars US, répartis sur 250 000 actions de la valeur de 100 dollars US chacune, versé par les autorités dont elle dépend. Le capital peut être augmenté ou réduit par décision du Comité Populaire Général sur proposition du Conseil des Secrétaires " ; que le capital de la Lia est détenu à 100 % par l'État. La décision de l'augmenter ou de le diminuer n'est pas prise par les organes dirigeants, mais par le gouvernement sur proposition du conseil des ministres. Chaque année, il peut lui être attribué le " surplus du budget général ". Le montant du capital de la Lia dépendant exclusivement de la volonté du gouvernement libyen ; que si, l'article 15 de la loi n° 13 de 2010 précitée prévoit que la Lia est également financée par les revenus générés par sa propre activité, ces revenus résultent de l'investissement des fonds appartenant à l'État et seront utilisés afin " d'augmenter les rentrées annuelles du Trésor Public " selon l'article 4 de la loi n° 205/1376 et " de soutenir le Trésor Public " ; qu'il résulte de ces éléments que cette Autorité ? n'a pas de patrimoine propre, le fait qu'elle puisse contracter des prêts ne suffisant pas à caractériser l'existence d'un tel patrimoine, distinct de celui de l'Etat libyen ; que l'Autorité libyenne d'investissement constitue donc une émanation de l'Etat libyen, pour le compte exclusif duquel elle agit, tout comme la société Lafico, sa filiale à 100 %, peu important qu'en apparence, celle-ci jouisse également, comme elle le soutient, d'un statut et d'un patrimoine distinct " (arrêt attaqué, p. 6 et s.) ;

1°) Alors qu' il incombe au juge français saisi d'une demande d'application d'un droit étranger de rechercher la loi compétente, selon la règle de conflit ; que l'Autorité libyenne d'investissement invoquait son autonomie juridique, patrimoniale et financière en application du droit libyen et de la jurisprudence libyenne (concl. sign. le 5 juin 2019, p. 31 et s.) et produisait, au soutien de son argumentation un affidavit de droit libyen ; qu'en écartant l'autonomie de l'Autorité libyenne d'investissement, sans rechercher la loi applicable qui permettait de procéder à cette déduction, la cour d'appel a violé l'article 3 du code civil et les principes du droit international privé ;

2°) Alors que les conditions d'existence de la personnalité morale d'une société étrangère sont déterminées par la loi du pays de son siège ; qu'en considérant, pour se prononcer sur l'existence et la réalité de la personnalité morale de l'Autorité libyenne d'investissement, que cette dernière était une émanation de l'Etat libyen par référence au droit français, quand cette société relève de la loi libyenne, dont elle revendiquait l'application (concl. sign. le 5 juin 2019, p. 30 et s.), la cour d'appel a violé l'article 3 du code civil et les principes du droit international privé.




DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la Libyan Investment Authority (l'Autorité libyenne d'investissement) de sa demande de mainlevée des saisies-attribution pratiquées le 5 juillet 2013 par la société [F] entre les mains de la Société générale et de la banque BIA, et de mainlevée de la saisie de valeurs mobilières et de droits d'associés de la société financière CER pratiquée le 13 août 2013 ;

Aux motifs que " Sur la question de savoir si la Lia et la société Lifaco sont des émanations de l'Etat libyen :
Sur l'indépendance organique :
L'Autorité libyenne d'investissement a été créée par la loi n°205/1374 qui dispose en son article 4 qu'elle a pour "objet d'investir et de faire fructifier les fonds que lui attribue le Comité Populaire Général (..) aux fins de fructifier ces fonds, fournir des apports financiers adéquats et diversifier les sources de revenus nationaux de manière à augmenter les rentrées annuelles du Trésor public et limiter l'impact des fluctuations des revenus et ressources pétrolières ", que la loi n°(13) de 2010 portant organisation de l'Autorité libyenne d'investissement dispose que cette personne morale de droit public est rattachée au Comité populaire général, que son organe suprême (article 6) est le Conseil de fiduciaires composé du secrétaire du Comité populaire général en tant que président, des secrétaires des comités populaires généraux, du gouverneur de la Banque centrale et d'expert, que ce Conseil des fiduciaires désigne les membres du conseil d'administration (article 10) et décide de leur rémunération, qu'elle est exclue des dispositions du contrôle préalable prévu par les législations en vigueur ; que les employés de l'Autorité libyenne d'investissement sont considérés comme des employés publics et soumis aux règles de l'emploi public (article 27). L'Autorité, les sociétés qu'elle possède, les entités qui lui sont affiliées, sont exemptées des taxes et tarifs relatifs à toutes leurs activités (article 26) ; que la décision n° 7 prise en 2012 par le conseil des ministres du gouvernement provisoire constitué après le renversement du régime du colonel [G], publiée au journal officiel libyen le 9 juin 2013, fixe l'organisation du conseil des ministres et précise, dans une liste jointe, les organes sur lesquels s'exerce sa tutelle, la Lia y figurant en première ligne ; que ces éléments caractérisent l'absence d'indépendance organique de la Lia par rapport à l'Etat libyen à la date de la saisie, absence d'indépendance au demeurant confirmée par les dispositions ultérieures, telles la Résolution du Conseil des Ministres n°4 de 2014 portant sur la reconstitution du conseil des Fiduciaires de la Lia en vertu de laquelle ce conseil comporte six membres dont cinq membres du gouvernement, le Premier Ministre, le Gouverneur de la Banque Centrale de Libye, le Ministre des Finances, le Ministre de la Planification, le Ministre de l'Economie et M. [R] [O] [K] " (arrêt attaqué, p. 6 et s.) ;



1°) Alors que l'entité qui bénéficie d'une autonomie de droit et de fait à l'égard d'un Etat ne peut être qualifiée d'émanation de ce dernier ; qu'en retenant que l'Autorité libyenne d'investissement était une personne morale de droit public dont les employés étaient considérés comme des employés publics, soumis aux règles de l'emploi public et que ses activités étaient exemptées de taxes pour déduire son absence d'indépendance organique par rapport à l'Etat libyen, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérants, privant ainsi sa décision de base légale au regard des principes du droit international privé gouvernant l'immunité d'exécution des Etats étrangers, ensemble l'article L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

2°) Alors que l'entité qui bénéficie d'une autonomie de droit et de fait à l'égard d'un Etat ne peut être qualifiée d'émanation de ce dernier ; qu'en se bornant à retenir, de façon abstraite, que l'Autorité libyenne d'investissement était " rattachée " au Comité populaire général sans expliquer concrètement en quoi cette circonstance était de nature à affecter son autonomie, la cour d'appel, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des principes du droit international privé gouvernant l'immunité d'exécution des Etats étrangers, ensemble l'article L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

3°) Alors que l'entité qui bénéficie d'une autonomie de droit et de fait à l'égard d'un Etat ne peut être qualifiée d'émanation de ce dernier ; que l'entité considérée jouit d'une indépendance statutaire et ne peut donc être considérée comme une émanation d'Etat lorsqu'entrent dans la composition de son organe règlementaire et de contrôle des experts sans lien avec l'administration centrale de l'Etat ; qu'après avoir constaté qu'entraient dans la composition du Conseil de fiduciaires des experts, ce dont il résultait que l'organe réglementaire et de contrôle de l'Autorité libyenne d'investissement était également constitué de membres sans lien avec l'Etat, la cour d'appel, qui a néanmoins conclu à l'absence d'indépendance organique de l'Autorité, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des principes du droit international privé gouvernant l'immunité d'exécution des Etats étrangers, ensemble l'article L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

4°) Alors que le contrôle étatique sur une entité, fût-il exercé au travers de ses dirigeants, ne suffit pas à la faire considérer comme une émanation de l'Etat impliquant son assimilation à celui-ci ; qu'en se bornant à retenir que l'Autorité libyenne d'investissement était l'une des entités sur lesquelles s'exerçait la tutelle du gouvernement provisoire libyen et que son organe réglementaire et de contrôle comportait, pour partie, des représentants des comités populaires (organes chargés de relayer les décisions des représentants locaux aux instances centrales), pour en déduire l'absence d'indépendance organique de l'Autorité, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérants, privant ainsi sa décision de base légale au regard des principes du droit international privé gouvernant l'immunité d'exécution des Etats étrangers, ensemble l'article L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

5°) Alors que l'entité qui bénéficie d'une autonomie de droit et de fait à l'égard d'un Etat ne peut être qualifiée d'émanation de ce dernier ; que bénéficie d'une telle autonomie l'entité qui exerce son activité par l'intermédiaire d'organes qui agissent de façon autonome par rapport et jouit ainsi d'une indépendance fonctionnelle ; qu'en déduisant l'absence d'autonomie de l'Autorité libyenne d'investissement de la désignation des membres de son conseil d'administration et de leur rémunération, organe opérationnel de l'Autorité, par le conseil des fiduciaires, sans constater l'existence d'un rapport hiérarchique de ce dernier sur la conseil d'administration, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'absence d'autonomie de l'Autorité libyenne d'investissement dans l'exercice de son activité, privant ainsi sa décision de base légale au regard des principes du droit international privé gouvernant l'immunité d'exécution des Etats étrangers, ensemble l'article L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

Et aux motifs qu' " En ce qui concerne la confusion des patrimoines :
La loi n° 205/1374 créant la Lia dispose que " le capital de l'institution est fixé à 250 millions de dollars US, répartis sur 250 000 actions de la valeur de 100 dollars US chacune, versé par les autorités dont elle dépend. Le capital peut être augmenté ou réduit par décision du Comité Populaire Général sur proposition du Conseil des Secrétaires " ; que le capital de la Lia est détenu à 100 % par l'Etat. La décision de l'augmenter ou de le diminuer n'est pas prise par les organes dirigeants, mais par le gouvernement sur proposition du conseil des ministres. Chaque année, il peut lui être attribué le " surplus du budget général ". Le montant du capital de la Lia dépendant exclusivement de la volonté du gouvernement libyen ; que si, l'article 15 de la loi n° 13 de 2010 précitée prévoit que la Lia est également financée par les revenus générés par sa propre activité, ces revenus résultent de l'investissement des fonds appartenant à l'Etat et seront utilisés afin " d'augmenter les rentrées annuelles du Trésor Public " selon l'article 4 de la loi n° 205/1376 et " de soutenir le Trésor Public " ; qu'il résulte de ces éléments que cette Autorité n'a pas de patrimoine propre, le fait qu'elle puisse contracter des prêts ne suffisant pas à caractériser l'existence d'un tel patrimoine, distinct de celui de l'Etat libyen ; que l'Autorité libyenne d'investissement constitue donc une émanation de l'Etat libyen, pour le compte exclusif duquel elle agit, tout comme la société Lafico, sa filiale à 100 %, peu important qu'en apparence, celle-ci jouisse également, comme elle le soutient, d'un statut et d'un patrimoine distinct " (arrêt attaqué, p. 7) ;

6°) Alors que les apports effectués au profit d'une personne morale deviennent la propriété de cette dernière et composent son patrimoine social ; que dès lors, les liens capitalistiques entre deux entités peuvent constituer un indice du contrôle de l'une sur l'autre, mais non de la confusion entre leurs patrimoines qui dépend, quant à elle, de leurs liens organisationnels et juridiques, ainsi que des flux financiers entre elles ; qu'en retenant que la circonstance que les actions de la LIA étaient détenues par l'Etat induisait une confusion des patrimoines entre eux, la cour d'appel a violé les articles 2284 du code civil et L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

7°) Alors, en outre, que le contrôle d'une entité sur une autre peut être déduit
de la participation majoritaire ou exclusive de l'une dans le capital de l'autre à la condition que l'entité réputée contrôlée ne se détermine pas de façon autonome sur le marché faisant l'objet de son activité ; qu'en prenant en considération l'actionnariat étatique de la LIA pour déduire une confusion patrimoniale entre cette dernière et l'Etat libyen, sans examiner, comme elle y était invitée, si la LIA n'agissait pas, sur le marché de l'investissement financier, de façon parfaitement autonome, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 2284 du code civil et L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

8°) Alors, enfin, que ainsi que le faisait valoir la LIA, son patrimoine était spécialement et uniquement destiné à la réalisation de son objet social consistant en des activités d'investissement purement privées et sa gestion fait l'objet d'une comptabilité propre établie conformément aux normes comptables internationales et soumise à l'examen d'auditeurs externes ; qu'en considérant néanmoins de la LIA pouvait être qualifiée d'émanation de l'Etat libyen dans la mesure où une partie des produits de ses investissements devait être versés au Trésor public libyen, motif impropre à justifier de l'absence d'autonomie de la LIA dans la conduite de son activité telle que décrite dans son objet social, la cour d'appel a violé les articles 2284 du code civil et L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION (plus subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la Libyan Investment Authority (l'Autorité libyenne d'investissement) de sa demande de mainlevée des saisies-attribution pratiquées le 5 juillet 2013 par la société [F] entre les mains de la Société générale et de la banque BIA, et de mainlevée de la saisie de valeurs mobilières et de droits d'associés de la société financière CER pratiquée le 13 août 2013 ;

Et aux motifs que " Sur l'immunité d'exécution :
Sur la nature des biens saisis : Il est, ensuite, nécessaire d'examiner si les comptes des intimées sont spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés par ledit E?tat autrement qu'à des fins de service public non commerciales et entretiennent un lien avec l'entité contre laquelle la procédure a été intentée ; que les intimées soutiennent qu'il incombe au créancier de démontrer l'existence d'un lien entre les biens saisis et l'opération ayant donné lieu à la saisie, ce qui, à l'évidence, n'est pas le cas en l'espèce, puisqu'elles n'étaient pas parties au contrat ayant donné lieu à la sentence arbitrale ; que cependant, selon le droit coutumier international, tout comme selon la loi Sapin II, dès lors que les biens ont un lien avec l'entité contre laquelle la procédure a été intentée, ils peuvent faire l'objet d'une mesure d'exécution ; que la Lia et la société Lafico étant, ainsi qu'il a été dit plus haut, des émanations de l'Etat libyen, cette seconde condition est remplie ; que pour démontrer que la première condition est remplie, l'appelante rappelle que la saisie a porté sur un produit financier dénommé Etmn arrivé à échéance d'un montant de 151 554 067 dollars US, des parts sociales de la société Financière CER, appartenant à la société Lafico, la société CER étant propriétaire de l'immeuble de la FNAC, sis [Adresse 2], parts librement négociables sur le marché, société dont le seul objet est de porter un investissement immobilier et enfin, sur des sommes d'argent déposées dans une banque commerciale ; qu'elle démontre ainsi que les biens ne sont pas spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés à des fins de service public non commerciales de sorte qu'ils sont saisissables " (arrêt attaqué, p. 9) ;

1°) Alors que la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif ;
l'article L. 111-1-2 du code des procédures civiles d'exécution dans sa rédaction issue de l'article 59 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, dite loi Sapin II, est applicable aux mesures d'exécution mises en œuvre après l'entrée en vigueur de la loi, intervenue le 11 décembre 2016, de sorte que ces dispositions ne sont pas applicables aux mesures d'exécution diligentées antérieurement à cette date ; qu'en faisant néanmoins application des dispositions de la loi Sapin II à des saisies pratiquées aux mois de mars et avril 2016, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 111-1-2 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble, l'article 2 du code civil ;

2°) Alors que l'immunité d'exécution dont jouit un Etat étranger peut être exceptionnellement écartée lorsque le bien saisi a été affecté à l'activité économique ou commerciale relevant du droit privé qui donne lieu à la demande en justice ; qu'en jugeant saisissables le produit financier dénommé Emtn, les parts sociales d'une société financière propriétaire de biens immobiliers à Paris, ainsi que des sommes d'argent déposées dans les livres d'une banque commerciale, sans relever de lien entre ces biens et le développement et l'exploitation touristiques d'un site situé dans le district de Tripoli, la cour d'appel a violé les principes du droit international régissant l'immunité des Etats ;

3°) Alors que l'immunité d'exécution dont jouissent, par principe, les États
étrangers est écartée pour leurs seuls biens qui sont spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés par l'État autrement qu'à des fins de service public non commerciales et qui sont dès lors saisissables ; qu'en déduisant du fait que que les biens appréhendés étaient un produit financier dénommé Emtn, des parts sociales librement négociables sur le marché d'une société financière propriétaire d'un immeuble et des sommes d'argent déposées dans une banque commerciale pour déduire que ces biens étaient saisissables, la cour d'appel, qui s'est bornée à déduire l'affectation de ces biens de leur seule nature, sans davantage constater ce à quoi ils étaient spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des principes posés en matière d'immunité d'exécution par le droit international coutumier, tel que reflété par la Convention des Nations Unies du 2 décembre 2004 sur l'immunité juridictionnelle des Etats et de leurs biens ;

4°) Alors que l'immunité d'exécution dont jouissent, par principe, les États étrangers est écartée pour leurs seuls biens qui sont spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés par l'État autrement qu'à des fins de service public non commerciales et qui sont dès lors saisissables ; qu'après avoir constaté que le produit de l'activité de la LIA était utilisé " " afin d'augmenter les rentrées annuelles du Trésor Public " selon l'article 4 de la loi n° 205/1376 et " de soutenir le Trésor Public " " (arrêt, p. 7), ce dont il résultait que les biens saisis étaient destinés à satisfaire un objectif d'utilité publique, la cour d'appel, qui a néanmoins jugé saisissables ces biens, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des principes posés en matière d'immunité d'exécution par le droit international coutumier, tel que reflété par la Convention des Nations Unies du 2 décembre 2004 sur l'immunité juridictionnelle des Etats et de leurs biens ;

5°) Alors, en tout état de cause, que l'immunité d'exécution dont jouissent, par principe, les États étrangers est écartée pour leurs seuls biens qui sont spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés par l'État autrement qu'à des fins de service public non commerciales et qui sont dès lors saisissables ; qu'après avoir constaté qu'une partie des produits de l'activité de la LIA était destinée à financer sa propre activité tandis que l'autre avait vocation à abonder le Trésor Public libyen, de sorte qu'il incombait au demandeur à l'exécution d'établir que les biens qu'il saisissait étaient effectivement affectés aux opérations de droit privé réalisées par la LIA ; qu'en retenant que les produits financiers, parts socia

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 5 septembre 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

CONFIRME le jugement rendu le 10 juillet 2018 par le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de Paris ;

Condamne la société [F] aux dépens, en ce compris ceux exposés devant la cour d'appel ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept septembre deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SARL Delvolvé et Trichet, avocat aux Conseils, pour la société Libyan Invesment Authority

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la Libyan Investment Authority (l'Autorité libyenne d'investissement) de sa demande de mainlevée des saisies-attribution pratiquées le 5 juillet 2013 par la société [F] entre les mains de la Société générale et de la banque BIA, et de mainlevée de la saisie de valeurs mobilières et de droits d'associés de la société financière CER pratiquée le 13 août 2013 ;

Aux motifs que " Sur la question de savoir si la Lia et la société Lifaco sont des émanations de l'Etat libyen :
Sur l'indépendance organique :
L'Autorité libyenne d'investissement a été créée par la loi n°205/1374 qui dispose en son article 4 qu'elle a pour "objet d'investir et de faire fructifier les fonds que lui attribue le Comité Populaire Général (..) aux fins de fructifier ces fonds, fournir des apports financiers adéquats et diversifier les sources de revenus nationaux de manière à augmenter les rentrées annuelles du Trésor public et limiter l'impact des fluctuations des revenus et ressources pétrolières ", que la loi n°(13) de 2010 portant organisation de l'Autorité libyenne d'investissement dispose que cette personne morale de droit public est rattachée au Comité populaire général, que son organe suprême (article 6) est le Conseil de fiduciaires composé du secrétaire du Comité populaire général en tant que président, des secrétaires des comités populaires généraux, du gouverneur de la Banque centrale et d'expert, que ce Conseil des fiduciaires désigne les membres du conseil d'administration (article 10) et décide de leur rémunération, qu'elle est exclue des dispositions du contrôle préalable prévu par les législations en vigueur ; que les employés de l'Autorité libyenne d'investissement sont considérés comme des employés publics et soumis aux règles de l'emploi public (article 27). L'Autorité, les sociétés qu'elle possède, les entités qui lui sont affiliées, sont exemptées des taxes et tarifs relatifs à toutes leurs activités (article 26) ; que la décision n° 7 prise en 2012 par le conseil des ministres du gouvernement provisoire constitué après le renversement du régime du colonel [G], publiée au journal officiel libyen le 9 juin 2013, fixe l'organisation du conseil des ministres et précise, dans une liste jointe, les organes sur lesquels s'exerce sa tutelle, la Lia y figurant en première ligne ; que ces éléments caractérisent l'absence d'indépendance organique de la Lia par rapport à l'Etat libyen à la date de la saisie, absence d'indépendance au demeurant confirmée par les dispositions ultérieures, telles la Résolution du Conseil des Ministres n°4 de 2014 portant sur la reconstitution du conseil des Fiduciaires de la Lia en vertu de laquelle ce conseil comporte six membres dont cinq membres du gouvernement, le Premier Ministre, le Gouverneur de la Banque Centrale de Libye, le Ministre des Finances, le Ministre de la Planification, le Ministre de l'Economie et M. [R] [O] [K] ; En ce qui concerne la confusion des patrimoines :
La loi n° 205/1374 créant la Lia dispose que " le capital de l'institution est fixé à 250 millions de dollars US, répartis sur 250 000 actions de la valeur de 100 dollars US chacune, versé par les autorités dont elle dépend. Le capital peut être augmenté ou réduit par décision du Comité Populaire Général sur proposition du Conseil des Secrétaires " ; que le capital de la Lia est détenu à 100 % par l'État. La décision de l'augmenter ou de le diminuer n'est pas prise par les organes dirigeants, mais par le gouvernement sur proposition du conseil des ministres. Chaque année, il peut lui être attribué le " surplus du budget général ". Le montant du capital de la Lia dépendant exclusivement de la volonté du gouvernement libyen ; que si, l'article 15 de la loi n° 13 de 2010 précitée prévoit que la Lia est également financée par les revenus générés par sa propre activité, ces revenus résultent de l'investissement des fonds appartenant à l'État et seront utilisés afin " d'augmenter les rentrées annuelles du Trésor Public " selon l'article 4 de la loi n° 205/1376 et " de soutenir le Trésor Public " ; qu'il résulte de ces éléments que cette Autorité ? n'a pas de patrimoine propre, le fait qu'elle puisse contracter des prêts ne suffisant pas à caractériser l'existence d'un tel patrimoine, distinct de celui de l'Etat libyen ; que l'Autorité libyenne d'investissement constitue donc une émanation de l'Etat libyen, pour le compte exclusif duquel elle agit, tout comme la société Lafico, sa filiale à 100 %, peu important qu'en apparence, celle-ci jouisse également, comme elle le soutient, d'un statut et d'un patrimoine distinct " (arrêt attaqué, p. 6 et s.) ;

1°) Alors qu' il incombe au juge français saisi d'une demande d'application d'un droit étranger de rechercher la loi compétente, selon la règle de conflit ; que l'Autorité libyenne d'investissement invoquait son autonomie juridique, patrimoniale et financière en application du droit libyen et de la jurisprudence libyenne (concl. sign. le 5 juin 2019, p. 31 et s.) et produisait, au soutien de son argumentation un affidavit de droit libyen ; qu'en écartant l'autonomie de l'Autorité libyenne d'investissement, sans rechercher la loi applicable qui permettait de procéder à cette déduction, la cour d'appel a violé l'article 3 du code civil et les principes du droit international privé ;

2°) Alors que les conditions d'existence de la personnalité morale d'une société étrangère sont déterminées par la loi du pays de son siège ; qu'en considérant, pour se prononcer sur l'existence et la réalité de la personnalité morale de l'Autorité libyenne d'investissement, que cette dernière était une émanation de l'Etat libyen par référence au droit français, quand cette société relève de la loi libyenne, dont elle revendiquait l'application (concl. sign. le 5 juin 2019, p. 30 et s.), la cour d'appel a violé l'article 3 du code civil et les principes du droit international privé.




DEUXIEME MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la Libyan Investment Authority (l'Autorité libyenne d'investissement) de sa demande de mainlevée des saisies-attribution pratiquées le 5 juillet 2013 par la société [F] entre les mains de la Société générale et de la banque BIA, et de mainlevée de la saisie de valeurs mobilières et de droits d'associés de la société financière CER pratiquée le 13 août 2013 ;

Aux motifs que " Sur la question de savoir si la Lia et la société Lifaco sont des émanations de l'Etat libyen :
Sur l'indépendance organique :
L'Autorité libyenne d'investissement a été créée par la loi n°205/1374 qui dispose en son article 4 qu'elle a pour "objet d'investir et de faire fructifier les fonds que lui attribue le Comité Populaire Général (..) aux fins de fructifier ces fonds, fournir des apports financiers adéquats et diversifier les sources de revenus nationaux de manière à augmenter les rentrées annuelles du Trésor public et limiter l'impact des fluctuations des revenus et ressources pétrolières ", que la loi n°(13) de 2010 portant organisation de l'Autorité libyenne d'investissement dispose que cette personne morale de droit public est rattachée au Comité populaire général, que son organe suprême (article 6) est le Conseil de fiduciaires composé du secrétaire du Comité populaire général en tant que président, des secrétaires des comités populaires généraux, du gouverneur de la Banque centrale et d'expert, que ce Conseil des fiduciaires désigne les membres du conseil d'administration (article 10) et décide de leur rémunération, qu'elle est exclue des dispositions du contrôle préalable prévu par les législations en vigueur ; que les employés de l'Autorité libyenne d'investissement sont considérés comme des employés publics et soumis aux règles de l'emploi public (article 27). L'Autorité, les sociétés qu'elle possède, les entités qui lui sont affiliées, sont exemptées des taxes et tarifs relatifs à toutes leurs activités (article 26) ; que la décision n° 7 prise en 2012 par le conseil des ministres du gouvernement provisoire constitué après le renversement du régime du colonel [G], publiée au journal officiel libyen le 9 juin 2013, fixe l'organisation du conseil des ministres et précise, dans une liste jointe, les organes sur lesquels s'exerce sa tutelle, la Lia y figurant en première ligne ; que ces éléments caractérisent l'absence d'indépendance organique de la Lia par rapport à l'Etat libyen à la date de la saisie, absence d'indépendance au demeurant confirmée par les dispositions ultérieures, telles la Résolution du Conseil des Ministres n°4 de 2014 portant sur la reconstitution du conseil des Fiduciaires de la Lia en vertu de laquelle ce conseil comporte six membres dont cinq membres du gouvernement, le Premier Ministre, le Gouverneur de la Banque Centrale de Libye, le Ministre des Finances, le Ministre de la Planification, le Ministre de l'Economie et M. [R] [O] [K] " (arrêt attaqué, p. 6 et s.) ;



1°) Alors que l'entité qui bénéficie d'une autonomie de droit et de fait à l'égard d'un Etat ne peut être qualifiée d'émanation de ce dernier ; qu'en retenant que l'Autorité libyenne d'investissement était une personne morale de droit public dont les employés étaient considérés comme des employés publics, soumis aux règles de l'emploi public et que ses activités étaient exemptées de taxes pour déduire son absence d'indépendance organique par rapport à l'Etat libyen, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérants, privant ainsi sa décision de base légale au regard des principes du droit international privé gouvernant l'immunité d'exécution des Etats étrangers, ensemble l'article L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

2°) Alors que l'entité qui bénéficie d'une autonomie de droit et de fait à l'égard d'un Etat ne peut être qualifiée d'émanation de ce dernier ; qu'en se bornant à retenir, de façon abstraite, que l'Autorité libyenne d'investissement était " rattachée " au Comité populaire général sans expliquer concrètement en quoi cette circonstance était de nature à affecter son autonomie, la cour d'appel, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des principes du droit international privé gouvernant l'immunité d'exécution des Etats étrangers, ensemble l'article L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

3°) Alors que l'entité qui bénéficie d'une autonomie de droit et de fait à l'égard d'un Etat ne peut être qualifiée d'émanation de ce dernier ; que l'entité considérée jouit d'une indépendance statutaire et ne peut donc être considérée comme une émanation d'Etat lorsqu'entrent dans la composition de son organe règlementaire et de contrôle des experts sans lien avec l'administration centrale de l'Etat ; qu'après avoir constaté qu'entraient dans la composition du Conseil de fiduciaires des experts, ce dont il résultait que l'organe réglementaire et de contrôle de l'Autorité libyenne d'investissement était également constitué de membres sans lien avec l'Etat, la cour d'appel, qui a néanmoins conclu à l'absence d'indépendance organique de l'Autorité, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des principes du droit international privé gouvernant l'immunité d'exécution des Etats étrangers, ensemble l'article L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

4°) Alors que le contrôle étatique sur une entité, fût-il exercé au travers de ses dirigeants, ne suffit pas à la faire considérer comme une émanation de l'Etat impliquant son assimilation à celui-ci ; qu'en se bornant à retenir que l'Autorité libyenne d'investissement était l'une des entités sur lesquelles s'exerçait la tutelle du gouvernement provisoire libyen et que son organe réglementaire et de contrôle comportait, pour partie, des représentants des comités populaires (organes chargés de relayer les décisions des représentants locaux aux instances centrales), pour en déduire l'absence d'indépendance organique de l'Autorité, la cour d'appel s'est déterminée par des motifs inopérants, privant ainsi sa décision de base légale au regard des principes du droit international privé gouvernant l'immunité d'exécution des Etats étrangers, ensemble l'article L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

5°) Alors que l'entité qui bénéficie d'une autonomie de droit et de fait à l'égard d'un Etat ne peut être qualifiée d'émanation de ce dernier ; que bénéficie d'une telle autonomie l'entité qui exerce son activité par l'intermédiaire d'organes qui agissent de façon autonome par rapport et jouit ainsi d'une indépendance fonctionnelle ; qu'en déduisant l'absence d'autonomie de l'Autorité libyenne d'investissement de la désignation des membres de son conseil d'administration et de leur rémunération, organe opérationnel de l'Autorité, par le conseil des fiduciaires, sans constater l'existence d'un rapport hiérarchique de ce dernier sur la conseil d'administration, la cour d'appel n'a pas caractérisé l'absence d'autonomie de l'Autorité libyenne d'investissement dans l'exercice de son activité, privant ainsi sa décision de base légale au regard des principes du droit international privé gouvernant l'immunité d'exécution des Etats étrangers, ensemble l'article L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

Et aux motifs qu' " En ce qui concerne la confusion des patrimoines :
La loi n° 205/1374 créant la Lia dispose que " le capital de l'institution est fixé à 250 millions de dollars US, répartis sur 250 000 actions de la valeur de 100 dollars US chacune, versé par les autorités dont elle dépend. Le capital peut être augmenté ou réduit par décision du Comité Populaire Général sur proposition du Conseil des Secrétaires " ; que le capital de la Lia est détenu à 100 % par l'Etat. La décision de l'augmenter ou de le diminuer n'est pas prise par les organes dirigeants, mais par le gouvernement sur proposition du conseil des ministres. Chaque année, il peut lui être attribué le " surplus du budget général ". Le montant du capital de la Lia dépendant exclusivement de la volonté du gouvernement libyen ; que si, l'article 15 de la loi n° 13 de 2010 précitée prévoit que la Lia est également financée par les revenus générés par sa propre activité, ces revenus résultent de l'investissement des fonds appartenant à l'Etat et seront utilisés afin " d'augmenter les rentrées annuelles du Trésor Public " selon l'article 4 de la loi n° 205/1376 et " de soutenir le Trésor Public " ; qu'il résulte de ces éléments que cette Autorité n'a pas de patrimoine propre, le fait qu'elle puisse contracter des prêts ne suffisant pas à caractériser l'existence d'un tel patrimoine, distinct de celui de l'Etat libyen ; que l'Autorité libyenne d'investissement constitue donc une émanation de l'Etat libyen, pour le compte exclusif duquel elle agit, tout comme la société Lafico, sa filiale à 100 %, peu important qu'en apparence, celle-ci jouisse également, comme elle le soutient, d'un statut et d'un patrimoine distinct " (arrêt attaqué, p. 7) ;

6°) Alors que les apports effectués au profit d'une personne morale deviennent la propriété de cette dernière et composent son patrimoine social ; que dès lors, les liens capitalistiques entre deux entités peuvent constituer un indice du contrôle de l'une sur l'autre, mais non de la confusion entre leurs patrimoines qui dépend, quant à elle, de leurs liens organisationnels et juridiques, ainsi que des flux financiers entre elles ; qu'en retenant que la circonstance que les actions de la LIA étaient détenues par l'Etat induisait une confusion des patrimoines entre eux, la cour d'appel a violé les articles 2284 du code civil et L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

7°) Alors, en outre, que le contrôle d'une entité sur une autre peut être déduit
de la participation majoritaire ou exclusive de l'une dans le capital de l'autre à la condition que l'entité réputée contrôlée ne se détermine pas de façon autonome sur le marché faisant l'objet de son activité ; qu'en prenant en considération l'actionnariat étatique de la LIA pour déduire une confusion patrimoniale entre cette dernière et l'Etat libyen, sans examiner, comme elle y était invitée, si la LIA n'agissait pas, sur le marché de l'investissement financier, de façon parfaitement autonome, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles 2284 du code civil et L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution ;

8°) Alors, enfin, que ainsi que le faisait valoir la LIA, son patrimoine était spécialement et uniquement destiné à la réalisation de son objet social consistant en des activités d'investissement purement privées et sa gestion fait l'objet d'une comptabilité propre établie conformément aux normes comptables internationales et soumise à l'examen d'auditeurs externes ; qu'en considérant néanmoins de la LIA pouvait être qualifiée d'émanation de l'Etat libyen dans la mesure où une partie des produits de ses investissements devait être versés au Trésor public libyen, motif impropre à justifier de l'absence d'autonomie de la LIA dans la conduite de son activité telle que décrite dans son objet social, la cour d'appel a violé les articles 2284 du code civil et L. 111-2 du code des procédures civiles d'exécution.

TROISIEME MOYEN DE CASSATION (plus subsidiaire)

Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir débouté la Libyan Investment Authority (l'Autorité libyenne d'investissement) de sa demande de mainlevée des saisies-attribution pratiquées le 5 juillet 2013 par la société [F] entre les mains de la Société générale et de la banque BIA, et de mainlevée de la saisie de valeurs mobilières et de droits d'associés de la société financière CER pratiquée le 13 août 2013 ;

Et aux motifs que " Sur l'immunité d'exécution :
Sur la nature des biens saisis : Il est, ensuite, nécessaire d'examiner si les comptes des intimées sont spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés par ledit E?tat autrement qu'à des fins de service public non commerciales et entretiennent un lien avec l'entité contre laquelle la procédure a été intentée ; que les intimées soutiennent qu'il incombe au créancier de démontrer l'existence d'un lien entre les biens saisis et l'opération ayant donné lieu à la saisie, ce qui, à l'évidence, n'est pas le cas en l'espèce, puisqu'elles n'étaient pas parties au contrat ayant donné lieu à la sentence arbitrale ; que cependant, selon le droit coutumier international, tout comme selon la loi Sapin II, dès lors que les biens ont un lien avec l'entité contre laquelle la procédure a été intentée, ils peuvent faire l'objet d'une mesure d'exécution ; que la Lia et la société Lafico étant, ainsi qu'il a été dit plus haut, des émanations de l'Etat libyen, cette seconde condition est remplie ; que pour démontrer que la première condition est remplie, l'appelante rappelle que la saisie a porté sur un produit financier dénommé Etmn arrivé à échéance d'un montant de 151 554 067 dollars US, des parts sociales de la société Financière CER, appartenant à la société Lafico, la société CER étant propriétaire de l'immeuble de la FNAC, sis [Adresse 2], parts librement négociables sur le marché, société dont le seul objet est de porter un investissement immobilier et enfin, sur des sommes d'argent déposées dans une banque commerciale ; qu'elle démontre ainsi que les biens ne sont pas spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés à des fins de service public non commerciales de sorte qu'ils sont saisissables " (arrêt attaqué, p. 9) ;

1°) Alors que la loi ne dispose que pour l'avenir et n'a point d'effet rétroactif ;
l'article L. 111-1-2 du code des procédures civiles d'exécution dans sa rédaction issue de l'article 59 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, dite loi Sapin II, est applicable aux mesures d'exécution mises en œuvre après l'entrée en vigueur de la loi, intervenue le 11 décembre 2016, de sorte que ces dispositions ne sont pas applicables aux mesures d'exécution diligentées antérieurement à cette date ; qu'en faisant néanmoins application des dispositions de la loi Sapin II à des saisies pratiquées aux mois de mars et avril 2016, la cour d'appel a violé, par fausse application, l'article L. 111-1-2 du code des procédures civiles d'exécution, ensemble, l'article 2 du code civil ;

2°) Alors que l'immunité d'exécution dont jouit un Etat étranger peut être exceptionnellement écartée lorsque le bien saisi a été affecté à l'activité économique ou commerciale relevant du droit privé qui donne lieu à la demande en justice ; qu'en jugeant saisissables le produit financier dénommé Emtn, les parts sociales d'une société financière propriétaire de biens immobiliers à Paris, ainsi que des sommes d'argent déposées dans les livres d'une banque commerciale, sans relever de lien entre ces biens et le développement et l'exploitation touristiques d'un site situé dans le district de Tripoli, la cour d'appel a violé les principes du droit international régissant l'immunité des Etats ;

3°) Alors que l'immunité d'exécution dont jouissent, par principe, les États
étrangers est écartée pour leurs seuls biens qui sont spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés par l'État autrement qu'à des fins de service public non commerciales et qui sont dès lors saisissables ; qu'en déduisant du fait que que les biens appréhendés étaient un produit financier dénommé Emtn, des parts sociales librement négociables sur le marché d'une société financière propriétaire d'un immeuble et des sommes d'argent déposées dans une banque commerciale pour déduire que ces biens étaient saisissables, la cour d'appel, qui s'est bornée à déduire l'affectation de ces biens de leur seule nature, sans davantage constater ce à quoi ils étaient spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés, n'a pas légalement justifié sa décision au regard des principes posés en matière d'immunité d'exécution par le droit international coutumier, tel que reflété par la Convention des Nations Unies du 2 décembre 2004 sur l'immunité juridictionnelle des Etats et de leurs biens ;

4°) Alors que l'immunité d'exécution dont jouissent, par principe, les États étrangers est écartée pour leurs seuls biens qui sont spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés par l'État autrement qu'à des fins de service public non commerciales et qui sont dès lors saisissables ; qu'après avoir constaté que le produit de l'activité de la LIA était utilisé " " afin d'augmenter les rentrées annuelles du Trésor Public " selon l'article 4 de la loi n° 205/1376 et " de soutenir le Trésor Public " " (arrêt, p. 7), ce dont il résultait que les biens saisis étaient destinés à satisfaire un objectif d'utilité publique, la cour d'appel, qui a néanmoins jugé saisissables ces biens, n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations, en violation des principes posés en matière d'immunité d'exécution par le droit international coutumier, tel que reflété par la Convention des Nations Unies du 2 décembre 2004 sur l'immunité juridictionnelle des Etats et de leurs biens ;

5°) Alors, en tout état de cause, que l'immunité d'exécution dont jouissent, par principe, les États étrangers est écartée pour leurs seuls biens qui sont spécifiquement utilisés ou destinés à être utilisés par l'État autrement qu'à des fins de service public non commerciales et qui sont dès lors saisissables ; qu'après avoir constaté qu'une partie des produits de l'activité de la LIA était destinée à financer sa propre activité tandis que l'autre avait vocation à abonder le Trésor Public libyen, de sorte qu'il incombait au demandeur à l'exécution d'établir que les biens qu'il saisissait étaient effectivement affectés aux opérations de droit privé réalisées par la LIA ; qu'en retenant que les produits financiers, parts sociales et sommes d'argent placées sur des comptes bancaires de dépôt étaient saisissables comme non spécifiquem ent utilisés ou destinés à des fins de service public non commerciales, sans constater l'affectation concrète et effective de ses produits et sommes d'argent, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des principes posés en matière d'immunité d'exécution par le droit international coutumier, tel que reflété par la Convention des Nations Unies du 2 décembre 2004 sur l'immunité juridictionnelle des Etats et de leurs biens.

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