10 août 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 22-81.057

Chambre criminelle - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:CR01143

Titres et sommaires

QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE - Droit de la presse - Loi du 29 juillet 1881 - Article 39 quinquies - Légalité des délits et des peines - Victime - Définition - Caractère sérieux - Défaut - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel


QUESTION PRIORITAIRE DE CONSTITUTIONNALITE - Droit de la presse - Loi du 29 juillet 1881 - Article 39 quinquies - Liberté d'expression - Diffusion de renseignements concernant la victime d'une agression ou agression sexuelle - Diffusion de l'image d'une victime d'une agression ou agression sexuelle - Renseignements ou image déjà diffusés - Caractère sérieux - Défaut - Non-lieu à renvoi au Conseil constitutionnel

Texte de la décision

N° K 22-81.057 FS-B

N° 01143




10 AOÛT 2022

ODVS





NON LIEU À RENVOI







M. BONNAL président,







R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
________________________________________


AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE,
DU 10 AOÛT 2022



M. [P] [W] a présenté, par mémoire spécial reçu le 16 mai 2022, des questions prioritaires de constitutionnalité à l'occasion du pourvoi formé par lui contre l'arrêt de la cour d'appel de Paris, chambre 2-7, en date du 3 février 2022, qui, pour diffusion d'image ou de renseignement sur l'identité d'une victime d'agression ou d'atteinte sexuelles sans son accord écrit, l'a condamné à 1 000 euros d'amende et a prononcé sur les intérêts civils.

Des observations complémentaires ont été produites.

Sur le rapport de M. Michon, conseiller référendaire, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de M. [P] [W], les observations de la la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de Mme [U] [H] et les conclusions de M. Lesclous, avocat général, après débats en l'audience publique du 10 août 2022 où étaient présents M. Bonnal, président, M. Michon, conseiller rapporteur, Mme Leprieur, M. Turbeaux, Mme Goanvic, conseillers de la chambre, Mme Chafaï, MM. Charmoillaux, Rouvière, conseillers référendaires, M. Lesclous, avocat général, et Mme Dang Van Sung, greffier de chambre,

la chambre criminelle de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.


1. La première question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« L'article 39 quinquies de la loi du 29 juillet 1881 ne méconnaît-il pas le principe de légalité des délits et des peines, garanti par l'article 8 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en ce qu'il ne désigne pas précisément les personnes qui doivent être regardées comme victimes au sens de ce texte ? »

2. La seconde question prioritaire de constitutionnalité est ainsi rédigée :

« L'article 39 quinquies de la loi du 29 juillet 1881 ne méconnaît-il pas la liberté d'expression, garantie par l'article 11 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, en ce qu'il réprime, sans distinction et sous la seule réserve de l'accord écrit donné par la victime, le fait de diffuser des renseignements concernant l'identité d'une victime d'une agression ou d'une atteinte sexuelles ou l'image de cette victime lorsqu'elle est identifiable, y compris lorsque de tels renseignements ou une telle image ont déjà été diffusés par la victime elle-même ? »

3. La disposition législative contestée est applicable à la procédure et n'a pas déjà été déclarée conforme à la Constitution dans les motifs et le dispositif d'une décision du Conseil constitutionnel.

4. Les questions, ne portant pas sur l'interprétation d'une disposition constitutionnelle dont le Conseil constitutionnel n'aurait pas encore eu l'occasion de faire application, ne sont pas nouvelles.

5. La première question posée ne présente pas un caractère sérieux, dès lors que la notion de victime d'une agression ou d'une atteinte sexuelles est suffisamment claire et précise pour que son interprétation, qui entre dans l'office du juge pénal, puisse se faire sans risque d'arbitraire.

6. La seconde question posée ne présente pas non plus un caractère sérieux pour les motifs qui suivent.

7. La disposition législative critiquée poursuit un objectif d'intérêt général, soit la protection de la dignité et de la vie privée de la victime d'infraction sexuelle, protection qui est également de nature à éviter des pressions sur celle-ci.


8. La disposition en cause ne prescrit pas une interdiction générale de diffusion mais est limitée à certains éléments, ce dont il se déduit qu'elle n'interdit pas toute expression sur des faits d'agression ou d'atteinte sexuelles.

9. Elle prévoit une dérogation en cas d'accord écrit de la victime.

10. Même dans le cas où la victime a déjà diffusé elle-même des renseignements concernant son identité, ou son image, un risque d'atteinte aux intérêts précités est susceptible de résulter d'une nouvelle diffusion dans des conditions auxquelles elle n'a pas consenti.

11. La disposition en cause, qui ne présente pas un caractère général et absolu, assure donc une conciliation, qui n'est pas manifestement disproportionnée, entre la protection des victimes et le principe de la liberté d'expression.

12. En conséquence, il n'y a pas lieu de renvoyer les questions au Conseil constitutionnel.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DIT N'Y AVOIR LIEU DE RENVOYER au Conseil constitutionnel les questions prioritaires de constitutionnalité ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre criminelle, et prononcé par le président en audience publique du dix août deux mille vingt-deux.

Le Rapporteur Le Président
Le Greffier de chambre

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