28 juillet 2022
Cour d'appel de Pau
RG n° 20/00975

Chambre sociale

Texte de la décision

PS / MS



Numéro 22/2902





COUR D'APPEL DE PAU

Chambre sociale







ARRÊT DU 28/07/2022







Dossier : N° RG 20/00975 - N° Portalis DBVV-V-B7F-H2DK





Nature affaire :



Contestation du motif non économique de la rupture du contrat de travail















Affaire :



S.A.R.L. JPH





C/



[M] [R]



















Grosse délivrée le

à :































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS











A R R Ê T



Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour le 28 Juillet 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de Procédure Civile.







* * * * *







APRES DÉBATS



à l'audience publique tenue le 18 Mai 2022, devant :



Madame SORONDO, magistrate chargé du rapport,



assistée de Madame LAUBIE, Greffière.







Madame CAUTRES, en application des articles 805 et 907 du Code de Procédure Civile et à défaut d'opposition a tenu l'audience pour entendre les plaidoiries, en présence de Madame SORONDO et en a rendu compte à la Cour composée de :



Madame CAUTRES, Présidente

Madame NICOLAS, Conseiller

Madame SORONDO, Conseiller





qui en ont délibéré conformément à la loi.



































dans l'affaire opposant :





















APPELANTE :



S.A.R.L. JPH

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représentée par Maître DOS SANTOS de la SELARL MINERAL, avocat au barreau de BORDEAUX











INTIME :



Monsieur [M] [R]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représenté par Maître SANCHEZ de la SELARL JURIDIAL, avocat au barreau de BAYONNE





















sur appel de la décision

en date du 15 FEVRIER 2021

rendue par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE BAYONNE

RG numéro : 20/00214






EXPOSÉ DU LITIGE



M. [M] [R] a été embauché le 24 octobre 2016 par la société SH 64 en qualité de technicien polyvalent, niveau I, position 2, coefficient 170, suivant contrat à durée indéterminée régi par la convention collective nationale du bâtiment.



Le 1er octobre 2017, son contrat de travail a été transféré à la société JPH qui appartient au même groupe que la société SH 64 et est dirigée par les mêmes personnes physiques.

Le 17 septembre 2018, il a été convoqué à un entretien préalable fixé le 24 septembre suivant et mis à pied à titre conservatoire.



Le 28 septembre 2018, il a été licencié pour faute grave.



Le 1er février 2019, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes contre la société SH 64. Cette procédure a été enregistrée sous le n° RG 19/00021.



Le même jour, il a saisi la juridiction prud'homale de demandes contre la société JPH. Cette procédure a été enregistrée sous le n° RG 19/00022.



Par jugement du 24 février 2020, le conseil de prud'hommes de Bayonne a notamment :

- ordonné la jonction de la procédure n° RG 19/022 au dossier n° RG 19/021,

- mis hors de cause la société SH 64,

- requalifié le licenciement de M. [R] en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- condamné la société JPH à payer à M. [R] les sommes suivantes :

. 6 224,18 € au titre de rappel d'heures supplémentaires,

. 622,41 € au titre de congés payés rappel d'heures supplémentaires,

. 11 510,88 € au titre de dommage et intérêts pour travail dissimulé,

. 3 836,96 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

. 383,69 € au titre des congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis,

. 697,41 € au titre du paiement de la mise à pied conservatoire,

- débouté M. [R] de sa demande au titre de l'indemnité de trajet et de sa demande de dommages et intérêt pour exécution déloyale du contrat de travail,

- condamné la société JPH à payer à M. [R] la somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société JPH aux entiers dépens de l'instance.



Le 30 mars 2020, la société JPH a interjeté appel de ce jugement dans des conditions de forme et de délai qui ne sont pas contestées. Cet appel a été enregistré sous le n° RG 20/00975.



Le 15/04/ 2020, M. [R] a saisi la juridiction prud'homale par une requête en omission de statuer.



Par jugement du 15 février 2021, le conseil de prud'hommes de Bayonne a : - reçu la requête en omission de statuer de M. [R], l'a déclarée fondée et y a fait droit,

- constaté que le jugement du 24 février 2020, dont la minute porte le numéro 20/11, et le dossier le numéro RG 19/00021, est entaché d'une omission de statuer,

- réparé cette omission de statuer, et dit qu'il est ajouté, dans la motivation et dans le dispositif du jugement du 24 février 2020, le texte suivant :

. condamne la société JPH à payer à M. [R] la somme de 805 € net au titre de l'indemnité de licenciement, en application de l'article L. 1234-9 du code du travail,

- dit que le reste de la décision demeure sans changement,

- dit que la présente décision sera mentionnée sur la minute et sur les expéditions du jugement complété, et notifiée comme lui,

- ordonné l'exécution provisoire du présent jugement,

- débouté la société JPH de l'intégralité de ses prétentions,

- laissé les dépens de la procédure en rectification à la charge du Trésor Public.



Le 19 mars 2021, la société JPH a interjeté appel de ce jugement. Cet appel a été enregistré sous le n° RG 21/00961.



Dans l'instance d'appel RG 20/00975 :



Dans ses dernières conclusions adressées au greffe par voie électronique le 21 février 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société JPH demande à la cour de :

- infirmer la décision en date du 24 février 2020 en ce qu'elle a requalifié le licenciement de M. [R] en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- dire et juger que le licenciement pour faute grave est fondé,

- infirmer la décision du conseil de prud'hommes en ce qu'il l'a condamnée à payer à M. [R] les sommes suivantes :

. 6 224,18 € au titre de rappel d'heures supplémentaires,

. 622,41 € au titre de congés payés rappel d'heures supplémentaires,

. 11.510,88 € au titre de dommage et intérêts pour travail dissimulé,

. 3.836,96 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

. 383,69 € au titre des congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis,

. 697,41 € au titre du paiement de la mise à pied conservatoire,

. 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

. aux entiers dépens de l'instance,

- confirmer la décision du conseil de prud'hommes en ce qu'il a débouté M.[R] de sa demande au titre de l'indemnité de trajet et de sa demande de dommages et intérêt pour exécution déloyale du contrat de travail,

- condamner le salarié au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile : 1.500 €.

Dans ses conclusions adressées au greffe par voie électronique le 4 avril 2022, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, M. [R] demande à la cour de :

- déclarer son appel incident recevable et bien fondé ;

- infirmer le jugement entrepris en ce qu'il :

. fait application de l'article L. 1224-1 du code du travail à son transfert de la société SH 64 à la société JPH et n'en tire pas les conséquences indemnitaires en violation de l'article L. 1224-2 du code du travail,

. n'a pas qualifié son licenciement de licenciement sans cause réelle et sérieuse,

. l'a débouté de sa demande au titre de l'indemnité de trajet et de sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné la société JPH à lui régler les sommes suivantes :

. 6 224,18 € brut à titre de rappel d'heures supplémentaires,

. 622,41 € brut au titre des congés payés sur rappel d'heures supplémentaires,

. 11 510,88 € au titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé,

. 3 836,96 € au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

. 383,69 € au titre des congés payés sur l'indemnité compensatrice de préavis,

. 697,41 € au titre du paiement de la mise à pied conservatoire,

. 1.500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- statuant à nouveau,

- dire et juger qu'il est recevable et bien fondé en ses demandes,

- constater qu'il a effectué des trajets quotidiens entre le dépôt de l'entreprise et les chantiers,

- constater le non-paiement de l'indemnité de trajet qui lui est due,

- constater l'application abusive de la déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels sur ses bulletins de paie,

- constater qu'il a effectué des heures supplémentaires,

- constater le non-paiement des heures supplémentaires qui lui sont dues,

- constater le délit de travail dissimulé en raison du caractère intentionnel du non-paiement des heures supplémentaires qui lui sont dues durant sa période d'emploi



au sein de la société JPH,

- constater son transfert abusif de la société SH 64 à la société JPH,

- dire et juger que la société JPH s'est rendue coupable d'une exécution déloyale du contrat de travail compte tenu des manquements intervenus durant l'exécution de la relation contractuelle liant les parties,

- dire et juger que son licenciement est dépourvu de cause réelle et sérieuse, ni ne repose sur une faute grave,

- en conséquence,

- à titre principal :

- condamner la société JPH à lui payer :

. 1.512,87 € net à titre d'indemnité de trajet,

. 6.224,18 € brut ou à défaut 6 087,32 € brut à titre de rappel d'heures supplémentaires,

. 622,41 € brut ou à défaut 608,73 € brut au titre des congés payés sur rappel d'heures supplémentaires,

. 11.510,88 € net à titre de dommages-intérêts pour travail dissimulé,

. 11.510,88 € net à titre de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail,

. 805 € net à titre d'indemnité de licenciement,

. 3 836,96 € brut à titre d'indemnité compensatrice de préavis,

. 383,69 € brut à titre d'indemnité de congés payés sur préavis,

. 697,41 € brut au titre de la mise à pied conservatoire,

. 6.714,68 € net à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- à titre subsidiaire :

- si par extraordinaire la cour reconnaissait que son transfert relève des dispositions de l'article L. 1224-1 du code du travail, faire application des dispositions de l'article L. 1224-2 du code du travail et condamner en conséquence la société JPH à lui payer les sommes suivantes :

. 3.126,12 € nette à titre d'indemnité de trajet,

. 12.189,82 € brut à titre de rappel d'heures supplémentaires,

. 1.218,98 € brut au titre des congés payés sur rappel d'heures supplémentaires,

- en tout état de cause,

- confirmer la condamnation de la société JPH à lui verser la somme de 1.500 €, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, prononcée par le conseil des prud'hommes de Bayonne dans sa décision entreprise,

- condamner la société JPH à lui payer la somme de 2.500 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société JPH aux entiers dépens,

- faire application des articles 1231-6 et 1231-7 du code civil concernant les intérêts.

Dans l'instance d'appel RG 21/00961 :



Dans ses conclusions adressées au greffe par voie électronique le 21 juin 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, la société JPH demande à la cour de :

- d'infirmer le jugement du 15 février 2021 en ce qu'il :

. l'a condamnée à payer à M. [R] la somme de 805 € net au titre de l'indemnité de licenciement, en application de l'article L.1234-9 du code du travail,

. a dit que le reste de la décision demeure sans changement, à savoir en ce qu'elle a requalifié le licenciement de M. [R] en licenciement pour cause réelle et sérieuse,

- de condamner le salarié au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile : 1.500 €.

Dans ses conclusions adressées au greffe par voie électronique le 20septembre 2021, auxquelles il y a lieu de se référer pour l'exposé des faits et des moyens, M. [R] demande à la cour de :



- confirmer intégralement le jugement rectificatif du conseil des prud'hommes



de Bayonne en date du 15 février 2021,

- en tout état de cause,

- débouter la société JPH de sa demande de le voir condamner à lui payer la somme de 1.500 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société JPH à lui payer la somme de 2.500 € à titre d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société JPH aux entiers dépens.





Les ordonnances de clôture sont intervenues le 19 avril 2022.






MOTIFS DE LA DÉCISION





Sur la jonction des instances



Les deux instances portent sur des litiges qui ont un lien tel qu'il est de l'intérêt d'une bonne justice de les juger ensemble. Il en sera en conséquence ordonné la jonction sous le RG 20/0975.





Sur le transfert du contrat de travail



M. [R] soutient que son contrat a été abusivement transféré de la société SH 64 à la société JPH.



Cette dernière soutient que le contrat de travail a été transféré en application de l'article L. 1224-1 du code du travail.



A titre liminaire, il convient de relever que la société JPH, qui soutient avoir informé M. [R] préalablement au « transfert » de son contrat de travail, ne verse aux débats qu'un document générique intitulé « courrier à adresser aux salariés de SH 64 et MVJP transférés à JPH », sans fournir aucun élément relativement à son envoi effectif à M. [R]. La cour estime en conséquence que M. [R] n'a pas été prévenu préalablement à son transfert.



S'agissant du transfert d'entreprise, les pièces versées aux débats concernent des apports de parts sociales des sociétés MVJP, SH 64 et JPH à la société Service Habitat alors que le transfert du contrat de travail a été opéré entre les sociétés SH 64 et JPH.



Les transferts d'activités dont se prévaut la société JPH ne sont ainsi étayées par aucune pièce versée aux débats, étant précisé que le « courrier d'information » ne fait que reprendre les dires de l'employeur sans les établir.



En outre, M. [E] [L] qui travaillait en binôme avec M. [M] [R] était salarié de la société MVJP de sorte que l'organisation par secteur d'activité dont se prévaut la société JPH n'est pas avérée.



L'existence d'un transfert d'entreprise entre les sociétés SH 64 et JPH, notamment par cession d'une entité économique autonome n'est ainsi établie par aucune pièce versée aux débats. Aucun transfert du contrat de travail au sens de l'article L. 1224-1 du code du travail n'est ainsi intervenu.



En conséquence, la société JPH a imposé de manière illicite à M. [R] un changement d'employeur, et ce quand bien même aucune autre modification de son contrat de travail n'est intervenue.





Le premier jugement entrepris doit donc être infirmé sur ce point.

Sur les heures supplémentaires



En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments. Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant.



Suivant l'article 6 du contrat de travail, la durée du travail était de 35 h par semaine, soit une durée mensualisée de 151,67 heures, et il était stipulé « en tout état de cause, le salarié s'engage à respecter les procédures de suivi des temps travaillés mises en 'uvre dans l'entreprise ".

En application des articles L.3171-1 et D.3171-1 et suivants du code du travail, lorsque tous les salariés d'un atelier, d'un service ou d'une équipe travaillent selon le même horaire collectif :

- l'horaire collectif est daté et signé par l'employeur ou, sous la responsabilité de celui-ci, par la personne à laquelle il a délégué ses pouvoirs à cet effet. Il est affiché en caractères lisibles et apposé de façon apparente dans chacun des lieux de travail auxquels il s'applique. Lorsque les salariés sont employés à l'extérieur, cet horaire est affiché dans l'établissement auquel ils sont attachés,

- un double de cet horaire collectif et des rectifications qui y sont apportées est préalablement adressé à l'inspecteur du travail.



En application de l'article L.3171-2 du code du travail, lorsque tous les salariés occupés dans un service ou un atelier ne travaillent pas selon le même horaire collectif, l'employeur établit les documents nécessaires au décompte de la durée de travail, des repos compensateurs acquis et de leur prise effective, pour chacun des salariés concernés.



La société JPH fait valoir que M. [R] était soumis comme tous les techniciens à l'horaire collectif mis en place dans l'entreprise, soit de 7 h 30 à 12 h 30 et de 13 h 30 à 15 h 30 du lundi au vendredi, de sorte qu'elle n'était pas tenue de mettre en place un système de décompte individuel de la durée du travail le concernant. En cas de besoin exceptionnel de réaliser des heures supplémentaires, il devait en demander la validation à l'employeur puis, en cas de validation, inscrire ces heures de travail sur la fiche « suivi de chantier » qu'il prenait en photo et envoyait à l'employeur par SMS.



M. [R] Il soutient qu'une fiche « suivi de chantier et heures » était établie pour chaque mois. Il devait la renseigner quotidiennement en mentionnant le lieu du chantier, son objet, son état d'achèvement ou d'inachèvement, le nombre d'heures de travail dont le nombre d'heures supplémentaires, puis la remettre à la direction pour l'établissement des bulletins de paie. Il détient les trois fiches de juin, juillet et août 2018 qui font apparaître un total de 57 heures supplémentaires. Il en déduit une moyenne hebdomadaire de 10 h par semaine.



Il verse aux débats :

- des documents intitulés « suivis de chantier et heures » pour les mois de juin à août 2018 d'après lesquels il a réalisé :

la semaine 23 : 48 h de travail, soit 13 h supplémentaires ;

la semaine 24 : 35 heures de travail,

la semaine 25 : 48 h de travail, soit 13 h supplémentaires ;

la semaine 26 : 38 h de travail, soit 3 h supplémentaires ;

la semaine 27 : 42 h de travail, soit 7 h supplémentaires ;

la semaine 28 : 35 heures de travail ;

la semaine 29 : 42 heures de travail, soit 7 h supplémentaires ;

la semaine 30 : 38 h de travail, soit 3 heures supplémentaires

la semaine 32 : 72 h de travail dont 40 h le 3 août, ce qui est manifestement impossible eu égard à la durée de 24 h d'une journée ;

- une sommation de communiquer notamment les relevés mensuels de suivi de chantier et heures le concernant signifiée le 28 mars 2019.

Il produit ainsi à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.



La société JPH verse aux débats notamment :



- des attestations de clients qui affirment que leur chantier a été réalisé en peu de temps ou que seul un technicien était présent sur le chantier,

- des attestations de deux salariés, relatant que des clients leur avaient indiqué que les temps de travail n'étaient pas respectés et qu'ils ont constaté que M. [E] [L] et M. [R] s'organisaient pour qu'un seul des deux travaille sur certains chantiers alors que les deux auraient dû être présents,

- un document qu'elle indique être la page d'affichage des horaires collectifs des techniciens sur lequel il est écrit « HORAIRES TECHNICIENCS APPLICATEURS : du lundi au vendredi : 7 h 30/12 h 30 ' 13 h 30/15 h 30 »



Cependant, les attestations versées aux débats, qui concernent des interventions ponctuelles, sont rédigées en des termes généraux et imprécis ou font état de propos rapportés, et ne permettent pas d'établir que M. [R] n'a réalisé aucune des heures supplémentaires dont il se prévaut. De même, rien ne permet d'établir qu'un horaire collectif a effectivement été déterminé, communiqué à l'inspecteur du travail et affiché, ni qu'il était applicable à M. [R] qui était technicien polyvalent selon son contrat de travail ou technicien accompagnateur selon ses bulletins de paie et non technicien applicateur.



En outre, contrairement à ce que soutient la société JPH, compte tenu des mentions contenues dans le document intitulé suivi de chantier, et des stipulations contractuelles sur l'obligation de « respecter les procédures de suivi des temps travaillés mises en 'uvre dans l'entreprise », il est établi que ce document était remis mensuellement à l'employeur. Or, la société JPH ne peut se prévaloir de ce qu'elle n'a pas conservé ces documents dès lors qu'il lui appartient, en application de l'article L.3171-4 du code du travail, de fournir au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié, ce que ne permet aucune pièce versée aux débats.

En conséquence de ces éléments, la cour a la conviction que M. [R] a accompli 235 heures supplémentaires majorées à 25 % et non déjà rémunérées depuis le 1er octobre 2017, étant précisé que les demandes formulées au titre de la période antérieure ne sont pas fondées puisque les dispositions des articles L. 1224-1 et suivants du code du travail ne sont pas applicables de sorte que le salarié ne peut formuler de demandes antérieures à son changement d'employeur qu'à l'encontre de son ancien employeur. La société JPH doit en conséquence être condamnée à lui verser la somme de 2 926,60 € à ce titre, outre 292,66 € au titre des congés payés y afférents. Le jugement entrepris doit donc être infirmé quant au quantum des sommes dues.



Sur le travail dissimulé



En application des articles :



- L. 8221-5 du code du travail : Est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie,



- L. 8223-1 du même code : En cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.



La société JPH soutient qu'aucun travail dissimulé ne peut être caractérisé faute d'intention dès lors qu'elle a systématiquement payé et indiqué dans les bulletins de salaires les heures supplémentaires véritablement réalisées.



M. [R] demande à ce que la société soit condamnée à lui verser la somme de 11 510,88 € à titre de dommages et intérêts pour travail dissimulé.



Il a été établi qu'entre octobre 2017 et septembre 2018 M. [R] a accompli 235 heures supplémentaires qui ne sont pas mentionnés dans les bulletins de paie.



Compte tenu de l'importance de ces heures réalisées et de l'existence de documents intitulés suivi de chantier qui comportaient la durée du travail du salarié et étaient remis mensuellement à la société JPH, cette dernière ne pouvait pas ignorer qu'elle ne mentionnait pas les heures supplémentaires réalisées par M. [R]. Le caractère intentionnel de la dissimulation d'une partie des heures effectuées est donc établi.

Le quantum de la demande de M. [R] n'étant pas discuté, il convient de faire droit à cette demande pour son entier montant et de confirmer le premier jugement entrepris.



Sur l'indemnité de trajet



L'article 8-17 de la convention collective nationale des ouvriers employés par les entreprises du bâtiment non visées par le décret du 1er mars 1962 prévoit : « L'indemnité de trajet a pour objet d'indemniser, sous une forme forfaitaire, la sujétion que représente pour l'ouvrier la nécessité de se rendre quotidiennement sur le chantier et d'en revenir.

L'indemnité de trajet n'est pas due lorsque l'ouvrier est logé gratuitement par l'entreprise sur le chantier ou à proximité immédiate du chantier. »



De jurisprudence constante, cette indemnité, qui a pour objet d'indemniser, sous une forme forfaitaire, une sujétion pour le salarié obligé chaque jour de se rendre sur le chantier et d'en revenir, est due indépendamment de la rémunération par l'employeur du temps de trajet inclus dans l'horaire de travail et du moyen de transport utilisé.



Contrairement à ce que soutient la société JPH, elle était donc tenue de verser l'indemnité de trajet nonobstant la rémunération du temps de trajet en temps de travail, ce qu'elle admet ne pas avoir fait. En outre, la cause du versement de prime outil/camion qui est le bon suivi et le bon état des outil et camions, n'est pas la même que celle de l'indemnité de trajet exposée ci-dessus de sorte que ces prime et indemnité se cumulent.



Le quantum des demandes n'étant pas contesté et les dispositions des articles L.1224-1 et suivants du code du travail n'étant pas applicables, il convient de condamner la société JPH à verser à M. [R] la somme de 1 512,87 €.



Le premier jugement entrepris doit donc être infirmé sur ce point.



Sur l'exécution déloyale du contrat de travail



La société JPH fait valoir qu'elle a exécuté loyalement le contrat de travail et que M. [M] [R] ne peut demander deux fois la réparation d'un même préjudice.



M. [R] demande à ce que la société JPH soit condamnée à lui verser la somme de 11.510,88 € à titre de dommages intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail découlant des manquements ci-après :



- non règlement de l'indemnité de trajet,

- heures supplémentaires non réglées,

- transfert au sein de la société JPH sans son information préalable, ni son accord,

- application de la déduction spécifique forfaitaire pour frais professionnels sans son accord,

- clause d'exclusivité illicite.



Il a été établi ci-dessus que les trois premiers manquements invoqués sont caractérisés.

Il est constant et avéré par les bulletins de paie que l'employeur a pratiqué une déduction forfaitaire spécifique pour frais professionnels de 10 %, ce qui n'est possible que lorsqu'une convention ou un accord collectif du travail l'a explicitement prévu ou lorsque le comité d'entreprise ou les délégués du personnel ont donné leur accord, et à défaut, si le salarié y a consenti.



La société JPH invoque l'accord de M. [R] auquel elle soutient avoir remis en mains propres, lors de l'embauche, un courrier l'informant de la déduction forfaitaire spécifique et de la possibilité d'accepter ou de refuser cet abattement, qu'il ne lui a pas retourné. En ne manifestant pas son opposition, il a accepté cet abattement. Cependant, le document qu'elle produit concerne un autre salarié, M. [E] [L]. Ainsi, elle ne rapporte pas la preuve qui lui incombe qu'elle a demandé à M. [R] son accord pour mettre en 'uvre cette déduction. Ce manquement est donc avéré.



Le contrat de travail prévoit que le salarié s'engage à ne pas exercer d'activité professionnelle complémentaire de quelque nature que se soit sans information préalable de l'entreprise. Cette clause qui instaure uniquement une obligation d'informer l'employeur préalablement à l'exercice d'une autre activité professionnelle ne constitue pas une clause d'exclusivité. Ce manquement n'est donc pas caractérisé.



Le préjudice découlant des manquements relatifs à l'application de la déduction spécifique forfaitaire pour frais professionnels et au transfert au sein de la société JPH n'ont donné lieu à aucune indemnisation. D'autre part, les différents manquements permettent de caractériser dans leur ensemble, compte tenu notamment de leur multiplicité, un manquement à l'obligation d'exécuter loyalement le contrat de travail qui a causé un préjudice distinct de ceux résultant de la violation des différentes obligations.



La société JPH doit en conséquence être condamnée à verser à M. [R] la somme de 2.000 € à titre de dommages-intérêts pour réparer le préjudice non-encore indemnisé découlant de l'exécution déloyale du contrat de travail. Le jugement doit donc être infirmé sur ce point.



Sur le licenciement



En application de l'article 1235-1 du code du travail, tout licenciement doit être fondé sur une cause à la fois réelle, donc établie, objective, exacte et sérieuse, le juge formant sa conviction au vu des éléments soumis par les parties ; s'il subsiste un doute, il profite au salarié. Par ailleurs, M. [R] ayant été licencié pour faute grave, il appartient à l'employeur d'établir que la faute commise par le salarié dans l'exécution de son contrat de travail est d'une gravité telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise.



Suivant l'article L. 1332-4 du code du travail, aucun fait fautif ne peut donner lieu à lui seul, à l'engagement de poursuites disciplinaires au-delà d'un délai de deux mois à compter du jour où l'employeur en a eu connaissance, à moins que ce fait ait donné lieu dans le même délai à l'exercice de poursuites pénales.



Le délai de deux mois s'apprécie du jour où l'employeur a eu connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits fautifs reprochés au salarié, étant précisé que c'est à l'employeur qu'incombe la charge de la preuve qu'il n'a eu cette connaissance des faits fautifs que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de la procédure disciplinaire.

M. [R] soutient notamment que les manquements qui lui sont reprochés sont prescrits et que le délai restreint pour engager une procédure disciplinaire n'a pas été respecté.



La société JPH se borne à préciser qu'elle n'a eu connaissance de manquements du salarié que le 20 juillet 2018 et qu'elle a dû opérer des investigations sur leur réalité, leur nature et leur ampleur.



Le seul reproche daté mentionné dans la lettre de licenciement consiste en un échange houleux le 14 septembre 2018 avec une personne indéterminée après que M.[R] a raccroché au nez d'un collègue qui se plaignait d'avoir à refaire son travail. Ni la communication téléphonique, ni l'échange houleux ne sont étayés par aucune pièce. Ils ne sont pas matériellement établis.



Les griefs d'absence un jour sur deux organisée à l'insu de l'employeur et de concert avec le salarié avec lequel M. [R] travaillait, et de mauvaise exécution du travail portent sur des chantiers réalisés chez les époux [N], chez Mme [U], chez M. [G], chez M. [O], chez M. [H] et chez M. [X]. Il n'est produit de pièces permettant de dater que les quatre premiers de ces chantiers, à savoir les 30 et 31 mai et 1er juin chez les époux [N], les 13 et 14 juin 2018 chez Mme [U], le 22 juin 2018 chez M. [G] et le 2 juillet 2018 chez M. [O].



Il résulte de ces éléments que ces faits, soit ne peuvent pas être datés, soit se seraient produits au plus tard le 2 juillet 2018. La société JPH ne verse aux débats aucune pièce caractérisant qu'elle n'a eu connaissance exacte de la réalité, de la nature et de l'ampleur des faits fautifs invoqués que le 20 juillet 2018, ni qu'elle a mené des investigations particulières. M. [R] a été convoqué à un entretien préalable le 17septembre 2018, soit plus de deux mois après. Dès lors, les faits reprochés s'étant produits au plus tard le 2 juillet 2018 ou ne pouvant pas être datés sont prescrits.



En conséquence, le licenciement qui est fondé sur des faits qui ne sont pas matériellement établis ou qui sont prescrits est dépourvu de cause réelle et sérieuse. Le jugement du 24 février 2020 doit donc être infirmé sur ce point.



Le quantum de l'indemnité de licenciement, de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés sur préavis, du rappel de salaire au titre de la mise à pied conservatoire n'étant pas discuté, les jugements déférés seront confirmés sur ces points.



S'agissant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, en application de l'article L. 1235-3 du code du travail, M. [R], qui avait moins de deux ans d'ancienneté à la date de l'envoi de la lettre de licenciement, peut prétendre à une indemnité d'un montant compris entre 1 et 2 mois de salaire brut. Il lui sera alloué, sur la base d'un salaire brut mensuel non discuté de 1.918,48 €, une somme de 3 836,96 € à titre de dommages et intérêts.



Sur les demandes accessoires



La société JPH, qui succombe, sera condamnée aux dépens d'appel et au paiement à M. [R] d'une somme de 2.000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile, et déboutée de ses demandes formées sur ce même fondement.



PAR CES MOTIFS



La cour statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort,




Ordonne la jonction des instances enregistrées sous les numéros RG 20/00975 et RG 21/00961 sous le RG 20/0975 ;





Infirme les jugements du conseil de prud'hommes de Bayonne des 24février 2020 et 15 février 2021 sur la cause réelle et sérieuse du licenciement, sur l'indemnité de trajet, sur les dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail et sur le quantum des condamnations à titre du rappel de salaire pour heures supplémentaires et des congés payés y afférents, et les confirme sur le surplus,





Statuant de nouveau sur les points infirmés :





Dit le licenciement de M. [M] [R] dépourvu de cause réelle et sérieuse,





Condamne la société JPH à payer à M. [M] [R] les sommes de:




- 3.836,96 € à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 2.926,60 € au titre des heures supplémentaires, outre 292,66 € au titre des congés payés y afférents,

- 1.512,87 € au titre de l'indemnité de trajet,

- 2 000 € à titre de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat,




Y ajoutant,





Condamne la société JPH à verser à M. [M] [R] la somme de 2.000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et la déboute de ses demandes sur ce même fondement.





Condamne la société JPH aux dépens d'appel.






Arrêt signé par Madame CAUTRES, Présidente, et par Madame LAUBIE, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



LA GREFFIÈRE,LA PRÉSIDENTE,

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