2 juin 2022
Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion
RG n° 21/00637

Chambre sociale

Texte de la décision

AFFAIRE : N° RG N° RG 21/00637 - N° Portalis DBWB-V-B7F-FRDR

 Code Aff. :LC



ARRÊT N°





ORIGINE :JUGEMENT du Tribunal des Affaires de Sécurité Sociale de SAINT DENIS en date du 24 Février 2021, rg n° 20/00660









COUR D'APPEL DE SAINT-DENIS

DE LA RÉUNION



CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT DU 02 JUIN 2022







APPELANT :



Monsieur [Y] [V]

[Adresse 3]

[Localité 7]

Représentant : Me Alain ANTOINE, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION

(bénéficie d'une aide juridictionnelle Totale numéro 2021/2501 du 19/05/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de [Localité 9])





INTIMÉS :



S.A. [10]

[Adresse 2]

[Localité 6]

Représentant : Me Maïtena LAVELLE de la SELARL CABINET LAVELLEt, avocat au barreau de PARIS et Me Céline CABAUD, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION





CAISSE GENERALE DE SECURITE SOCIALE DE LA REUNION

[Adresse 4]

[Localité 8]

Représentant : Me Isabelle CLOTAGATIDE KARIM de la SCP CANALE-GAUTHIER-ANTELME-BENTOLILA, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION





PARTIE INTERVENANTE :



COMPAGNIE [11]

Succursale pour la France

[Adresse 1]

[Localité 5]

Représentant : Me Maïtena LAVELLE de la SELARL CABINET LAVELLEt, avocat au barreau de PARIS et Me Céline CABAUD, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION





DÉBATS : En application des dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 15 mars 2022 en audience publique, devant Laurent CALBO, conseiller chargé d'instruire l'affaire, assisté de Monique LEBRUN, greffière, les parties ne s'y étant pas opposées.





Ce magistrat a indiqué à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 19 mai 2022, à cette date le prononcé a été prorogé au 02 juin2022;



Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



Président :Alain LACOUR

Conseiller:Laurent CALBO

Conseiller :Aurélie POLICE



Qui en ont délibéré





ARRÊT : mis à disposition des parties le 02 JUIN 2022





* *

*





LA COUR :



Exposé du litige':



M. [Y] [V], salarié de la société [10] (la société) en qualité de conducteur de machine, a déclaré un accident du travail survenu le 29 décembre 2018 consécutivement à un écrasement de la main gauche.



La Caisse générale de sécurité sociale de la Réunion (la caisse) a pris en charge l'accident au titre de la législation professionnelle.



Par requête du 8 septembre 2020, M. [V] a saisi le pôle social du tribunal judiciaire de Saint-Denis de la Réunion d'une demande de reconnaissance de la faute inexcusable de son employeur en suite de l'accident du travail du 29 décembre 2018.



Par jugement rendu le 24 février 2021, le tribunal a notamment':

- déclaré recevable M. [V] en son action';

- débouté M. [V] de sa demande de reconnaissance de la faute inexcusable de la société [10]';

- condamné M. [V] aux dépens';

- dit n'y avoir lieu à faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

- déclaré le jugement commun et opposable à la compagnie [11].



Appel de cette décision a été interjeté par M. [V] par acte du 13 avril 2021 en intimant la société et la caisse.





* *



Vu les conclusions déposées par M. [V] le 9 juillet 2021, auxquelles il s'est expressément référé lors de l'audience de plaidoiries'du 15 mars 2022';



Vu les conclusions déposées par la société le 29 septembre 2021, auxquelles elle s'est expressément référée lors de l'audience de plaidoiries';



Vu les conclusions déposées par la caisse le 1er octobre 2021, auxquelles elle s'est expressément référée lors de l'audience de plaidoiries';



Pour plus ample exposé des moyens des parties, il est expressément renvoyé, par application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, aux conclusions susvisées ainsi qu'aux développements infra.





Sur ce':



Vu les articles 548, 554 et 954 du code de procédure civile';



D'une part, les intimées n'ayant pas formé appel incident sur le chef de jugement ayant déclaré recevable l'action introduite par M. [V], le jugement sera confirmé sur ce point.



D'autre part, la société conclut qu'il soit donné acte à la Compagnie [11], prise en sa qualité d'assureur de la société [10], de son intervention volontaire et que le «'jugement'» à intervenir lui soit déclaré commun et opposable.



Or, la Compagnie [11] était partie en première instance, le jugement lui ayant été déclaré commun et opposable, peu important l'erreur matérielle entachant la décision en ce qu'elle ne figure pas dans la désignation des parties.



L'assureur, qui n'a pas été intimé, ne peut donc intervenir volontairement en cause d'appel.



Au surplus, la constitution de l'avocat ayant conclu pour la société et son assureur, n'a été remise au greffe que pour le compte de la société [10].



L'intervention volontaire de la Compagnie [11] sera déclarée irrecevable.





Sur la faute inexcusable de l'employeur':



Vu les articles L.452-1 du code de la sécurité sociale, L.4121-1 et L.4121-2 du code du travail';



La faute inexcusable de l'employeur, visée à l'article L.452-1 du code de la sécurité sociale, est constituée par le manquement de l'employeur à l'obligation légale de sécurité et de protection de la santé de son salarié, alors qu'il avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel était exposé son salarié, et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.



Par ailleurs, si l'article L.4121-1 du code du travail énonce que l'employeur est tenu de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, l'article L.4122-1 du code du travail prévoit qu'il incombe à chaque travailleur de prendre soin, en fonction de sa formation et selon ses possibilités, de sa santé et de sa sécurité ainsi que de celles des autres personnes concernées par ses actes ou ses omissions au travail.



La faute inexcusable ne se présume pas, la preuve de cette faute incombant à la victime qui doit établir que l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience du danger auquel elle était exposée et qu'il n'a pas pris les mesures nécessaires pour l'en préserver.



En l'espèce, M. [V] a été victime le 29 décembre 2018 d'un accident sur le lieu du travail dont le caractère professionnel n'est pas discuté.



La déclaration d'accident du travail du même jour mentionne «Il changeait de bobine de décor pour produire des Activia Vanille'», «'Il a dû retourner la bobine car celle-ci n'était pas dans le bon sens pour la positionner sur la machine Arcil. La bobine munie de son mandrin a glissé du support de levage et le mandrin lui a écrasé la main gauche'».



L'indemnisation du préjudice de M. [V] résultant de cet accident est assurée par le versement des indemnités journalières puis, après consolidation, de manière forfaitaire par le service d'une indemnité en capital calculée sur le taux d'incapacité permanente de 7'% qui lui a été attribué eu égard à son état séquellaire. L'indemnisation complémentaire de son préjudice est en revanche subordonnée, dans la limite des dispositions des articles L.452-1 et L. 452-3 du code de la sécurité sociale, à la reconnaissance préalable de la faute inexcusable de l'employeur.



M. [V] fait valoir en premier lieu que la dangerosité de la machine est à l'origine de l'accident dont il a été victime.



Il précise que l'inspecteur du travail n'a pas constaté la présence d'une identification sur le palonnier en tant qu'accessoire de levage de la machine Arcil (pièce 4).



Toutefois, ni l'inspecteur du travail dans son courrier, ni M. [V] dans ses conclusions ou les photos qu'il produit (pièce 7), ne démontrent en quoi la pièce incriminée ou son utilisation présentaient intrinsèquement un danger auquel l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience.



Aucun élément ne vient non plus démontrer que l'employeur aurait imposé une procédure de remplacement de bobine, différente de celle préconisée par le fabricant, et qu'il en aurait résulté un danger dont il avait ou aurait dû avoir conscience.



Le fait que des améliorations aient été apportées à la machine et à la procédure de changement de bobine, postérieurement à l'accident, ne caractérise pas le danger dont l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience consécutivement à l'utilisation de la machine au jour de l'accident.



En deuxième lieu, M. [V] indique avoir alerté l'employeur du danger de la machine.



Contrairement à ce qu'il soutient, il ne justifie ni d'un fait accidentel antérieur survenu sur cette machine, ni d'un risque signalé à l'employeur résultant du fonctionnement normal de ce matériel.



L'attestation de M. [N] (pièce 5 / appelant) produite au soutien de l'argumentation de la victime, selon laquelle «'certains défauts sont remontés mais pas traités dans les meilleurs délais'», n'établit pas davantage un risque signalé à l'employeur concernant la procédure de changement de bobine sur cette machine.



Les témoignages de MM. [P], [L], [Z] et [T] (pièces 10 à 13 / société) attestent au contraire de l'absence de danger signalé au Chsct concernant cette machine et de l'absence de risque connu dans son utilisation.



En outre, selon le courrier de M. [V] (pièce 7 / société), il occupait le poste de conducteur de machine de conditionnement au sein du service production depuis le 2 janvier 2003 ce dont il résulte que la victime était expérimentée et maîtrisait l'utilisation des machines de production.



En troisième lieu, M. [V] fait valoir que la machine était vétuste.



L'attestation de M. [N] (pièce 5 / appelant) invoque «'des machines défectueuses, vieillissantes, certains défauts sont remontés mais pas traités dans les meilleurs délais'», ce qui ne justifie pas de l'état de la machine litigieuse.



La cour constate que la machine a été vérifiée le 15 février 2018 (pièce 14) tandis que les photos produites par l'appelant ne permettent pas de vérifier la vétusté de la machine.



Enfin, le témoignage de M. [Z] (pièce 12 / société) contredit les arguments de la victime en qu'il atteste du remplacement à neuf de la machine en 2016.



En dernier lieu, M. [V] argue des risques rencontrés par les salariés pendant l'exercice de leurs fonctions.



Cependant, les reproches, adressés par M. [N] à l'employeur dans son témoignage concernant la surcharge de travail liée à la réorganisation du service production, le manque d'effectifs, le planning «'problématique'», ne sont reliés par aucun élément tangible aux circonstances de l'accident du travail en litige.





Si M. [N] indique encore que les ouvriers ne sont pas formés à l'utilisation des palans sur Arcil ce qui augmenterait le risque d'accident, il est relevé que la société justifie de la formation de M. [V] au poste de conducteur Arcil ligne complexe le 4 février 2014 et plus largement du plan de formation de son salarié sur la machine Arcil (pièces 11, 13 et 18 / société).



Enfin, l'affirmation du témoin « manque de signalisation sur les postes à risque pour rappeler les mesures de sécurité'» est contredit par la production du document unique (pièce 15) daté du 3 janvier 2018 sur lequel M. [V] n'apporte aucune critique, et du règlement intérieur (pièce 16) édictant les règles de l'entreprise, notamment en matière d'hygiène et de sécurité.



En conséquence, il n'est pas établi le risque auquel l'employeur avait ou aurait dû avoir conscience lors de l'opération de changement de bobine de décor sur la machine Arcil, ce qui fait obstacle à la démonstration de la faute inexcusable de l'employeur à l'origine de l'accident du 29 décembre 2018.



Le jugement sera confirmé.





PAR CES MOTIFS':



La cour,



Statuant publiquement par décision contradictoire,



Déclare irrecevable l'intervention volontaire de la Compagnie [11]' en cause d'appel ;



Confirme le jugement en toutes ses dispositions';



Vu l'article 700 du code de procédure civile';



Rejette la demande de M. [V] formée au titre des frais non répétibles'd'instance';



Condamne M. [V] aux dépens d'appel.



Le présent arrêt a été signé par M. Alain Lacour, président, et par Mme Monique Lebrun, greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



La greffière,le président,

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