24 juin 2022
Cour d'appel de Douai
RG n° 19/02249

Sociale D salle 3

Texte de la décision

ARRÊT DU

24 Juin 2022







N° 904/22



N° RG 19/02249 - N° Portalis DBVT-V-B7D-SWMH



VC/CH

































Jugement du

Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de DUNKERQUE

en date du

17 Octobre 2019

(RG 18/00433 -section )











































GROSSE :



aux avocats



le 24 Juin 2022





République Française

Au nom du Peuple Français



COUR D'APPEL DE DOUAI

Chambre Sociale

- Prud'Hommes-





APPELANT :



M. [T] [X]

[Adresse 1]

[Localité 4]

représenté par Me Raphaël TACHON, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER, substitué par Me Adrien MARCOURT, avocat au barreau de BOULOGNE-SUR-MER





INTIMÉE :



SASU VERHAEGHE

[Adresse 2]

[Localité 3] / FRANCE

représentée par Me Christophe SORY, avocat au barreau de LILLE substitué par Me Marine GIN, avocat au barreau de LILLE







DÉBATS :à l'audience publique du 05 Mai 2022



Tenue par Virginie CLAVERT

magistrat chargé d'instruire l'affaire qui a entendu seul les plaidoiries, les parties ou leurs représentants ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré,

les parties ayant été avisées à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe.



GREFFIER : Gaetan DELETTREZ



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ







Pierre NOUBEL



: PRESIDENT DE CHAMBRE





Marie LE BRAS



: PRESIDENT DE CHAMBRE





Virginie CLAVERT



: CONSEILLER









ARRÊT :Contradictoire

prononcé par sa mise à disposition au greffe le 24 Juin 2022,

les parties présentes en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 du code de procédure civile, signé par Pierre NOUBEL, Président et par Nadine BERLY, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





ORDONNANCE DE CLÔTURE : rendue le 14 avril 2022






EXPOSE DU LITIGE ET PRETENTIONS RESPECTIVES DES PARTIES :



La société VERHAEGHE a engagé M. [T] [X] par contrat de travail à durée indéterminée à compter du 2 mai 2013 en qualité d'attaché commercial.



Le contrat de travail de M. [X] a été rompu par rupture conventionnelle.



Se prévalant du défaut de paiement d'un complément de commission, M. [T] [X] a saisi le 6 août 2018 le conseil de prud'hommes de Dunkerque qui, par jugement du 17 octobre 2019, a rendu la décision suivante :

- déboute M. [T] [X] de l'ensemble de ses demandes.

- déboute la société VERHAEGHE de sa demande de condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- laisse les dépens éventuels à la charge de M. [T] [X].



M. [T] [X] a relevé appel de ce jugement, par déclaration électronique du 19 novembre 2019.



Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 13 janvier 2020 au terme desquelles M. [T] [X] demande à la cour d'infirmer le jugement déféré et de :

- Condamner la SAS VERHAEGHE au paiement des sommes suivantes :

- 8 070,36 € à titre de rappels de commissions,

- 8 253,00 € à titre de rappels de commissions pour ventes effectuées dans son secteur exclusif,

- 4 259,20 € au titre des dispositions de l'article 700 du CPC.

- La condamner aux entiers dépens,



A l'appui de ses prétentions, M. [T] [X] soutient que :

- Le contrat de travail prévoyait une commission de 0,9% sur les ventes, hors taxe, de matériel neuf directes ou indirectes dans le secteur concédé, une commission de 1,1% sur les ventes, hors taxe, de matériel d'occasion et une commission de 4% sur la marge nette.

- Aucune disposition contractuelle ne prévoit, à l'inverse, le paiement de commissions sur le prix de vente de gestion.

- La société VERHAEGHE a omis de prendre en compte dans le calcul des commissions certains bons de commande, peu important que le paiement desdits bons de commande ait été réalisé après son départ de l'entreprise, les commissions restant dues à hauteur de 3208,56 euros.

- Par ailleurs, l'employeur a commis des erreurs de prix révélées en comparant les bons de commande servant de base au calcul des commissions et le relevé fourni par la société VERHAEGHE soit un rappel dû à hauteur de 4862,37 euros.

- En outre, le contrat de travail prévoyait une exclusivité en faveur du salarié dans son secteur d'activité et lui versait des commissions à ce titre, nonobstant l'intervention d'un autre commercial sur ce même secteur.

- Or, la société VERHAEGHE a commis des erreurs dans les prix retenus pour le calcul de certaines commissions et ne lui a pas versé de commissions alors que des ventes ont été réalisées par un autre salarié sur son secteur et auprès de ses clients habituels.

- L'employeur ne justifie pas avoir retiré son exclusivité à M. [X].

- La société VERHAEGHE est, ainsi, redevable envers son salarié d'une somme totale de 8253 euros au titre de son secteur exclusif, outre le paiement d'une indemnité procédurale.















Vu les dernières conclusions notifiées par RPVA le 19 octobre 2021, dans lesquelles la société VERHAEGHE, intimée, demande à la cour de :

- confirmer le jugement dont appel.

- débouter M. [X] de l'ensemble de ses demandes et prétentions.

- dire n'y avoir lieu à exécution provisoire ;

- condamner M. [X] à payer à la société VERHAEGHE la somme de 2.400 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner M. [X] aux entiers dépens.



Au soutien de ses prétentions, la société VERHAEGHE expose que :

- Sur l'ensemble de la période d'emploi, M. [X] a perçu la somme de 188799,73 euros bruts et non la somme de 171 772,76 euros alléguée par le salarié.

- Les commissions sur le chiffre d'affaire se calculent non pas sur le prix de vente indiqué sur le bon de commande mais sur le prix de vente de gestion pour tenir compte des sur -ou sous- estimations, de sorte que l'appelant a retenu des marges et des montants erronés.

- M. [X] a, en outre, perçu certaines commissions qui ne lui étaient pas dues sur du matériel non ouvert à commission ou encore sur du matériel non facturé au moment du départ de l'intéressé.

- Concernant les commissions sollicitées sur des affaires faites sur son secteur par un autre vendeur, toutes les ventes réalisées dans ce cadre l'ont été car M. [X] n'avait pas visité le client depuis plus de 12 mois, de sorte qu'il en avait perdu l'exclusivité.

- Par ailleurs, une commission n'est due qu'à partir du moment où le matériel est livré, payé et encaissé sous la responsabilité du vendeur, ce qui n'était pas le cas lors du départ du salarié, aucune commission n'étant alors due.



La clôture a été prononcée par ordonnance du 14 avril 2022.



Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, pour un plus ample exposé des faits, prétentions et moyens des parties, il est renvoyé aux dernières conclusions susvisées.




MOTIFS DE LA DECISION :



Sur la demande en paiement des commissions :



Conformément aux dispositions de l'article 1353 du code civil, «Celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation».



Il résulte de ce texte qu'il incombe à l'employeur d'établir qu'il a effectivement payé à son salarié les commissions qu'il lui doit. Lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire.


Et de façon générale, le salarié doit pouvoir vérifier que le calcul de sa rémunération a été effectué conformément aux modalités prévues par le contrat de travail.



En l'espèce, le contrat de travail à durée indéterminée à temps complet de M. [T] [X] confiait à l'intéressé la représentation et la vente de tout le matériel agricole















neuf et occasion commercialisé par l'entreprise auprès de la clientèle établie dans un secteur géographique déterminé. L'engagement prévoyait, en outre, que «pendant toute

la durée d'exécution du contrat, la société assure à M. [X] [T] l'exclusivité de la prospection de la clientèle désignée à l'article «secteur d'activité» et dans le secteur défini au même article. Toutefois, la société pourra mettre fin à cette exclusivité pour tout client que M. [X] [T] se serait abstenu de visiter pendant une période de 12 mois».



Concernant la rémunération du salarié, il était prévu, outre un fixe, une indemnité de route et un forfait de remboursement, la perception de commissions déterminées de la façon suivante :




une commission de 0,9% sur les ventes HT de matériels neufs directes ou indirectes dans le secteur concédé (affaires réglées intégralement et occasions liées aux ventes revendues),





une commission de 1,10% sur les ventes HT de matériels occasion effectuées directement par lui-même (affaires réglées intégralement et occasions liées aux ventes revendues)





une commission de 4% sur la marge nette lors d'une vente d'un matériel neuf, à condition que la vente soit réalisée sans reprise ou que la reprise soit revendue dans les 30 jours et que cette marge nette soit supérieure à 7%.




M. [T] [X] se prévaut de commissions oubliées par son employeur, de commissions erronées établies sur un montant moindre que le prix de vente et de commissions impayées liées à l'exclusivité.



- Sur les commissions oubliées par la société VERHAEGHE :



Ces commissions concernent soit des bons de commande oubliés soit des bons de commande établis par M. [X] avant son départ mais acquittés après celui-ci.



Il se déduit de l'analyse des clauses du contrat de travail précitées que le versement d'une commission était subordonné au règlement intégral de l'affaire et à la revente de l'éventuelle occasion rachetée.



Les dispositions précitées ne conditionnent, toutefois, nullement le paiement de commissions au maintien du commercial dans l'entreprise lors de la finalisation complète de la vente.



Ainsi, M. [X] avait droit aux commissions portant sur des ventes non encore payées lors de son départ de l'entreprise mais qui l'ont été après et qui constituaient la suite directe des bons de commande signés par ses soins avec des clients avant la rupture de son contrat de travail.



A cet égard, le salarié produit un tableau récapitulatif des commissions oubliées intitulé «relevé sur affaire non facture ou oublié» ainsi que les 24 bons de commande concernés établis par ses soins. Le tableau précité détaille également le prix de vente neuf ou d'occasion et la commission globale correspondante.



M. [T] [X] démontre, ainsi, que des commissions lui étaient dues.









De son côté, la société VERHAEGHE ne démontre pas avoir versé une quelconque commission au titre de ces 24 bons de commande lesquels ne sont pas repris dans le tableau récapitulatif des commissions versées qu'elle produit aux débats. L'employeur ne justifie, ainsi, pas s'être acquitté de la somme de 3208,56 euros correspondant aux commissions dues à M. [X] au titre de ces 24 bons de commande omis.

La cour fixe, par suite, à 3208 euros le montant des commissions dues à M. [X] au titre des commissions oubliées.



- Sur les commissions erronées établies sur la base d'un prix moindre que celui facturé :



Ces commissions sont celles calculées, selon l'employeur, sur la base du prix de vente de gestion et non pas du prix de vente.



Toutefois, il ne résulte pas des dispositions contractuelles précitées que les commissions versées doivent être calculées sur la base du prix de vente de gestion et non pas du prix de vente.



Ainsi, le contrat prévoit expressément un calcul de commissions sur les ventes hors taxe ou encore sur la marge nette, ce que ne constitue pas le prix de gestion allégué par la société VERHAEGHE.



Par conséquent, faute de disposition contractuelle le prévoyant, les commissions n'avaient pas à être calculées sur la base du prix de gestion.



M. [T] [X] verse aux débats 26 bons de commande établis par ses soins ainsi qu'un tableau récapitulatif des commandes dans le cadre desquelles un écart a été constaté entre le prix de vente effectif et le prix de vente ayant servi de base au calcul de la commission ou encore entre la commission due et la commission payée.



Ainsi, à titre d'exemple, concernant la commande 4Bis (ADRIANSEN) correspondant à la vente de matériel neuf pour un prix HT de 106 000 euros avec une marge nette de 12700 euros, M. [X] aurait dû percevoir 0,9% de commission sur le prix HT du matériel (soit 954 euros effectivement versés), outre 4% de la marge nette (soit 508 euros non réglés) avec un solde restant dû par l'employeur de 508 euros.



Par ailleurs, concernant la commande 8Bis (BEAU MARAIS), la commission a été calculée sur la base d'un prix de gestion de 132500 euros alors que le prix de vente s'est élevé à 135600 euros, induisant un différentiel injustifié de commission.



Il résulte, dès lors, de la comparaison entre les bons de commande et le relevé d'écart produit par le salarié et le tableau général des commissions produit par l'employeur qu'un rappel de commissions est dû à M. [T] [X].



La cour fixe, par suite, à 4862,36 euros le montant des commissions dues à M. [X] au titre des commissions erronées ou calculées sur une base erronée.



- Sur les commissions liées à l'exclusivité :



Le contrat de travail précité prévoyait que M. [T] [X] bénéficiait, pendant toute la durée d'exécution du contrat, d'une exclusivité dans la prospection de la clientèle











relevant de son secteur d'activité mais que la société pourra mettre fin à cette exclusivité pour tout client que M. [X] [T] se serait abstenu de visiter pendant une période de 12 mois.



Ces dispositions prévoyaient, ainsi, une simple faculté pour l'employeur de mettre fin à l'exclusivité en cas de clientèle non visitée pendant 12 mois. Ce retrait d'exclusivité ne présentait aucun caractère automatique mais nécessitait l'exercice par la société VERHAEGHE de son droit de retrait d'exclusivité concernant un client.

Il appartient, dès lors, à l'employeur de rapporter la preuve de l'exercice par ses soins de cette faculté de mettre fin à l'exclusivité et de préciser les clients concernés.



Par ailleurs, ce retrait d'exclusivité ne présentant aucun caractère automatique, il incombe également à la société VERHAEGHE de justifier de l'absence de visite du ou des clients concernés pendant 12 mois mais également des bons de commande établis par d'autres salariés sur le secteur de M. [X] et ouvrant droit à commission, ce qu'elle ne fait pas, alors même qu'il lui appartient de justifier du respect des dispositions contractuelles en matière de rémunération notamment variable dès lors qu'elle dispose des éléments permettant sa détermination, ce qui est le cas en l'espèce.



Par conséquent, compte tenu de la liste des clients fournis par M. [X] et relevant de son secteur d'activité exclusif, des écarts de prix retenus par la société VERHAEGHE par rapport au montant des bons de commande produits et du tableau récapitulatif de paiement des commissions versé par l'employeur, la cour fixe à la somme totale de 8253 euros le montant du rappel de commissions dû à M. [T] [X] au titre de son secteur exclusif d'activité.



Enfin, il n'est pas justifié par la société VERHAEGHE de ce que M. [X] aurait perçu certaines commissions qui ne lui étaient pas dues sur du matériel non ouvert à commission ou encore sur du matériel non facturé au moment de son départ de l'entreprise.



Le jugement entrepris est, par suite, infirmé en ce qu'il a débouté M. [T] [X] de l'ensemble de ses demandes formées au titre du rappel de commissions.



Sur les autres demandes :



Le jugement entrepris est infirmé concernant les dépens et l'indemnité procédurale.



Succombant à l'instance, la société VERHAEGHE est condamnée aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à M. [T] [X] la somme totale de 3000 euros au titre des frais irrépétibles exposés tant en première instance qu'en cause d'appel.



PAR CES MOTIFS :



La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire,



INFIRME le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Dunkerque en date du 17 octobre 2019, dans l'ensemble de ses dispositions ;



STATUANT A NOUVEAU ET Y AJOUTANT,



CONDAMNE la SAS VERHAEGHE à payer à M. [T] [X] 16 323,36 euros à titre de rappels de commissions ;



CONDAMNE la SAS VERHAEGHE aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à M. [T] [X] 3000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;



DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples et contraires.









LE GREFFIER







[V] [R]







LE PRESIDENT







Pierre NOUBEL

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