12 mai 2022
Cour d'appel de Douai
RG n° 20/02504

CHAMBRE 1 SECTION 1

Texte de la décision

République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 12/05/2022



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N° de MINUTE :

N° RG 20/02504 - N° Portalis DBVT-V-B7E-TCFX



Jugement (N° 19/04004)

rendu le 20 mai 2020 par le président du tribunal judiciaire de Lille







APPELANTE



La SAS Etablissements Bocahut

prise en la personne de son directeur

ayant son siège social [Adresse 6]

[Adresse 4]

[Localité 3]



représentée par Me Anne-Sophie Audegond-Prud'Homme, avocat au barreau de Douai

assistée de Me Christine Blanchard-Masi, avocat au barreau de Versailles, substituée à l'audience par Me Brigitte Labou, avocat au barreau de Versailles



INTIMÉE



L'Administration des douanes et droits indirects

représenté par le directeur régional en exercice, agissant par M. le directeur régional des douanes de Lille

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 2]



représenté par Me Laura Mahieu, avocat au barreau de Lille

assistée de Me Anne-Claire Moyen, membre de la SELARL Urbino Associés, avocat au barreau de Paris



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ



Christine Simon-Rossenthal, présidente de chambre

Emmanuelle Boutié, conseiller

Céline Miller, conseiller

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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe



DÉBATS à l'audience publique du 28 février 2022 après rapport oral de l'affaire par Christine Simon-Rossenthal.

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.





ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 12 mai 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine Simon-Rossenthal, présidente, et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 03 février 2022



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Rappel des faits et de la procédure



La société Bocahut exploite une activité d'extraction de roches massives qu'elle transforme en granulats sur quatre sites à ciel ouvert : les carrières de [Localité 7], de [Localité 5], de [Localité 8] et le quai de chargement ferroviaire d'Avesnelle. Elle fabrique également de la chaux.



Le service d'enquête des douanes de Lille a procédé en 2017 à un contrôle de la taxe générale sur les activités polluantes (ci-après TGAP). La société Bocahut déclare et acquitte la TGAP pour les granulats mais ne fait pas de déclaration d'émissions atmosphériques polluantes pour des poussières totales en suspension (ci-après PTS).



L'administration a notifié le 3 juillet 2017 à la société Bocahut un avis de résultat d'enquête par lequel elle a estimé que la société Bocahut était redevable de la TGAP PTS pour un montant total de 277 146 euros.



La société Bocahut a formulé des observations le 7 décembre 2017 lesquelles ont été rejetées par l'administration sauf à rectifier une erreur sur le montant dû. L'administration a notifié un procès-verbal de constat d'infraction de défaut de déclaration et de paiement de TGAP PTS le 21 décembre 2017 pour un montant de 165 197 euros en droits et 8 396 euros d'intérêt de retard.



La société a payé l'intégralité de la somme le 5 février 2018.



L'administration a proposé une transaction le 4 mai 2018 par laquelle elle offrait de clôturer l'affaire par le paiement des droits et des intérêts de retard outre une amende de 14 000 euros, rappelant que l'amende pouvait être comprise entre une et deux fois les droits éludés. La société n'a pas accepté cette proposition faisant valoir qu'elle contestait la taxation et entendait demander le remboursement de la somme acquittée.



La société Bocahut a sollicité le remboursement par courrier du 12 décembre 2018, demande qui a été refusée par l'administration le 28 février 2019.



Par acte d'huissier du 23 mai 2019, la société Bocahut a fait assigner la direction régionale des douanes de Lille afin de contester l'infraction douanière et d'obtenir l'annulation de la décision du 12 décembre 2018.



Par jugement du 20 mai 2020, le tribunal judiciaire de Lille a :

- rejeté la demande d'annulation de la décision du directeur régional des douanes de Lille du 28 février 2019 et de la demande de la société Bocahut de remboursement de la somme de 203 593 euros payée par elle au titre de la TGAP PTS en droits et en intérêts ;

- condamné la société Bocahut à payer à la direction régionale des douanes de Lille la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;



- dit n'y avoir lieu à aucune autre condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile ni à condamnation au titre des dépens.



La société Bocahut a interjeté appel de ce jugement.



Au termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 2 février 2022, la société Bocahut demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'annulation de la décision du directeur régional des douanes de Lille du 28 février 2019 et de sa demande de remboursement de la somme de 203 593 euros payée par elle au titre de la taxe générale sur les activités polluantes composante « émissions polluantes » (TGAP-PTS) en droits et intérêts et à verser à la direction régionale des douanes de Lille la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Elle demande à la cour, statuant à nouveau de :



- déclarer la société Bocahut recevable et bien fondée en ses demandes ;

- annuler la décision de l'administration des douanes du 28 février 2019 en ce qu'elle a rejeté la demande de remboursement de la somme de 203 593 euros au titre de la taxe générale sur les activités polluantes composante « émissions polluantes » (TGAP-PTS) y compris les intérêts de retard ;

- déclarer la société Bocahut non redevable de la somme de 203 593 euros au titre de la taxe générale sur les activités polluantes (TGAP) et des intérêts de retard ;

- condamner la Direction régionale des douanes et droits indirects de Lille à verser la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile sur le fondement de l'article 367 du code des douanes et de dire n'y avoir lieu à dépens.



Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 3 février 2022, la direction régionale des douanes demande à la cour de confirmer le jugement entrepris et, en conséquence, de :

- débouter la société Bocahut de l'ensemble de ses demandes, constater le bien-fondé de la décision de l'administration des douanes du 12 décembre 2018 en ce qu'elle rejette la demande de remboursement de la somme de 203 593 euros au titre de la taxe générale sur les activités polluantes composante « émissions polluantes » (TGAP-PTS) ;

- juger la société redevable de la somme de 203 593 euros au titre de la taxe générale sur les activités polluantes composante « émissions polluantes » (TGAP-PTS) ;

- en tout état de cause, condamner la société Bocahut à verser à l'administration des douanes la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



La société Bocahut a conclu au soutien de son appel le 2 octobre 2020. Elle a conclu à nouveau le 8 mars 2021.L'administration des douanes a conclu le 28 décembre 2021.La société Bocahut a conclu la troisième fois le 2 février 2022 à 15 h 18, soit la veille de la clôture qui est intervenue le 3 février 2022. L'administration des douanes a conclu le 3 février 2020 à 11 h 19, soit le jour de la clôture.


Par conclusions signifiées le 24 février 2022, la société Bocahut sollicite le rabat de l'ordonnance de clôture au jour des plaidoiries invoquant le fait qu'elle n'a pas pu conclure en réponse aux écritures des Douanes signifiées le 3 février 2022, soit le jour de la clôture. Elle conclut sur le fond par un quatrième jeu de conclusions notifiées le 24 février 2022, soit postérieurement à la clôture.



A l'audience, la cour a mis dans les débats, la question de la recevabilité des conclusions signifiées par la société Bocahut le 2 février 2022, soit la veille de la clôture et des conclusions signifiées par l'administration des douanes le 3 février 2022, soit le jour de la clôture et demandé aux avocats une note en délibéré à ce sujet.



Par note en délibéré signifiée le 11 mars 2022, l'administration des douanes soutient que les conclusions qu'elle a signifiées le 3 février 2022 sont recevables dans la mesure où l'ordonnance de clôture a été signifiée le 4 février 2022 et qu'elles sont la réponse aux conclusions signifiées la veille de la clôture par la société Bocahut ; que les conclusions n° 4 de la société Bocahut signifiées le 24 février 2022 sont irrecevables car signifiées postérieurement à l'ordonnance de clôture qui ne peut être révoquée que pour cause grave qui n'est pas constituée par la constitution d'avocat postérieurement à la clôture.



Par note en délibéré signifiée le 14 mars 2022, la société Etablissements Bocahut expose qu'elle a déposé des conclusions n° 2 le 8 mars 2021 auxquelles l'administration des douanes n'a pas répondu et qu'elle a déposé des conclusions n° 3 le 2 février 2022 afin d'inclure des jurisprudences favorables au soutien de son argumentation ; que l'administration des douanes a finalement communiqué ses conclusions en réponse le 3 février 2022, le jour de la clôture, alors qu'elle avait l'occasion de répondre depuis le 8 mars 2021 ; que ces conclusions de l'administration des douanes n'ont pas été notifiées en temps utile et qu'il existe un motif grave de révocation de l'ordonnance de clôture en ce que la société Bocahut n'a pas pu y répondre, d'autant que l'administration des douanes a introduit dans le débat, par le biais de ces écritures, des éléments importants, notamment une jurisprudence relative au fondement juridique de la taxation litigieuse, dont un arrêt rendu par la cour de céans dans une affaire similaire le 13 janvier 2020 qui appelle des commentaires essentiels à la défense de l'appelante puisqu'un bulletin officiel des finances publiques est venu contredire la position de l'administration douanière retenue par la cour, concomitamment à la publication de son arrêt. Elle sollicite la révocation de l'ordonnance de clôture à la date des plaidoiries, à savoir le 28 février 2022 et la recevabilité de ses conclusions n° 4 afin de permettre une pleine application du principe du contradictoire.






SUR CE,



Sur la recevabilité des écritures des parties et la demande de rabat de l'ordonnance de clôture



L'ordonnance de clôture de l'instruction est intervenue le 3 février 2022.



En application de l'article 15 du code de procédure civile, les parties doivent se faire connaître mutuellement en temps utile les moyens de fait sur lesquels elles fondent leurs prétentions, les éléments de preuve qu'elles produisent et les moyens de droit qu'elle invoquent, afin que chacune soit à même d'organiser sa défense.



L'article 16 du même code dispose que le juge doit, en toutes circonstances, faire observer et observer lui-même le principe de la contradiction et ne peut retenir, dans la décision, les moyens et explications et documents invoqués ou produits par les parties que si celles-ci ont été à même d'en débattre contradictoirement. Il ne peut fonder sa décision sur les moyens de droit qu'il a relevés d'office sans avoir au préalable invité les parties à présenter leurs observations.



Les conclusions signifiées n° 3 le 2 février 2022 par la société Bocahut comportent le même dispositif que les précédentes écritures. Sont invoquées, dans le corps de ses écritures deux décisions rendues par le tribunal judiciaire de Marseille relatives à la présente problématique. Les deux décisions sont produites.









Les conclusions n° 3 signifiées le 3 février 2002, jour de la clôture comportent le même dispositif que les précédentes écritures. Sont invoquées deux décisions rendues par la cour de céans et la cour d'appel de Rennes relatives à la présente problématique. Les deux décisions sont produites.


Contrairement à ce que soutient la société Bocahut, ces conclusions n° 3 ne sont pas la réponse aux conclusions n° 2 qu'elle a signifiées le 8 mars 2021 dans la mesure où l'administration des douanes y a répondu par conclusions signifiées le 21 décembre 2021.



Ainsi les conclusions signifiées par la société Bocahut le 2 février 2022, veille de la clôture, sont recevables dans la mesure où l'administration des Douanes y a répondu par conclusions en réplique signifiées le lendemain 3 février 2022, soit le jour de la clôture qui sont elle-mêmes recevables dans la mesure où elles ne contiennent aucun moyen nouveau ni prétentions nouvelles.



En application de l'article 803 du code de procédure civile, l'ordonnance de clôture ne peut être révoquée que s'il se révèle une cause grave depuis qu'elle a été rendue.



La société Bocahut sollicite la révocation de l'ordonnance de clôture au motif qu'elle n'a pas pu répondre aux conclusions de l'administration des douanes signifiées le 3 février 2022.



Or, en l'espèce, la société Bocahut ne justifie d'aucune cause grave qui serait intervenue après que l'ordonnance de clôture ait été rendue, le bulletin officiel des finances publiques invoqué par celle-ci dans sa note en délibéré qui contredirait la position de l'administration douanière n'étant pas produit. Les conclusions au fond n° 4 signifiées par la société Bocahut, postérieurement à l'ordonnance de clôture, seront donc déclarées irrecevables.



Sur le fond



La société Bocahut soutient que les poussières totales ne sont pas visées par la loi ni considérées comme des émissions polluantes par le droit communautaire. Elle soulève l'absence de définition des PTS en matière douanière et précise que les poussières totales ne peuvent pas être confondues avec les PTS qui sont, selon le code des douanes et les circulaires, celles émises par l'installation assujettie, à l'exclusion des poussières qui se déposent au sol.



Elle indique que les PTS sont les particules restant en suspension et ne se redéposant pas.



Elle estime qu'au regard du droit de l'Union, seules les poussières inférieures à 10 micromètres peuvent être qualifiées de polluantes et donc assujetties à la TGAP et invoque le registre européen des rejets et des transferts de polluants de la Commission du 31 mai 2006 qui cite comme émissions polluantes dans le secteur de l'extraction à ciel ouvert et exploitation de carrière, les PM10 (de taille inférieure à 10 micromètres).



Elle soutient que l'absence de définition, précision ou référence aux outils de mesure des poussières totales en suspension est contraire au principe constitutionnel de sécurité juridique.



Elle fait valoir l'absence de méthode de mesure prescrite par l'administration tout en contestant la méthode d'évaluation retenue par le service régional qui ferait référence aux outils prescrits en matière environnementale.





L'administration des douanes expose que la société déclare de la TGAP exclusivement dans sa composante 'matériaux d'extraction' mais ne déclare pas d'émissions atmosphériques polluantes ; que les poussières en suspension ont été intégrées au dispositif de la TGAP 'émissions polluantes' par la loi du 27 décembre 2008 de finances pour 2009 avec un taux d'assujettissement à 5 tonnes, à partir de 2013.


Elle fait valoir que la norme NF EN 481 relative à la définition des fractions de taille pour le mesurage des particules en suspension dans l'air définit les particules totales en suspension dans l'air comme 'toutes les particules en suspension dans un volume donné d'air' et que cette norme française et européenne considère donc que les particules, dont le diamètre est au plus égal à 100 micromètres, sont incluses dans la catégorie des PTS, ajoutant que l'Agence européenne de l'environnement considère que les PTS incluent les particules jusqu'à 100 micromètres ; que la circulaire du 18 avril 2016 reprend comme définition des PTS, les poussières totales d'une taille inférieure à 10 microns, les PM10 (particules grossières d'un diamètre inférieur à 10 microns) et les PM2,5 (particules fines d'un diamètre inférieur à 2,5 microns), c'est à dire l'ensemble des particules émises dans l'atmosphère, quelle que soit leur taille, définition strictement identique à celle figurant au 7 ° de l'article R. 4222-3 du code du travail qui sous le vocable de 'poussière totale', donne la définition suivante 'toute particule solide dont le diamètre aérodynamique est au plus égale à 100 micromètres ou dont la vitesse limite de chute, dans les conditions normales de température est au plus égal à 0,25 mètre par seconde'.



Elle souligne que le fait générateur de la TGAP est l'émission dans l'atmosphère des particules et que la notion de PTS mentionnée à l'article 266 sexies du code des douanes est similaire à celle de 'poussières totales' au sens du 7 ° de l'article R. 4222-3 du code du travail.



Elle ajoute que les circulaires n'ont rien ajouté à la loi et ne l'ont pas contredite mais ont précisé son application.



Elle indique que le règlement CE n° 166/2006 n'a pas vocation à définir les poussières qui sont polluantes et celles qui ne le sont pas mais vise à faciliter l'accès du public en matière d'environnement par la mise en place d'un registre européen en matière de rejets et de transferts de polluants afin de prévenir et réduire la pollution en communiquant aux décideurs et en facilitant la participation du public au processus décisionnel en matière environnementale ; que le droit de l'Union n'interdit pas l'assujettissement des particules totales comme le prévoit la TGAP.



Elle soutient qu'aucune atteinte au principe à valeur constitutionnelle de sécurité juridique découlant de l'article 34 de la Constitution ou au principe de clarté et d'intelligibilité de la loi ne saurait résulter de la non-spécification d'une méthode de calcul, chaque opérateur étant libre de mesurer les émissions selon une méthode choisie dans la mesure où elle est fiable. Elle fait valoir que le ministère de la transition écologique et solidaire met à disposition des exploitants d'établissements visés par la déclaration annuelle des émissions polluantes et des déchets un site comprenant une série de guides méthodologiques d'aide à la déclaration annuelle des émissions polluantes et des déchets. Elle indique s'être appuyée sur la base du rapport OMINEA puis de la méthode GEREP pour estimer l'émission des PTS et qu'il appartenait à la société Etablissements Bocahut de présenter à l'administration des douanes sa méthode d'évaluation, ce qu'elle n'a pas fait.









Ceci étant exposé, en l'espèce, les dispositions législatives critiquées sont l'article 266 septies 2 du code des douanes et l'article 226 octies 2 :



L'article 266 sexies 2 dispose :



'Le fait générateur de la taxe mentionnée à l'article 266 sexies est constituée par :



2. L'émission dans l'atmosphère par les installations mentionnées au 2 du I de l'article 266 sexies, d'oxydes de soufre et autres composés soufrés, d'oxydes d'azote et autres composés oxygénés de l'azote, d'acide chlorhydrique, d'hydrocarbures non métaniques, solvants, de benzène et d'hydrocarbures aromatiques polycycliques et autres composés organiques volatifs, d'arsenic, de mercure, de sélénium, de plomb, de zinc, de chrome, de cuivre, de nickel de cadium, de vanadium ainsi que de poussières totales en suspension.'



L'article 266 octies 2 dispose :



'La taxe mentionnée à l'article 266 sexies est assise sur :



2. Le poids des substances émises dans l'atmosphère par les installations mentionnées au 2 du I de l'article 266 sexies ;'



Si effectivement, les dispositions législatives critiquées ne donne pas de définition des poussières en suspension, une définition peut être admise en se référant aux connaissances scientifiques. La norme NF EN 481 relative à la définition des fractions de taille pour le mesurage des particules en suspension dans l'air considère que les particules dont le diamètre est au plus égal à 100 micromètres sont incluses dans la catégorie des PTS, analyse confirmée par l'agence européenne de l'environnement. L'article R.4222-3 du code du travail donne une définition du vocable 'poussière totale' comme étant 'toute particule solide dont le diamètre aérodynamique est au plus égal à 100 micromètres ou dont la vitesse limite de chute, dans les conditions normales de températures, est au plus égale à 0,25 mètres par seconde.'



La circulaire TGAP du 18 avril 2016 définit les poussières totales en suspension comme des particules émises dans l'air, de taille et de forme variables, rejetées par des sources diverses ; leur toxicité dépendant de leur taille : les poussières grossières dont le diamètre est inférieur à 100 micromètres, les particules inhalables dont le diamètre et inférieur à 10 micromètres (PM10) et les particules fines dont le diamètre est inférieur à 2,5 micromètres (PM2,5), les plus fines étant les plus nocives, ainsi que leur composition (substances toxiques allergènes, mutagènes ou cancérigènes).



Ainsi, la notion de PTS mentionnée dans le code des douanes, est définie par les connaissances scientifiques et par le droit du travail et est suffisamment précise et non équivoque.



L'article 226 septies 2 du code des douanes ne contrevient dès lors pas au principe d'égalité devant la loi et les charges publiques ni au principe de sécurité juridique.



La notion de PTS ne concerne pas seulement les poussières restant en suspension et ne se redéposant pas, ce qui ne causerait aucun dommage à l'environnement dès lors que l'article 266 septies définit le fait générateur de la TGAP comme l'émission de poussières en suspension, ce qui inclut nécessairement celles qui retombent au sol de sorte que le dommage pour l'environnement est avéré et qu'il n'existe aucune violation des articles 3 et 4 de la Charte de l'environnement.





S'agissant de l'absence de définition par le législateur de mesure permettant d'évaluer les émissions polluantes assujetties à la TGAP au sein d'une installation ce qui contreviendrait aux principes de sécurité juridique et d'égalité devant les charges publiques, il est souligné que l'administration s'appuie sur la méthode GEREP pour évaluer les émissions assujetties à la TGAP.



Le guide d'aide à la déclaration annuelle des émissions polluantes et des déchets dit 'GEREP' est réalisé en concertation avec des acteurs majeurs du secteur dont le Centre national de référence des inventaires, des projections et des expertises en matière de polluants atmosphériques et de gaz à effet de serre qui est une association à vocation scientifique ainsi qu'avec des syndicats de professionnels représentants de nombreux exploitants de carrière.



Le fait générateur de la taxe est constitué par l'émission dans l'atmosphère des PTS par les installations mentionnées au 2 du I de l'article 266 sexies du code des douanes.



Le 2 de l'article 266 octies du code des douanes souligne que la TGAP est assise sur le poids des substances émises dans l'atmosphère par les installations redevables et le taux est repris dans le tableau B du 1 du 266 nonies du code des douanes.



Le jugement entrepris sera dès lors confirmé en ce qu'il a débouté la société Bocahut de ses demandes d'annulation de la décision de l'administration des douanes du 28 février 2019 et de remboursement.


Il le sera également sur l'article 700 du code de procédure civile.



S'agissant des dépens, il est précisé que l'article 267 du code des douanes a été abrogé par la loi du 22 décembre 2021 avec effet au 1er janvier 2002. Dès lors, la société Bocahut succombant en son appel sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.


Elle sera déboutée de sa demande d'indemnité de procédure et sera condamnée, sur ce même fondement, à payer à l'administration des douanes la somme de 2 500 euros.





PAR CES MOTIFS,



La cour,



Déclare les conclusions n° 3 signifiées le 2 février 2022 par la société Etablissements Bocahut recevables ;



Déclare les conclusions n° 3 signifiées le 3 février 2022 par la direction régionale des douanes de Lille recevables ;



Déclare les conclusions n°4 au fond signifiées le 24 février par la société Etablissements Bocahut irrecevables ;



Confirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions à l'exception des dépens ;



Y ajoutant,


Condamne la société Etablissements Bocahut aux dépens de première instance et d'appel ;




Déboute la société Etablissements Bocahut de sa demande d'indemnité de procédure ;



Condamne la société Etablissements Bocahut à payer à la direction régionale des douanes de Lille la somme de 2 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.







Le greffier,La présidente,

Delphine Verhaeghe.Christine Simon-Rossenthal.

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