13 juillet 2022
Cour d'appel de Chambéry
RG n° 22/00114

Première Présidence

Texte de la décision

COUR D'APPEL DE CHAMBERY

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Première Présidence







ORDONNANCE



STATUANT SUR L'APPEL D'UNE ORDONNANCE DU JUGE DES LIBERTÉS ET DE LA DÉTENTION EN MATIERE DE SOINS PSYCHIATRIQUES





du Mercredi 13 Juillet 2022





RG : N° RG 22/00114 - N° Portalis DBVY-V-B7G-HBAZ





Appelant

M. [J] [B]

né le 01 Mai 1988 à [Localité 7] ([Localité 7])

SANS DOMICILE FIXE

actuellement hospitalisé au CHS de la SAVOIE

assisté de Me Sophie ALONSO, avocate désignée d'office inscrite au barreau de CHAMBERY



Appelés à la cause :

CENTRE HOSPITALIER SPECIALISE DE LA SAVOIE

[Localité 3]

non comparant



UDAF (curateur - curatelle renforcée)

en la personne de M. [Y] [O] [K]

[Adresse 1]

CS40948

[Localité 6]

comparant



M. LE PREFET DE LA HAUTE SAVOIE

Agence Régionale de Santé Rhône-Alpes

[Adresse 2]

[Localité 4]

non comparant



Partie Jointe :

Le Procureur Général - Cour d'Appel de CHAMBERY - Palais de Justice - 73018 CHAMBERY CEDEX Dossier communiqué et réquisitions écrites



********

DEBATS :



L'affaire a été débattue publiquement, à l'audience du mercredi 13 juillet 2022 à 10h devant Monsieur Cyril GUYAT, conseiller à la cour d'appel de Chambéry, délégué par ordonnance de Madame la première présidente, pour prendre les mesures prévues aux dispositions de la loi n° 2011-803 du 5 juillet 2011 relative aux droits et à la protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques et aux modalités de prise en charge, assisté de Mme Sophie Messa, greffière




L'affaire a été mise en délibéré au mercredi 13 juillet 2022 après-midi,



Par arreté du 17 juin 2022, le maire d'[Localité 5] a ordonné l'admission provisoire de M. [J] [B] en hospitalisation complète sans consentement au CHS de la Savoie.



Le certificat médical d'admission du Docteur [V] mentionnait que M. [J] [B] était connu des services de psychiatrie pour un trouble psychotique ; qu'il présentait des troubles du comportement et persécutoires ; qu'il avait mis en route un incendie dans son immeuble ; qu'il apparaissait sthénique ; qu'il n'observait pas son traitement ; qu'il était sous curatelle.



Par arrêté du 20 juin 2022, le préfet de la Savoie a ordonné l'admission de M. [J] [B] en hospitalisation complète sans consentement au CHS de la Savoie.



Le certificat médical des 24 heures relevait notamment que le patient était suivi depuis longtemps pour impulsivité et intolérance aux frustrations, associées à des épisodes de rupture avec la réalité. Il est à nouveau en rutpure de traitement. A l'examen, il est opposant. Il a craché et tartiné de pizza les murs de sa chambre. Le risque de passage à l'acte hétéro-agressif est toujours présent.



Le certificat médical des 72 heures précisait que M. [J] [B] était sans domicile, qu'il a sciemment mis le feu au squat qu'il occupait avec d'autres personnes alors que des gens s'y trouvaient car il était en conflit avec eux. A l'évocation des faits, il est sans émotion, banalise et projette les torts sur autrui. Il est en isolement depuis son admission. Des comportements inadaptés et une tension psychique perdurent.



Par arrêté du 21 juin 2022, le préfet de la Savoie a maintenu l'hospitalisation complète sans consentement de M. [J] [B].



L'avis motivé du 23 juin 2022 relevait qu'il persistait une tension psychique avec des comportements encore par moment inadaptés, même si le contact était de meilleur qualité. Il existait un risque de fugue et de comportement potentiellement dangereux qui justifiait la poursuite des soins et de l'ajustement du traitement en chambre d'isolement.



Par courrier du 24 juin 2022, M. [J] [B] a sollicité la mainlevée de la mesure d'hospitalisation auprès du juge des libertés et de la détention de [Localité 6].



Par ordonnance du 28 juin 2022, la juge des libertés de la détention du tribunal judiciaire de Chambéry a ordonné le maintien de la mesure d'hospitalisation complète de M. [J] [B]. Cette décision lui a été notifiée le même jour.



Par courrier motivé envoyé le 30 juin 2022, M. [J] [B] a relevé appel de cette ordonnance.



Les convocations et avis d'audience ont été adressées aux parties conformément aux dispositions de l'article R 3211-19 du code de la santé publique.



L'avis médical prévu par l'article L 3211-12-4 du code de la santé publique a été communiqué au greffe le 8 juillet 2022. Il mentionne que M. [J] [B] est connu du service de psychiatrie depuis 2013 ; qu'il présente des troubles importants du comportement à chaque épisode de décompensation délirante ; qu'il a notamment déjà été en UMD en 2014 ; qu'il a été incarcéré en 2021 suite à des comportements agressifs ; qu'il est toujours actuellement pris en charge en isolement ; que son état psychique s'est nettement amélioré avec la reprise d'un traitement neuroleptique et le cadre strict de l'hospitalisation ; qu'une demande d'UMD est en cours, qu'il accepte plutôt bien ; que la mesure de soins sous contrainte demeure indispensable dans l'attente du départ en UMD afin de permettre un début de stabilisation de son état psychique.



A l'audience publique du 13 juillet 2022, M. [J] [B] a comparu.



Il a pu s'entretenir de manière confidentielle avec son conseil avant l'audience.



M. [J] [B] a indiqué qu'il vivait dans une maison abandonnée avec ceux qu'il considérait comme des copains ; qu'un soir, le 16 juin, on lui a volé sa carte bancaire, qu'ils étaient en bas dans la cave en train de se droguer, qu'il est sorti et a mis le feu pour qu'ils sortent, qu'il a ensuite attendu la police et les pompiers.

Il a fait appel car il est toujours à l'isolement. Il a son injection retard donc il estime ne pas avoir à rester à l'hôpital. Les médecins veulent l'envoyer en UMD.

Il avait arrêté sa piqure retard car il vivait dehors et il ne pouvait pas aller à [Localité 5] ou [Localité 6]. S'il sort, il va aller au 115, et il indique être prêt à aller toutes les quatre semaines faire sa piqure.

Il n'accepte pas bien son orientation en UMD, c'est juste qu'il n'a pas le choix. Il préfèrerait être au 115. Quand il va sortir de l'UMD, il va ressentir l'injustice qui est en lui.



M. [T] [Y], représentant l'Udaf de la Savoie dans le cadre d'une curatelle renforcée, a indiqué que l'orientation en UMD lui paraît être une bonne hypothèse ; que M. [J] [B] a une difficulté à accepter le soin sur la durée, qu'il est difficile de travailler un hébergement s'il ne suit pas des soins adaptés en parallèle.



Maître Alonso, conseil de M. [J] [B], a soulevé le fait que l'arrêté du préfet était intervenu trois jours après l'arrêté provisoire pris par le maire, alors qu'il aurait dû intervenir dans les 24 heures.

Sur le fond, elle a indiqué que son client a beaucoup de mal à accepter la mesure d'hospitalisation, à laquelle vient s'ajouter la mesure d'isolement, qu'il vit comme punitive. Elle indique que les faits d'incendie ont été extrapolés pour justifier la mesure, car il n'y a eu ni blessés ni dégradations.

Elle indique s'en rapporter sur le fond du dossier, précisant que M. [J] [B] sait qu'il a des problématiques psychiatriques.



Le directeur du centre hospitalier n'a pas comparu.



Le ministère public n'a pas comparu, mais il a requis le 8 juillet 2022 la confirmation de la décision de maintien de la mesure d'hospitalisation complète. Les réquisitions du ministère public ont été mises à la disposition du patient et de son conseil avant l'audience.



La décision a été mise en délibéré au 8 juillet 2022.




MOTIFS DE LA DÉCISION



L'appel est recevable en ce qu'il a été formé dans les formes et délais requis.



Il résulte des dispositions de l'article L 3213-2 du code de la santé publique que, en cas de danger imminent pour la sûreté des personnes, attesté par un avis médical, le maire et, à [Localité 8], les commissaires de police arrêtent, à l'égard des personnes dont le comportement révèle des troubles mentaux manifestes, toutes les mesures provisoires nécessaires, à charge d'en référer dans les vingt-quatre heures au représentant de l'Etat dans le département qui statue sans délai et prononce, s'il y a lieu, un arrêté d'admission en soins psychiatriques dans les formes prévues à l'article L. 3213-1. Faute de décision du représentant de l'Etat, ces mesures provisoires sont caduques au terme d'une durée de quarante-huit heures.



En l'espèce, l'arrêté du maire d'[Localité 5] portant mesure provisoire d'hospitalisation est daté du 17 juin 2022, et l'arrêté du préfet de Savoie ordonnant l'admission de M. [J] [B] en hospitalisation complète sans consentement est intervenu le 20 juin 2022.



Ainsi, faute de décision du représentant de l'Etat dans les 48h de l'arrêté du maire, il convient de constater la caducité de ce dernier et des mesures provisoires qu'il ordonnait.



M. [J] [B] a été retenu hospitalisé sans son consentement entre le 19 et le 20 juin 2022 sans qu'aucune décision n'autorise cette hospitalisation, ce qui lui a donc causé grief.











En conséquence, l'ordonnance déférée sera infirmée, et la mainlevée de la mesure de soins sans consentement en hospitalisation complète de M. [J] [B] sera ordonnée.



En application des dispositions de l'article L 3211-12-1 du code de la santé publique, cette mainlevée prendra effet dans un délai de 24 heures à compter de la notification de cette décision par le greffe, afin de permettre l'établissement éventuel d'un programme de soins que les troubles psychiatriques dont souffre le patient pourraient rendre nécessaire.



PAR CES MOTIFS



Statuant en audience publique au siège de la Cour d'Appel de Chambéry, par ordonnance réputée contradictoire,



DECLARONS l'appel formé par M. [J] [B] recevable,



INFIRMONS l'ordonnance déférée,



ORDONNONS la mainlevée de la mesure d'hospitalisation complète sans consentement de M. [J] [B],



DISONS que cette mainlevée interviendra à l'expiration d'un délai de 24 heures courant à compter de l'heure de notification par le greffe de la présente décision,



LAISSONS les dépens à la charge du Trésor Public,



DISONS que la notification de la présente ordonnance sera faite conformément aux dispositions de l'article R 3211-22 du code de la santé publique.



Ainsi prononcé le 13 juillet 2022 par mise à disposition de l'ordonnance au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, et signé par Monsieur Cyril GUYAT, conseiller à la Cour d'appel de Chambéry, délégué par Madame la première présidente et Mme Sophie MESSA, greffière.





LA GREFFIERELE PRESIDENT

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