12 juillet 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-23.290

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00870

Texte de la décision

SOC.

CA3



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 12 juillet 2022




Cassation partielle


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 870 F-D

Pourvoi n° D 20-23.290





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUILLET 2022

M. [J] [R], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 20-23.290 contre l'arrêt rendu le 22 octobre 2020 par la cour d'appel de Rennes (7e chambre prud'homale), dans le litige l'opposant à la société Oxymontage, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rinuy, conseiller, les observations de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [R], de la SCP Waquet, Farge et Hazan, avocat de la société Oxymontage, après débats en l'audience publique du 1er juin 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, M. Rinuy, conseiller rapporteur, Mme Lanoue, conseiller référendaire ayant voix délibérative, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article L. 431-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Rennes, 22 octobre 2020), M. [R] a été engagé par la société Oxymontage (la société) à compter du 15 mai 2016 pour occuper les fonctions de taraudeur - catégorie ouvriers - niveau 1 - échelon 1 - coefficient 140 de la convention collective de la métallurgie et des industries connexes du Finistère. Il a produit aux débats des bulletins de paie mentionnant qu'au moins depuis juillet 2010 il occupe un emploi d'opérateur de débit - qualification niveau I/échelon 3. Depuis mai 2014, il exerce des mandats de délégué du personnel et de délégué syndical.

2. Formulant plusieurs griefs à l'encontre de son employeur, le salarié a saisi, le 23 juillet 2015, la juridiction prud'homale.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le premier moyen, pris en sa deuxième branche

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande de dommages-intérêts pour discrimination syndicale, alors « que sauf application d'un accord collectif visant à en assurer la neutralité ou à le valoriser, l'exercice d'activités syndicales ne peut être pris en considération dans l'évaluation professionnelle d'un salarié ; qu'en écartant l'existence d'une discrimination syndicale « sans s'arrêter au seul rappel fait par le responsable hiérarchique, M. [C], dans le compte rendu d'entretien du 9 mars 2015, de l'accession de M. [J] [R] à des mandats de délégué syndical et de délégué du personnel » quand la mention des mandats représentatifs dans l'entretien d'évaluation établissait la discrimination, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail. »



Réponse de la Cour

Vu les articles L. 1132-1 et L. 2141-5, dans leur rédaction applicable en la cause, et L. 1134-1 du code du travail :

5. Pour débouter le salarié de sa demande de dommages-intérêts pour discrimination syndicale, après avoir retenu que les éléments de fait allégués par le salarié laissaient supposer l'existence d'une discrimination directe ou indirecte à raison de son activité syndicale et de représentant élu du personnel au sein de la société, l'arrêt énonce que sans s'arrêter au seul rappel fait par le responsable hiérarchique dans le compte rendu d'entretien du 9 mars 2015 de l'accession du salarié à des mandats de délégué syndical et de délégué du personnel, la société établit qu'il n'y a eu aucun changement de ses conditions de travail et encore moins une modification de son contrat de travail puisque son activité d'opérateur de débit englobe toutes les missions y afférentes comme notamment le cisaillage et le pliage, s'agissant de fonctions techniques pour lesquelles dans leur exercice il est attendu une certaine polyvalence et adaptation, fonctions constituées d'un ensemble de tâches confiées à un même opérateur ou à plusieurs pour se combiner et s'enchaîner entre elles dans un processus de fabrication préétabli et qui renvoie à différentes étapes opérationnelles n'étant pas distinctement réservées à l'un ou l'autre des salariés du service, ce que le salarié a expressément accepté dans son principe en signant avec la société l'avenant du 5 janvier 2017 à son contrat de travail.

6. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'existence d'éléments objectifs étrangers à toute discrimination syndicale, alors que, sauf application d'un accord collectif visant à en assurer la neutralité ou à le valoriser, l'exercice d'activités syndicales ne peut être pris en considération dans l'évaluation professionnelle d'un salarié, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il déboute M. [R] de sa demande de dommages-intérêts pour discrimination syndicale, l'arrêt rendu le 22 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Rennes ;

Remet, sur ce point, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Angers ;

Condamne la société Oxymontage aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Oxymontage et la condamne à payer à M. [R] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [R]


PREMIER MOYEN DE CASSATION

M. [R] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de sa demande de dommages-intérêts pour discrimination syndicale.

1° ALORS QUE lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en retenant que le salarié n'avait pas été victime d'une discrimination syndicale sans examiner ni sa mise en cause personnelle par le directeur de la société lors d'un mouvement de grève, ni ses courriers du 8 mars et 19 avril 2015 dénonçant la discrimination qu'il subissait, dont une sous classification professionnelle, ni le courrier de l'employeur du 16 avril 2015 reconnaissant que le salarié avait été « affecté plus souvent à la cisaille » pour « positionner un opérateur présent de manière permanente à la plieuse » afin de pallier ses « absences répétées » liées à l'exercice de ses mandats représentatifs, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail.

2° ALORS QUE sauf application d'un accord collectif visant à en assurer la neutralité ou à le valoriser, l'exercice d'activités syndicales ne peut être pris en considération dans l'évaluation professionnelle d'un salarié ; qu'en écartant l'existence d'une discrimination syndicale « sans s'arrêter au seul rappel fait par le responsable hiérarchique, M. [C], dans le compte rendu d'entretien du 9 mars 2015, de l'accession de M. [J] [R] à des mandats de délégué syndical et de délégué du personnel » quand la mention des mandats représentatifs dans l'entretien d'évaluation établissait la discrimination, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations en violation des articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail.

3° ALORS QUE lorsque le salarié présente des éléments de fait constituant selon lui une discrimination, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments pris dans leur ensemble laissent supposer l'existence d'une telle discrimination et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination ; qu'en l'espèce, il n'était pas contesté que le salarié avait été exclu des tâches de « pliage de tôle » au profit de tâches de « cisaillage » en mars 2015 ; que pour retenir que cette exclusion du salarié n'était pas discriminatoire, la cour d'appel a estimé que l'employeur établissait « qu'il n'y a eu aucun changement de ses conditions de travail et encore moins une modification de son contrat de travail puisque son activité d'"opérateur de débit" englobe toutes les missions y afférentes comme notamment le cisaillage et le pliage, s'agissant de fonctions techniques pour lesquelles dans leur exercice il est attendu une certaine polyvalence et adaptation, fonctions constituées d'un ensemble de tâches confiées à un même opérateur ou à plusieurs pour se combiner et s'enchainer entre elles dans un processus de fabrication préétabli et qui renvoie à différentes étapes opérationnelles n'étant pas distinctement réservées à l'un ou l'autre des salariés du service, ce que l'intimé a expressément accepté dans son principe en signant avec la société appelante l'avenant du 5 janvier 2017 à son contrat de travail » ; qu'en statuant ainsi, quand la compatibilité des tâches de cisaillage avec les attributions du salarié et l'avenant au contrat de travail du 5 janvier 2017 était impropre à justifier que la décision d'exclure le salarié des tâches de pliage à compter de mars 2015 était étrangère à toute discrimination, la cour d'appel a violé les articles L. 1132-1, L. 1134-1 et L. 2141-5 du code du travail.


SECOND MOYEN DE CASSATION

M. [R] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en sa disposition le déboutant de sa demande d'indemnité d'emploi.

1° ALORS QUE lorsque, exceptionnellement, il n'a pas été possible de remédier suffisamment aux conditions pénibles, dangereuses ou insalubres dans lesquelles certains travaux sont exécutés, une indemnité d'emploi distincte du salaire doit être attribuée au salarié, à moins qu'il n'ait été tenu compte de cette situation dans la fixation de son salaire ; qu'en déboutant l'exposant de sa demande d'indemnité d'emploi, au motif propre inopérant que l'employeur justifiait avoir pris « diverses mesures en matière de prévention des risques au travail, cela dans le respect de son obligation de sécurité rappelée aux articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, de sorte que l'on ne peut pas considérer en l'espèce que les salariés […] seraient réellement exposés à des conditions de travail "pénibles, dangereuses ou insalubre" au sens de l'avenant précité à la convention collective » et au motif, à le supposer adopté, que « le versement d'une prime ne peut compenser un manquement de l'entreprise à son obligation » de sécurité, sans rechercher si, malgré les mesures prises par l'employeur, les conditions concrètes de travail du salarié demeuraient pénibles, dangereuses ou insalubres, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 23 de l'avenant « mensuels » de la convention collective de la métallurgie et des industries connexes du Finistère.

2° ALORS en tout état de cause QUE lorsque, exceptionnellement, il n'a pas été possible de remédier suffisamment aux conditions pénibles, dangereuses ou insalubres dans lesquelles certains travaux sont exécutés, une indemnité d'emploi distincte du salaire doit être attribuée au salarié à moins qu'il n'ait été tenu compte de cette situation dans la fixation de son salaire ; qu'en déboutant l'exposant de sa demande d'indemnité d'emploi motif pris que l'employeur justifiait avoir pris des mesures de prévention des risques au travail, sans rechercher la date de mise en oeuvre de ces mesures intervenues à partir de 2015 en sorte que le salarié était à tout le moins fondé à solliciter l'indemnité d'emploi pour la période antérieure, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 23 de l'avenant « mensuels » de la convention collective de la métallurgie et des industries connexes du Finistère.

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