12 juillet 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-23.367

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00863

Texte de la décision

SOC.

OR



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 12 juillet 2022




Cassation partielle


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 863 F-D

Pourvoi n° N 20-23.367




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 12 JUILLET 2022

M. [I] [M], domicilié [Adresse 1], a formé le pourvoi n° N 20-23.367 contre l'arrêt rendu le 10 septembre 2020 par la cour d'appel de Grenoble (chambre sociale, section B), dans le litige l'opposant à l'association Magasin - Centre national d'art contemporain de Grenoble, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Prache, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de M. [M], de la SCP Rocheteau, Uzan-Sarano et Goulet, avocat de l'association Magasin - Centre national d'art contemporain de Grenoble, après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Prache, conseiller référendaire rapporteur, M. Seguy, conseiller, et Mme Aubac, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Grenoble, 10 septembre 2020), M. [M] a été engagé en qualité de directeur, à compter du 15 janvier 1996, par l'association Centre national d'art contemporain de Grenoble, désormais dénommée Magasin - Centre national d'art contemporain de Grenoble (l'association).

2. Le salarié a été placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 14 octobre 2014 et a repris ses fonctions, en temps partiel thérapeutique, à compter du 19 mai 2015. Le 2 avril 2015, l'employeur lui a notifié un avertissement.

3. Après avoir saisi, les 30 avril et 14 septembre 2015, la juridiction prud'homale de demandes tendant à l'annulation de l'avertissement et la résiliation judiciaire de son contrat de travail, le salarié a été licencié pour faute grave, le 30 octobre 2015.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, pris en ses quatrième, cinquième et sixième branches

Enoncé du moyen

4. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de sa demande tendant à la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et de ses demandes indemnitaires et salariales afférentes, alors :

« 4°/ que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que dès lors, en affirmant que le salarié ne présentait pas des faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral, sans avoir examiné l'arrêt de travail pour accident du travail/maladie professionnelle du salarié aux termes il était mentionné que le salarié souffrait de ‘'dépression réactionnelle, trouble, exténué, burnout, sidération'‘ et qu'il bénéficiait d'un suivi psychologique'‘, la cour d'appel, qui n'a pas tenu compte de l'ensemble des éléments produits aux débats par le salarié, a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

5°/ qu'il appartient seulement au salarié de présenter des faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en l'espèce, pour écarter au titre du harcèlement moral subi par le salarié le grief tiré du non-respect par son employeur des préconisations du médecin du travail lors de sa reprise à temps partiel thérapeutique, la cour d'appel s'est bornée à relever que l'intéressé ne précisait pas ses allégations ; qu'en statuant de la sorte lorsqu'elle avait par ailleurs expressément relevé que l'employeur ne justifiait pas avoir respecté son obligation de sécurité en aménageant le poste de travail du salarié en pleine conformité avec les préconisations du médecin du travail, ce dont il résultait que le grief formulé à l'encontre de l'employeur tiré du non-respect des préconisations du médecin du travail était matériellement établi, et qu'il appartenait donc à l'employeur de justifier que sa décision reposait sur des considérations objectives étrangères à tout harcèlement, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

6°/ que lorsque le salarié alerte l'employeur sur sa souffrance au travail et se plaint, entre autres éléments susceptibles de laisser présumer un harcèlement, qu'aucune suite n'y a été donnée, il appartient à l'employeur de justifier qu'il a agi en considération de la dénonciation du salarié afférente à son état de santé ; qu'en reprochant au salarié de ne pas prouver que l'employeur n'avait pas saisi les délégués du personnel de sa situation ensuite de la correspondance de son conseil du 19 mars 2014 [en réalité 2015] dénonçant le harcèlement moral dont il se disait victime, la cour d'appel a violé l'article 1353 ( 1315 ancien) du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu l'article L. 1154-1 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 :

5. Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. En vertu de l'article L. 1154-1 du code du travail, lorsque survient un litige relatif à l'application des articles L. 1152-1 à L. 1152-3 et L. 1153-1 à L. 1153-4, le candidat à un emploi, à un stage ou à une période de formation en entreprise ou le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

6. Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.

7. Sous réserve d'exercer son office dans les conditions qui précèdent, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits qui permettent de présumer l'existence d'un harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

8. Pour rejeter la demande de résiliation judiciaire du salarié, l'arrêt retient que les éléments matériellement établis, à savoir un avertissement injustifié du 2 avril 2015, et la restriction apportée, le 17 juin 2015, à la délégation de pouvoir d'engager des dépenses afférentes à l'activité de l'association, sont insuffisants, pris dans leur ensemble, à laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral.

9. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations, d'une part, que l'employeur ne justifiait pas avoir aménagé le poste du salarié conformément aux préconisations du médecin du travail, d'autre part, que l'association ne justifiait pas des suites données à l'alerte dont elle avait été saisie par le salarié en arrêt de travail depuis le 14 octobre 2014 à raison d'un état d'épuisement physique et psychique, la cour d'appel, qui n'a pas examiné ces faits ni pris en compte le certificat médical produit afin d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettaient de présumer l'existence d'un harcèlement moral, a violé le texte susvisé.

Et sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

10. Le salarié fait grief à l'arrêt de le débouter de l'intégralité de ses demandes afférentes à la rupture de son contrat de travail, alors « que lorsqu'un salarié a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail et que son employeur le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation était justifiée et, dans la négative seulement, statuer sur le licenciement ; qu'en l'espèce, la cassation à intervenir sur le premier moyen, relatif à la demande de résiliation judiciaire formulée par le salarié, entraînera l'annulation du chef de dispositif ayant débouté M. [M] de l'intégralité de ses demandes afférentes à la rupture de son contrat de travail, en application de l'article 624 du code de procédure civile. »

Réponse de la Cour

11. En application de l'article 624 du code de procédure civile, la cassation des dispositions de l'arrêt déboutant le salarié de sa demande tendant à la résiliation judiciaire de son contrat de travail et de ses demandes indemnitaires et salariales subséquentes, entraîne la cassation du chef de dispositif le déboutant de l'intégralité de ses demandes afférentes à la rupture de son contrat de travail, qui s'y rattachent par un lien de dépendance nécessaire.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs, la Cour :

CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il annule l'avertissement du 2 avril 2015 et condamne l'association Magasin - Centre national d'art contemporain de Grenoble à payer à M. [M] la somme de 1 000 euros à titre de dommages-intérêts, l'arrêt rendu le 10 septembre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Grenoble ;

Remet, sauf sur ces points, l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Chambéry ;

Condamne l'association Magasin - Centre national d'art contemporain de Grenoble aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'association Magasin - Centre national d'art contemporain de Grenoble et la condamne à payer à M. [M] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du douze juillet deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat aux Conseils, pour M. [M]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

M. [M] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement du conseil de prud'hommes de Grenoble du 15 février 2018 en ce qu'il l'avait débouté de sa demande tendant à la résiliation judiciaire du contrat de travail aux torts de l'employeur et de ses demandes indemnitaires et salariales afférentes ;

1°) ALORS QUE les juges du fond sont tenus d'examiner l'ensemble des documents soumis à leur examen ; qu'en l'espèce, M. [M] dénonçait l'ingérence dont la Présidente, Mme [F], avait fait preuve à son égard depuis son entrée en fonction, et de manière encore plus prégnante les derniers mois de la relation contractuelle, et la pression de plus en plus accrue qu'elle faisait peser sur lui, celle-ci ayant largement outrepassé ses pouvoirs et ses fonctions concernant l'intervention de la société Nova Consulting ayant exercé sur lui des pressions quant à l'exercice de ses fonctions, M. [M] ayant été à de nombreuses reprises sollicité pour des demandes urgentes pendant son arrêt de travail ; que s'agissant de l'ingérence de la Présidente dans la gestion de la mission dévolue à la société Nova Consulting, M. [M] faisait valoir et offrait de prouver que Mme [F] avait remis en cause à plusieurs reprises les lieux de réunion des comités de suivi, qu'elle avait même décidé unilatéralement qu'il y avait lieu de planifier d'autres réunions de comité de suivi et en avait fixé seule l'ordre du jour, qu'elle lui avait enjoint de revoir la version du contrat qui avait été élaboré et avait estimé qu'il lui appartenait de valider le contrat conclu avec la société consultante, qu'elle avait enfin dénigré le consultant intervenant en leur sein devant les autres membres du conseil d'administration (conclusions du salarié p. 13-14, production n° 5) ; qu'au titre des pressions, le salarié se prévalait notamment d'un courriel de M. [Y] exposant à Mme [F] que ses interventions étaient « à bien des égards et depuis des mois, irrespectueuses (…) » et « qu'il ne fait pas de doute qu'elles ont un pouvoir dévastateur supplémentaire » (production n° 6) ; que concernant le fait qu'il lui avait été enjoint à plusieurs reprises de répondre à des sollicitations professionnelles pendant son arrêt de travail, le salarié produisait de nombreux mails qui lui avaient été adressés, lui demandant notamment de rappeler de manière urgente des personnes, lui délivrant des informations et le sollicitant de demande « sur un point urgent », lui indiquant que « sans trop abuser de votre temps, je tenais à vous apporter quelques informations et à vous solliciter pour certains points », lui indiquant que « certaines questions importantes demeurent en suspens, questions sur lesquelles nous attendons vos indications, « le sollicitant à nouveau sur des questions urgentes », et ce même si son employeur, conscient qu'il ne pouvait valablement solliciter autant le salarié, s'interrogeait sur le fait qu'envoyer des mails à M. [M] pendant son arrêt soit une « option légale, », les représentants du personnel ayant quant à eux expressément indiqué que les salariés eux-mêmes s'interrogeaient sur la légitimité de contacter M. [M] alors qu'il était en arrêt de travail et bien que ce dernier ait pu expressément indiqué qu'il ne pouvait « pas répondre aux questions posées étant en arrêt de travail » (conclusions du salarié p. 17 et suivantes et productions n° 7 et 8) ; qu'en estimant que les griefs du salarié à l'encontre de son employeur n'étaient pas établis sans analyser l'ensemble des éléments de preuve pertinents et révélateurs que le salarié produisait aux débats, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE le retrait d'une partie essentielle des fonctions constitue une modification du contrat de travail du salarié qui ne peut être effectué sans son consentement exprès ; qu'en l'espèce, M. [M] faisait valoir qu'il avait été dépossédé d'une grande partie de ses attributions puisqu'il avait été mis à l'écart des projets artistiques pour les années 2015 et 2016 alors que cette responsabilité relevait pourtant pleinement de ses fonctions ; qu'il offrait de prouver que son employeur s'était immiscé dans les projets artistiques pour l'année 2015 et que s'agissant de l'année 2016, alors qu'il avait pris le soin de présenter son programme de manière détaillée dès le mois de mai 2015 à son retour d'arrêt de travail, après avoir budgété les projets qu'il envisageait de mettre en place, son employeur n'avait tout simplement pas mis l'approbation de son projet à l'ordre du jour du conseil d'administration et avait décidé d'annuler les évènements qu'il avait envisagés (conclusions du salarié p. 21 à 23 ; production 10 et 17) ; qu'il ressort des constatations de l'arrêt que le salarié avait été effectivement mis à l'écart concernant le projet artistique de 2015 et que de nombreux évènements prévus dans le projet de 2016 avaient été annulés par le conseil d'administration ; que néanmoins, pour affirmer qu'aucun grief ne pouvait être formulé à l'encontre de son employeur, la cour d'appel s'est bornée à relever que pour le projet artistique 2015, le salarié était en arrêt de travail et que, pour 2016, il n'avait pas soumis son projet à l'approbation du conseil d'administration ; qu'en statuant par de tels motifs impropres à caractériser que c'était avec son consentement que les attributions du salarié lui avaient été retirées et sans rechercher si l'absence d'approbation du projet de 2016 n'était pas imputable à l'employeur qui avait refusé d'inscrire à l'ordre du jour la demande d'approbation du projet, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, devenu les articles 1103 et 1104 du même code ;

3°) ALORS QUE lorsque le paiement du maintien de salaire incombe à l'employeur, subrogé dans les droits du salarié, ce dernier ne peut valablement se retrancher derrière la carence de l'organisme de prévoyance, pour manquer à son obligation de maintien de salaire ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt que l'employeur avait attendu le mois de janvier 2016 pour régler au salarié les indemnités de prévoyance qui lui étaient dues pour la période du 17 mai 2015 au 21 janvier 2016 ; que néanmoins, pour exclure tout manquement de l'employeur, la cour d'appel s'est bornée à relever que l'employeur avait transmis les éléments nécessaires à l'organisme de prévoyance de sorte qu'aucun retard ne pouvait lui être imputé ; qu'en exonérant ainsi l'employeur de sa responsabilité de payer à échéance le maintien de salaire de M. [M] en raison de la carence de l'organisme de prévoyance, la cour d'appel a statué par un motif inopérant et partant a violé l'article 1134 du code civil, devenu les articles 1103 et 1104 du même code ;

4°) ALORS QUE pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ; que dès lors, en affirmant que le salarié ne présentait pas des faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral, sans avoir examiné l'arrêt de travail pour accident du travail/maladie professionnelle du salarié aux termes il était mentionné que M. [M] souffrait de « dépression réactionnelle, trouble, exténué, burnout, sidération » et qu'il bénéficiait d'un suivi psychologique » (production n° 9), la cour d'appel, qui n'a pas tenu compte de l'ensemble des éléments produits aux débats par le salarié, a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

5°) ALORS QU'il appartient seulement au salarié de présenter des faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en l'espèce, pour écarter au titre du harcèlement moral subi par M. [M] le grief tiré du non-respect par son employeur des préconisations du médecin du travail lors de sa reprise à temps partiel thérapeutique, la cour d'appel s'est bornée à relever que l'intéressé ne précisait pas ses allégations ; qu'en statuant de la sorte lorsqu'elle avait par ailleurs expressément relevé que l'employeur ne justifiait pas avoir respecté son obligation de sécurité en aménageant le poste de travail du salarié en pleine conformité avec les préconisations du médecin du travail, ce dont il résultait que le grief formulé à l'encontre de l'employeur tiré du non-respect des préconisations du médecin du travail était matériellement établi, et qu'il appartenait donc à l'employeur de justifier que sa décision reposait sur des considérations objectives étrangères à tout harcèlement, la cour d'appel a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

6°) ALORS QUE lorsque le salarié alerte l'employeur sur sa souffrance au travail et se plaint, entre autres éléments susceptibles de laisser présumer un harcèlement, qu'aucune suite n'y a été donnée, il appartient à l'employeur de justifier qu'il a agi en considération de la dénonciation du salarié afférente à son état de santé ; qu'en reprochant à M. [M] de ne pas prouver que l'employeur n'avait pas saisi les délégués du personnel de sa situation ensuite de la correspondance de son conseil du 19 mars 2014 [en réalité 2015] (production n° 14) dénonçant le harcèlement moral dont il se disait victime (cf. arrêt attaqué p. 14 § 2), la cour d'appel a violé l'article 1353 (1315 ancien) du code civil ;

7°) ALORS en tout état de cause QU'il appartient seulement au salarié de présenter des faits laissant présumer l'existence d'un harcèlement moral ; qu'en l'espèce, il résulte des constatations de l'arrêt que M. [M] avait été victime d'un avertissement injustifié le 2 avril 2015 (production n° 12) alors qu''il était en arrêt de travail, lui ayant causé un préjudice moral, et que par acte du 17 juin 2015 (production n° 13), la Présidente de l'association avait révoqué l'ensemble des délégations de pouvoirs et de signatures consenties au salarié ; qu'en jugeant que ces deux faits dont la matérialité était établie étaient insuffisants pour laisser présumer l'existence d'un harcèlement moral, la cour d'appel qui a en réalité fait peser la charge de la preuve du harcèlement sur le seul salarié, a violé les articles L. 1152-1 et L. 1154-1 du code du travail ;

8°) ALORS QUE le salarié est en droit d'obtenir la résiliation judiciaire de son contrat de travail aux torts de son employeur en cas de manquements de ce dernier suffisamment graves pour empêcher la poursuite du contrat de travail ; qu'en l'espèce, pour démontrer que la poursuite de son contrat de travail avait été rendue impossible par les agissements de son employeur, M. [M] se prévalait notamment de l'avertissement injustifié dont il avait été l'objet, du manquement de son employeur à son obligation de sécurité et de sa mise à l'écart notamment par le biais du retrait de ses délégations de pouvoirs et de signatures (conclusions du salarié p. 12) ; que la cour d'appel a expressément relevé que le salarié avait fait l'objet d'un avertissement injustifié, que la Présidente avait révoqué l'ensemble de ses délégations de pouvoirs et de signatures et que le CNAC manqué à son obligation de sécurité ; que néanmoins, pour dire qu'il n'y avait pas lieu de prononcer la rupture du contrat de travail aux torts de l'employeur, la cour d'appel s'est bornée à relever que le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité n'avait pas eu d'incidence concrète ; qu'en se fondant ainsi sur un seul des manquements avérés, la cour d'appel qui n'a pas apprécié si, au regard de l'ensemble des manquements dont elle avait constaté la matérialité, la poursuite du contrat de travail n'était pas devenue impossible, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article 1134 du code civil, devenu les articles 1103 et 1104 du même code, de l'article 1184 du code civil devenu l'article 1217 et des articles L.1231-1 et L. 1235-1 du code du travail ;


SECOND MOYEN DE CASSATION

M. [M] fait grief à l'arrêt attaqué de l'AVOIR débouté de l'intégralité de ses demandes afférentes à la rupture de son contrat de travail ;

1°) ALORS QUE lorsqu'un salarié a demandé la résiliation judiciaire de son contrat de travail et que son employeur le licencie ultérieurement, le juge doit d'abord rechercher si la demande de résiliation était justifiée et, dans la négative seulement, statuer sur le licenciement ; qu'en l'espèce, la cassation à intervenir sur le premier moyen, relatif à la demande de résiliation judiciaire formulée par le salarié, entraînera l'annulation du chef de dispositif ayant débouté M. [M] de l'intégralité de ses demandes afférentes à la rupture de son contrat de travail, en application de l'article 624 du code de procédure civile ;

2°) ALORS QUE sauf abus résultant de propos injurieux, diffamatoires ou excessifs, le salarié jouit, dans l'entreprise et en dehors de celle-ci, de sa liberté d'expression ; qu'en l'espèce, M. [M] faisait valoir que s'il était en désaccord avec l'ingérence dont faisait preuve la Présidente dans l'exercice de ses prérogatives, et s'il avait pu faire état de ses désaccords auprès de différentes personnes, il n'avait pour autant jamais dénigré le CNAC qui, dans la lettre de licenciement, l'avait même remercié pour avoir su développer et trouver une audience internationale aux expositions et travaux du CNAC durant toute l'exécution de son contrat de travail (productions n° 4, 15 et 16) ; que pour dire que le licenciement pour faute grave du salarié était justifié, la cour d'appel s'est bornée à relever que M. [M] avait transmis à diverses personnes une publication faisant état du conflit qui l'opposait à la présidente et avait mis en cause publiquement son employeur quant aux faits de harcèlement moral dont il se disait victime ; qu'en statuant ainsi, sans préciser la teneur des propos du salarié, ni dire en quoi ils étaient susceptibles de constituer un abus de sa liberté d'expression, la cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure d'exercer son contrôle, privant ainsi sa décision de base légale au regard des articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 3141-26 du code du travail ;

3°) ALORS QUE lorsqu'un fait fautif donnant lieu à l'engagement de poursuites disciplinaires survient plus de deux mois avant le déclenchement de celles-ci, il appartient à l'employeur de rapporter la preuve qu'il n'en a eu connaissance que dans les deux mois ayant précédé l'engagement de ces poursuites ; qu'en l'espèce, M. [M] faisait valoir concernant le grief tiré de « la situation de souffrance au travail des personnels du Magasin »
que « force est de constater que ce motif est lui aussi prescrit » (conclusions d'appel de l'exposant p. 38 dernier §) ; que la cour d'appel a constaté que les représentants du personnel avaient estimé devoir saisir officiellement les membres du conseil d'administration lors de sa réunion du 29 octobre 2014 sur les risques psychosociaux auxquels il étaient alors confrontés, que par nouvelle correspondance en date du 4 février 2015, le médecin du travail avait interpellé la présidente de l'association, que certains salariés de l'association, par correspondance en date du 12 mai 2015 adressée en copie au directeur et les administrateurs de l'association avaient souhaité interpellé la présidente et les membres du conseil d'administration sur la situation qu'ils prétendaient subir que dès lors, en retenant à l'encontre de M. [M] le grief invoqué dans la lettre de licenciement et tiré de « la situation de souffrance au travail des personnels du Magasin », sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si les faits reprochés au salarié n'étaient pas prescrits, la Cour d'appel a entaché sa décision d'un défaut de base légale au regard de l'article L 1332-4 du Code du travail ;

4°) ALORS QU'il revient au juge saisi d'une contestation de la part du salarié de rechercher, au-delà de la qualification et des motifs donnés par l'employeur à sa décision, quelle est la véritable cause du licenciement ; qu'en l'espèce, M. [M] faisait valoir, preuves à l'appui, que le motif de rupture invoqué par l'employeur dans la lettre de licenciement était fallacieux et que ce dernier avait en réalité cherché à se séparer de lui en raison des difficultés économiques que rencontrait le CNAC (production n° 10) ; qu'en jugeant que le licenciement de M. [M] reposait sur une faute grave, sans rechercher si la cause véritable de la rupture du contrat de travail du salarié n'était pas celle dénoncée par ce dernier, la cour d'appel a violé les articles L. 1232-1 et L. 1235-1 du code du travail ;

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