13 juillet 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-14.426

Troisième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:C300584

Texte de la décision

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 13 juillet 2022




Cassation partielle sans renvoi


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 584 F-D

Pourvoi n° Q 21-14.426




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 13 JUILLET 2022

La société QBE Insurance International Limited, dont le siège est [Adresse 2], (Nouvelle Calédonie), a formé le pourvoi n° Q 21-14.426 contre l'arrêt rendu le 25 janvier 2021 par la cour d'appel de Nouméa (chambre civile), dans le litige l'opposant :

1°/ à la société mutuelle d'assurance du bâtiment et des travaux publics (SMABTP), société d'assurance mutuelle à cotisations variables, dont le siège est [Adresse 5],

2°/ à la société Marie-Laure Gastaud, société d'exercice libéral à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 1], prise en qualité de mandataire liquidateur de la société Entreprise de construction Bodetto,

3°/ à la société NS terrassement et roulage, dont le siège est [Adresse 3],

4°/ à la société Fondacal, dont le siège est [Adresse 4],

5°/ à la société d'assurances Allianz, dont le siège est [Adresse 6],

défenderesses à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Zedda, conseiller référendaire, les observations de la SCP de Nervo et Poupet, avocat de la société QBE Insurance International Limited, de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de la SMABTP, de la SCP Lyon-Caen et Thiriez, avocat de la société NS terrassement et roulage, après débats en l'audience publique du 8 juin 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Zedda, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nouméa, 25 janvier 2021), la Société de promotion immobilière développement (la SPI), assurée auprès de la SMABTP, a fait construire un bâtiment sur une parcelle voisine de celle appartenant à Mme [D].

2. Elle a confié les travaux de terrassement à la société NS terrassement et roulage (la société NS), assurée auprès de la société QBE Insurance International Limited (la société QBE).

3. Se plaignant de l'apparition de désordres sur sa maison après les travaux de terrassement, Mme [D] a saisi le juge des référés qui, par ordonnance du 10 janvier 2007, a ordonné une expertise au contradictoire de la SPI.

4. Par arrêt du 29 décembre 2011, la SPI a été condamnée à payer diverses sommes à Mme [D] en raison des troubles anormaux provoqués par les travaux.

5. Par requête introductive d'instance déposée le 3 décembre 2015, la SMABTP, qui avait indemnisé Mme [D], a exercé un recours subrogatoire à l'encontre, notamment, des sociétés NS et QBE.

Examen des moyens

Sur le second moyen, ci-après annexé


6. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui est irrecevable.


Mais sur le premier moyen

Enoncé du moyen

7. La société QBE fait grief à l'arrêt d'infirmer le jugement en ce qu'il constate que l'action de la SMABTP est prescrite et la déclare irrecevable, alors « que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de les exercer ; que la connaissance des faits de nature à engager la responsabilité d'un promoteur constituant le point de départ de la prescription pour agir en garantie contre les autres constructeurs ne suppose pas qu'une décision de justice passée en force jugée ait définitivement consacré sa responsabilité et prononcé une condamnation à son encontre ; qu'en énonçant que le recours formé par la SMABTP, assureur de la société SPI, le 3 décembre 2015, contre les autres intervenants à l'opération de construction, était recevable au motif que le dommage n'était devenu certain que lorsque la responsabilité de la société SPI avait été définitivement consacrée par les tribunaux, c'est-à-dire lorsque l'arrêt rendu le 29 décembre 2011 ayant condamné la société SPI à payer une somme de 33 974 820 FCFP à Mme [D] était passé en force jugée, la cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil. »

Réponse de la Cour

Vu les articles 2224 du code civil et 26, II, de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008 :

8. Aux termes du premier de ces textes, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

9. Il en résulte que le délai de prescription de l'action récursoire du maître de l'ouvrage, condamné à indemniser son voisin pour des troubles anormaux du voisinage, commence à courir au plus tard lorsque ce maître de l'ouvrage est assigné aux fins de paiement.

10. Aux termes du second, les dispositions de la loi du 17 juin 2008 qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi, sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.

11. Pour déclarer recevable le recours de la SMABTP, subrogée dans les droits de son assurée, l'arrêt retient que le dommage subi par la SPI, latent depuis la réunion d'expertise amiable du 30 novembre 2006, n'est devenu certain que lorsque la responsabilité de cette société a été définitivement consacrée par les tribunaux, c'est-à-dire lorsque l'arrêt du 29 décembre 2011 est passé en force de chose jugée, de sorte que le recours de l'assureur contre les autres intervenants à l'opération de construction, introduit par requête déposée le 3 décembre 2015, a été formé dans les cinq ans de la réalisation du dommage.

12. En statuant ainsi, alors qu'elle avait constaté que Mme [D] avait recherché la responsabilité au fond de la SPI par requête du 30 novembre 2007, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

13. La cassation prononcée sur le premier moyen n'atteint pas les dispositions de l'arrêt condamnant la société QBE à garantir la société NS.

14. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

15. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

16. La prescription du recours de la SMABTP a commencé à courir au plus tard le 30 novembre 2007. Par application de l'article 26 de la loi du 17 juin 2008, un délai de cinq ans a couru à compter du 19 juin 2008 pour expirer le 18 juin 2013 et n'a pas été prolongé au-delà de cette date car l'assureur n'était plus exposé au recours de son assuré. La demande formée le 3 décembre 2015 est irrecevable comme prescrite.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il condamne la société NS terrassement et roulage, sous la garantie de la société QBE Insurance International Limited, à payer à la SMABTP la somme de 12 740 557 FCFP au titre de sa contribution à la dette, l'arrêt rendu le 25 janvier 2021, entre les parties, par la cour d'appel de Nouméa ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Déclare irrecevables les demandes formées par la SMABTP contre la société QBE Insurance International Limited ;

Condamne la société NS terrassement et roulage à payer à la SMABTP la somme de 12 740 557 FCFP au titre de sa contribution à la dette ;

Condamne la société QBE Insurance International Limited à garantir la société NS terrassement et roulage de cette condamnation ;

Dit n'y avoir lieu de modifier les dépens exposés devant les juges du fond ;

Condamne la SMABTP aux dépens exposés devant la Cour de cassation ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du treize juillet deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP de Nervo et Poupet, avocat aux Conseils, pour la société QBE Insurance International Limited

PREMIER MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir infirmé le jugement entrepris en ce qu'il a constaté que l'action de la Société SMABTP était prescrite et déclarée irrecevable

Alors que les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaitre les faits lui permettant de les exercer ; que la connaissance des faits de nature à engager la responsabilité d'un promoteur constituant le point de départ de la prescription pour agir en garantie contre les autres constructeurs ne suppose pas qu'une décision de justice passée en force jugée ait définitivement consacré sa responsabilité et prononcé une condamnation à son encontre ; qu'en énonçant que le recours formé par la SMABTP ,assureur de la société SPI, le 3 décembre 2015, contre les autres intervenants à l'opération de construction, était recevable au motif que le dommage n'était devenu certain que lorsque la responsabilité de la société SPI avait été définitivement consacrée par les tribunaux, c'est-à-dire lorsque l' arrêt rendu le 29 décembre 2011 ayant condamné la société SPI à payer une somme de 33.974.820 f CFP à Mme [D] était passé en force jugée, la Cour d'appel a violé l'article 2224 du code civil

SECOND MOYEN DE CASSATION

Le moyen reproche à l'arrêt attaqué d'avoir condamné la société NS Terrassement et Roulage sous la garantie de la compagnie QBE à payer à la SMABTP une somme de 12.720557€

Alors que lorsque l'action de l'assuré a pour cause le recours d'un tiers, le délai de prescription biennale prévu à l'article L 114-1 du code des assurances ne court que du jour où ce tiers a exercé une action en justice contre l'assuré ou a été indemnisé par ce dernier ; que l'assignation en référé en vue de la désignation d'un expert constitue une action en justice et l'assuré doit mettre en cause l'assureur dans le délai de deux ans suivant la date de celle-ci ; qu'en décidant que l'action à l'encontre de la QBE n'était pas prescrite au motif la SMABTP aux droits de la société SPI Développement, avait sollicité la condamnation de la société NS Terrassement et Roulage et de son assureur la société QBE par requête du 3 décembre 2015, alors qu'il est constant que la société SPI Développement avait saisi le juge des référés du tribunal de première instance de Nouméa selon requêtes des 2 et 5 décembre 2011 aux fins de voir ordonner une nouvelle expertise judiciaire au contradictoire de la société NS Terrassement et Roulage, la Cour d'appel a violé l'article L 114-1alinéa 3 du code des assurances

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