6 juillet 2022
Cour d'appel de Saint-Denis de la Réunion
RG n° 21/00951

Chambre commerciale

Texte de la décision

ARRÊT N°22/

SP



R.G : N° RG 21/00951 - N° Portalis DBWB-V-B7F-FR3D





S.A.R.L. ENTREPRISE CONSTRUCTION BATIMENT REUNION



C/



[O]

S.A.R.L. ETUDE CONSTRUCTION AMENAGEMENT























COUR D'APPEL DE SAINT - DENIS



ARRÊT DU 06 JUILLET 2022



Chambre commerciale





Appel d'une décision rendue par le TRIBUNAL MIXTE DE COMMERCE DE SAINT DENIS en date du 03 MAI 2013 suivant déclaration d'appel en date du 21 AVRIL 2021 RG n° 13/00069



APPELANTE :



S.A.R.L. ENTREPRISE CONSTRUCTION BATIMENT REUNION

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentant : Me Norman SULLIMAN, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION





INTIMÉS :



Monsieur [M] [Y] [O]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Lucas CALIAMOU, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION



S.A.R.L. ETUDE CONSTRUCTION AMENAGEMENT

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représentant : Me Lucas CALIAMOU, avocat au barreau de SAINT-DENIS-DE-LA-REUNION





DATE DE CLÔTURE : 20/09/2021





DÉBATS : en application des dispositions des articles 804 et 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 02 février 2022 devant Mme PIEDAGNEL Sophie, Conseillère, qui en a fait un rapport, assistée de Mme Nathalie BEBEAU, Greffière, les parties ne s'y étant pas opposées.



Ce magistrat a indiqué, à l'issue des débats, que l'arrêt sera prononcé, par sa mise à disposition au greffe le 04 mai 2022 prorogé par avis au 06 juillet 2022.



Il a été rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Président : Madame Sophie PIEDAGNEL, Conseillère

Conseiller : Madame Pauline FLAUSS, Conseillère

Conseiller : Madame Magali ISSAD, Conseillère



Qui en ont délibéré



Arrêt : prononcé publiquement par sa mise à disposition des parties le 06 juillet 2022.



* * *





LA COUR





Le 14 mars 2012, M. [Y] [O] exerçant sous l'enseigne Étude Construction Aménagement (l'entreprise ECA) a établi un devis de 29.327,55 euros pour la réalisation de travaux de voirie, de réseau EDF et édification d'un mur au profit de la SARL Entreprise de Construction de Bâtiment Réunion (la société ECBR).



La société ECBR a signé le devis le 23 mars 2012 et versé un premier acompte de 11.700 euros le 24 mars 2012, puis un deuxième acompte de 7.500 euros le 4 mai 2012 correspondant à 40% de la commande (19.200 euros au total).



Le 31 mai 2012, l'entreprise ECA a adressé à la société ECBR une facture (facture n°012) concernant le paiement du solde des travaux, soit la somme de 10.127,55 euros.



Suivant lettre recommandée avec accusé de réception en date du 20 août 2012, la société ECBR a informé l'entreprise ECA qu'elle ne paierait pas le solde de la facture lui reprochant divers manquements.



Par ordonnance en date du 21 septembre 2012, le président du tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion a fait injonction à la société ECBR de payer à l'entreprise ECA la somme de 10.127,55 euros en principal, outre les frais et les intérêts au taux légal à compter du 6 août 2012.



Cette ordonnance a été régulièrement signifiée par exploit d'huissier daté du 9 novembre 2012.



Suivant déclaration enregistrée au greffe de ce tribunal le 26 novembre 2012 la société ECBR a formé opposition à cette ordonnance d'injonction de payer.



C'est dans ces conditions que, par jugement rendu le 3 mai 2013, le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion a :

-déclaré l'opposition recevable et dit que le présent jugement se substitue de plein droit à l'ordonnance attaquée

-condamné la société Entreprise de Construction de Bâtiment Réunion à payer à l'entreprise Étude Construction Aménagement la somme de 10.127,55 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 2 août 2012

-condamné la société Entreprise de Construction de Bâtiment Réunion à payer à l'entreprise Étude Construction Aménagement la somme de 600 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile

-condamné la société Entreprise de Construction de Bâtiment Réunion aux entiers dépens de l'instance, en ce compris ceux résultant de la procédure d'injonction de payer.



Par ordonnance en date du 26 septembre 2013, le juge des référés du tribunal de grande instance de Saint Denis de la Réunion, dans l'affaire opposant M. et Mme [Z] et la société ECBR concernant le chantier de réalisation d'une servitude de passage permettant de desservir une parcelle appartenant à Mme [B] [Z] située à [Adresse 5], a ordonné une expertise confiée à M. [P] [E].



Par déclaration au greffe en date du 30 octobre 2013, la société ECBR a interjeté appel de la décision rendue le 3 mai 2013 par le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion.



Par ordonnance en date du 19 juin 2014, le président du tribunal de grande instance de Saint Denis de la Réunion a dit que la mission confiée à l'expert devait désormais se poursuivre au contradictoire de M. [N] [O], artisan exerçant sous l'enseigne ECA, sous-traitant des travaux en cause.



Par ordonnance sur incident en date du 24 novembre 2014, le conseiller de la mise en état a ordonné le sursis à statuer jusqu'au dépôt du rapport d'expertise de M. [P] [E] ainsi que le retrait du rôle.



L'expert a déposé son rapport le 9 août 2017.



Par courrier RPVA du 5 septembre 2019, M. [O] exerçant sous l'enseigne ECA a sollicité la réinscription de l'affaire.



Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 14 juin 2021, la société ECBR demande à la cour, au visa des articles 1799, 1134 et 1147 du code civil, de :

-recevoir la SARL ECBR en son appel et dire cet appel bien fondé

-dire et juger qu'au regard de la législation applicable et de l'activité exercée M. [O] (Entreprise ECA), ce dernier a l'obligation de fournir son attestation de garantie décennale avec les conditions générales et particulières

-dire et juger que la SARL ECBR est en droit de mettre en avant une exception d'inexécution, les parties étant liées par un contrat de louage d'ouvrage

-faire injonction à M. [O], immatriculée au SIRET sous le n°481360360 00012 APE 452 exerçant sous l'enseigne Étude Construction Aménagement, de produire au débat une attestation de garantie décennale pour le chantier litigieux ; à défaut en tirer les conséquences de droit

-dire et juger que des travaux réalisés par M. [O] sont affectés de désordre, sa demande devant le tribunal mixte de commerce de Saint Denis étant infondée

-constater que la SARL ECBR est l'objet d'un procès du fait des travaux dont M. [O] avait la charge, le maître d'ouvrage M. [Z] n'ayant pas réglé à cet effet l'intégralité du prix du marché

-infirmer en conséquence le jugement entrepris en toutes ses dispositions

Et statuant à nouveau

-débouter M. [O] de toutes ses demandes, fins et conclusions

-condamner M. [O] à payer à la société ECBR la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.



Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 24 octobre 2017, M. [O] exerçant sous l'enseigne ECA demande à la cour, au visa des articles 1134 et 1382 du code civil et de la loi du 31 décembre 1975 sur la sous-traitance, de :

-déclarer l'appel ECBR recevable mais non fondé

-vu l'absence de faute du concluant, débouter l'appelante de ses demandes, fins et conclusions

-confirmer le jugement rendu attaqué à tort, en toute son intégralité avec maintien des intérêts au taux légal dus à compter de la déclaration d'appel d'ECBR

-mettre à la charge de l'entreprise ECBR le montant de 5.000 euros à titre de réparation du préjudice moral consécutif à un appel abusif suite au comportement dilatoire

-mettre à la charge de l'entreprise ECBR le montant de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens dont distraction au profit du conseil de l'intimé en application de l'article 699 du code de procédure civile.



Conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est fait expressément référence aux conclusions des parties, visées ci-dessus, pour l'exposé de leurs prétentions et moyens.



L'ordonnance de clôture est intervenue le 20 septembre 2020 et l'affaire a reçu fixation pour être plaidée à l'audience rapporteur du 2 février 2022. Le prononcé de l'arrêt, par mise à disposition du greffe, a été fixé au 4 mai 2022, prorogé au 6 juillet 2022.




SUR CE, LA COUR



A titre liminaire



D'une part, il y a lieu de préciser qu'il sera fait application des dispositions du code civil dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n°2016-131 du 10 février 2016 portant réforme du droit des contrats, du régime général et de la preuve de l'obligation dans la mesure où le contrat d'entreprise a été conclu avant l'entrée en vigueur de la réforme.



D'autre part, il sera rappelé qu'en application des dispositions de l'article 954 du code de procédure civile « la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif », et que les demandes de « constater », « donner acte » ou « dire et juger » ne sont pas, hors les cas prévus par la loi, des prétentions au sens des articles 4, 5, 31 et 954 du code de procédure civile, mais des moyens ou arguments au soutien des prétentions.





Sur la demande en paiement, l'injonction de produire une attestation de garantie décennale et l'exception d'inexécution



La société ECBR soutient en substance que, par application des articles 1779, 1134 et 1147 du code civil, M. [O] doit être débouté de sa demande de règlement du solde du marché du fait des désordres qui affectent les travaux réalisés par ses soins, mais aussi parce qu'il n'a aucune couverture de garantie décennale. Elle entend à ce titre faire valoir l'exception d'inexécution et solliciter qu'il soit ordonner à l'entreprise ECA de produire ladite attestation.



L'entreprise ECA considère qu'elle n'était qu'un simple exécutant des travaux de voiries placée sous la direction de la société ECBR, seule titulaire du marché signé avec les époux [Z] et que c'est à la société ECBR de répondre des désordres constatés par l'expert. Elle estime que la société ECBR a failli aux obligations édictées par les dispositions de la loi du 31 décembre 1975, à savoir obtenir la validation de la présence d'un sous-traitant dûment indispensable sur le chantier. Elle lui reproche également de ne pas avoir alerté le maître d'ouvrage sur son incompétence à faire elle-même les travaux, travaux qui auraient nécessité de faire des études préalables et avoir passé sous silence d'éventuelles non-conformités. Elle précise enfin qu'il n'y a aucun écrit qui justifie l'exécution d'un travail avec des obligations bien définies à sa charge.



Sur quoi,



D'une part,



Il ressort des dispositions de l'article 1134 (ancien) du code civil que :

'Les conventions tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites.

Elles ne peuvent être révoquées que leur consentement mutuel ou pour des causes que la loi autorise.

Elles doivent être exécutées de bonne foi.'



D'autre part,



Il résulte des dispositions de l'article 1184 (ancien) du même code civil que :

'La condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement.

Dans ce cas, le contrat n'est point résolu de point droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté, a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts.

La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.'



L'interdépendance des obligations réciproques, résultant d'un contrat synallagmatique permet à l'une des parties de ne pas exécuter son obligation lorsque l'autre n'exécute pas la sienne.



Le cocontractant de l'excipiens peut saisir le juge pour faire constater que l'exception d'inexécution a été opposée à tort, les conditions n'étant pas réunies. Il appartient alors à celui qui invoque l'exception d'inexécution en alléguant que son cocontractant n'a rempli que partiellement son obligation d'établir cette inexécution.



Par ailleurs,



L'article 1779 du Code civil regroupe sous la désignation unique de louage d'ouvrage et d'industrie le contrat de travail, le contrat de transport et le contrat de louage par devis et marchés.



Le contrat d'entreprise est la convention par laquelle une personne s'oblige contre une rémunération à exécuter pour l'autre partie, un travail déterminé, sans la représenter et de façon indépendante. Celui qui commande le travail est le client ou le maître de l'ouvrage. Celui qui se charge de réaliser le travail est l'entrepreneur.



L'exécution du contrat d'entreprise par une autre entreprise crée une situation de sous-traitance dont le régime juridique est encadré par la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance dont l'objectif est d'assurer la protection du sous-traitant et garantir son paiement, nonobstant l'éventuelle déconfiture de son débiteur, c'est-à-dire l'entrepreneur principal et lutter contre la pratique de la sous-traitance occulte.



Selon l'article 1 de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 modifiée par l'ordonnance n° 2010-1307 du 28 octobre 2010, « la sous-traitance est l'opération par laquelle un entrepreneur confie par un sous-traité, et sous sa responsabilité, à une autre personne appelée sous-traitant l'exécution de tout ou partie du contrat d'entreprise ou d'une partie du marché public conclu avec le maître de l'ouvrage. »



L'entrepreneur joue le rôle de maître de l'ouvrage à l'égard du sous-traitant.



La loi du 31 décembre 1975 impose que les sous-traitants soient acceptés par le maître de l'ouvrage. À cet effet, l'entreprise principale doit fournir les renseignements relatifs à la nature des prestations sous-traitées et à l'identité des sous-traitants. En effet, le sous-traitant qui n'est pas payé par l'entrepreneur principal, ne peut agir en paiement de ses travaux directement contre le maître de l'ouvrage que s'il a été accepté par ce dernier. Le contrat doit indiquer les travaux sous-traités.



Le caractère irrégulier de la sous-traitance n'affecte pas l'obligation du sous-traitant de livrer à l'entrepreneur principal un ouvrage exempt de malfaçons. Le sous-traitant est tenu à l'égard de l'entrepreneur principal d'une obligation de résultat d'exécuter un ouvrage exempt de malfaçons.



Le sous-traitant peut s'exonérer de la responsabilité qui pèse sur lui en démontrant l'existence d'une cause étrangère. Le sous-traitant peut aussi être encore exonéré de sa responsabilité par la démonstration de la faute de l'entrepreneur.



Enfin,



Les articles L241-1 à L242-2 du code des assurances obligent « Toute personne physique ou morale qui, agissant en qualité de propriétaire de l'ouvrage, de vendeur ou de mandataire du propriétaire de l'ouvrage, fait réaliser des travaux de construction », à souscrire, selon les cas, un contrat d'assurance couvrant leur responsabilité décennale et/ou un contrat d'assurance de dommages, lorsqu'ils réalisent eux-mêmes ou font réaliser des "travaux de bâtiment".



Par exception, aux termes de l'article L243-1-1 du même code :

« I.-Ne sont pas soumis aux obligations d'assurance édictées par les articles L. 241-1, L. 241-2, et L. 242-1 les ouvrages maritimes, lacustres, fluviaux, les ouvrages d'infrastructures routières, portuaires, aéroportuaires, héliportuaires, ferroviaires, les ouvrages de traitement de résidus urbains, de déchets industriels et d'effluents, ainsi que les éléments d'équipement de l'un ou l'autre de ces ouvrages.

Les voiries, les ouvrages piétonniers, les parcs de stationnement, les réseaux divers, les canalisations, les lignes ou câbles et leurs supports, les ouvrages de transport, de production, de stockage et de distribution d'énergie, les ouvrages de stockage et de traitement de solides en vrac, de fluides et liquides, les ouvrages de télécommunications, les ouvrages sportifs non couverts, ainsi que leurs éléments d'équipement, sont également exclus des obligations d'assurance mentionnées au premier alinéa, sauf si l'ouvrage ou l'élément d'équipement est accessoire à un ouvrage soumis à ces obligations d'assurance.

II.-Ces obligations d'assurance ne sont pas applicables aux ouvrages existants avant l'ouverture du chantier, à l'exception de ceux qui, totalement incorporés dans l'ouvrage neuf, en deviennent techniquement indivisibles. »



En l'espèce, suivant devis n°2012 03 004 établi par l'entreprise ECA au profit de la SARL ECBR daté du 14 mars 2012 et accepté le 23 mars 2012, portant comme objet « TRAVAUX AMENAGEMENT DE VOIRIE ET MUR DE CLOTURE » les travaux suivants ont été facturés pour un montant de 27.030 euros HT, soit 29.327,55 euros TTC prévoyant un paiement par chèque de 40% à la commande, soit la somme de 11.700 euros (acompte réglé le 24 mars 2012)  :

« VOIRIE 275 m² (forfait) :11.475,00€

Travaux de terrassement

Décaissement

Réfection de voirie béton

MUR (forfait) : 8.160,00€

Fouille semelle filiante (20ml)

F/o et réalisation mur en agglos 20*20*40 à crépir

RESEAU EDF. AEP. PTT (70ml) (forfait) : 7.395,00€

Prix forfaitaire pour l'ensemble des travaux

Prestation rocheux sur attachement : m3 (PM) : 140,00€ »

(non repris dans le total)



Une facture n°006 datée du 17 avril 2012 émise par l'entreprise ECA a été adressée à la société ECBR pour un montant de 10.127,55 euros compte tenu d'un second acompte de 7.500 euros.



Le 30 juillet 2012 l'entreprise ECA a adressé à la société ECBR une relance et joint une nouvelle facture (facture n°012).



Suivant lettre recommandée avec demande d'avis de réception datée du 20 août 2012, la société ECBR a informé l'entreprise ECA de son refus de régler ladite facture aux motifs suivants :

Nous sommes toujours en attente de votre attestation de garantie décennale

Les travaux de voirie pour accéder à la parcelle sont non conformes à notre demande

Le béton que vous avez utilisé est non conforme à notre demande

L'extrudage : non conforme à notre demande.



L'expert judiciaire a déposé son rapport le 9 août 2017.



Il a constaté les désordres suivants :

-le cheminement des réseaux n'a pas été convenablement réalisé

-des fissures du béton sont apparues sous des charges d'essieux d'engin de chantier trop lourds pour une structure de voirie simple.



Il a précisé que la pente de la voirie ne constituait pas un désordre puisqu'il n'avait pas eu d'étude précise d'un projet qui reçoive l'accord du maître d'ouvrage.



Il a estimé que ces désordres ressortaient de défauts d'achèvement au sens des règles de l'art en matière de VRD et qu'ils ne relevaient de l'impropriété à destination.



S'agissant des travaux de reprise, ils ont été estimés à la somme de 9.000 euros HT, sous réserve d'une étude plus approfondie, consistant à :

-réaliser quelques découpes de béton trop abîmé, ou fracturé de manière propre et symétrique à la scie à béton (2.500€)

-reconstituer le cheminement des réseaux d'alimentation qui longent le chemin sans pour autant le détruire mais plutôt dans une gain enterrée longeant le chemin ou dans un dalot (encoffrement en béton) (3.000€) avec pose des bordures (2.500€)

-faire réfléchir un BET VRD sur la meilleur disposition et le suivi des travaux (1.000€).



S'agissant des responsabilités encourues, il a conclu comme suit :

« Le seul lien contractuel existant est celui entre le maître d'ouvrage et ECBR, rien n'indique que la société ECA soit responsable, aucune preuve n'est apportée par ECBR sur des non conformités d'autant plus que ECBR a facturé la totalité du devis au MOA, en précisant que la réception avait été faite « sans réserve ».

La responsabilité incombe donc à la société ECBR qui n'a pas alerté le maître d'ouvrage sur son incompétence à faire elle-même les travaux, sur la nécessité de faire des études préalables et sur d'éventuelles non conformités qu'elle a passées sous silence en lui réclamant la totalité du coût de la prestation.

Le solde des comptes entre les parties ferait donc apparaître un solde de 9.765€ TTC au titre des travaux restant à faire dont il faut déduire le solde des travaux restant à payer 5.308,94€, soit un solde bénéficiaire de 4.456,06€ au profit de Mme [B] [Z]. »



Il résulte de ce qui précède que les parties ont conclu un contrat d'entreprise (devis accepté), la société ECA s'engageant à réaliser un certain nombre de travaux (aménagement de voirie et mur de clôture) au profit de la société ECBR, et cette dernière s'engageant à lui payer le prix de 29.327,55 euros TTC, avec paiement à hauteur de 11.700 euros (soit 40%) à la commande.



Ce contrat d'entreprise relevait en réalité d'un contrat de sous-traitance, quoiqu'il n'en soit pas fait mention : l'entrepreneur principal étant la société ECBR, le maître d'ouvrage M. et Mme [Z] et le sous-traitant l'entreprise ECA.



Rien ne permet d'établir que M. et Mme [Z] aient été informés de l'intervention de l'intimé, situation néanmoins que l'entreprise ECA ne pouvait pas ignorer, intervenant chez un particulier et non au sein de la société ECBR.



Ainsi, les règles protectrices de la loi du 31 décembre 1975 n'ont pu bénéficier au sous-traitant.



En l'état, et ce peu important que la sous-traitance soit ou non régulière, l'entreprise ECA est lié contractuellement à la société ECBR qui joue le rôle de maître de l'ouvrage vis-à-vis de l'entreprise ECA qui se trouve donc tenue d'une obligation de résultat d'exécuter un ouvrage exempt de malfaçon, sauf à démontrer l'existence d'une cause étrangère et d'une faute de l'entrepreneur.





La société ECBR qui, après avoir été sommée de régler le solde du contrat et avoir, par ailleurs, réclamé à son propre maître de l'ouvrage (M. et Mme [Z]) la totalité des sommes dues sans toutefois fait état de la moindre réserve, invoque des malfaçons et/ou non façons à l'encontre de son sous-traitant, l'autorisant selon elle à ne pas lui régler le solde de la facture due, par application de l'exception d'inexécution.



Cependant, force est de constater que, d'une part, le contrat d'entreprise la liant à l'entreprise ECA n'indique pas précisément les travaux sous-traités, et que, d'autre part, elle n'établit pas la preuve de l'existence de désordres imputables au sous-traitant, ne produisant aucun constat d'huissier ou lettre de réclamation.



En outre, le rapport d'expertise, non critiqué par les parties, conclut clairement à la responsabilité de la seule société ECBR.



Dans ces conditions, l'exception d'inexécution soulevée par la société ECBR ne peut être retenue faute d'établir une quelconque inexécution de la part de l'entreprise ECA et la société ECBR ne peut donc s'exonérer du paiement du solde de la facture.



Le jugement sera par conséquent confirmé en ce qu'il a condamné la société Entreprise de Construction de Bâtiment Réunion à payer à l'entreprise Étude Construction Aménagement la somme de 10.127,55 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 2 août 2012.



S'agissant de la demande d'injonction d'avoir à produire une attestation de garantie décennale, la société ECBR ne justifie pas de base légale sur laquelle elle fonde sa demande d'injonction et ne produit pas le contrat la liant à M. et Mme [Z]. Il s'en suit qu'elle ne pourra qu'en être déboutée, lesdits travaux n'entrant pas dans le champ d'application des dispositions du code des assurances relatives aux assurances obligatoires conformément à l'article L243-1-1, comme cela ressort également clairement du rapport d'expertise qui exclut tous dommages relevant de la garantie décennale.





Sur la demande de dommages et intérêts formée par l'entreprise ECA



L'appréciation inexacte qu'une partie fait de ses droits ne constituant pas en soi une faute caractérisant un abus du droit d'agir en justice ni une quelconque résistance abusive, en l'absence de justification d'un préjudice spécifique, il convient de rejeter les demandes reconventionnelles d'indemnisation formées à ce titre par l'entreprise ECA.





Sur les dépens et les frais irrépétibles



La société ECBR succombant, il convient de :

-la condamner aux dépens d'appel

-la débouter de sa demande au titre des frais irrépétibles pour la procédure d'appel

-confirmer le jugement en ce qu'il l'a condamnée aux dépens de première instance en ce compris ceux résultant de la procédure d'injonction de payer

-confirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles pour la procédure de première instance.



L'équité commandant de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en faveur de l'entreprise ECA, il convient de lui accorder de ce chef la somme de 3.000 euros pour la procédure d'appel et de confirmer le jugement en ce qu'il lui a alloué à ce titre la somme de 600 euros.







PAR CES MOTIFS





La Cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu en dernier ressort, en matière commerciale, par mise à disposition au greffe conformément à l'article 451 alinéa 2 du code de procédure civile ;





CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu le 3 mai 2013 par le tribunal mixte de commerce de Saint Denis de la Réunion ;



Y ajoutant



DEBOUTE M. [M] [Y] [O] exerçant sous l'enseigne Étude Construction Aménagement de sa demande de dommages et intérêts pour appel abusif ;



DEBOUTE la SARL Entreprise de Construction de Bâtiment Réunion de sa demande au titre des frais irrépétibles ;



CONDAMNE la SARL Entreprise de Construction de Bâtiment Réunion à payer à M. [M] [Y] [O] exerçant sous l'enseigne Étude Construction Aménagement la somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



LA CONDAMNE aux dépens d'appel recouvrés au profit du conseil de M. [M] [Y] [O] exerçant sous l'enseigne Étude Construction Aménagement, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.





Le présent arrêt a été signé par Mme Sophie PIEDAGNEL, Conseillère, et par Mme Nathalie BEBEAU, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





LA GREFFIÈRESIGNELA PRÉSIDENTE

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