7 juillet 2022
Cour d'appel de Douai
RG n° 21/02616

TROISIEME CHAMBRE

Texte de la décision

République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



TROISIEME CHAMBRE



ARRÊT DU 07/07/2022



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N° de MINUTE :22/270

N° RG 21/02616 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TTLQ



Jugement (N° ) rendu le 31 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Lille





APPELANTE



Etablissement Public Oniam

[Adresse 12]

[Localité 9]



Représenté par Me Nicolas Delegove, avocat au barreau de Lille et Me Sylvie Welsch, avocat au barreau de Paris substituée par Me Le Floch avocat au barreau de Paris



INTIMÉS



Monsieur [O] [C]

né le [Date naissance 2] 1975 à [Localité 10] ([Localité 10])

de nationalité française

[Adresse 4]

[Localité 7]



Madame [M] [B] épouse [C]

née le [Date naissance 3] 1979 à [Localité 10] ([Localité 10])

de nationalité française

[Adresse 4]

[Localité 7]



Représentés par Me Alexia Navarro, avocat au barreau de Lille substituée par Me Proy, avocat au barreau de Lille



Monsieur [P] [E]

de nationalité française

[Adresse 8]

[Localité 5]



Représenté par Me Catherine Camus-demailly, avocat au barreau de Douai et Me Juliette Delcroix, avocat au barreau de Lille



Caisse Primaire d'Assurance Maladie de l'Artois

[Adresse 1]

[Localité 6]



Représentée par Me Olivia Druart, avocat au barreau de Douai



COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ

Guillaume Salomon, président de chambre

Claire Bertin, conseiller

Danielle Thébaud, conseiller

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GREFFIER LORS DES DÉBATS : Fabienne Dufossé



DÉBATS à l'audience publique du 07 avril 2022 après rapport oral de l'affaire par Guillaume Salomon

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.



ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 30 juin 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Guillaume Salomon, président, et Harmony Poyteau, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 4 avril 2022




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EXPOSE DU LITIGE



M. [O] [C] a été admis à l'hôpital privé de la [11] le 29 août 2016 afin de subir une cure de hernie discale, intervention chirurgicale réalisée par M. [P] [E].



Durant l'opération, le mors supérieur de la pince à disque de marque B. Braun s'est rompu.



Ne parvenant pas à récupérer le morceau de pince, M. [E] a préféré laisser le fragment en place et procéder immédiatement à une IRM post-opératoire, qui a mis en évidence la présence d'un corps étranger métallique situé en L5-S1 dans le canal rachidien contre la face interne de l'articulation inter apophysaire postérieure gauche, potentiellement conflictuel avec la racine S1 gauche.



Une seconde intervention chirurgicale a été réalisée par M. [E] afin d'extraire le fragment métallique, ce dernier ayant migré en zone épidurale péri-radiculaire gauche.



L'exploration chirurgicale a alors permis de constater une lésion franche de la gaine radiculaire S1 gauche et de plusieurs radicelles.



Le compte-rendu d'hospitalisation réalisé par M. [E] a mis en évidence chez M. [C] un déficit sensitif S1 gauche avec hypoesthésie en selle et au niveau du talon accompagné de paresthésies peu douloureuses mais gênantes avec notamment sensation de corps étranger péri-anal. Il précise que ces troubles neurologiques sont en rapport avec la rupture de la pince.



Par actes des 21,22, et 25 juin 2017, M. [C] a fait assigner M. [E], l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (l'Oniam), la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Artois, la société B. Braun Medical et l'hôpital privé de la [11] devant le juge des référés aux fins de voir ordonner une mesure d'expertise médicale.



Par une ordonnance rendue le 12 septembre 2017, le juge des référés de ce siège a fait droit à cette demande et a désigné le docteur [U], remplacé par le docteur [D] selon ordonnance rendue le 16 novembre 2017.



L'expert [D], neurochirurgien, a déposé son rapport le 16 mars 2018.



M. [C] a assigné l'Oniam devant le tribunal judiciaire en indemnisation. L'Oniam a assigné en intervention forcée M. [E]. Mme [M] [C] née [B] est enfin intervenue volontairement à l'instance.

Par jugement du 31 mars 2021, le tribunal judiciaire de Lille a :

- 1. déclaré recevable l'intervention de Mme [M] [C] née [B],

- 2. dit que M. [O] [C] a droit à réparation intégrale de son préjudice par la solidarité nationale au titre de l'accident médical non fautif étant survenu le 29 août 2016 ;

- 3. condamné l'Oniam à payer M. [O] [C] les sommes suivantes, en réparation de son préjudice corporel :

3 126,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

8 000 euros au titre des souffrances endurées,

1 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

365,55 euros au titre des dépenses de santé actuelles,

297 euros au titre de l'assistance par tierce personne temporaire,

1 853,35 euros au titre des frais divers,

11 934 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels,

30 047 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

2 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent,

10 000 euros au titre du préjudice d'agrément,

5 000 euros au titre du préjudice sexuel,

- 4. réservé le poste de préjudice lié à la perte de gains professionnels future,

- 5. débouté les parties de leurs autres demandes,

- 6. condamné l'Oniam à payer M. [O] [C] et Mme [M] [C] née [B], ensemble, la somme de 4 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles,

- 7. condamné l'Oniam à payer M. [P] [E] la somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles,

- 8. condamné l'Oniam aux entiers dépens de l'instance comprenant celle de référé, les frais d'expertise judiciaire et les droits de plaidoirie.



Par déclaration du 4 mai 2021, l'Oniam a formé appel de l'intégralité du dispositif de ce jugement.

Par déclaration du 11 mai 2021, les époux [C] ont également formé appel de ce jugement limitant leur critique aux chefs suivants : la condamnation de l'Oniam à leur payer les sommes de 30 047 euros au titre du déficit fonctionnel permanent, 5 000 euros au titre du préjudice sexuel ; et les ayant débouté de leurs demandes au titre de l'incidence professionnelle et d'un préjudice d'affection de Mme [C].

Les instances ont été jointes.



Aux termes de ses conclusions notifiées le 2 février 2022, l'Oniam demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris et statuant à nouveau de :

=> à titre principal :

- débouter les époux [C] de l'intégralité de leurs demandes dirigées à son encontre,

- rejeter les demandes formées par les autres parties à son encontre,

- débouter les époux [C] de l'intégralité des demandes qu'ils ont formées au titre de leur appel du jugement,

- condamner les époux [C] aux dépens.

=> à titre subsidiaire :







- débouter les époux [C] des demandes faites au titre de l'appel qu'ils ont formé du jugement rendu le 31 mars 2021 s'agissant du déficit fonctionnel permanent, du préjudice sexuel, de l'incidence professionnelle et du préjudice personnel subi par Mme [C] ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a alloué à M. [C] la somme de 3 126,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire et, statuant à nouveau, réduire, le montant alloué à ce titre à la somme de 1 791,75 euros ;

- infirmer le jugement en ce qu'il a alloué à M. [C] la somme de 3 126,25 euros au titre des pertes de gains professionnels actuels et, statuant à nouveau, débouter M. [C] de sa demande ;

- infirmer le jugement s'agissant de l'incidence professionnelle et, statuant à nouveau, à titre principal, réserver la demande faite au titre de l'incidence professionnelle ; à titre subsidiaire, rejeter la demande faite au titre de l'incidence professionnelle ;

- infirmer le jugement en ce qu'il l'a condamné à verser à M. [O] [C] et Mme [M] [C] née [B], ensemble, la somme de 4 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles et en ce qu'il l'a condamné à payer M. [P] [E] la somme de

2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance et, statuant à nouveau, rejeter les demandes faites à ce titre.

- confirmer le jugement pour le surplus.

=> en tout état de cause :

- rejeter toutes autres demandes formulées par les consorts [C] ;

- condamner M. et Mme [C] aux entiers dépens.



A l'appui de ses prétentions, l'Oniam fait valoir que :



- l'indemnisation d'un accident médical au titre de la solidarité nationale est subsidiaire et implique l'absence de faute imputable à un professionnel de santé. À cet égard, la faute commise par M. [E] est présumée, dès lors que l'intervention chirurgicale a causé une lésion à un organe étranger à son siège, sans que ce chirurgien n'établisse une cause d'exonération. Cette faute est exclusive d'une indemnisation sur le fondement de l'article L. 1142-1 II du code de la santé publique. Les préjudices subis résultent d'un défaut de précaution en amont de l'intervention chirurgicale ou lors de la recherche du bris, puisqu'il a été retrouvé à l'opposé du site opératoire, caractérisant un geste chirurgical non maîtrisé.



- l'indemnisation au titre d'un produit défectueux est également exclusive de la prise en charge au titre de la solidarité nationale. La circonstance que le fabricant de la pince ne soit pas partie à l'instance ne dispense pas de vérifier si sa responsabilité est susceptible d'être engagée. Alors que l'expert a exclu une telle responsabilité aux motifs qu'aucun signalement de la matériovigilance n'est intervenu à la suite de la déclaration de bris réalisée par le chirurgien, et qu'un défaut de fabrication serait apparu dès les premières utilisations, aucune analyse métallurgique de la pince litigieuse n'a toutefois été effectuée.



- à titre subsidiaire, l'évaluation de certains préjudices par le premier juge est contestée, dès lors qu'il se reporte à son propre référentiel. En outre, l'indemnisation doit s'effectuer après déduction de l'ensemble des indemnités reçues par la victime, conformément à l'article L. 1142-17 du code de la santé publique.



- la demande indemnitaire de Mme [C] au titre d'un préjudice d'affection doit être rejetée, dès lors que seul le décès de la victime directe ouvre un droit à indemnisation des ayants droit de cette dernière. Aucun droit propre à indemnisation par la solidarité nationale n'est ouvert aux victimes par ricochet.









Aux termes de ses conclusions notifiées le 13 octobre 2021, M. [E] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris, et, y ajoutant, de condamner l'Oniam et à titre subsidiaire la partie succombante à lui payer 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de condamner toute partie succombante aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la Scp Processuel.



A l'appui de ses prétentions, il fait valoir que sa responsabilité n'est pas engagée sur le fondement de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique, en l'absence de toute faute démontrée, ainsi qu'il résulte du rapport d'expertise judiciaire dont la contestation ne repose sur aucun élément nouveau. En particulier, le bris de la pince constitue une complication rare, mais connue. Aucune maladresse n'a été commise au décours de l'intervention, étant rappelée la fréquence annuelle de ses interventions sur hernies discales. Aucune présomption de faute ne peut être invoquée, alors qu'il n'a lésé aucun organe à l'occasion de son intervention, mais que seule la migration du fragment a causé des lésions à distance du siège de l'intervention. L'expert judiciaire a estimé que la découverte du fragment à l'opposé du siège de cette intervention résulte des tentatives légitimes par le chirurgien de récupérer ce fragment cassé en peropératoire et d'une particulière anatomique du patient. La prise en charge de la complication a été conforme aux bonnes pratiques.



Aux termes de ses dernières conclusions notifiées le 3 février 2022, les époux [C] demandent à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'Oniam à leur payer les sommes de 30 047 euros au titre d'un déficit fonctionnel permanent et de 5 000 euros au titre d'un préjudice sexuel, et en ce qu'il les a débouté de leurs demandes au titre de l'incidence professionnelle et du préjudice d'affection de Mme [C], et statuant à nouveau, de :

=> à titre principal : condamner l'Oniam à payer à :

- M. [C] la somme de 235 449,94 euros en réparation des postes suivants, en deniers et quittances : 45 000 euros au titre du déficit fonctionnel permanent ; 50 000 euros au titre du préjudice sexuel ; 137 736,94 euros au titre de l'incidence professionnelle ; 2 713 euros au titre des arrérages échus de pertes de gains professionnels futurs ,

- Mme [C] la somme de 30 000 euros en réparation de son préjudice d'affection.

=> à titre subsidiaire : condamner M. [E] à leur payer les sommes ci-dessus indiqués.

=> en tout état de cause : débouter l'Oniam de ses demandes ; débouter l'Oniam et M. [E] de leurs demandes à leur encontre ; condamner la partie succombante à leur payer 5 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles, outre aux dépens et aux émoluments prévus à l'article A 444-32 du code de commerce ;

en cas de condamnation de l'Oniam, le condamner à une astreinte de 100 euros par jour de retard en cas d'inexécution de la décision à intervenir.

A l'appui de ses prétentions, les époux [C] font valoir que :

- le bris de la pince à disque a causé un accident médical non fautif. Il ne résulte pas d'une défectuosité de la pince, dont la rupture s'est produit à l'endroit habituellement constété. Pour autant, ils s'en rapportent en cas de faute retenue par la cour à l'encontre de M. [E].

- l'évaluation de leurs préjudices doit être réalisée indépendamment du référentiels, qui ne sont qu'indicatifs.

- les préjudices subis par Mme [C] en sa qualité de victime par ricochet sont indemnisables.



Aux termes de ses conclusions du 18 mars 2022, la caisse primaire d'assurance-maladie demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a :

- dit que M. [C] a droit à réparation intégrale de son préjudice par la solidarité nationale au titre de l'accident médical non fautif étant survenu le 29 août 2016 et, en conséquence, condamné l'Oniam à indemniser l'intéressé en réparation de son préjudice corporel ;

- débouté les parties de leurs autres demandes ;

et, statuant de nouveau,

- dire et juger que M. [E] a commis une faute engageant sa responsabilité ; en conséquence, dire et juger qu'elle est bien fondée en son recours,

- condamner M. [E] au paiement des débours définitifs qu'elle a exposés, soit à la somme de 150 628,01 euros, se détaillant comme suivant :

* dépenses de santé actuelles : 6 161,01 euros ;

* perte de gains professionnels actuels : 25 319,69 euros ;

* perte de gains professionnels futurs : 103 922,17 euros ;

* frais futurs : 15 225,14 euros ;

- dire et juger que cette somme emportera intérêt au taux légal, à compter de la première demande ;

- ordonner la capitalisation des intérêts par année entière ;

- condamner M. [E] au paiement de la somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion,

- condamner M. [E] au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens d'instance.



A l'appui de ses prétentions, la caisse primaire d'assurance-maladie s'associe aux moyens développés par l'Oniam, pour estimer que M. [E] a commis une faute engageant sa responsabilité. Elle souligne à cet égard que la fréquence élevée d'un tel bris par ce chirurgien révèle un emploi non conforme de la pince et que la découverte du fragment dans la partie gauche alors que l'intervention portait sur une hernie discale située à droite implique un geste chirurgical maladroit pour retrouver ce bris au cours de l'intervention.



Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il y a lieu de se référer à leurs dernières conclusions visées ci-dessus, en application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.




MOTIFS DE LA DÉCISION':



Le caractère subsidiaire de la prise en charge par l'Oniam des conséquences dommageables de la complication subie par M. [C] et survenue au décours de l'intervention chirurgicale réalisée par M. [E] implique que soient exclues tant la responsabilité pour faute du praticien que la responsablité du fait d'un produit défectueux, étant toutefois observé que le fabricant de la pince litigieuse n'est pas partie à l'instance au fond.



1. Sur la responsabilité du praticien du fait d'un produit défectueux :



Les principes de primauté et d'effectivité du droit de l'Union européenne imposent au juge national de faire application, lorsque les faits dont il est saisi le justifient, des règles d'ordre public issues du droit de l'Union européenne. Il doit ainsi appliquer, au besoin d'office, les règles relatives à la responsabilité du fait des produits défectueux. Il en résulte notamment que la recherche d'une responsabilité du fait d'une défectuosité de la pince litigieuse doit être prioritairement examinée.



À cet égard, la CJUE a exclu du champ d'application de la directive n°85/374/CEE du 25 juillet 1985 la responsabilité des prestataires de service qui utilisent des appareils ou des produit défectueux (arrêt du 21 décembre 2011, C 405/10). Il en résulte notamment que la responsabilité des prestataires de services de soins, qui ne peuvent être assimilés à des distributeurs de produits ou dispositifs médicaux et dont les prestations visent essentiellement à faire bénéficier les patients des traitements et techniques les plus appropriés à l'amélioration de leur état, ne relève pas, hormis le cas où ils en sont eux-mêmes les producteurs, du champ d'application de la directive et ne peut dès lors être recherchée que pour faute lorsqu'ils ont recours aux produits, matériels et dispositifs médicaux nécessaires à l'exercice de leur art ou à l'accomplissement d'un acte médical, pourvu que soit préservée leur faculté et/ou celle de la victime de mettre en cause la responsabilité du producteur sur le fondement de ladite directive lorsque se trouvent remplies les conditions prévues par celle-ci.



L'instauration par la loi du 19 mai 1998 d'un régime de responsabilité de droit du producteur du fait des produits défectueux, les restrictions posées par l'article 1386-7, devenu 1245-6 du code civil à l'application de ce régime de responsabilité à l'égard des professionnels de santé et des établissements de santé, la création d'un régime d'indemnisation au titre de la solidarité nationale des accidents médicaux non fautifs et des affections iatrogènes graves sur le fondement de l'article L. 1142-1, II, du code de la santé publique et le fait que les professionnels de santé ou les établissements de santé privés peuvent ne pas être en mesure d'appréhender la défectuosité d'un produit, dans les mêmes conditions que le producteur, justifient, y compris lorsque se trouve applicable l'article L. 1142-1, alinéa 1er, de ce code, de ne pas soumettre ceux-ci, hors du cas prévu par l'article 1245-6 précité, à une responsabilité sans faute, qui serait, en outre, plus sévère que celle applicable au producteur, lequel, bien que soumis à une responsabilité de droit, peut bénéficier de causes exonératoires de responsabilité.



Dans ces conditions, la responsabilité de plein droit d'un professionnel de santé ou d'un établissement de santé, sur le fondement de l'article 1245-6 du code civil, ne peut être engagée que dans le cas où le producteur n'a pu être identifié et où le professionnel de santé ou l'établissement de santé n'a pas désigné son propre fournisseur ou le producteur dans le délai imparti. Ainsi, la responsabilité du prestataire de services de soins ne peut être recherchée que pour faute lorsqu'il a recours aux produits, matériels et dispositifs médicaux nécessaires à l'exercice de son art ou à l'accomplissement d'un acte médical, pourvu que soit préservée sa faculté et/ou celle de la victime de mettre en cause la responsabilité du producteur sur le fondement de ladite directive lorsque se trouvent remplies les conditions prévues par celle-ci.



En l'espèce, les conditions d'application de l'article 1245-6 du code civil ne sont toutefois pas remplies, dès lors que le producteur de la pince litigieuse a été identifié et a participé aux opérations d'expertise ordonnées par le juge des référés.



Aucune responsabilité de M. [E] n'est par conséquent établie sur le fondement de l'article 1245-6 du code civil. Il en résulte notamment que la question d'une absence d'analyse métallurgique de la pince litigieuse est indifférente, alors que le fabricant n'est pas partie à l'instance et qu'en tout état de cause, un éventuel défaut affectant ce produit n'est pas imputable à ce prestataire de services de soins.



2. Sur la responsabilité du professionnel de santé pour faute :



La responsabilité du professionnel de santé n'est, en principe, engagée qu'en cas de faute, sur le fondement de l'article L. 1142-1, I, alinéa 1 du code de la santé publique, dont la preuve incombe aux demandeurs en réparation, dès lors que les établissements, services ou organismes et les professionnels de santé ne sont soumis qu'à une obligation de moyens et non de résultat, à l'égard de leurs patients.



Cette preuve peut être apportée par tous moyens, y compris par des présomptions graves, précises et concordantes et il incombe aux juges du fond d'apprécier la valeur et la portée des éléments de preuve soumis, y compris des rapports d'expertise. Pour autant, la cour n'est pas liée par les conclusions de l'expert, dès lors qu'elle ne procède à aucune dénaturation du rapport d'expertise.



La CJCE a dit pour droit que, si selon l'article 1386-18, devenu l'article 1245-17 du code civil, le régime de responsabilité du fait des produits défectueux n'exclut pas la possibilité pour la victime d'un dommage d'agir sur le fondement de la responsabilité contractuelle ou extracontractuelle ou au titre d'un régime spécial de responsabilité, c'est à la condition que ceux-ci reposent sur des fondements différents, telles la garantie des vices cachés ou la faute » (CJCE, 25 avril 2002, C-183/00, point 31).



Il en résulte qu'alternativement à une responsabilité du fait d'un produit défectueux, les époux [C] peuvent valablement rechercher une responsabilité de M. [E] fondée sur une ou plusieurs fautes qu'il aurait commises au décours de l'intervention chirurgicale litigieuse.



Sur ce point, l'expert [D] a conclu à une absence de faute commise par M. [E], estimant que les lésions subies par M. [C] relève d'un accident médical non fautif.



Sur la faute résultant d'une utilisation non conforme de la pince :



La caisse primaire d'assurance-maladie estime qu'une utilisation non conforme de la pince résulte d'une fréquence anormale de bris de cet instrument par M. [E] au cours de sa carrière professionnelle.



À cet égard, l'expert [D] relève qu'en 45 ans d'activité professionnelle au sein d'un service, il n'a rencontré qu'à deux reprises une telle rupture de pince, alors que M. [E] indique avoir lui-même connu un tel bris à deux ou trois reprises au cours de sa seule activité.



Si l'expert observe qu'une telle périodicité d'incidents antérieurs chez ce seul praticien «'semble un chiffre élevé'», il n'en tire toutefois aucune conséquence et ne conclut en définitive à aucune faute à la charge de M. [E] dans l'utilisation de la pince litigieuse. Cette seule observation de l'expert ne suffit ainsi pas à établir l'existence d'une faute imputable à ce praticien, qui résulterait d'une contrainte mécanique qu'il aurait exercée habituellement ou ponctuellement sur cet instrument ou d'un défaut de repérage d'une usure de l'instrument, qui auraient causés son bris au cours de l'intervention chirurgicale.



Sur la faute résultant d'une maladresse lors des tentatives d'extraction du bris après survenance d'un accident médical non fautif :



Si les dispositions du II de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique font obstacle à ce que l'Oniam supporte au titre de la solidarité nationale la charge de réparations incombant aux personnes responsables d'un dommage en vertu du I du même article, elles n'excluent toute indemnisation par l'office que si le dommage est entièrement la conséquence directe d'un fait engageant leur responsabilité. Dans l'hypothèse où un accident médical non fautif est à l'origine de conséquences dommageables mais où une faute commise par une personne mentionnée au I de l'article L. 1142-1 a fait perdre à la victime une chance d'échapper à l'accident ou de se soustraire à ses conséquences, le préjudice en lien direct avec cette faute est la perte de chance d'éviter le dommage corporel advenu et non le dommage corporel lui-même, lequel demeure tout entier en lien direct avec l'accident non fautif. Par suite, un tel accident ouvre droit à réparation au titre de la solidarité nationale si ses conséquences remplissent les conditions posées au II de l'article L1142-1 et présentent notamment le caractère de gravité requis, l'indemnité due par l'Oniam étant seulement réduite du montant de l'indemnité mise, le cas échéant, à la charge du responsable de la perte de chance, égale à une fraction du dommage corporel correspondant à l'ampleur de la chance perdue.







En l'espèce, la caisse primaire d'assurance-maladie invoque la localisation du bris retrouvé sur la partie discale gauche alors que l'intervention portait sur une hernie lombaire droite, estimant que les lésions subies résultent d'une faute commise par le chirurgien lors de ses multiples tentatives de procéder à l'extraction de ce fragment.



L'expert [D] a toutefois retenu qu'un accident médical non fautif était survenu à l'occasion de l'intervention réalisée par M. [E] : il considère ainsi que tant la rupture de la pince que la migration du fragment sont deux circonstances exceptionnelles, qui sont exclusives de toute faute imputable au chirurgien.



Sur ce point, l'expert indique que la «'migration controlatérale du fragment métallique [est] probablement liée aux tentatives qu'a fait le docteur [E] de récupérer ce fragment cassé'» et que «'le fragment cassé s'est extériosé dans le canal rachidien à gauche probablement en raison d'une saillie discale de ce côté et d'une fragilité ou d'une déhiscence du ligament qui recouvre normalement les structures vertébrales et discales'».



S'agissant du comportement du chirurgien, aucun geste chirurgical au cours du traitement lui-même de la hernie discale n'est établi comme ayant causé les lésions subies par M. [C]. Il en résulte notamment que la présomption de faute qui s'attache à la lésion d'un organe ou d'un tissu que son intervention n'impliquait pas, tel qu'il est invoqué par l'Oniam, n'est pas applicable à l'espèce. En effet, au cours de ce premier temps de l'intervention, le geste chirurgical n'a en lui-même concerné que la hernie discale et n'a causé aucune lésion à un autre organe situé à distance du siège des soins destinés à traiter la pathologie du patient. Aucune partie ne conteste d'ailleurs que les lésions subies par M. [C] résultent exclusivement du seul fragment résultant du bris de la pince retrouvé sur le côté gauche, et qu'aucune lésion neurologique n'affecte le côté droit sur lequel intervenait M. [E].



L'expert [D] indique à cet égard que la 'lésion franche de la gaine radiculaire S1 gauche et de plusieurs radicelles' ont été causées par le «'côté tranchant du fragment métallique au niveau de sa cassure'».



La rupture de la pince et la migration du fragment n'étant pas fautives, se pose en revanche la question d'un geste maladroit au cours des man'uvres de recherche de ce fragment, qui ont été réalisées par M. [E] dans un second temps de cette intervention et de la perte de chance subie par M. [C] de se soustraire aux conséquences dommageables s'attachant à la présence d'un fragment métallique à proximité de sa colonnne vertébrale.



À cet égard, l'expert [D] relève que : «'quand il y a bris d'une pince à disque, il est toujours difficile de récupérer le fragment dans l'espace discal inter somatique mais ce fragment peut être normalement laissé en place sans inconvénient car il est le plus souvent asymptomatique restant à distance des structures nerveuses'».



En l'espèce, l'expert approuve toutefois M. [E] d'être immédiatement réintervenue en raison du caractère symptomatique résultant de la lésion provoquée par le fragment brisé, étant précisé qu'il ne relève aucune faute au cours de cette intervention de reprise.



Il est en effet établi que, dès son réveil à l'issue de la première intervention, M. [C] a présenté une «'hypoesthésie douloureuse et des paresthésies du membre inférieur gauche et en zone péri anale et génitale sans déficit moteur'». Il s'en déduit que ces troubles neurologiques, qui sont précisément ceux résultant de la lésion durale subie par le patient, sont intervenus au cours de la première intervention, après que la pince s'est cassé. Leur survenance a d'ailleurs justifié l'indication d'une nouvelle intervention immédiate pour procéder à l'exérèse du fragment.



Pour autant, l'expert relève, en page 12 de son rapport, un courriel émanant de M. [E], dans lequel ce dernier indique que : «'la rupture d'un des deux mors de l'instrument est survenue alors que la pince était introduite dans le disque et sans qu'il y ait «'forçage'». Le fragment est resté dans le disque. C'est probablement lors des manoeuvres de recherche et d'extraction du fragment cassé qu'est survenu le traumatisme des structures neurologiques adjacentes (racines sacrées). Ces manoeuvres étant infructueuses, il a fallu une deuxième intervention, après repérage sous scanner, pour enfin récupérer le mors cassé. Un scanner de contrôle sera effectué en postopératoire immédiat'».



Le compte-rendu opératoire confirme que «'durant le curetage discal, il survient la rupture du mors supérieur de la pince à disque [']. On effectue plusieurs tentatives vaines pour récupérer l'extrémité cassée de la pince. ['] il semble que le fragment métallique ne soit pas dans l'espace discal mais plutot en zone épidurale'».



Il en résulte d'une part que M. [E] lui-même admet que le fragment de pince a lésé son patient au cours de ses manoeuvres de recherche pendant la seconde phase de l'intervention initiale et d'autre part que plusieurs tentatives ont été alors menées vainement pour rechercher ce fragment.



En outre, M. [E] a également indiqué dans son compte-rendu opératoire que «'les manipulations répétées de la racine et du fourreau dural apportant un risque neurologique non négligeable, on préfère laisser le fragment en place d'autant qu'il n'est a priori pas agressif pour le fourreau dural'». Il en ressort qu'il était d'une part conscient du risque neurologique à intervenir dans une zone sensible et de la nécessité de ne pas prolonger la durée de ses manoeuvres à la recherche du fragment, et d'autre part que le positionnement de ce fragment n'était pas en lui-même de nature à causer une lésion durale.



Pour autant, l'expert [D] a retenu l'existence d'une plaie durale et d'une avulsion partielle des radicelles de la racine S1 gauche, qui sont à l'origine des séquelles neurologiques subies par le patient.



Il en résulte que si l'expert [D] a confirmé que le fragment de pince a été l'instrument des lésions subies par M. [C], il s'est toutefois limité à la seule constatation du caractère exceptionnel du bris observé qu'il a ainsi considéré comme la cause de la lésion. Ce faisant, l'expert s'est d'une part abstenu de rechercher pour quel motif ce fragment a provoqué une lésion, et n'a d'autre part pas tiré les conséquences à la fois de l'aveu par M. [E] selon lequel ses propres manoeuvres ont causé les lésions à l'occasion de la manipulation du fragment et des circonstances d'une intervention se décomposant en réalité en deux phases distinctes.



Pourtant, l'Oniam avait adressé à cet égard un dire à l'expert, pour l'inviter à s'expliquer sur ce point, au regard de la contradiction qui en résultait avec sa conclusion d'une absence de faute commise par M. [E].



Enfin, l'expert [D] a indiqué, ainsi que l'ont relevé les premiers juges, que l'opération a duré une heure, soit un peu plus du double de la durée correspondant à une intervention sur une hernie discale sans complication. En dépit d'une telle circonstance, il conclut toutefois que cette tentative d'extraction n'a pas été d'une durée anormale, la qualifiant de «'durée limitée'» dans le temps et indiquant que la décision de M. [E] de ne pas insister était «'sage'».



Pour autant, outre qu'un tel doublement de la durée habituelle de l'intervention implique que les recherches et tentatives de recupération du fragment ont à elles-seules duré une demi-heure environ, l'insistance de M. [E] à procéder à l'extraction du fragment litigieux résulte au contraire de ses propres indications dans le compte-rendu opératoire, selon lesquelles «'plusieurs tentatives vaines'» ont été effectuées, alors que ce chirurgien a pu constater dès ce moment la présence du bris en zone épidurale.



Alors qu'aucun mécanisme alternatif à de telles manoeuvres réalisées par le chirurgien n'est allégué ou prouvé pour expliquer la survenance des lésions subies, il se déduit d'un tel faisceau d'indices l'existence d'une faute technique commise par le chirurgien à l'occasion de ces tentatives répétées de récupération du fragment litigieux. Enfin, alors que l'expert a validé le recours par M. [E] à une IRM suivie d'une réintervention, il en résulte a contrario qu'une recherche dans une zone particulièrement sensible au cours de l'intervention initiale sans s'être préalablement assuré du positionnement exact de ce fragment par le recours à une telle technique d'investigation précise constituait une imprudence de la part du chirurgien. Outre que l'expert n'indique pas que les conséquences neurologiques éventuellement subies à la suite d'une telle exérèse s'analysent comme un risque exceptionnel exclusif d'une faute commise par le chirurgien, la cour observe à l'inverse que la réintervention réalisée après la réalisation d'une IRM, conformément aux règles de l'art, a pu être menée par M. [E] sans difficulté et sans aggravation des séquelles d'ores et déjà causées par les manoeuvres effectuées au cours de la première intervention.



L'ensemble de ces constatations et énonciations conduit par conséquent à retenir que les fautes ainsi commises par M. [E] ont contribué aux dommages subis par M. [C] de sorte que sa responsabilité est engagée.



En définitive, M. [C] a été successivement victime :

- d'un accident médical non fautif, résultant tant de la rupture de l'instrument chirurgical que de la migration du fragment vers la zone durale ; au regard d'une telle localisation, cet accident médical est par conséquent de nature à créer une lésion nerveuse pour le patient, dès lors que l'expert [D] a indiqué que la présence d'un tel bris reste asymptomatique et ne nécessite aucune exérèse que dans l'hypothèse où 'il reste à distance des structures nerveuses'.

- d'un manquement par le chirurgien à son obligation de précision, au titre des manoeuvres effectuées pour rechercher ce fragment, qui ont été rendues nécessaires par l'accident médical non fautif. L'accident médical non fautif étant à l'origine des conséquences dommageables et ayant contribué à la lésion (l'expert [D] relève que «'c'est le tranchant de ce fragment métallique cassé qui a dû entrainer une plaie de la racine S1 gauche responsable des troubles neurologiques'»), le dommage n'est ainsi pas entièrement la conséquence directe d'une faute engageant la responsabilité du médecin, qui s'analyse dès lors comme une complication de la rupture de l'appareil et de la migration du fragment.



Les fautes commises par le chirurgien ont en définitive causé une perte de chance pour son patient d'échapper aux conséquences liées à un tel accident médical non fautif, que la cour estime à 90 %. De fait, le comportement du chirurgien est quasiment à l'origine exclusive de la lésion provoquée par le fragment, dont le caractère dommageable pour M. [C] n'a été activé pour l'essentiel que par les manoeuvres fautives qu'il a réalisées.



3. sur la prise en charge par l'Oniam des conséquences dommageables d'un accident médical non fautif :



Dans l'hypothèse où une faute commise par un établissement de santé a fait perdre à la victime une chance d'échapper à l'accident médical non fautif et de se soustraire à ses conséquences, l'accident ouvre droit à réparation au titre de la solidarité nationale si l'ensemble de ses conséquences remplissent les conditions posées au II de l'article L. 1142-1, l'indemnité due par l'Oniam étant seulement réduite du montant de celle mise, le cas échéant, à la charge du responsable de la perte de chance et correspondant à une fraction des différents chefs de préjudice subis.



L'article L. 1142-1-II du code de la santé publique dispose : « lorsque la responsabilité d'un professionnel, d'un établissement, service ou organisme mentionné au I ou d'un producteur de produits n'est pas engagée, un accident médical, (...) ouvre droit à la réparation des préjudices du patient (..), lorsqu'ils sont directement imputables à des actes de prévention, de diagnostic ou de soins et qu'ils ont eu pour le patient des conséquences anormales au regard de son état de santé comme de l'évolution prévisible de celui-ci et présentent un caractère de gravité, fixé par décret, apprécié au regard de la perte de capacités fonctionnelles et des conséquences sur la vie privée et professionnelle mesurées en tenant notamment compte du taux d'atteinte permanente à l'intégrité physique ou psychique, de la durée de l'arrêt temporaire des activités professionnelles ou de celle du déficit fonctionnel temporaire (...)».



L'article D. 1142-1 du code de la santé publique précise que :«'le pourcentage mentionné au dernier alinéa de l'article L. 1142-1 est fixé à 24 %.

Présente également le caractère de gravité mentionné au II de l'article L. 1142-1 un accident médical, une affection iatrogène ou une infection nosocomiale ayant entraîné, pendant une durée au moins égale à six mois consécutifs ou à six mois non consécutifs sur une période de douze mois, un arrêt temporaire des activités professionnelles ou des gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à un taux de 50 %.

A titre exceptionnel, le caractère de gravité peut être reconnu :

1° lorsque la victime est déclarée définitivement inapte à exercer l'activité professionnelle qu'elle exerçait avant la survenue de l'accident médical, de l'affection iatrogène ou de l'infection nosocomiale ;

2° ou lorsque l'accident médical, l'affection iatrogène ou l'infection nosocomiale occasionne des troubles particulièrement graves, y compris d'ordre économique, dans ses conditions d'existence.'»



En l'espèce, l'expert a d'une part retenu un déficit fonctionnel permanent de 20 % et un déficit fonctionnel temporaire supérieur ou égal à 50 % sur la seule période du 29 août au 15 septembre 2016. D'autre part, M. [C] n'a pas été déclaré inapte à l'exercice de son activité de chauffeur routier super poids lourd, ainsi qu'il résulte de sa visite de reprise d'activité par la médecine du travail (sa pièce n°23). Enfin, M. [C] n'invoque ou n'établit pas davantage l'existence de troubles particulièrement graves, qui justifieraient à titre exceptionnel de passer outre les seuils de gravité fixé par l'alinéa 2 de l'article D. 1142-1 précité.



Le critère de gravité requis pour permettre une prise en charge par la solidarité nationale n'étant pas atteint, le jugement est réformé en ce qu'il a condamné l'Oniam à indemniser M. [C]. L'Oniam est par conséquent mis hors de cause.



Par ailleurs, la caisse primaire d'assurance-maladie est recevable à solliciter du responsable le remboursement des prestations versées à M. [C] au titre des soins apportés en relation causale avec les séquelles subies par ce dernier, dans la limite de son obligation d'indemnisation au titre du taux de perte de chance retenue.



4. Sur la réparation du préjudice



A titre liminaire, la cour observe que les postes dont les montants fixés par les premiers juges ne sont pas contesté par les époux [C], n'ont toutefois fait l'objet d'aucune demande de condamnation à l'encontre de M. [E] dans le dispositif de leurs conclusions d'intimé (déficit fonctionnel temporaire, souffrances endurées, préjudice esthétique temporaire, dépenses de santé actuelles, l'assistance par tierce-personne temporaire, frais divers, pertes de gains professionnels futurs, préjudice esthétique permanent, et préjudice d'agrément), dans l'hypothèse où l'Oniam serait mis hors de cause. Les époux [C] n'ont en effet sollicité à titre subsidaire la condamnation du chirurgien qu'au titre des seuls postes critiqués par leur déclaration d'appel, et non au titre des autres postes de préjudice que seul l'Oniam a été condamné à indemniser en première instance. L'infirmation prononcée affectant l'intégralité de la disposition du jugement numérotée 3 ci-dessus, il en résulte que :

- d'une part, la cour ne peut confirmer les montants fixés par les premiers juges au titre d'une condamnation prononcée exclusivement à l'encontre de l'Oniam, dont elle a prononcé la mise hors de cause.

- d'autre part, M. [E] n'a vocation à indemniser les époux [C] que des préjudices dont la cour a été saisis, indépendamment de ceux ayant fait l'objet d'un sursis à statuer devant les premiers juges.



A l'infirmation du chef du jugement ayant condamné l'Oniam au titre des postes précédemment énumérés, ne se substitue en définitive aucune condamnation prononcée de ces chefs à l'encontre de M. [E].



4.1. Sur les demandes de M. [C] :



Alors que M. [E] sollicite dans le dispositif de ses conclusions de «'confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Lille le 31 mars 2021 en toutes ses dispositions'», M. [C] demande exclusivement dans son appel incident l'infirmation de trois postes de préjudice.



S'agissant de la demande au titre des arrérages échus des pertes de gains professionnels futurs, la cour observe d'une part que la liquidation définitive de ce chef de préjudice a été réservée par les premiers juges et d'autre part que la demande de provision à hauteur de 1 038 euros correspondant à ce poste a été rejetée par le jugement.



Si la déclaration d'appel porte sur la disposition du jugement ayant «'débouté les parties de leurs autres demandes'», elle précise toutefois que cet appel est limité à ce qu'il «'n'a pas condamné l'Oniam à indemniser les postes suivants : incidence professionnelle et préjudice d'affection de Mme [C]'». Il en résulte que la cour n'est pas saisie d'un appel formé à l'encontre du débouté de la demande de provision prononcée par les premiers juges. Une telle demande provisionnelle au titre des échéances échues de ce poste de préjudice, qui n'est ainsi par nouvelle en cause d'appel, n'a pas vocation à être examinée.



=> au titre de l'incidence professionnelle :



Les premiers juges ont fixé ce poste à la somme de 50 000 euros.



Les moyens soutenus par les parties ne font que réitérer, sans justification complémentaire utile, ceux dont les premiers juges ont connu et auxquels ils ont répondu par des motifs pertinents et exacts que la cour adopte, sans qu'il soit nécessaire de suivre les parties dans le détail d'une discussion se situant au niveau d'une simple argumentation. La cour adopte en outre l'évaluation du préjudice subi par M. [C] au titre de ce poste de préjudice, telle qu'elle a été valablement fixée par les premiers juges.



Par ailleurs, la cour doit appliquer les règles relatives à l'imputation des prestations servies par le tiers-payeur, qui sont d'ordre public et doivent être appliquées même en l'absence de prétention du tiers-payeur relative à l'assiette du recours.



À cet égard, la rente versée par la caisse primaire d'assurance-maladie à M. [C] s'impute prioritairement sur les pertes de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle ; si la rente est supérieure aux pertes de gains professionnelles et à l'incidence professionnelle, elle doit alors s'imputer subsidiairement sur le déficit fonctionnel permanent.



Il en résulte que M. [C] est d'ores et déjà indemnisé de l'incidence professionnelle subie par la rente versée par la caisse primaire d'assurance-maladie, qui excède largement la somme de 50 000 euros.



M. [C] est par conséquent débouté de sa demande à ce titre.



=> au titre du déficit fonctionnel permanent :



Les premiers juges ont constaté que la demande formulée par M. [C] au titre de ce poste était inférieure à leur propre évaluation de ce poste à hauteur de 45 000 euros.



Devant la cour, M. [C] sollicite une indemnisation de 45 000 euros.



A nouveau, il est rappelé qu'à l'inverse des prétentions de M. [C], la rente qui lui est versée par la caisse primaire d'assurance-maladie s'impute prioritairement sur les pertes de gains professionnels futurs et l'incidence professionnelle, mais que si la rente est supérieure aux pertes de gains professionnelles et à l'incidence professionnelle, elle doit alors s'imputer subsidiairement sur le déficit fonctionnel permanent.



En l'espèce, il s'observe que les premiers juges ont réservé le poste des pertes de gains professionnels futurs : il en résulte d'une part qu'au titre de l'imputation globale de la rente AT, ils devront prendre en compte l'imputation déjà opérée sur l'incidence professionnelle évaluée à 50 000 euros par la cour. D'autre part, la cour est dans l'incapacité de déterminer si le montant cumulé de l'incidence professionnelle et des pertes de gains professionnels futurs subis par M. [C] laissera ou non subsister en définitive un reliquat de créance de la caisse primaire d'assurance-maladie, qui aurait dans l'affirmative vocation à s'imputer subsidiairement en tout ou en partie sur le poste du déficit fonctionnel permanent.



Dans ces conditions, il convient de surseoir à statuer sur la liquidation de ce poste, dans l'attente de la fixation définitive par les premiers juges du montant du poste des pertes de gains professionnels futurs.



=> au titre du préjudice sexuel :



Ce préjudice s'apprécie, en fonction de l'âge et de la situation de la victime, eu égard à l'atteinte à la morphologie des organes sexuels, à la libido et à la fonction procréatrice.



Adoptant les motifs du jugement critiqué, la cour fixe ce poste de préjudice à 50 000 euros, de sorte qu'il convient de condamner M. [E] à payer à M. [C] la somme de 50 000 x 90 % = 45 000 euros en réparation de ce préjudice.





4.2. Sur les demandes de Mme [C] :



Les premiers juges ont déclaré recevable l'intervention de Mme [C], mais ont constaté qu'elle ne formait aucune demande dans le dispositif de ses conclusions récapitulatives, en dépit d'une mention figurant dans leur corps. Ils n'ont par conséquent pas statué sur ce point.



Mme [C] sollicite devant la cour l'indemnisation de son propre préjudice à hauteur de 30 000 euros.



Il s'agit du préjudice moral subi par certains proches, parents ou non, mais justifiant d'un lien affectif réel, au contact de la souffrance de la victime directe. Il convient d'inclure à ce titre le retentissement pathologique objectivé que la perception du handicap de la victime a pu entraîner chez certains proches.



Il s'agit également d'indemniser les troubles dans les conditions d'existence dont sont victimes les proches justifiant d'une communauté de vie effective et affective avec la victime directe pendant sa survie handicapée. On indemnisera notamment à ce titre le préjudice sexuel du conjoint consécutif au handicap subi par la victime pendant la maladie traumatique et après sa consolidation.



En l'espèce, outre que la perturbation des fonctions sexuelles chez M. [C] résultant de l'accident médical a une répercussion directe sur la vie sexuelle de son épouse, la diminution des capacités physiques et psychologiques de la victime directe lui cause également un préjudice personnel qu'il convient d'indemniser.



Dans ces conditions, ce poste de préjudice est évalué à 7 000 euros, de sorte que M. [E] est condamné à payer à Mme [C] la somme de 7 000 x 90 % = 6 300 euros.



4.3. Sur les demandes de la caisse primaire d'assurance-maladie :



En considération de son relevé de débours non contesté, la caisse primaire d'assurance-malaide a versé au titre des dommages subis par M. [C] les sommes de :

- 6 161,01 euros, au titre des dépenses actuelles de santé ;

- 25 319,69 euros, au titre des indemnités journalières ;

- 15 225,14 euros, au titre des frais futurs.



Le tiers-payeur n'étant désintéressé que dans la mesure de l'indemnisation du dommage réparable mis à la charge du responsable, il convient de condamner M. [E] à payer à la caisse primaire d'assurance-maladie, après application du taux de perte de chance de 90 %, les sommes de :

- 5 544,90, au titre des dépenses actuelles de santé ;

- 20 987,72 euros, au titre des indemnités journalières ;

- 13702,62 euros, au titre des frais futurs.



Par ailleurs, dès lors que la somme de 2 579,20 euros a été versée à M. [C] au titre des arrérages échus de la rente d'accident du travail sur la période du 6 mai 2018 au 31 mars 2019 (330 jours), il s'en déduit que le montant journalier de cette rente s'élève à 7,81 euros, calcul confirmé par 2 856,96 euros annuels / 365 jours.



Il en résulte que le montant des arrérages échus au 7 juillet 2022 (soit une durée de 1524 jours), s'élève à 7,81 euros x 1524 jours = 11 911,21 euros, de sorte qu'après application du taux de perte de chance, M. [E] est condamné à payer à la caisse primaire d'assurance maladie la somme de : 11 911,21 x 90 % = 10 720,09 euros.



Si l'article R. 376-1 du code de la sécurité sociale prévoit que les dépenses à rembourser aux caisses de sécurité sociale en application de l'article L. 376-1 peuvent faire l'objet d'une évaluation forfaitaire dans les conditions prévues par arrêté du ministre chargé de la sécurité sociale, les modalités fixées par cet arrêté ne s'imposent pas au juge, qui reste libre de se référer au barème qu'il estime le plus adéquat.





Pour déterminer le capital représentatif des arrérages à échoir de la pension d'invalidité servie à la victime, qui devra être imputé sur l'indemnisation allouée, la cour fait application du barème publié en 2020 à la Gazette du Palais pour un homme de 47 ans, comme étant né le [Date naissance 2] 1975, au taux de 0,3 %.



Au titre du capital représentatif de la rente viagère à compter du 8 juillet 2022, la cour fixe par conséquent son montant à : 7,81 euros x 365 jours x 31,700 = 90 365,60 euros.



A ce titre, M. [E] est par conséquent redevable à l'égard de la caisse primaire d'assurance-maladie de la somme de 90 365,60 x 90 % = 81 329,04 euros.



Les frais futurs ayant été ainsi capitalisés ne seront cependant payés par le responsable au tiers payeur qu'après paiement effectif des prestations à la victime, au regard du caractère subrogatoire du recours exercé par la caisse primaire d'assurance-maladie : la cour ne peut par conséquent condamner le responsable, sans son accord préalable, à payer dès à présent le montant du capital représentatif des arrérages à échoir.



5. Sur les demandes accessoires



Il convient d'une part d'infirmer le jugement en ce qu'il a condamné l'Oniam à payer les dépens et les frais irrépétibles, et d'autre part de condamner M. [E] aux entiers dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à une somme de 2 000 euros respectivement aux époux [C] et à la caisse primaire d'assurance-maladie, l'Oniam n'ayant présenté aucune demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



La capitalisation annuelle des intérêts est prononcée au profit de la caisse primaire d'assurance-maladie. Alors que la date des dernières conclusions de la caisse devant le tribunal judiciaire n'est pas précisée, la créance de la caisse primaire d'assurance-maladie portera intérêts à compter du 3 août 2018, date de ses premières conclusions d'intimée.



Aux termes de l'article L. 376-1 alinéa 9 du code de la sécurité sociale, en contrepartie des frais qu'elle engage pour obtenir le remboursement mentionné à son 3ème alinéa, la caisse d'assurance maladie à laquelle est affilié l'assuré social victime de l'accident recouvre une indemnité forfaitaire à la charge du tiers responsable et au profit de l'organisme national d'assurance maladie. Le montant de cette indemnité est égal au tiers des sommes dont le remboursement a été obtenu, dans les limites d'un montant maximum et minimum révisé chaque année par arrêté des ministres chargés de la sécurité sociale et du budget.



Alors que le montant maximum de l'indemnité est fixé à 1 114 euros par l'arrêté du 14 décembre 2021 relatif aux montants de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale, il convient de condamner M. [E] à payer ce montant à la caisse primaire d'assurance-maladie.



PAR CES MOTIFS':



La cour,



Infirme le jugement rendu le 31 mars 2021 par le tribunal judiciaire de Lille en ce qu'il a :

- dit que M. [O] [C] a droit à réparation intégrale de son préjudice par la solidarité nationale au titre de l'accident médical non fautif étant survenu le 29 août 2016 ;







- condamné l'Oniam à payer M. [O] [C] les sommes suivantes, en réparation de son préjudice corporel :

3 126,25 euros au titre du déficit fonctionnel temporaire,

8 000 euros au titre des souffrances endurées,

1 000 euros au titre du préjudice esthétique temporaire,

365,55 euros au titre des dépenses de santé actuelles,

297 euros au titre de l'assistance par tierce personne temporaire,

1 853,35 euros au titre des frais divers,

11 934 euros au titre de la perte de gains professionnels actuels,

30 047 euros au titre du déficit fonctionnel permanent,

2 000 euros au titre du préjudice esthétique permanent,

10 000 euros au titre du préjudice d'agrément,

5 000 euros au titre du préjudice sexuel,

- condamné l'Oniam à payer M. [O] [C] et Mme [M] [C] née [B], ensemble, la somme de 4 000 euros au titre de leurs frais irrépétibles,

- condamné l'Oniam à payer M. [P] [E] la somme de 2 000 euros au titre de ses frais irrépétibles,

- condamné l'Oniam aux entiers dépens de l'instance comprenant celle de référé, les frais d'expertise judiciaire et les droits de plaidoirie.



Statuant à nouveau sur les chefs infirmés dans les limites des appels principal et incident,



Dit que M. [P] [E] n'engage pas sa responsabilité du fait d'un produit défectueux ;



Dit que M. [P] [E] engage sa responsabilité du fait d'un manquement fautif à ses obligations professionnelles à l'égard de M. [O] [C] et Mme [M] [C] née [B] ;



Met hors de cause l'Oniam ;



Condamne M. [P] [E] à payer à M. [O] [C] la somme de 45 000 euros au titre de son préjudice sexuel ;



Déboute M. [O] [C] de sa demande formée à l'encontre de M. [P] [E] au titre de l'incidence professionnelle ;



Surseoit à statuer sur la demande formée par M. [O] [C] à l'encontre de M. [P] [E] au titre du déficit fonctionnel permanent jusqu'à la décision définitive fixant les pertes de gains professionnels futurs subis par M. [O] [C] ;



Condamne M. [P] [E] à payer à Mme [M] [C] née [B] la somme de 6 300 euros au titre de son préjudice personnel ;



Condamne M. [P] [E] à payer à la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Artois les sommes de :

- 5 544,90, au titre des dépenses actuelles de santé ;

- 20 987,72 euros, au titre des indemnités journalières ;

- 13702,62 euros, au titre des frais futurs.

- 10 720,09 euros, au titre des arrérages échus de la rente versée à M. [O] [C],

avec intérêts au taux légal à compter du 3 août 2018 ;



Condamne M. [P] [E] à payer à la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Artois les arrérages à échoir, au fur et à mesure de leur échéance, d'une rente dont le capital constitutif est de 81 329,04 euros, calculé selon l'euro de rente viager d'un homme de 47 ans par application du barème publié en 2020 par la Gazette du Palais en fonction d'un taux de 0,3 %, avec intérêts au taux légal à compter de chaque échéance ;



Ordonne la capitgalisation annuelle des intérêts à compter du 3 août 2021 au profit de la caisse primaire d'assurance maladie de l'Artois ;



Condamne M. [P] [E] à payer à la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Artois la somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion ;



Condamne M. [P] [E] aux entiers dépens de première instance et d'appel ;



Condamne M. [P] [E] à payer la somme de 2 000 euros, respectivement à :

- M. [O] [C] et Mme [M] [C] née [B],

- la caisse primaire d'assurance-maladie de l'Artois,

au titre des frais irrépétibles qu'ils ont exposés en première instance et en appel, en application de l'article 700 du code de procédure civile ;



Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;



Ordonne la radiation de l'affaire et dit qu'elle sera réinscrite, à l'initiative de la partie la plus diligente, sur justification que l'évènement auquel est subordonné le sursis à statuer sur le déficit fonctionnel permanent sera intervenu.







Le GreffierLe Président









H. PoyteauG. Salomon

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