7 juillet 2022
Cour d'appel de Dijon
RG n° 20/00457

Chambre sociale

Texte de la décision

OM/FF













S.A.S. RAVE GRAND LYON ANCIENNEMENT SOCIETE

RAVE DISTRIBUTION





C/



[H] [E]



































Expédition revêtue de la formule exécutoire délivrée



le :



à :



















































RÉPUBLIQUE FRANÇAISE - AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE DIJON



CHAMBRE SOCIALE



ARRÊT DU 07 JUILLET 2022



MINUTE N°



N° RG 20/00457 - N° Portalis DBVF-V-B7E-FR5H



Décision déférée à la Cour : Jugement Au fond, origine Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de MACON, section CO, décision attaquée en date du

16 Octobre 2020, enregistrée sous le n° 19/00095





APPELANTE :



S.A.S. RAVE GRAND LYON ANCIENNEMENT SOCIETE

RAVE DISTRIBUTION

[Adresse 3]

[Localité 2]



représentée par Me Patrick AUDARD de la SCP AUDARD ET ASSOCIES, avocat au barreau de DIJON, Me Eric ANDRES de la SELARL ANDRES & ASSOCIES, avocat au barreau de LYON substituée par Maître Annabelle ZINUTTI, avocat au barreau de LYON









INTIMÉ :



[H] [E]

[Adresse 1]

[Localité 2]



représenté par Me Jean-philippe BELVILLE, avocat au barreau de LYON, Maître Arthur GAUTHERIN, avocat au barreau de MACON/CHAROLLES















COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 31 Mai 2022 en audience publique devant la Cour composée de :



Olivier MANSION, Président de chambre, Président,

Rodolphe UGUEN-LAITHIER, Conseiller,

Marie-Françoise ROUX, Conseiller,



qui en ont délibéré,



GREFFIER LORS DES DÉBATS : Kheira BOURAGBA,



ARRÊT rendu contradictoirement,



PRONONCÉ par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile,



SIGNÉ par Olivier MANSION, Président de chambre, et par Kheira BOURAGBA, Greffier, à qui la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.






Exposé du litige :



M. [E] (le salarié) a été engagé le 2 juillet 2016 par contrat à durée indéterminée en qualité de conducteur routier par la société Rave grand Lyon (l'employeur).



Il a été licencié le 29 mars 2019 pour faute grave.



Estimant ce licenciement infondé, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes qui, par jugement du 16 octobre 2020, a dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et a condamné l'employeur au paiement de diverses sommes, une partie des demandes étant rejetée.



L'employeur a interjeté appel le 10 novembre 2020.



Il conclut à l'infirmation partielle du jugement, à l'irrecevabilité des demandes additionnelles du salarié formées dans le cadre de l'appel incident et sollicite le paiement de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.



Le salarié demande l'infirmation du jugement et le paiement des sommes de :

- 948,01 euros de rappel de salaires pour la période de mise à pied,

- 94,80 euros de congés payés afférents,

- 5 207,12 euros d'indemnité de préavis,

- 520,71 euros de congés payés afférents,

- 1 709,94 euros d'indemnité de licenciement,

- 15 621,38 euros de dommages et intérêts pour licenciement nul ou, à titre subsidiaire, la somme de 9 112,46 euros de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- 10 000 euros de dommages et intérêts pour exécution de mauvaise foi du contrat de travail,

- 10 000 euros de dommages et intérêts pour circonstances brusques et vexatoires de la rupture,

- les intérêts au taux légal,

- 2 200 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

et réclame la délivrance sous astreinte de 100 euros par jour de retard, d'un bulletin de salaire, de l'attestation Pôle emploi et d'un certificat de travail rectifiés conformément au présent arrêt.



Il sera renvoyé pour un plus ample exposé du litige aux conclusions des parties échangées par RPVA les 1er avril et 23 juin 2021.






MOTIFS :



Sur la recevabilité des demandes additionnelles :



L'employeur soutient que les demandes additionnelles formées afin d'obtenir la nullité du licenciement pour discrimination ne se rattachent pas, par un lien suffisant, aux demandes initiales portant sur la contestation de ce licenciement.



Il ajoute que ces demandes nouvelles sont contenues, pour la première fois, dans les conclusions notifiées le 30 avril 2020.



En application des dispositions de l'article 70 du code de procédure civile, les demandes additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant.



En l'espèce, le salarié a saisi le conseil de prud'hommes pour contester le licenciement du 29 mars 2019 puis a conclu à la nullité de celui-ci en raison d'une discrimination.



Il en résulte que dès lors qu'il contestait la rupture du contrat de travail, le salarié pouvait former des demandes additionnelles tendant à la nullité de cette rupture, cette demande se rattachant par un lien suffisant à celles soumises initialement à la juridiction.



Sur la demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail, le même raisonnement se poursuit, la demande relative à la mauvaise exécution du contrat se rattachant par un lien suffisant à la demande contestant la rupture de celui-ci.



Le moyen relatif à l'irrecevabilité de ces demandes sera écarté et le jugement infirmé sur ce point.





Sur le licenciement :



Le salarié soulève la nullité du licenciement ce qui doit être examinée avant la faute grave alléguée.



1°) L'article 1er de la loi n°2008-496 du 27 mai 2008 dispose que : 'Constitue une discrimination directe la situation dans laquelle, sur le fondement de son origine, de son sexe, de sa situation de famille, de sa grossesse, de son apparence physique, de la particulière vulnérabilité résultant de sa situation économique, apparente ou connue de son auteur, de son patronyme, de son lieu de résidence ou de sa domiciliation bancaire, de son état de santé, de sa perte d'autonomie, de son handicap, de ses caractéristiques génétiques, de ses m'urs, de son orientation sexuelle, de son identité de genre, de son âge, de ses opinions politiques, de ses activités syndicales, de sa capacité à s'exprimer dans une langue autre que le français, de son appartenance ou de sa non-appartenance, vraie ou supposée, à une ethnie, une nation, une prétendue race ou une religion déterminée, une personne est traitée de manière moins favorable qu'une autre ne l'est, ne l'a été ou ne l'aura été dans une situation comparable'.



En application des articles L. 1132-1 et L. 1134-1 du code du travail, pour se prononcer sur l'existence d'une discrimination, il appartient au salarié de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'une telle discrimination et à l'employeur de prouver, au vu de ces éléments, que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à toute discrimination.



Ici, le salarié soutient la nullité du licenciement motif pris de ce que la véritable cause de celui-ci réside dans sa participation au mouvement dit des gilets jaunes.



Il ajoute que ce motif de licenciement est interdit 'comme relevant de la vie privée'.



La lettre de licenciement reproche au salarié d'avoir provoqué des dégâts, le 18 janvier 2019, au semi-remorque qu'il était le seul à utiliser et de ne pas en avoir informé l'employeur de ce qu'il l'auteur de ces dommages, d'avoir, en février 2019, adopté un comportement menaçant et agressif à l'encontre du responsable de la société ATR en lui réclamant 1 500 euros somme qu'il aurait perdue à la suite d'une mise à pied de novembre 2018 et dont il impute la cause à celui-ci, ce alors que cette mise à pied a été annulée et la somme remboursée en décembre 2018.



Cette lettre ajoute que le salarié a fait preuve, à plusieurs reprises, d'un comportement irascible, agressif et menaçant.



Le salarié répond que la véritable cause du licenciement réside dans sa participation au mouvement dit des gilets jaunes et plus précisément de sa présence sur le rond-pont situé à proximité de du site Logidis Carrefour le 16 novembre au soir, correspondant à u jour de repos.



Il rapproche sa situation à ceux de trois autres salariés qui ont été également licenciés.



La situation d'autres salariés est indifférente et seule la situation de l'intéressé doit être appréciée pour rechercher la cause véritable du licenciement.



Le salarié procède par affirmation et n'apporte aucun élément permettant de retenir une autre cause que celles exprimées dans la lettre de licenciement.



Il en résulte qu'il est seulement reproché un comportement sans relation avec l'exercice d'un droit de grève, d'une activité syndicale ou encore en relation avec des opinions politiques, ni même la participation à une occupation illégale de lieux ouverts à la circulation publique.



En conséquence, les textes précités ne s'appliquent pas et la nullité du licenciement pour discrimination sera rejetée.





2°) Il appartient à l'employeur qui s'en prévaut à l'appui du licenciement de démontrer la faute grave alléguée.



Le salarié conteste les griefs ci-avant rappelés en soutenant qu'il a informé son employeur dès le 17 janvier 2019 de ce qu'il a entendu un bruit anormal lors de la fermeture du rideau de la semi-remorque, qu'il a rouvert le rideau et constaté la présence d'une vis, qu'il en a informé son employeur et a ramené la semi-remorque chez son propriétaire et qu'il n'a eu aucun accrochage ce jour là.



Il ajoute que les expertises réalisées ne sont pas contradictoires à son égard, que le camion a été immobilisé entre le 17 janvier et l'expertise et que celle-ci ne met pas en cause le conducteur.



Sur les menaces verbales, le salarié les conteste et invoque la prescription de deux mois, la procédure ayant été engagée le 15 mars 2019 alors que la main courante est datée du 2 novembre 2018.



Sur le premier point, l'employeur démontre que le salarié est à l'origine des dégâts relevés par les expertises et survenus le 18 janvier 2019, dès lors qu'il a été le seul à utiliser la semi-remorque, selon l'état des tournées produit, du 10 au 18 janvier 2019, qu'il a ramené celle-ci chez son propriétaire dès le 18 janvier en faisant état d'un 'bruit anormal lors de la fermeture du rideau', que l'expert a constaté une déformation du volet inférieur droit avec décollement et enfoncement de la plinthe et un arrachement de la charnière arrière droite, avec le cadre de la seconde charnière droite cassé et qu'il retient comme cause de ces dégâts une déformation par contrainte et choc, avec une action dans le sens de l'intérieur vers l'extérieur.

Il établit qu'une inspection de cette remorque a eu lieu le 9 janvier 2019 et qu'aucun dégât n'a été relevé (pièce n°30).



Enfin, aucun élément ne vient accréditer la possibilité d'un choc survenu entre le moment où la remorque a été ramenée chez son propriétaire et l'expertise.



Il en résulte que la faute du salarié est démontrée en ce qu'il n'a pas informé en temps utile son employeur des dégâts qu'il a provoqués à la remorque qui lui avait été confiée.



Sur le deuxième grief, si M. [G], responsable d'exploitation de la société ATR n'atteste pas, M. [C], responsable de l'agence Rave à [Localité 2], témoigne que celui-ci lui a fait part du comportement du salarié lui réclamant la somme de 1 500 euros, lui imputant la mise à pied dont il a fait l'objet en novembre 2018.



Cependant, il s'agit d'un témoignage indirect et le seul portant sur le fait reproché, de sorte qu'il n'emporte pas conviction.



Ce grief sera donc écarté.



Sur le comportement agressif, irascible et menaçant, M. [Y] et Mme [P] attestent que le salarié s'est présentée à l'agence le 16 mars 2019 alors qu'il faisait l'objet d'une mise à pied.



M. [Y] lui a demandé de quitter le bâtiment et le salarié lui a répondu : 'tu vas me pousser à faire quelque chose que je vais regretter'.



Mme [P] confirme que ces propos ont été tenus et ajoute que le salarié était en colère et qu'elle a dû lui demander de se calmer à plusieurs reprises.



Ces propos qui dépassent la liberté d'expression en ce qu'ils constituent une menace évidente caractérise une faute.



En conséquence, et sans qu'il soit besoin d'examiner les faits reprochés de décembre 2018, l'employeur démontre par le cumul des griefs ci-avant retenus que le licenciement repose sur une faute grave.



Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a dit que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse et en ce qu'il a condamné l'employeur en conséquence.



3°) Les circonstances brutales et vexatoires de la rupture du contrat de travail ne sont pas démontrées, de sorte que la demande de dommages et intérêts sera rejetée et le jugement confirmé sur ce point.





Sur les autres demandes :



1°) Le salarié demande des dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail en faisant état d'une 'mauvaise foi patente' de l'employeur et d'une mise à peid disciplinaire injustifiée en novembre 2018.



La mauvaise foi qui ne se présume pas, n'est pas démontrée.



Par ailleurs, la mise à pied de novembre 2018 a été annulée par l'employeur le mois suivant.



Enfin, les conditions de travail difficiles et les pressions alléguées ne résultent pas des certificats médicaux des 4 décembre 2018 et 12 avril 2019 ni des arrêts de travail.



Si le salarié indique que cette situation s'apparente à du harcèlement moral, il n'apporte aucun élément le laissant supposer.



Le salarié n'établissant pas un préjudice distinct et personnel, sa demande sera rejetée.



2°) les demandes relatives aux intérêts et à la remise de documents sous astreintes deviennent sans objet.



3°) Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes.



Le salarié supportera les dépens de première instance et d'appel.







PAR CES MOTIFS :



La cour statuant publiquement, par décision contradictoire :



- Infirme le jugement du 16 octobre 2020 ;



Statuant à nouveau :



- Dit recevables mais malfondées les demandes additionnelles de M. [E] portant sur la nullité du licenciement et sa demande de dommages et intérêts pour exécution déloyale du contrat de travail ;



- Dit que le licenciement de M. [E] est la conséquence d'une faute grave ;



- Rejette les demandes de M. [E] ;



Y ajoutant :



- Rejette les autres demandes ;



- Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;



- Condamne M. [E] aux dépens de première instance et d'appel ;









Le greffierLe président







Kheira BOURAGBAOlivier MANSION

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