6 juillet 2022
Cour d'appel de Versailles
RG n° 20/01413

15e chambre

Texte de la décision

COUR D'APPEL

DE

VERSAILLES





Code nac : 80A



15e chambre



ARRÊT N°





CONTRADICTOIRE





DU 6 JUILLET 2022





N° RG 20/01413



N° Portalis DBV3-V-B7E-T6BW





AFFAIRE :





HEIDELBERG FRANCE SAS





C/





[S] [N]





Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 17 Juin 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de Montmorency

N° Section : Encadrement

N° RG : 19/00360



Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à :





-Me Thierry VOITELLIER



- Me Elise BENISTI





le :

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



LE SIX JUILLET DEUX MILLE VINGT DEUX,



La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre :





HEIDELBERG FRANCE SAS

N° SIRET : 582 146 999

[Adresse 6]

[Adresse 3]

[Localité 4]



Représentée par Me Thierry VOITELLIER de la SCP COURTAIGNE AVOCATS, Constitué, avocat au barreau de VERSAILLES, vestiaire : 52 et par Me Bruno DRYE de la SCP DRYE DE BAILLIENCOURT ET ASSOCIES, Plaidant, avocat au barreau de SENLIS, vestiaire : 160 substitué par Me Amélie PAULET, avocat au barreau de SENLIS







APPELANTE

****************





Monsieur [S] [N]

né le 31 Mai 1977 à [Localité 5] (03), de nationalité Française

[Adresse 1]

[Localité 2]



Représenté par Me Elise BENISTI de la SELEURL SELARL BENISTI, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : C2553







INTIMÉ

****************







Composition de la cour :



En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 février 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Perrine ROBERT, Vice-président placé, chargé du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Madame Régine CAPRA, Présidente,

Monsieur Jean-Yves PINOY, Conseiller,

Madame Perrine ROBERT, Vice-président placé,



Greffier lors des débats : Madame Carine DJELLAL,








Par contrat du 20 octobre 2015, la société Heidelberg France a engagé Monsieur [S] [N] à compter du 1er janvier 2016 et avec reprise de son ancienneté au sein du groupe Heidelberg, en qualité de Technicien, statut cadre, coefficient C14 de la convention collective nationale des entreprises de commission, de courtage et de commerce intra-communautaire et d'importation-exportation de France métropolitaine pour un salaire annuel brut de 46 000 euros sur 13 mois outre une partie variable.



La société emploie au moins onze salariés.



Monsieur [N] a été victime d'un accident du travail le 17 avril 2018, le certificat médical mentionnant ' une hernie discale L5S1 droite et une sciatique droite' et placé en arrêt de travail , à compter du 19 avril 2018 et jusqu'au 1er juin 2018.



La Cpam a reconnu le caractère professionnel de cet accident le 9 mai 2018.



Le 30 mai 2018, le médecin de Monsieur [N] a prolongé son arrêt de travail jusqu'au 2 septembre 2018 mentionnant sur le certificat d'arrêt de travail les lésions suivantes : ' discopathie S1 et hernie postérieure L5S1 sur racine S1-lombosciatique droite'.



Par courrier du 4 juillet 2018, la Cpam considérant qu'il s'agissait de nouvelles lésions a refusé de prendre celle-ci en charge au titre de la législation relative aux risques professionnels.



Par courrier du même jour, elle a indiqué au salarié que la consolidation de ses lésions en lien avec son accident du travail était fixée au 20 juillet 2018 et qu'il ne subsistait pas de séquelles indemnisables,



Monsieur [N] a contesté ces décisions de la Cpam devant le Tribunal judiciaire de Montpellier qui par jugement du 15 novembre 2021 a confirmé que la date de consolidation de l'état de santé de Monsieur [N] devait être fixée au 20 juillet 2018 et dit que l'arrêt de travail prescrit le 30 mai 2018 devait être pris en charge au titre de la législation professionnelle pour la période du 30 mai 2018 au 20 juillet 2018.



Lors de la visite de reprise le 3 septembre 2018, le médecin du travail a déclaré Monsieur [N] 'inapte à son poste de technicien itinérant, inapte à la station assise prolongée, station debout et marche prolongées, inapte au port de charges lourdes et aux postures pénibles ( accroupie, rampant, etc.), apte à un poste semi-sédentaire avec alternance station assise et debout ; par exemple : apte à un poste de Hotliner ( expertise technique à distance) fiche de poste n°136".



Par courrier du 12 septembre 2018, la société Heidelberg France a proposé à Monsieur [N] un poste de Hotliner Gallus pour un salaire brut annuel sur 12 mois de 36 000 euros outre une rémunération variable en fonction d'objectifs atteints, poste basé au siège de la société à [Localité 4].



Monsieur [N] a refusé ce poste par courrier du 20 septembre 2018.



Par courrier du 25 septembre 2018, la société Heidelberg France a informé Monsieur [N] qu'elle n'avait pas d'autre poste disponible compatible avec son état de santé et par courrier du 26 septembre 2018 elle l'a convoqué à un entretien préalable à un licenciement fixé au 8 octobre suivant.



Elle l'a licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par courrier du 15 octobre 2018.



Par requête reçue au greffe le 27 juin 2019, Monsieur [S] [N] a saisi le conseil de prud'hommes de Montmorency afin de contester la rupture de son contrat de travail et obtenir le versement de diverses sommes.



Par jugement du 17 juin 2020, auquel la cour renvoie pour l'exposé des demandes initiales des parties et de la procédure antérieure, le conseil de prud'hommes de Montmorency a:

-Dit et jugé que l'inaptitude de Monsieur [S] [N] est une inaptitude professionnelle,

-Dit et jugé que le licenciement de Monsieur [S] [N] est sans cause réelle ni sérieuse,

-Condamné la société Heidelberg France à verser à Monsieur [S] [N] :

-38 565 04 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-14 461,90 euros à titre de l'indemnité de préavis,

-9 019,57 euros au titre de l'indemnité complémentaire de licenciement,

-2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

-Ordonné l'exécution provisoire dans les limites de l'article R1454-28 du code du travail

-Condamné la société Heidelberg France aux entiers dépens.

-Débouté la société Heidelberg France de sa demande reconventionnelle .



La société Heidelberg France SAS a interjeté appel de cette décision par déclaration au greffe du 10 juillet 2020.



Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 5 janvier 2022, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, elle demande à la cour de :

- la recevoir en son appel du jugement rendu par la section « encadrement » du Conseil des Prud'hommes de Montmorency le 17 juin 2020,

-Et le déclarant bien fondé,

-Réformer en toutes ses dispositions le jugement rendu par la section « encadrement » du Conseil des Prud'hommes de Montmorency le 17 juin 2020,

Et statuant à nouveau,

- Sur l'origine de l'inaptitude :

A titre principal,

- Dire que l'inaptitude est d'origine non professionnelle

- Débouter Monsieur [S] [N] de l'intégralité de ses demandes

- Dire que Monsieur [S] [N] a refusé abusivement la proposition de reclassement

- Débouter Monsieur [S] [N] de l'intégralité de ses demandes

A titre infiniment subsidiaire,

- Limiter la condamnation de la société Heidelberg France :

*au titre du doublement de l'indemnité légale de licenciement à la somme de 8 358,80 euros

* au titre de l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 9 280, 64 euros

- Sur le bien-fondé du licenciement

A titre principal,

- Dire que la société Heidelberg France a rempli son obligation de reclassement,

- Débouter Monsieur [S] [N] de l'intégralité de ses demandes,

A titre subsidiaire,

- Limiter les dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à l'équivalent de trois mois de salaire au maximum en application du barème légal, sur la base d'un salaire moyen de 3 093,55 euros,

- Limiter l'indemnité compensatrice de préavis à la somme de 9 280,65 euros,

En conséquence,

- Débouter Monsieur [S] [N] de toutes les demandes qu'il formule à son encontre comme étant mal fondées.

A titre reconventionnel,

- Condamner Monsieur [S] [N] à lui rembourser la somme de 17 395, 88 euros qu'elle lui a réglée en vertu de l'exécution provisoire attachée au jugement de la section « encadrement » du Conseil des Prud'hommes de Montmorency du 17 juin 2020.

- Condamner Monsieur [S] [N] à lui payerla somme de 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

- Condamner Monsieur [S] [N] aux entiers dépens.



Par dernières conclusions remises au greffe et notifiées par Rpva le 20 décembre 2021, auxquelles il est renvoyé pour l'exposé des moyens, Monsieur [S] [N] demande à la cour de :

-Confirmer le jugement rendu par le Conseil de Prud'hommes de Montmorency en ce qu'il a :

- Dit et jugé que son inaptitude est une inaptitude professionnelle,

- Dit et jugé que son licenciementest sans cause réelle ni sérieuse,

-Condamné la société Heidelberg France à lui verser :

-38 565,04 euros au titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

-14 461, 90 euros au titre de l'indemnité de préavis,

-9 019.57 euros au titre de l'indemnité complémentaire de licenciement,

-2 000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.

-Ordonne l'exécution provisoire dans les limites de l'article R1454-28 du code du travail

-Condamné la société Heidelberg France aux entiers dépens.

-Débouté la société Heidelberg France de sa demande reconventionnelle .'

-Condamner la société à verser 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



La clôture de l'instruction a été prononcée le 19 janvier 2022.




MOTIFS DE LA DECISION



Sur l'origine professionnelle de l'inaptitude



Monsieur [N] affirme que son inaptitude est d'origine professionnelle, qu'elle est en lien avec son accident du travail, que la société avait connaissance de ce lien, qu'il est sans importance que l'arrêt de travail de prolongation n'ait pas été qualifié d'accident du travail, que la circonstance selon laquelle son état était consolidé avant la rupture du contrat de travail n'est pas de nature à remettre en cause l'origine professionnelle de son inaptitude.



La société Heidelberg France soutient que l'avis d'inaptitude rendu à l'égard de Monsieur [N] est sans lien avec son accident du travail, que la Cpam a refusé de considérer les nouvelles lésions dont souffre le salarié comme provoquées par son accident du travail du 17 avril 2018, que celles-ci sont des pathologies dégénératives conséquences du vieillissement, qu'à la date du 20 juillet 2018, date à laquelle l'état de santé de Monsieur [N] était consolidé, celui-ci était indemne de toutes les lésions provoquées par l'accident du travail, qu'avant son accident du travail le 17 avril 2018, Monsieur [N] avait fait l'objet de deux arrêts de travail pour fatigue et syndrome anxio dépressif.



Les règles protectrices édictées par l'article L. 1226-9 du code du travail s'appliquent dès lors que la suspension du contrat de travail a pour origine, au moins partiellement, un accident du travail ou une maladie professionnelle et que l'employeur avait connaissance de cette origine professionnelle au moment du licenciement.



Le juge doit constater à la fois l'origine professionnelle de l'arrêt de travail du salarié et la connaissance par l'employeur de cette origine, cette seconde condition étant remplie dès lors que l'employeur était informé au jour du licenciement de la volonté du salarié de faire reconnaître l'origine professionnelle de l'arrêt de travail.



En raison de l'autonomie du droit du travail par rapport au droit de la sécurité sociale, la décision de la juridiction de sécurité sociale est sans incidence sur l'application des dispositions des articles L. 1226-6 et suivants du code du travail.



Il appartient à la cour d'apprécier elle-même l'origine professionnelle ou non de l'arrêt de travail. Elle doit rechercher elle-même l'existence d'un lien de causalité entre la suspension du contrat de travail ou l'inaptitude et l'accident du travail ou la maladie professionnelle.



Il incombe au salarié d'établir que son arrêt de travail est en relation avec un accident du travail survenu antérieurement, le fait que ledit arrêt ait été pris en charge par la sécurité sociale au titre de la législation sur les accidents du travail n'étant pas de nature à constituer à lui seul une telle preuve.



Il ressort des pièces produites que :



- le 19 avril 2018, Monsieur [N] a déclaré un accident du travail survenu le 17 avril précédant en expliquant sans être contredit que ce jour là, alors qu'il réglait un encodeur situé sous la plateforme à 80 cm du sol et qu'il portait une charge de 20 kg, il s'est baissé et a senti son dos claquer et une forte douleur et en mentionnant au titre du siège des lésions ' dos hanche droite' et au titre de la nature des lésions ' lumbago',

- le médecin a constaté le même jour à l'examen de Monsieur [N] que celui-ci présentait ' une hernie discale L5-S1 droite compressive et une sciatique droite',

- Monsieur [N] a été placé en arrêt de travail à compter du 19 avril 2018, arrêt régulièrement prolongé jusqu'au 1er juin 2018, les arrêts de prolongation mentionnant au titre des lésions constatées ' lumbago droit aigu', 'douleurs à la station debout et en position assise',

- entretemps, le 9 mai 2018, la Cpam a reconnu le caractère professionnel de l'accident du 17 avril 2018,

- lors de sa visite de reprise le 22 mai 2018, le médecin du travail a indiqué que le salarié devait consulter son médecin traitant pour prolongation ( soins et examens complémentaires) après avoir constaté que celui-ci était encore 'algique et raide' et qu'il devait réaliser un scanner,

- le 30 mai 2018, le médecin traitant a ordonné la prolongation de l'arrêt de travail de Monsieur [N] jusqu'au 2 septembre 2018 après avoir fait les constatations suivantes : ' TDM Lombaire = discopathie L5-S1 et hernie postérieure L5-S1 sur racine S1-lombosciatique droite ',

- la Cpam a considéré qu'il s'agissait d'une nouvelle lésion sans lien avec l'accident du travail du 17 avril 2018 et a notifié à Monsieur [N] par courrier du 4 juillet 2018 son refus de la prendre en charge au titre de la législation sur les accidents du travail,

- le même jour, la Cpam a indiqué au salarié que la consolidation de ses lésions en lien avec son accident du travail était fixé au 20 juillet 2018 et qu'il ne subsistait pas de séquelles indemnisables,

- Monsieur [N] a contesté les décisions susvisées du 4 juillet 2018 de la Cpam devant le Tribunal judiciaire de Montpellier qui par jugement du 15 novembre 2021 a confirmé que la date de consolidation de l'état de santé de Monsieur [N] devait être fixée au 20 juillet 2018 et dit que l'arrêt de travail prescrit le 30 mai 2018 devait être pris en charge au titre de la législation professionnelle pour la période du 30 mai 2018 au 20 juillet 2018,

- lors de la visite de reprise le 3 septembre 2018, le médecin du travail a déclaré Monsieur [N] 'inapte à son poste de technicien itinérant, inapte à la station assise prolongée, station debout et marche prolongées, inapte au port de charges lourdes et aux postures pénibles ( accroupie, rampant, etc.). apte à un poste semi-sédentaire avec alternance station assise et debout ; par exemple : apte à un poste de Hotliner ( expertise technique à distance)'.



Si reprenant les conclusions de l'expert judiciaire, Monsieur [W] [G] désigné par le Tribunal judiciaire de Montpellier dans le cadre de l'instance diligentée par Monsieur [N], cette juridiction a relevé dans son jugement que ' s'agissant de la discopathie L5-S1 et de la hernie postérieure L5-S1 sur racine S1, le Docteur [G] estime que ces lésions ne sont pas en lien avec l'accident du travail et relèvent d'un état dégénératif préexistant, évoluant pour son propre compte, déjà à l'origine d'une symptomatologie clinique de lombosciatique constatée en septembre 2017 avec une incapacité de travail de 15 jours', les éléments précités montrent qu'à compter de l'accident survenu le 17 avril 2018 qui a occasionné à Monsieur [N] un lumbago, celui-ci a été en arrêt de travail ininterrompu jusqu'à l'avis d'inaptitude rendu par le médecin du travail, que les 'nouvelles lésions' tenant à la discopathie, la hernie postérieure et la lombosciatique droite ont été constatées le 30 mai 2018 antérieurement à la consolidation, le 22 juillet 2018 de l'état de santé du salarié relatif aux lésions initiales dues à son accident du travail, et alors que celui-ci était toujours en arrêt de travail, que les restrictions tenant à la gestuelle et aux positions pouvant être adoptées par Monsieur [N] édictées par le médecin du travail dans son avis d'inaptitude sont compatibles tant avec les 'nouvelles lésions' qu'avec les lésions initiales entraînées par l'accident du travail.



Il en résulte que l' avis d'inaptitude du 3 septembre 2018 a au moins partiellement pour origine l'accident du travail du 17 avril 2018, peu important la consolidation de l'état de santé de l'intéressé le 22 juillet 2018.



Il est établi par ailleurs que la société avait connaissance de l'accident du travail de Monsieur [N] survenu le 17 avril 2018 et de sa prise en charge au titre de la législation sur les accidents du travail par la Cpam lorsqu'elle a licencié le salarié et donc de l'origine au moins pour partie professionnelle de son inaptitude.



Monsieur [N] est dès lors bien-fondé à se prévaloir des dispositions du code du travail relatives à l'inaptitude consécutive à un accident du travail ou à une maladie professionnelle.



Sur l'obligation de reclassement



Monsieur [N] explique que la société n'a pas respecté son obligation de reclassement, qu'elle lui a proposé un poste de hotliner à près de 800 kilomètres de son domicile actuel et pour un salaire de base brut moindre que celui qu'il percevait alors, qu'il ne peut lui être reproché d'avoir refusé une telle proposition qui était constitutive d'une modification de son contrat de travail, qu'en outre ce poste n'était pas pérenne et a été supprimé après son licenciement, qu'un poste de ressources manager s'est libéré en mars 2019 qui ne lui a pas été proposé, que la société ne justifie pas lui avoir proposé tous les postes disponibles, que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse.



La société Heidelberg France affirme que la proposition de poste de hotliner adressée à Monsieur [N] était conforme aux préconisations du médecin du travail, que si le salaire de base était légèrement inférieur à celui qu'il percevait auparavant, il aurait été majoré d'une rémunération variable, que le salarié avait accepté contractuellement la modification de son lieu de travail sur l'ensemble du territoire français dans le cadre d'une clause de mobilité, que cette proposition n'entrainant en conséquence aucune modification de son contrat de travail, le refus du poste par Monsieur [N] est abusif, que ce poste n'a pas été supprimé mais réparti entre trois techniciens de l'entreprise, que le poste de ressources manager n'était pas disponible au moment du licenciement de Monsieur [N], qu'elle a respecté son obligation de reclassement, que le licenciement est fondé.



L'article L.1226-10 du code du travail applicable en cas d'inaptitude du salarié consécutive à une maladie professionnelle ou à un accident du travail dispose que lorsque le salarié victime d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle est déclaré inapte par le médecin du travail, en application de l'article L. 4624-4, à reprendre l'emploi qu'il occupait précédemment, l'employeur lui propose un autre emploi approprié à ses capacités, au sein de l'entreprise ou des entreprises du groupe auquel elle appartient le cas échéant, situées sur le territoire national et dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation assurent la permutation de tout ou partie du personnel.



Cette proposition prend en compte, après avis du comité économique et social, les conclusions écrites du médecin du travail et les indications qu'il formule sur les capacités du salarié à exercer l'une des tâches existant dans l'entreprise. Le médecin du travail formule également des indications sur l'aptitude du salarié à bénéficier d'une formation le préparant à occuper un poste adapté.



L'emploi proposé est aussi comparable que possible à l'emploi précédemment occupé, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.



Pour l'application du présent article, la notion de groupe désigne le groupe formé par une entreprise appelée entreprise dominante et les entreprises qu'elle contrôle dans les conditions définies à l'article L. 233-1, aux I et II de l'article L. 233-3 et à l'article L. 233-16 du code de commerce.



Il résulte en outre de l'article L.1226-12 du même code que lorsque l'employeur est dans l'impossibilité de proposer un autre emploi au salarié, il lui fait connaître par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement. L'employeur ne peut rompre le contrat de travail que s'il justifie soit de son impossibilité de proposer un emploi dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, soit du refus par le salarié de l'emploi proposé dans ces conditions, soit de la mention expresse dans l'avis du médecin du travail que tout maintien du salarié dans l'emploi serait gravement préjudiciable à sa santé ou que l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans l'emploi. L'obligation de reclassement est réputée satisfaite lorsque l'employeur a proposé un emploi, dans les conditions prévues à l'article L. 1226-10, en prenant en compte l'avis et les indications du médecin du travail.



Il appartient à l'employeur de démontrer qu'il a satisfait à son obligation de reclassement.



L'article L.1226-14 prévoit enfin que la rupture du contrat de travail dans les cas prévus au deuxième alinéa de l'article L. 1226-12 ouvre droit, pour le salarié, à une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis prévue à l'article L. 1234-5 ainsi qu'à une indemnité spéciale de licenciement qui, sauf dispositions conventionnelles plus favorables, est égale au double de l'indemnité prévue par l'article L. 1234-9.



Toutefois, ces indemnités ne sont pas dues par l'employeur qui établit que le refus par le salarié du reclassement qui lui est proposé est abusif.



Monsieur [N] a été déclaré inapte à son poste par le Médecin du Travail le 3 septembre 2018 dans les termes précédemment rappelés.



Le 12 septembre 2018, la société Heidelberg France lui a proposé un poste de 'Hotliner Gallus' à compter du 1er octobre 2018 dans les conditions suivantes :

- un salaire de base fixe d'un montant brut annuel sur 12 mois de 36 000 euros,

- une partie variable ( type BSC) déterminée en fonction de la réalisation des objectifs définis pouvant représenter 5% de la rémunération de base fixe,

- un coefficient à C14,

- un temps de travail sous la forme d'une convention de forfait en jours de 212 jours annuels,

- un poste basé au siège de [Localité 4],

- un plan de formation lui permettant d'intégrer le poste ( formation produits Gallus, SAP, process hotline, visites d'intégration chez Gallus).



Par courrier du 20 septembre 2018, Monsieur [N] a refusé ce poste au motif que cette proposition entrainait une modification importante de son contrat de travail et un changement de son lieu de travail l'éloignant de manière conséquente de son domicile.



Par courrier du 25 septembre 2018, la société prenant acte de ce refus l'a informé qu'aucun autre poste disponible compatible avec son état de santé au sein de l'entreprise ne permettait son reclassement.



Par courrier du 26 septembre 2018, elle l'a convoqué à un entretien préalable à un licenciement le 8 octobre 2018 et l'a licencié, le 15 octobre 2018, pour inaptitude et impossibilité de reclassement.



Contrairement à ce qu'indique la société Heidelberg France, la proposition de poste de Hotliner Gallus faite à Monsieur [N] qui entraînait une baisse de sa rémunération fixe de 46 000 euros sur 13 mois à 36 000 euros sur douze mois constituait une modification de son contrat de travail. La circonstance selon laquelle il lui était également octroyé la possibilité de percevoir une rémunération variable, par nature aléatoire, pouvant représenter 5 % de sa rémunération fixe était sans incidence, étant observé au surplus que son contrat de travail prévoyait déjà à son profit une rémunération variable quand bien même était elle de moindre ampleur ( 3% de sa rémunération fixe) que celle attachée au nouveau poste qui lui était proposée.



Pour ce seul motif, le refus de poste opposé par le salarié à la société n'était pas abusif.



Si par ailleurs, il est établi que le poste de Ressource Manager évoqué par Monsieur [N] n'était pas disponible au moment son licenciement, la société Heidelberg France ne verse aux débats aucune pièce permettant de démontrer qu'aucun poste compatible avec les préconisations du médecin du travail n'était alors disponible au sein de l'entreprise au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, aménagements, adaptations ou transformations de postes existants ou aménagement du temps de travail.



Dans ces circonstances, la seule proposition de poste faite au salarié ne permet pas à l'entreprise de justifier qu'elle a satisfait à son obligation de reclassement.



Le licenciement de Monsieur [N] est donc sans cause réelle et sérieuse.



Le salarié peut en conséquence prétendre aux indemnités de rupture.



L'indemnité de licenciement et l'indemnité compensatrice prévues à l'article L.1226-14 du code du travail susvisé sont calculées conformément à l'article L.1226-16 du même code sur la base du salaire moyen qui aurait été perçu par l'intéressé au cours des trois derniers mois s'il avait continué à travailler au poste qu'il occupait avant la suspension du contrat de travail provoquée par l'accident du travail ou la maladie professionnelle. Pour le calcul de ces indemnités, la notion de salaire est définie par le taux personnel, les primes, les avantages de toute nature, les indemnités et les gratifications qui composent le revenu.



Au vu des pièces produites, le salaire de référence à prendre en compte est, tel qu'invoqué par Monsieur [N], de 4 820, 63 euros.



S'agissant de l'ancienneté du salarié, il est acquis que Monsieur [N] a été engagé par la société Heidelberg France par contrat du 20 octobre 2015 à compter du 1er janvier 2016 avec reprise de son ancienneté au sein du groupe Heidelberg de 4 ans et 5 mois de sorte qu'il peut se prévaloir au moment de son licenciement, le 15 octobre 2018 d'une ancienneté de 7 ans et 2 mois.



En vertu des dispositions conventionnelles qui reprennent les dispositions de l'article R1234-2 du code du travail, Monsieur [N] aurait dû percevoir une indemnité de licenciement calculée sur la base d'un quart de mois de salaire par année d'ancienneté jusqu'à 10 ans d'ancienneté tenant compte conformément à l'article R1234-1 des mois de service accomplis au-delà des années pleines soit une somme totale de 17 272, 31 euros.



Monsieur [N] ayant déjà perçu à ce titre la somme de 8 358, 80 euros, il lui reste dû une somme de 8 913, 51 euros que la société sera condamnée à lui payer.



Le jugement sera infirmé sur ce point.



S'agissant de l'indemnité compensatrice, au vu des pièces produites, Monsieur [N] qui aurait pu prétendre à un préavis de 3 mois, est bien-fondé à solliciter à ce titre une somme de 14 461, 90 euros.



Le jugement sera confirmé sur ce point.



Monsieur [N] peut également solliciter en sus de ces indemnités l'indemnité prévue par l'article

L.1226-15 du code du travail dont il résulte que le licenciement est prononcé en méconnaissance des dispositions relatives au reclassement du salarié déclaré inapte prévues aux articles L. 1226-10 à L. 1226-12 et que celui-ci ne réclame pas sa réintégration, le juge octroie une indemnité au salarié dont le montant ne peut être inférieur au salaire brut des six derniers mois conformément à l'article L.1235-3-1.



En raison de l'âge du salarié au moment de son licenciement, de son ancienneté au sein de la société, du montant de la rémunération qui lui était versée, de son aptitude à retrouver un emploi et des justificatifs produits sur sa situation professionnelle postérieure au licenciement, la cour fixe le préjudice matériel et moral qu'il a subis du fait de la perte injustifiée de son emploi à la somme de 38 565,04euros.



La société sera condamnée à lui payer cette somme.



Le jugement sera confirmé.



Sur la demande reconventionnelle en restitution des sommes versées au titre des condamnations prononcées par le conseil de prud'hommes



Le présent arrêt constitue le titre ouvrant droit, le cas échéant, à la restitution des sommes versées en exécution de celui-ci.



Il n'y a donc pas lieu d'ordonner le remboursement des sommes perçues au titre de l'exécution provisoire.



Sur les dépens et l'indemnité de procédure



La société Heidelberg France qui succombe, sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.



Il apparait en outre équitable de la condamner à verser à Monsieur [N] la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles exposés en en appel en sus de l'indemnité lui ayant été allouée de ce chef par le conseil de prud'hommes.



PAR CES MOTIFS,



La cour,



Statuant par arrêt contradictoire,



Confirme le jugement rendu par le conseil de prud'hommes de Montmorency du 17 juin 2020 sauf en sa disposition relative à l'indemnité complémentaire de licenciement,



Condamne la société Heidelberg France à payer à Monsieur [S] [N] la somme de 8 913, 51 euros à titre d'indemnité spéciale de licenciement complémentaire,



Y ajoutant,



Dit n'y avoir lieu d'ordonner la restitution des sommes versées par la société Heidelberg en application du jugement du conseil de prud'hommes,



Condamne la société Heidelberg France à payer à Monsieur [S] [N] la somme de 1 500 euros pour les frais irrépétibles exposés en appel en application de l'article 700 du code de procédure civile en sus de l'indemnité allouée par le conseil de prud'hommes à ce titre,



Condamne la société Heidelberg France aux dépens de première instance et d'appel,





- Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- Signé par Madame Régine CAPRA, Présidente et par Madame Anne-Sophie CALLEDE, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.





LE GREFFIER,LA PRÉSIDENTE,

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