6 juillet 2022
Cour d'appel de Colmar
RG n° 22/00045

Chambre 20

Texte de la décision

n° minute : 35/2022









































Copie exécutoire à :







- Me Laetitia RUMMLER







- Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY







Le 6 juillet 2022







La Greffière,



REPUBLIQUE FRANCAISE



AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR



CHAMBRE DES URGENCES





ORDONNANCE DE REFERE





N° RG 22/00045 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H3JL



mise à disposition le 6 juillet 2022







Dans l'affaire opposant :





Mme [E] [M] épouse [T]

M. [C] [T]

Mme [X] [T]

demeurant [Adresse 1]

[Localité 3]



Représentés par Me Laetitia RUMMLER, avocate à la cour





- partie demanderesse au référé -







M. [K] [D]

Mme [U] [V] épouse [D]

demeurant [Adresse 2]

[Localité 3]



Représentés par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocate à la cour





- partie défenderesse au référé -









Nous, Pascale BLIND, présidente de chambre à la cour d'appel de Colmar, agissant sur délégation de Madame la première présidente, assistée lors des débats de Isabelle MULL, greffière, et de la mise à disposition de la décision de Corinne ARMSPACH-SENGLE, greffière, après avoir entendu, en notre audience publique de référé du 22 juin 2022, les avocats des parties en leurs conclusions et observations et avoir indiqué qu'une décision serait rendue ce jour, statuons publiquement, par mise à disposition d'une ordonnance contradictoire, comme suit :






Selon contrat avec effet au 16 novembre 2015, les époux [D] ont donné à bail à Madame [E] [M] épouse [T], Madame [X] [T], Monsieur [C] [T] un logement meublé de cinq pièces situé [Adresse 1], moyennant un loyer mensuel de 820 euros, provisions sur charges incluses.

Par acte introductif d'instance du 23 janvier 2019, Madame [U] [V] épouse [D] et Monsieur [K] [D] ont saisi le tribunal d'instance de Mulhouse aux fins de faire constater la résiliation du bail consécutivement à un congé pour vendre, ordonner l'expulsion des occupants et obtenir la fixation d'une indemnité mensuelle d'occupation d'un montant de 900 euros par mois.

Par jugement du 24 décembre 2021, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Mulhouse a :

- déclaré la demande recevable

- requalifié le contrat de bail consenti le 15 octobre 2015 en contrat de bail d'habitation non meublé

- rejeté la demande de nullité du congé délivré le 24 mars 2018

- constaté la validité du congé délivré le 24 mars 2018, avec prise d'effet au 15 octobre 2018

- dit en conséquence que le bail a pris fin le 15 octobre 2018

- condamné Madame [E] [M] épouse [T], Madame [X] [T], Monsieur [C] [T] ainsi que tous occupants de leur chef, à évacuer de corps et de biens les lieux loués, dans le délai de deux mois à compter du commandement d'avoir à libérer les lieux

- dit qu'à défaut de libération volontaire à cette date, il pourra être procédé à leur expulsion, au besoin avec le concours de la force publique, après accord de l'autorité administrative compétente

- rejeté la demande d'astreinte des époux [D]

- fixé le montant de l'indemnité d'occupation mensuelle à la somme de 900 euros, charges comprises, sous réserve de la justification de la régularisation annuelle

- condamné in solidum Madame [E] [M] épouse [T], Madame [X] [T], Monsieur [C] [T] ou celui qui se maintiendrait indûment dans les lieux à payer aux époux [D] cette indemnité d'occupation mensuelle à compter du 16 octobre 2018 et ce, jusqu'à la libération effective des lieux matérialisée par la remise des clés entre les mains du bailleur

- rappelé que toutes les sommes versées par les consorts [T] depuis le 16 octobre 2018, au titre du paiement des loyers et charges, viennent nécessairement en déduction de leur condamnation à s'acquitter d'une indemnité d'occupation depuis l'échéance du bail

- condamné in solidum Madame [E] [M] épouse [T], Madame [X] [T], Monsieur [C] [T] aux dépens ainsi qu'à payer aux époux [D] une indemnité de 800 euros, en application de l'article 700 du code de procédure civile

- ordonné l'exécution provisoire.







Madame [E] [M] épouse [T], Madame [X] [T], Monsieur [C] [T] ont interjeté appel de cette décision, par déclaration du 8 février 2022.

Par acte d'huissier délivré le 14 juin 2022, Madame [E] [M] épouse [T], Madame [X] [T], Monsieur [C] [T] ont fait assigner en référé devant le premier président la cour d'appel de Colmar Madame [U] [V] épouse [D] et Monsieur [K] [D] aux fins d'obtenir, sur le fondement de l'article 524 du code de procédure civile, le sursis à exécution provisoire du jugement et voir dire que les dépens de la présente instance suivront le sort de l'instance principale.

Aux termes de leur assignation et de leurs conclusions déposées le 21 juin 2022, soutenues à l'audience du 22 juin 2022, les demandeurs exposent que Madame [M] épouse [T], âgée de 63 ans, a été placée sous curatelle renforcée du 16 octobre 2013 jusqu'au 13 mars 2018, que Madame [X] [T] et Monsieur [C] [T] sont âgés respectivement de 43 ans et de bientôt 46 ans, qu'ils présentent des affections médicales chroniques et qu'il leur est difficile de trouver dans les meilleurs délais un autre logement.

Ils soutiennent que la mesure d'expulsion entraînerait pour eux des conséquences manifestement excessives dès lors qu'elle est irréversible et porte atteinte à leur droit au logement et au double degré de juridiction. Ils rappellent qu'ils font valoir au fond que le congé délivré est nul, comme ne respectant ni la forme, ni le fond imposé par la loi de 1989 et qu'ils ont toujours payé le loyer et les charges.



Aux termes de leurs écritures déposées le 22 juin 2022 et soutenues contradictoirement à l'audience, les époux [D] concluent au rejet de la demande et sollicitent que les dépens suivent le sort de la procédure principale.

Ils contestent les irrégularités invoquées par la partie adverse quant au congé et expliquent qu'ils sont dans l'obligation de vendre le bien pour pouvoir acquérir un logement adapté à la situation de handicap de leur enfant.

Ils relèvent que les demandeurs ne justifient d'aucune recherche de relogement et ne démontrent pas être dans l'impossibilité de se reloger mais souhaitent simplement se maintenir dans les lieux de manière abusive, n'ayant pas hésité à exercer un chantage sur les bailleurs en leur indiquant qu'il ne partiraient que sous condition d'un versement de 15 000 euros en espèces et la prise en charge des frais de déménagement.




SUR CE



L'instance devant le tribunal ayant été introduite antérieurement au 1er janvier 2020, il convient de faire application de l'article 524 du code de procédure civile, dans sa version antérieure au décret du 11 décembre 2019.

Aux termes de l'article 524 précité, lorsque l'exécution provisoire a été ordonnée, elle ne peut être arrêtée, en cas d'appel, que par le premier président et dans les cas suivants :



1° si elle est interdite par la loi ;

2° si elle risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives ; dans ce dernier cas, le premier président peut aussi prendre les mesures prévues aux articles 517 à 522.





En l'espèce, l'exécution provisoire n'est pas interdite par la loi.

Le caractère manifestement excessif des conséquences de l'exécution provisoire ordonnée doit être apprécié par rapport à la situation du débiteur de l'obligation, sans qu'il y ait lieu d'analyser la régularité ou le bien-fondé du jugement frappé d'appel.

Il est rappelé que la mesure d'expulsion est prévue par la loi et poursuit un but légitime en ce qu'elle préserve les droits de propriété sur un bien immobilier.

S'il s'agit d'une mesure irréversible, comme l'exposent les demandeurs, il leur appartient de démontrer qu'ils subissent des répercussions excédant le degré de sévérité habituelle propre à ce type de mesure.

Or, les consorts [T] ne justifient pas avoir procédé à une recherche de logement, ni d'une impossibilité de se reloger, alors qu'ils sont informés de l'intention des propriétaires de récupérer leur bien depuis plus de trois ans.

Le certificat médical du 16 juin 2022, de même que les notifications de la MDPH, démontrent simplement que Madame [X] [T] et sa famille présentent des affections médicales chroniques et un handicap nécessitant « une aide pour effectuer un déménagement », comme l'indique le médecin.

Il n'est aucunement établi ni même prétendu qu'il leur faudrait retrouver un logement adapté à un handicap.

Par ailleurs, la mesure de protection ordonnée à l'égard de Madame [M] épouse [T] a été levée le 13 mars 2018.

Les demandeurs n'ont pas plus justifié de leur situation financière. Il n'est pas contesté qu'ils payent régulièrement les loyers et charges, ce qui donne à penser qu'il n'existe pas de difficultés financières faisant obstacle à l'obtention d'un nouveau bail.

Enfin, les conséquences manifestement excessives résultant de leur obligation de quitter les lieux sont d'autant moins établies qu'ils font valoir au fond, ainsi qu'il résulte de leurs conclusions récapitulatives du 11 mai 2022 versées au présent dossier, qu'ils vivent dans le logement loué auprès des défendeurs dans des conditions d'hygiène déplorables, et sans eau chaude ni chauffage.

Par conséquent, le risque de conséquences manifestement excessives lié à l'exécution provisoire du jugement du 24 décembre 2021 n'est pas établi et il n'y a pas lieu d'ordonner le sursis à son exécution.

Conformément à la demande conjointe des parties, les dépens de la présente instance suivront le sort de ceux de l'instance au fond.

















PAR CES MOTIFS



Statuant par décision contradictoire, après débats en audience publique,



Rejetons la demande de Madame [E] [M] épouse [T], de Madame [X] [T] et Monsieur [C] [T] tendant au sursis à l'exécution provisoire du jugement rendu le 24 décembre 2021 par le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Mulhouse ;



Disons que les dépens de la présente instance suivront le sort de ceux de l'instance au fond.



La greffière, La présidente,

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