7 juillet 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-18.471

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C200808

Titres et sommaires

SECURITE SOCIALE - Caisse - Union pour le recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) - Contrôle - Opérations de contrôle - Objet - Contrôle de l'application des dispositions du code de la sécurité sociale - Application de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale - Pouvoirs d'investigation de l'agent chargé du contrôle - Demande d'informations auprès d'un tiers à la société contrôlée

Il résulte de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dont les dispositions sont d'interprétation stricte, que les agents de contrôle ne peuvent recueillir des informations qu'auprès de la personne contrôlée et des personnes rémunérées par celle-ci. Viole les articles L. 243-7 et R. 243-59 de ce code, dans leur rédaction applicable au litige, la cour d'appel qui ne tire pas les conséquences légales de ses constatations, dont il résultait que les renseignements n'avaient pas été demandés auprès de la société contrôlée

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 7 juillet 2022




Cassation


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 808 F-B

Pourvoi n° R 20-18.471



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 7 JUILLET 2022

La Société [5], société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° R 20-18.471 contre l'arrêt rendu le 30 juin 2020 par la cour d'appel de Nîmes (chambre sociale), dans le litige l'opposant à l'union de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) de Languedoc-Roussillon, dont le siège est [Adresse 3], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Rovinski, conseiller, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la Société [5], de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de l'URSSAF de Languedoc-Roussillon, et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 7 juin 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Rovinski, conseiller rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Catherine, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Nîmes, 30 juin 2020), à la suite d'un contrôle portant sur les années 2011 à 2013, l'URSSAF de Languedoc-Roussillon (l'URSSAF) a adressé à la Société [5] (la société) une lettre d'observations comportant plusieurs chefs de redressement, suivie d'une mise en demeure.

2. La société a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale.

Examen des moyens

Sur le premier moyen, ci-après annexé


3. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Mais sur le second moyen, pris en sa première branche

Enoncé du moyen

4. La société fait grief à l'arrêt de rejeter son recours, alors « que tout « contrôle » de l'organisme de recouvrement doit être réalisé dans le respect des garanties de procédure contradictoire offertes au cotisant en vertu de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale ; que les inspecteurs de l'URSSAF sont en mesure de solliciter de la part de l'entreprise contrôlée les documents utiles au contrôle et d'interroger les personnes rémunérées par cette dernière ; qu'est en revanche entaché de nullité le contrôle au cours duquel les inspecteurs ont sollicité et obtenu la production de pièces détenues, non par la personne objet du redressement ou par ses salariés, mais par des personnes tierces - peu important qu'elles interviennent au sein d'un même groupe - sans avoir sollicité préalablement ces pièces auprès de la personne contrôlée et sans les lui avoir communiquées ; qu'en l'espèce la société s'est prévalue de la nullité du chef de redressement « acomptes, avances, frais non récupérés » en ce qu'il repose sur le recueil par les inspecteurs de l'URSSAF du témoignage d'une personne tierce à la société, monsieur [I], responsable du service comptable de la société [8] ; qu'en écartant ce moyen et en validant le chef de redressement en cause tout en constatant qu' « il est incontestable que les inspecteurs de l'URSSAF se sont entretenus avec M. [I] alors que conformément aux dispositions de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale qui sont d'application stricte, ils ne peuvent procéder qu'à l'audition de personnes salariées de l'entreprise contrôlée », la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L. 243-7 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale. »

Réponse de la Cour

Vu les articles L. 243-7 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dans leur rédaction applicable au litige :

5. Il résulte du second de ces textes, dont les dispositions sont d'interprétation stricte, que les agents de contrôle ne peuvent recueillir des informations qu'auprès de la personne contrôlée et des personnes rémunérées par celle-ci.

6. Pour valider le chef de redressement « acomptes, avances, prêts non récupérés », l'arrêt retient que s'il est incontestable que les inspecteurs de l'URSSAF se sont entretenus avec le responsable de la société [8] alors que, conformément aux dispositions de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale qui sont d'application stricte, ils ne peuvent procéder qu'à l'audition de personnes salariées de l'entreprise contrôlée, il n'en demeure pas moins que le redressement résulte de l'analyse par les inspecteurs des documents remis directement par la société, que ce tiers n'a pas été le seul interlocuteur des inspecteurs qui, préalablement à cette audition, avaient interrogé les personnes « mandatées » par la société, lesquelles leur avaient apporté des réponses sauf sur ce chef de redressement et que l'audition litigieuse n'avait eu aucune incidence sur le respect du principe du contradictoire, dans la mesure où le tiers, mis en relation à l'initiative de la société avec les inspecteurs, ne leur avait apporté aucun élément significatif de nature à modifier leur position sur le chef de redressement.

7. En statuant ainsi, alors que les renseignements n'avaient pas été demandés auprès de la société contrôlée, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les textes susvisés.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi, la Cour :

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 30 juin 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Nîmes ;

Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel d'Aix-en-Provence ;

Condamne l'URSSAF de Languedoc-Roussillon aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par l'URSSAF de Languedoc-Roussillon et la condamne à payer à la Société [5] la somme de 3 000 euros ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du sept juillet deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la Société [5] ([7])

PREMIER MOYEN DE CASSATION
(régularité de la procédure de contrôle)

La Société [7] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'AVOIR déclarée mal fondée en son recours et de l'en AVOIR déboutée, et de l'AVOIR condamnée à payer à l'URSSAF de Languedoc-Roussillon la somme de 14.454 € en deniers ou quittances, outre les majorations de retard complémentaire, ainsi qu'au paiement de la somme de 2.500 € en application de l'article 700 du code de Procédure Civile et d'AVOIR rejeté ses demandes plus amples ou contraires ;

ALORS QUE selon l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue du décret n° 2013-1107 du 3 décembre 2013, la lettre d'observations que l'organisme de recouvrement doit envoyer à l'issue d'un contrôle exercé en application de l'article L. 243-7, doit être adressée exclusivement à la personne qui est tenue, en sa qualité d'employeur, aux obligations afférentes au paiement des cotisations et contributions qui ont fait l'objet du contrôle ; qu'en l'espèce la Société [7] s'est prévalue de la nullité de la procédure de contrôle et de redressement motif pris de ce que la lettre d'observations du 16 octobre 2014 ne lui avait pas été notifiée à l'adresse de son siège social, mais à l'un de ses établissements secondaires (l'établissement [Adresse 4]), établissement qui ne disposait pas de la qualité d'employeur tenu aux obligations afférentes au paiement des cotisations et contributions qui ont fait l'objet du contrôle ; qu'au soutien de ce moyen la société a fait valoir que la lettre d'observations mentionnait avoir été adressée « [Adresse 6], ce qui constitue l'adresse de l'établissement [Adresse 4] et non du siège social de la société [7] ; qu'il ressort des propres constatations de l'arrêt que « l'URSSAF a adressé une lettre d'observations datée du 16 octobre 2014 par lettre recommandée avec accusé de réception, revenu signé, à l'adresse suivante : « SAS Société [5] ; En la personne de son représentant légal ; [Adresse 6] ; [Adresse 9] ; [Localité 2] » (arrêt p. 11 § 3) ; que pour valider néanmoins le redressement, la cour d'appel a retenu qu'en dépit de la mention d'une adresse erronée sur la lettre d'observations - la « [Adresse 6] » - la régularité de l'envoi n'était pas viciée « dès lors que l'identité de la société est correcte et qu'il n'existe aucune confusion possible sur le destinataire » (arrêt p. 11 § 4) ; qu'en statuant ainsi, la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses constatations desquelles il ressort que la lettre d'observations n'a pas été envoyée à l'adresse postale du siège social de la Société [7], a violé l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale pris en sa version applicable au litige.

SECOND MOYEN DE CASSATION (subsidiaire)
(Chef de redressement « acomptes, avances, frais non récupérés »)

La Société [7] fait grief à l'arrêt confirmatif attaqué de l'AVOIR déclarée mal fondée en son recours et de l'en AVOIR déboutée, et de l'AVOIR condamné à payer à l'URSSAF de Languedoc-Roussillon la somme de 14.454 € en deniers ou quittances, outre les majorations de retard complémentaire, ainsi qu'au paiement de la somme de 2.500 € en application de l'article 700 du code de Procédure Civile et d'AVOIR rejeté ses demandes plus amples ou contraires ;

1/ ALORS QUE tout « contrôle » de l'organisme de recouvrement doit être réalisé dans le respect des garanties de procédure contradictoire offertes au cotisant en vertu de l'article R. 243-59 du code de la sécurité sociale ; que les inspecteurs de l'URSSAF sont en mesure de solliciter de la part de l'entreprise contrôlée les documents utiles au contrôle et d'interroger les personnes rémunérées par cette dernière ; qu'est en revanche entaché de nullité le contrôle au cours duquel les inspecteurs ont sollicité et obtenu la production de pièces détenues, non par la personne objet du redressement ou par ses salariés, mais par des personnes tierces - peu important qu'elles interviennent au sein d'un même groupe - sans avoir sollicité préalablement ces pièces auprès de la personne contrôlée et sans les lui avoir communiquées ; qu'en l'espèce la Société [7] s'est prévalue de la nullité du chef de redressement « acomptes, avances, frais non récupérés » en ce qu'il repose sur le recueil par les inspecteurs de l'URSSAF du témoignage d'une personne tierce à la société, monsieur [I], responsable du service comptable de la société [8] ; qu'en écartant ce moyen et en validant le chef de redressement en cause tout en constatant qu' « il est incontestable que les inspecteurs de l'URSSAF se sont entretenus avec M [I] alors que conformément aux dispositions de l'article R243-59 du code de la sécurité sociale qui sont d'application stricte, ils ne peuvent procéder qu'à l'audition de personnes salariées de l'entreprise contrôlée » (arrêt p. 17 § 2), la cour d'appel, qui n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, a violé les articles L.243-7 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale ;

2/ ALORS QU'est entaché de nullité le contrôle au cours duquel les inspecteurs ont sollicité et obtenu la production de pièces détenues, non par la personne objet du redressement ou par ses salariés, mais par des personnes tierces - peu important qu'elles interviennent au sein d'un même groupe - sans avoir sollicité préalablement ces pièces auprès de la personne contrôlée, et sans les lui avoir communiquées ; que pour valider le chef de redressement « acomptes, avances, frais non récupérés » en dépit de l'audition irrégulière d'une personne tierce à la Société [7], la cour d'appel a retenu, d'une part, que le redressement résultait également de l'analyse par les inspecteurs de documents remis par la société ainsi que de l'audition d'autres personnes « mandatées » par la Société et, d'autre part, que le responsable du service comptable de la société [8] auditionné par l'URSSAF (monsieur [I]) n'avait pas apporté d'éléments significatifs de nature à modifier la position des inspecteurs (arrêt p. 17 § 3) ; qu'en statuant ainsi, par des motifs insusceptibles de régulariser la procédure affectée d'un vice substantiel en ce qu'elle repose pour partie sur l'audition illégale d'une personne tierce à l'entreprise, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L.243-7 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale ;

3/ ALORS QU'en se fondant, pour valider la procédure en dépit de l'audition par les inspecteurs d'une personne tierce, sur le motif impropre selon lequel le responsable du service comptable de la société [8] interrogé par les inspecteurs de l'URSSAF leur avait été présenté par la société [7], cependant que cette circonstance n'autorisait pas les inspecteurs de l'URSSAF de solliciter directement auprès d'un tiers des documents et informations qui n'avaient pas été directement demandés à la personne contrôlée, la cour d'appel n'a pas légalement justifié sa décision au regard des articles L.243-7 et R. 243-59 du code de la sécurité sociale.

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