5 juillet 2022
Cour d'appel d'Orléans
RG n° 19/03686

Chambre Civile

Texte de la décision

1265248720890131

COUR D'APPEL D'ORLÉANS



C H A M B R E C I V I L E





GROSSES + EXPÉDITIONS : le 05/07/2022

la SCP STOVEN PINCZON DU SEL

Me Alexis DEVAUCHELLE



ARRÊT du : 05 JUILLET 2022



N° : - : N° RG 19/03686 - N° Portalis DBVN-V-B7D-GB7W





DÉCISION ENTREPRISE : Jugement du Tribunal de Grande Instance d'ORLEANS en date du 30 Octobre 2019



PARTIES EN CAUSE



APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265248720890131



Madame [R] [T] épouse [J]

née le 01 Juin 1949 à PARIS (75015)

6 rue Froidevaux

75014 PARIS



représentée par Me Clémence STOVEN-BLANCHE , avocat au barreau d'ORLEANS



D'UNE PART



INTIMÉES : - Timbre fiscal dématérialisé N°: 1265246357113427



La SA ALLIANZ IARD, immatriculée au RCS de NANTERRE sous le n° 542 110 291, agissant poursuites et diligences de son président du conseil d'administration, Mr [P] [U], demeurant en cette qualité audit siège

1 cours Michelet

92076 PARIS LA DEFENSE France



représentée par Me Alexis DEVAUCHELLE, avocat postulant au barreau d'ORLEANS et par Me Jean DECHEZLEPRETRE DESROUSSEAUX de la SELARL CABINET DECHEZLEPRETRE, avocat au barreau de PARIS,



La SELAFA MJA prise en la personne de son représentant légal, ès qualité de «mandataire liquidateur» de la SARL «JEAN FEUILLADE» inscrite au RCS de Paris sous le n° 307 131 482 suivant jugement rendu par le Tribunal de Commerce de Paris le 29 avril 2014

102 rue du faubourg Saint-Denis

CSA 10023

75479 PARIS CEDEX 10



n'ayant pas constitué avocat



D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du :29 Novembre 2019


ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 03 mai 2022




COMPOSITION DE LA COUR



Lors des débats, du délibéré :




Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de chambre,

Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller,

Madame Laure Aimée GRUA, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles.




Greffier :




Madame Fatima HAJBI, Greffier lors des débats et du prononcé.




DÉBATS :



A l'audience publique du 09 MAI 2022, à laquelle ont été entendus Monsieur Laurent SOUSA, Conseiller, en son rapport et les avocats des parties en leurs plaidoiries.



ARRÊT :



Prononcé le 05 JUILLET 2022 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.




FAITS ET PROCÉDURE



Suivant acte authentique du 9 avril 2008 faisant suite à un compromis de vente du 30 janvier 2008, Mme [R] [T] épouse [J] a vendu à M. [C] [Z] et Mme [B] [Z], avec le concours de la société Agence Jean Feuillade suivant mandat signé le 1er février 2007, un bien immobilier situé lieudit «'Ouest de Rabajou'», 42 rue de Rabajou à Chilleurs Aux Bois (Loiret) pour le prix de 232'500 euros.



Constatant l'apparition de fissures, M. et Mme [Z] ont sollicité du juge des référés une mesure d'expertise judiciaire à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 19 juillet 2013.



L'expert judiciaire a attribué l'apparition de ces fissures à un phénomène de gonflement et dessiccation des argiles imputables à la sécheresse de l'été 2003, période à partir de laquelle Mme [J] a constaté l'apparition sur les murs, plafonds et sol de l'immeuble d'importantes fissures au titre desquelles elle est intervenue auprès du maire de la commune de Chilleurs aux Bois afin qu'il sollicite pour la commune la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle.



Par acte d'huissier de justice du 9 juin 2016, M. et Mme [Z] ont fait assigner Mme [J] devant le tribunal de grande instance d'Orléans en indemnisation de leurs préjudices sur le fondement des articles 1792 et suivants, subsidiairement 1641 et suivants et encore plus subsidiairement 1382 du code civil.



Par acte des 15 et 18 juillet 2016, Mme [J] a fait assigner la SELAFA MJA ès qualités de liquidateur de la société Agence Jean Feuillade et a appelé en garantie la société Allianz Iard ès qualités d'assureur de responsabilité civile professionnelle de la société Jean Feuillade.

Par jugement en date du 30 octobre 2019 assorti de l'exécution provisoire, le tribunal de grande instance d'Orléans a':

- condamné Mme [J] à payer à M. et Mme [Z] la somme de 223'918,62 euros en réparation de leurs préjudices';

- dit Mme [J] mal fondée en son appel en garantie à l'encontre de la société Allianz Iard';

- prononcé la mise hors de cause de la société Allianz Iard';

- condamné Mme [J] à payer à M. et Mme [Z] la somme de 4'000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile';

- laissé à la société Allianz Iard la charge de ses frais irrépétibles';

- condamné Mme [J] aux dépens comprenant ceux de la procédure de référé et les frais d'expertise judiciaire tenant compte des sondages de la société Géotechnique et fait application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile au profit de Maître [S] [K] et de la SCP Lemaignen Wlodyka De Gaullier, avocats près la cour d'appel d'Orléans.



Par déclaration en date du 29 novembre 2019, Mme [J] a interjeté appel de ce jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de voir constater la faute de l'agence immobilière, l'a dit mal fondée en son appel en garantie à l'encontre de la société Allianz Iard, a prononcé la mise hors de cause de la société Allianz Iard, l'a déboutée de sa demande tendant à obtenir la garantie de l'assureur de l'agent immobilier pour toutes les condamnations prononcées au profit de M. et Mme [Z] en ce compris l'article 700 et les dépens en ce compris les frais d'expertise, l'a déboutée de sa demande de condamnation de la société Allianz au titre de l'article 700 et des dépens.



L'appel n'était dirigé qu'à l'encontre de la société Allianz Iard et de la SELEFA MJA ès qualités de mandataire liquidateur de la société Agence Jean Feuillade, à l'exclusion de M. et Mme [Z].



La déclaration d'appel a été signifiée à la SELAFA MJA ès qualités de mandataire liquidateur de la société Agence Jean Feuillade, par acte d'huissier de justice du 14 janvier 2020 délivrée à personne morale, mais l'intimé n'a pas constitué avocat.



Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique le 14 avril 2022 à la société Allianz Iard et à la SELAFA MJA ès qualités de liquidateur de la société Agence Jean Feuillade, par acte d'huissier de justice du 22 avril 2022, Mme [T] épouse [J] demande à la cour de':

- la recevoir en son appel et la déclarer bien fondée';

- infirmer le jugement en ce qu'il déboute Mme [J] en son appel en garantie à l'encontre de la société Allianz Iard, en ce qu'il prononce la mise hors de cause de cette société, et en ce qu'il déboute Mme [J] de sa demande tendant à obtenir la condamnation de cet assureur de la garantir du paiement de toutes sommes mises à sa charge, en ce compris l'article 700 et les dépens, au profit de M. et Mme [Z], et en ce qu'il la déboute de sa demande tendant à obtenir la condamnation de ce même assureur à lui verser une indemnité sur le fondement de l'article 700, ainsi qu'aux entiers dépens';

Statuant à nouveau,

- la recevoir en son appel en garantie';

- constater que l'agence immobilière Jean Feuillade a commis une faute dans l'exécution de sa prestation contractuelle au préjudice de Mme [J]';

En conséquence,

- ordonner l'inscription au passif de la liquidation de cette agence immobilière de sa créance qui se décompose comme suit':

préjudice matériel': 239'523,26'€

préjudice moral': 10'000'€

article 700': 5'000'€

outre les dépens d'appel,

- condamner la société Allianz Iard, en sa qualité d'assureur responsabilité civile professionnelle de l'agence Feuillade, d'avoir à garantir son assurée du paiement de toutes sommes dues à Mme [J]';

En conséquence,

- condamner la société Allianz Iard d'avoir à lui verser les sommes suivantes':

préjudice matériel': 239'523,26'€

préjudice moral': 10'000'€

article 700': 5'000'€

Outre les dépens d'appel.



Suivant conclusions récapitulatives notifiées par voie électronique à l'appelante le 30 mars 2022, la société Allianz Iard demande à la cour de':

À titre principal,

- rejeter les demandes de dommages et intérêts de Mme [J] à son encontre s'agissant de demandes nouvelles et étant irrecevables';

- confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré mal fondé l'appel en garantie de Mme [J] à son encontre et prononcé sa mise hors de cause';

Subsidiairement,

- confirmer le jugement entrepris en tous ses points et,

- débouter Mme [T] épouse [J] de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions en tant qu'elles sont dirigées à son encontre, en sa qualité d'assureur responsabilité civile professionnelle de l'agence immobilière Jean Feuillade';

Subsidiairement,

- dire qu'elle est recevable et bien fondée à refuser sa garantie en raison de la faute dolosive de son assurée l'agence Feuillade, laquelle par son abstention volontaire sinon sa complicité directe a faussé l'élément aléatoire du contrat';

- débouter Mme [T] épouse [J] et toute autre partie de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions en tant qu'elles sont dirigées à son encontre en sa qualité d'assureur responsabilité civile professionnelle de l'agence Immobilière Jean Feuillade';

Plus subsidiairement,

- réduire les préjudices allégués par Mme [J] à de plus justes proportions';

- débouter Mme [T] épouse [J] et toute autre partie de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions en tant qu'elles sont dirigées à son encontre en sa qualité d'assureur responsabilité civile professionnelle de l'agence immobilière Jean Feuillade';

- rejeter l'ensemble des demandes, fins et conclusion formulés à son encontre';

En tout état de cause,

- condamner Mme [T] épouse [J] et/ou tout succombant à lui payer la somme de 5'000'€ en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile';

- condamner Mme [T] épouse [J] et/ou tout succombant aux entiers dépens dont distraction au profit de Maître Alexis Devauchelle, avocat aux offres de droit, en application des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.

Il convient de se référer aux conclusions récapitulatives des parties pour un plus ample exposé des moyens soulevés.



La cour a interrogé les parties sur l'éventuelle irrecevabilité de la demande de fixation d'une créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Agence Jean Feuillade au regard des dispositions des articles L.622-21 et suivants du code de commerce, le jugement d'ouverture de la procédure collective étant antérieure à l'instance en paiement d'une somme d'argent formée à l'encontre du débiteur en liquidation judiciaire.



Le 12 mai 2022, la société Allianz Iard a indiqué s'en rapporter à justice sur la question de l'éventuelle irrecevabilité de la demande de fixation d'une créance au passif de la liquidation judiciaire de la société Agence Jean Feuillade.





Par note en délibéré communiquée par RPVA le 17 mai 2022, Mme [J] a indiqué que si le jugement d'ouverture est antérieur à l'instance en paiement d'une somme formée à l'encontre de l'agence Feuillade, l'assignation délivrée à son encontre faisait suite à une procédure de référé expertise entreprise suivant assignation délivrée à celle-ci le 7 juin 2013, soit antérieurement au jugement d'ouverture de liquidation judiciaire en date du 29 avril 2014'; que conformément aux dispositions de l'article L.622-22 du code de commerce, l'instance en cours a régulièrement été reprise après déclaration de créance entre les mains du liquidateur'; que la créance déclarée a fait l'objet d'une contestation et le tribunal de commerce de Paris a, selon ordonnance en date du 15 septembre 2015, constaté qu'une instance était en cours avant de dire qu'il n'y a lieu à statuer'; que la cour reste donc parfaitement compétente pour fixer une créance éventuelle au passif de cette liquidation judiciaire.




SUR QUOI, LA COUR,



Il convient de constater que sur interrogation de la cour quant à la recevabilité de sa demande de fixation d'une créance au passif de la liquidation de la société Agence Jean Feuillade, Mme [J] a justifié avoir déclaré sa créance qui a été soumise à la procédure normale de vérification du passif, et a produit une décision du juge commissaire du 15 septembre 2015 aux termes de laquelle celui-ci a constaté l'existence d'une instance en cours, à savoir l'instance de référé, et dit n'y avoir lieu à statuer.



L'ordonnance du juge-commissaire constatant l'existence d'une instance en cours est revêtue de l'autorité de la chose jugée et dessaisit le juge-commissaire (Cass. com., 6'juillet 2010, pourvoi n°'09-16.403). Il s'ensuit que la demande de fixation d'une créance au passif de la société Agence Jean Feuillade est donc recevable devant la présente juridiction.



Sur la recevabilité des demandes de l'appelante



La société Allianz Iard soutient que Mme [J] n'a pas sollicité en première instance sa garantie au titre d'un préjudice matériel ou moral qu'elle sollicite en cause d'appel'; qu'il s'agit d'une demande nouvelle irrecevable en application de l'article 564 du code de procédure civile.



Mme [J] fait valoir qu'aux termes de l'article 565 du code de procédure civile, les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge même si leur fondement juridique est différent'; que devant le tribunal, elle avait sollicité la condamnation de l'assureur à la garantir du paiement de toutes sommes mises à sa charge, en ce compris l'article 700 et les dépens, au profit de M. et Mme [Z]'; que le tribunal l'a condamnée à payer à M. et Mme [Z] la somme de 223'918,62 euros, en principal, outre une indemnité de 4'000 euros au titre de l'article 700 et les dépens'; qu'elle justifie avoir versé aux époux [Z] la somme totale de 239'523,26 euros'; qu'elle est parfaitement fondée à solliciter le remboursement de cette somme qui constitue bien son préjudice matériel subi en raison de la faute de l'agence'; qu'en outre la demande d'indemnisation de son préjudice moral n'est pas nouvelle puisqu'elle poursuit la même fin, à savoir obtenir une indemnisation, sur un moyen différent.



L'article 564 du code de procédure civile prohibe les nouvelles prétentions en cause d'appel, sous peine d'irrecevabilité relevée d'office, si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.



L'article 565 du code de procédure civile dispose toutefois que «'les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent'».

Devant le tribunal, Mme [J] avait sollicité que soit constatée la faute de l'agence immobilière et que son assureur soit condamné à la garantir du paiement de toutes tes sommes mises à sa charge. Elle sollicitait donc l'indemnisation du préjudice subi à raison de la faute commise par l'agence immobilière.



Les demandes de Mme [J] en cause d'appel formées à l'encontre de la société Allianz Iard, y compris au titre du préjudice moral, tendent donc aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, à savoir l'indemnisation des préjudices qui auraient été causés par la faute de l'agent immobilier.



Les demandes de l'appelante ne sont donc pas nouvelles et seront déclarées recevables.



Sur la responsabilité de l'agent immobilier



L'appelante soutient que l'agence immobilière a visité les lieux à une date où les fissures étaient nécessairement apparentes puisque les travaux n'ont été entrepris que dans le courant de l'été 2007, soit postérieurement à cette visite'; qu'alors que l'agence immobilière avait personnellement constaté l'existence de ces fissures, elle ne justifie pas avoir alerté les acquéreurs sur la nécessité de se préoccuper de l'origine de celles-ci'; qu'il appartenait à l'agence immobilière de conseiller a minima aux vendeurs de missionner un architecte pour vérifier l'état de l'immeuble'; que l'agence a préféré estimer l'immeuble à une valeur de 295'000 euros, laissant ainsi sous-entendre que celui-ci ne souffrait d'aucune difficulté technique alors qu'il était multi-fissuré au moment de sa visite ce qui ne pouvait que conforter les vendeurs dans leur croyance'; que le tribunal a inversé la charge de la preuve en lui reprochant de ne pas avoir informé l'agence immobilière sur l'origine des fissures, alors qu'il appartenait à celle-ci de démontrer, en sa qualité de professionnelle, qu'elle avait satisfait à son obligation de conseil en l'interrogeant sur l'origine de ces fissures et, à défaut de pouvoir identifier cette origine, en lui conseillant la désignation d'un professionnel pour en rechercher les causes'; qu'à défaut de rapporter la preuve de l'exécution de cette obligation de conseil, la responsabilité de l'agence est pleinement engagée'; qu'en tout état de cause, elle ne connaissait ni les causes, ni la gravité de ces fissures de sorte qu'il lui était matériellement impossible de renseigner l'agence sur ce point'; qu'elle n'a jamais fait réaliser une étude de sol le 11 mars 2004, et il a fallu attendre l'intervention d'un expert judiciaire et de nombreuses investigations pour déterminer une absence de fondation suffisante'; que le silence de l'agence ne pouvait que conforter Mme [J] dans son erreur sur l'état de l'immeuble vendu, et ce d'autant plus que la valeur estimée était disproportionnée par rapport à l'état réel de l'immeuble'; que l'agence immobilière a clairement manqué à ses obligations contractuelles en s'abstenant de toute action susceptible de l'éclairer utilement dans sa démarche de vente.

La société Allianz Iard fait valoir que le tribunal a retenu que Mme [J] était informée des désordres affectant son bien qui avaient pour cause l'épisode de sécheresse de l'été 2003, de sorte qu'elle avait une connaissance parfaite de la gravité de ces désordres'; qu'à quelques jours de la visite du bien par les époux [Z], la venderesse a fait procéder à de simples travaux esthétiques de rebouchage des fissures'; qu'elle a commis une réticence dolosive à l'égard de l'acquéreur'; que Mme [J] s'est placée virtuellement dans le cadre rassurant d'une vente régularisée sous l'égide d'un professionnel, en recourant à une agence immobilière parisienne éloignée du bien à vendre'; que l'agence n'a jamais fait visiter le bien aux époux [Z], M. [J] s'étant lui-même occupé de faire visiter la maison en septembre et octobre 2007'; que l'appelante affirme sans preuve que l'agence immobilière se serait rendue sur place avant la signature du mandat'; qu'il n'est pas démontré que l'agence immobilière avait connaissance de la préexistence de fissures et de la volonté du propriétaire d'entreprendre des travaux pour l'été 2007'; que l'immeuble vendu était atteint de vices cachés dont Mme [J] avait connaissance et qu'elle a volontairement dissimulés'; que Mme [J] a menti au notaire et à l'acquéreur en déclarant dans l'acte authentique que les biens objet de la vente, n'avaient subi aucun sinistre ayant donné lieu au versement d'une indemnité d'assurance garantissant les risques de catastrophe naturelle'; que les époux [Z] n'ont jamais formé aucune demande à l'encontre de l'agent immobilier et ont au contraire reproché à Mme [J] de mettre en cause l'agent immobilier'; que Mme [J] ne démontre pas avoir informé l'agent immobilier de l'origine des fissures affectant l'immeuble et l'avoir avisé des démarches entreprises pour obtenir une indemnisation au titre de la reconnaissance de l'état de catastrophe naturelle'; qu'elle n'établit donc pas le manquement de l'agent immobilier à son obligation de conseil et d'information'; que l'attitude dolosive de Mme [J] ne peut ouvrir droit à garantie'; que subsidiairement, elle est fondée à refuser sa garantie en raison de la faute dolosive de son assurée qui aurait, par son abstention volontaire sinon sa complicité directe a faussé l'élément aléatoire du contrat.



Si l'appelante fonde son action sur l'article 1231-1 du code civil, du code civil dans sa version résultant de l'ordonnance n°'2016-131 du 10 février 2016, il convient de rappeler que les relations contractuelles demeurent régies par la loi en vigueur au jour de la conclusion du contrat.



Le mandat confié par Mme [J] à la société Agence Jean Feuillade ayant été conclu le 1er février 2007, les relations contractuelles ne peuvent être régies que par les dispositions du code civil antérieures à l'ordonnance n°'2016-131 du 10 février 2016.



L'article 1147 du code civil dans sa rédaction alors applicable dispose que «'le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part'».



L'agent immobilier est tenu d'un devoir de conseil et d'information à l'égard de son mandant, dont la violation permet d'engager sa responsabilité contractuelle. Ce devoir d'information et de conseil s'apprécie au regard des informations dont l'agent et les parties disposent.



En l'espèce, le tribunal a définitivement jugé que Mme [J] était tenue à la garantie des vices cachés à l'égard des acquéreurs, M. et Mme [Z], pour avoir vendu un immeuble affecté de vices non apparents. S'agissant de l'indemnisation dont elle était redevable à l'égard des acquéreurs, le tribunal l'a fixée sur le fondement de l'article 1645 du code civil en considérant que Mme [J] avait connaissance des vices affectant le bien vendu.



Par courrier en date du 1er novembre 2003 auquel était joint plusieurs photographies figurant des fissures importantes à l'intérieur de la maison. M. [J] a écrit au maire de la commune de Chilleurs-aux-Bois en ces termes':

«'Suite à l'importante période de sécheresse subie à Rabajou et dans la région, la maison construite sur un terrain argileux s'est fissurée à plusieurs endroits (murs, sol, plafonds, fenêtres ne fermant plus) et de manière très inquiétante.

Nous avons appris que nous n'étions pas les seuls dans ce cas, ce qui nous fait espérer qu'une demande de reconnaissance de Chilleurs-aux-Bois comme «'zone sinistrée'» sera faite par vos soins auprès de la préfecture. Nous pourrons alors faire un dossier pour notre assurance'».



En application de l'arrêté du 3 février 2006 portant application de l'article 110 de la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 créant une procédure exceptionnelle d'aide pour les dommages aux bâtiments causés par la sécheresse survenue entre juillet et septembre 2003, M. et Mme [J] ont, le 29 mars 2006, déposé un dossier d'indemnisation des dégâts causés à leur bien immobilier situé à Chilleurs-aux-Bois mentionnant que les murs extérieurs s'étaient affaissés entraînant la fissuration des sols, des cloisons internes et des ouvertures, fenêtres et portes. Deux devis de réparations des désordres étaient joints à cette demande d'aide financière.



Suivant arrêté du Préfet du Loiret du 17 octobre 2006, M. [J] s'est vu attribuer une aide de 1'020,72 euros sur un montant de travaux éligibles de 3'091,15 euros «'pour le rétablissement de l'intégrité de la structure, du clos et du couvert d'un local à usage d'habitation'».



Le mandat de vente a été conclu par M. et Mme [J] avec la société Agence Jean Feuillade, située à Paris, le 1er février 2007, alors que les travaux de réfection des désordres n'étaient pas encore réalisés. Il ne peut être valablement argué que le choix d'un agent immobilier parisien pour la vente d'un bien immobilier situé dans le département du Loiret constituerait une man'uvre du vendeur, alors que l'agent immobilier a accepté ce mandat en connaissance de cause, et que la localisation du bien ne peut le délier de ses obligations contractuelles.



S'il n'est pas justifié que l'agence immobilière ait visité les lieux avant la réalisation des travaux à l'été 2007, il résulte du mandat de vente que la société Agence Jean Feuillade avait notamment pour mission de présenter, visiter et faire visiter les lieux à toute personne qu'il jugera utile, de sorte que le professionnel de l'immobilier devait connaître le bien qu'il avait pour mission de présenter et de faire visiter aux éventuels acquéreurs.



Il est établi que lors de la conclusion du mandat de vente le 1er février 2007 et jusqu'à la réalisation des travaux au mois d'août 2007, le bien immobilier qui faisait l'objet du mandat présentait d'importantes fissures qui auraient dû conduire un professionnel normalement avisé à se renseigner plus amplement auprès de son mandant sur l'origine de ces fissures et à l'informer quant aux risques éventuels à mettre ce bien en vente en l'état.



Des acquéreurs éventuels, M. et Mme [H], se sont d'ailleurs rendu compte de la nécessité de réaliser des travaux importants diminuant ainsi la valeur de la maison, ainsi qu'il résulte du courrier de ces derniers à M. et Mme [J] le 25 septembre 2007':

«'Nous comprenons que notre offre de 220'000'€ vous semble insuffisante, mais lors de nos visites nous avons constaté une somme de travaux qui nous paraît importante (fondation à revoir suite à la sécheresse, partie de toiture, assainissement') pour envisager après, une mise à notre goût de l'intérieur'».



Si aucun élément ne permet de savoir si les visites du bien immobilier par M. et Mme [H] ont eu lieu avant ou après les travaux portant sur les fissures, réalisés au mois d'août 2007, il n'en demeure pas moins que leurs observations démontrent que l'état du bien justifiait la réalisation des travaux d'ampleur, dont une simple visite de l'agence immobilière aurait permis de se rendre compte afin de conseiller le mandant et les éventuels acquéreurs sur l'état du bien.



En conséquence, l'absence d'information délivrée par son mandant quant à l'existence de fissures, ne déliait pas l'agence immobilière du devoir de se renseigner sur l'état du bien immobilier afin de le proposer à la vente, ne serait-ce que pour conseiller son mandant sur sa valeur au regard de son état.



Il n'est pas justifié aux débats que l'agence immobilière aurait informé et conseillé son mandant quant aux risques de vente du bien immobilier au regard de son état, ni qu'elle aurait délivré les informations relatives aux fissures aux acquéreurs, M. et Mme [Z], qui n'ont reçu de l'agence que quelques photographies ne permettant pas de se rendre compte de l'état réel du bien.





L'agence immobilière a donc commis une faute contractuelle à l'égard de Mme [J] ayant contribué à la vente litigieuse à M. et Mme [Z].



En revanche, il est établi que Mme [J] connaissait la cause des fissures, à savoir l'épisode de sécheresse de 2003 et la nature argileuse du sol, et avait perçu une aide financière pour réaliser des travaux portant sur la structure du bien, mais qu'elle n'a pas porté ces informations à la connaissance des acquéreurs et de l'agence immobilière. Elle n'a pas non plus averti ceux-ci de la réalisation de travaux, au mois d'août 2007, portant sur le rebouchage des fissures, lesquels s'avéraient par ailleurs insuffisants pour consolider le bien immobilier dont la structure était fragilisée par l'épisode de sécheresse.



Toutefois, la faute de la venderesse à l'égard des acquéreurs ne constitue pas un dol, qui n'a d'ailleurs pas été allégué par ces derniers, en l'absence de connaissance par Mme [J], profane en la matière, de ce que les travaux réalisés avant la vente étaient insuffisants à remédier aux désordres, alors qu'elle avait sollicité des devis de professionnels en vue de déposer une demande d'aide financière. Il n'est donc pas établi que Mme [J] se soit rendue coupable de man'uvres destinées à vicier le consentement des acquéreurs. L'assureur ne peut donc se prévaloir de l'existence d'une faute dolosive faisant obstacle au recours en garantie à l'encontre de l'agent immobilier qui a commis un simple manquement contractuel.



Sur la demande de l'assureur en exclusion de garantie



La société Allianz Iard soutient que le contrat d'assurance cite l'article L.113-1 du code des assurances, excluant la garantie lorsque les dommages proviennent d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré'; que l'agent immobilier a accepté de bénéficier d'une commission sans effectuer la moindre contrepartie et en acceptant d'être une caution de moralité sans la moindre vérification'; que si la cour considère que la responsabilité de l'agence Jean Feuillade est engagée, cela ne peut se justifier que par son attitude passive qui a corroboré des man'uvres dolosives et donc pour être complice de ce dol qui ne peut permettre de mobiliser la garantie'; qu'il ne peut être argué par un tiers au contrat que les clauses d'exclusions ne sont pas visibles, l'article L.113-1 alinéa 2 du code des assurances visant à protéger le cocontractant de l'assureur et non les tiers au contrat.



L'article L.113-1 du code des assurances dispose': «'Les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police. Toutefois, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré'».



La faute dolosive, alléguée par l'assureur, s'entend d'un acte délibéré de l'assuré commis avec la conscience du caractère inéluctable de ses conséquences dommageables, ainsi que l'a jugé la Cour de cassation (2e Civ., 20 janvier 2022, pourvoi n° 20-13.245).



En l'espèce, l'agence immobilière s'est abstenue de visiter le bien immobilier, se privant ainsi de la possibilité de connaître l'état réel de celui-ci et de conseiller utilement son mandant et les potentiels acquéreurs. Du fait de cette abstention, l'agence immobilière ne pouvait avoir conscience du caractère inéluctable des conséquences dommageables résultant de son abstention puisqu'elle ignorait la nécessité de procéder à d'importants travaux de consolidation de la structure du bien immobilier.



En conséquence, l'assureur n'établit pas que la faute de son assurée revêt un caractère dolosif susceptible d'exclure sa garantie.



Sur le préjudice de Mme [J]



L'appelante indique qu'elle a été condamnée à payer aux époux [Z] la somme de 223'918,62 euros en réparation de leur préjudice, outre une somme de 4'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et 11'344,72 euros au titre des dépens'; que ces sommes qui ont régulièrement été réglées, constituent indéniablement son préjudice'; qu'elle a été contrainte de revendre son appartement pour pouvoir indemniser M. et Mme [Z]'; qu'elle est donc fondée à solliciter la condamnation de la société Allianz Iard d'avoir à l'indemniser de son préjudice matériel à hauteur de 239'523,26 euros, outre l'indemnisation du préjudice moral à hauteur de 10'000 euros, en raison du fait qu'elle est confrontée depuis 2013 à de vives inquiétudes qui troublent son quotidien'; qu'à supposer que la cour considère que ce préjudice doit s'indemniser sur le fondement d'une perte de chance, le quantum de cette perte doit nécessairement être fixé au minimum à 90'% dès lors qu'elle n'aurait pas pris le risque de vendre dans les mêmes conditions si elle avait été pleinement informée sur la véritable valeur de l'immeuble et de la nécessité d'avoir à effectuer des réparations aussi importantes'; que, dans cette hypothèse, elle est également bien fondée à maintenir le quantum de sa demande d'indemnisation initiale, son préjudice étant également constitué par les frais de déménagement et l'obligation d'avoir à payer désormais un loyer important qui diminue d'autant son revenu.



La société Allianz Iard réplique que Mme [J] ne saurait arguer d'un quelconque préjudice, sauf à obtenir un enrichissement sans cause'; que les travaux sont la conséquence de la sécheresse de 2003, étant précisé qu'elle a perçu une indemnisation exceptionnelle qui aurait dû être utilisée pour réaliser les travaux nécessaires à l'entretien du bâtiment à cette époque ou avant la vente'; que l'existence de désordres importants dus à la sécheresse dévalorise considérablement le bien compte tenu des travaux à entreprendre, diminuant d'autant la valeur de celui-ci'; que le bien a donc été surévalué au regard des désordres importants qui l'affectaient et des nécessaires travaux de reprise en sous-'uvre qui existaient à la date de la vente'; qu'elle ne peut tout à la fois prétendre percevoir le prix qu'elle a reçu et conserver le montant des indemnités perçus pour les travaux nécessaires au bâtiment qu'elle aurait dû soit déduire le montant du prix de vente, soit réaliser elle-même'; que garantir Mme [J] des condamnations reviendrait à la faire bénéficier d'un prix de vente ne correspondant pas à l'état du bien et à l'indemnité perçue et qui aurait dû lui permettre de réaliser les travaux en bon père de famille'; que les travaux réalisés en 2007 n'étaient que des travaux a minima sans rapport avec les travaux à mettre en 'uvre'; que s'agissant du préjudice moral, les époux [Z] n'en ont pas bénéficié alors qu'ils ont eu a subir la mauvaise foi et l'attitude dolosive de leur cocontractant, le seul qu'ils aient jamais rencontré'; que cette demande est donc amorale et devra être purement et simplement rejetée.



Il est établi que l'agence immobilière a manqué à son devoir d'information et de conseil à l'égard de sa mandante, Mme [J], qui a ainsi perdu une chance de ne pas vendre son bien immobilier dans cet état ou de le vendre à d'autres conditions après en avoir informé les acquéreurs.



Cependant, Mme [J] est mal fondée à imputer au titre du préjudice le coût des travaux de remise en état du bien vendu à M. et Mme [Z], alors que ce préjudice ne résulte pas de la faute de l'agence mais de sa propre carence.



Le préjudice causé à Mme [J] par le manquement de l'agence à son obligation d'information et de conseil, qui consiste dans la perte de chance de ne pas vendre son bien immobilier dans ces conditions, sera justement réparé par l'allocation d'une somme de 10'000 euros. Il convient de fixer cette somme au passif de la liquidation judiciaire de la société Agence Jean Feuillade.



Le contrat d'assurance couvrant les conséquences pécuniaires de la responsabilité civile qui pouvait incomber à la société Agence Jean Feuillade en raison des dommages subis par autrui et imputable à son activité professionnelle, il convient de condamner la société Allianz Iard à payer à Mme [J] la somme de 10'000 euros.



Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a dit Mme [J] mal fondée en son appel en garantie à l'encontre de la société Allianz Iard et prononcé la mise hors de cause de celle-ci.



Sur les demandes accessoires



Au regard de la solution donnée au litige par le tribunal dans le litige opposant Mme [J] à M. et Mme [Z], il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné Mme [J] aux dépens comprenant ceux de la procédure de référé et les frais d'expertise judiciaire.



En revanche, la société Allianz Iard qui succombe en cause d'appel, sera condamnée aux dépens d'appel, ainsi qu'à verser à Mme [J] une somme de 2'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



PAR CES MOTIFS,



Statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire et en dernier ressort,



DÉCLARE IRRECEVABLE la demande formée par Mme [J] tendant à la fixation d'une créance de dommages-intérêts au passif de la liquidation judiciaire de la société Agence Jean Feuillade';



DÉCLARE RECEVABLES les demandes de Mme [J] à l'encontre de la société Allianz Iard';



CONFIRME le jugement en ses dispositions critiquées sauf en ce qu'il a dit Mme [J] mal fondée en son appel en garantie à l'encontre de la société Allianz Iard et prononcé la mise hors de cause de celle-ci';



STATUANT À NOUVEAU sur les chefs infirmés'et Y AJOUTANT':



FIXE la créance de Mme [J] au passif de la liquidation judiciaire de la société Agence Jean Feuillade à la somme de 10'000 euros';



CONDAMNE la société Allianz Iard à payer à Mme [J] la somme de 10'000 euros';



CONDAMNE la société Allianz Iard à payer à Mme [J] la somme de 2'000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile';



CONDAMNE la société Allianz Iard aux entiers dépens d'appel.





Arrêt signé par Madame Anne-Lise COLLOMP, Président de Chambre et Madame Fatima HAJBI, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.







LE GREFFIER LE PRÉSIDENT

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