5 juillet 2022
Cour d'appel d'Angers
RG n° 21/01226

Chambre A - Commerciale

Texte de la décision

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE







NR/IM

ARRET N°:



AFFAIRE N° RG 21/01226 - N° Portalis DBVP-V-B7F-E2Q6



Jugement du 16 Avril 2021

Juge de l'exécution de LAVAL

n° d'inscription au RG de première instance 21/00139







ARRET DU 05 JUILLET 2022





APPELANTE :



S.A. APROCHIM

[Adresse 22]

[Localité 9]



Représentée par Me Benoît GEORGE de la SELARL LEXAVOUE RENNES ANGERS, substitué par Me Camille SUDRON, avocat postulant au barreau d'ANGERS, et Me Xavier FLECHEUX, avocat plaidant au barreau de PARIS





INTIMES :



Monsieur [S] [P]

né le [Date naissance 2] 1969 à [Localité 19]

[Adresse 12]

[Localité 8]



Monsieur [R] [G]

né le [Date naissance 1] 1941 à [Localité 20]

Grand Maison

[Localité 8]



Monsieur [M] [X]

né le [Date naissance 3] 1955 à [Localité 16]

[Adresse 17]

[Localité 8]



S.C.E.A. CHANTELOUP, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège

[Adresse 14]

[Localité 8]



E.U.A.R.L. DE LA PETITE SEVAUDIERE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 18]

[Localité 8]



ASSOCIATION ENTRE [Localité 21] ET [Localité 13], agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 5]

[Localité 10]



ASSOCIATION FEDERATION POUR L'ENVIRONNEMENT EN MAYENNE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 4]

[Localité 7]



ASSOCIATION FRANCE NATURE ENVIRONNEMENT PAYS DE LOIRE, agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège

[Adresse 11]

[Localité 6]



Représentés par Me Philippe LANGLOIS de la SCP ACR AVOCATS, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 71210259, et Me Thomas DUBREUIL, avocat plaidant au barreau de VANNES





COMPOSITION DE LA COUR



L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 13 Décembre 2021 à 14 H 00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme ROBVEILLE, Conseiller, qui a été préalablement entendue en son rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



Mme CORBEL, Présidente de chambre

Mme ROBVEILLE, Conseiller

M. BENMIMOUNE, Conseiller



Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS



ARRET : contradictoire



Prononcé publiquement le 05 juillet 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;





Signé par Catherine CORBEL, Présidente de chambre, et par Sophie TAILLEBOIS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




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FAITS ET PROCÉDURE



La société Aprochim fondée en 1988 exploite dans son usine située commune de [Localité 15] en Mayenne une activité de traitement des déchets industriels, spécialisée dans la collecte, le traitement et le recyclage des matériaux souillés aux polychlorobiphényles (PCB) et aux polychloroterphényles (PCT) dont l'utilisation a été interdite et qui font l'objet d'un plan d'élimination.



Ses activités, qui relèvent du régime de l'autorisation au titre de l'article L 512-1 du code de l'environnement applicable aux installations classées pour la protection de l'environnement, sont réglementées par un arrêté préfectoral n°2006-P953 bis du 30 juin 2006 qui a autorisé l'augmentation de la capacité du centre de tri, transit, regroupement et traitement de matières souillées aux polychlorobiphényles et aux polychloroterphényles situé à [Localité 15], complété par les arrêtés n° 2009-P-1139 et n°2009-P-1140 du 13 novembre 2009 et n° 2009-P-1347 du 23 décembre 2009.



A la suite du constat au début de l'année 2011 de contaminations au PCB du lait des bovins qui paissaient sur des terres situées à proximité de l'usine Aprochim, au delà des normes autorisées par la réglementation en vigueur au sein de l'Union Européenne, ayant conduit à la mise sous séquestre de plusieurs élevages et à l'abattage de près de 400 animaux, le préfet de la Mayenne a pris plusieurs arrêtés visant à limiter les émissions de PCB issues de l'activité de l'usine Aprochim, en imposant des valeurs limites de rejet dans l'environnement extérieur à son site et en prévoyant une surveillance environnementale (notamment arrêtés des 12 avril 2012, 10 octobre 2012, 27 novembre 2014 et 11 février 2016).



Tirant les conséquences de l'annulation par le tribunal administratif de Nantes le 27 avril 2016 de l'article 1 du dernier arrêté préfectoral du 11 février 2016 fixant une valeur de seuil de concentration en PCDDF + PCBdl dans les herbages à 0,3ng TEQ/g, le préfet de la Mayenne a pris un arrêté le 27 octobre 2017 prescrivant en son article 1 que la société Aprochim devra prendre dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêté, les dispositions visant à limiter les émissions de PCB et dioxines/furanne issues de son site, dans l'environnement extérieur à son établissement, afin que les concentrations dans les herbes en PCDD/F + PCBdl à 12% d'humidité soient inférieures à la valeur de commercialisation des fourrages au niveau de l'ensemble des stations de surveillance situées à l'extérieur des limites de propriété du site (stations suivies en application de l'article 4 de l'arrêté) et ne dépassent donc pas la valeur de 1,25 pgTEQ/g et prévoyant qu'en cas de dépassement de cette valeur au niveau d'une des stations de surveillance extérieure à l'établissement, l'exploitant devra en informer, dans un délai de 24 heures à compter de la réception des résultats, l'inspection des installations classées ainsi que les propriétaires des parcelles concernées en les informant de l'interdiction de commercialisation des fourrages concernés.



L'article 3 dudit arrêté a procédé à un ajustement du plan de surveillance environnementale en détaillant les modalités de la surveillance régulière de l'impact des installations de l'usine Aprochim sur l'environnement, comprenant des analyses à effectuer selon une périodicité définie dans l'arrêté, à des points dont la localisation figure dans l'annexe 1 de l'arrêté.



Par ordonnance du 10 avril 2019, le juge des référés du tribunal de grande instance de Laval saisi par l'Association France Nature Environnement Pays de la Loire, l'association Fédération pour l'Environnement en Mayenne, l'association Entre [Localité 21] et [Localité 13], M. [R] [G], l'EARL de la Petite Sevaudière, M. [I] [H], M. [M] [X], M. [S] [P] et la SCEA Chanteloup, sur le fondement de l'existence d'un trouble manifestement illicite, a :



- ordonné à la société Aprochim de respecter les obligations issues de l'article 1 de l'arrêté du préfet de la Mayenne du 27 octobre 2017,

- ordonné à la société Aprochim de communiquer aux requérants les mesures prévues à l'article 3 de cet arrêté, dans le délai de 15 jours à compter de leurs demandes,

assortissant ces deux obligations d'une astreinte de 10 000 euros par infraction constatée, passé un délai de trois mois à compter de la signification de l'ordonnance,

- dit que l'astreinte sera liquidée, le cas échéant, par le juge de l'exécution,

- condamné la société Aprochim a payer à l'association France Nature Environnement Pays de Loire, à la Fédération pour l'Environnement en Mayenne et à [Localité 21] et [Localité 13] une provision de 3 000 euros chacune à valoir sur la réparation de leur préjudice,

- condamné la société Aprochim à payer à l'ensemble des demandeurs une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société Aprochim aux dépens.



La société Aprochim a fait appel de cette ordonnance.



Par acte d'huissier du 4 février 2021, l'Association France Nature Environnement Pays de la Loire, l'association Fédération pour l'Environnement en Mayenne, l'association Entre [Localité 21] et [Localité 13], M. [R] [G], l'EARL de la Petite Sevaudière, M. [M] [X], M. [S] [P] et la SCEA Chanteloup ont fait assigner la société Aprochim devant le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Laval aux fins de la voir condamner à leur payer solidairement la somme de 50 000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte fixée par le juge des référés, de la voir condamner à leur verser solidairement la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile



Par jugement du 16 avril 2021, le juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Laval a :



- rejeté la demande de sursis à statuer,

- liquidé l'astreinte prononcée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Laval le 10 avril 2019 à la somme de 50 000 euros,

- condamné en conséquence la société Aprochim à payer la somme de 50 000 euros à l'Association France Nature Environnement Pays de la Loire, l'association Fédération pour l'Environnement en Mayenne, l'association Entre [Localité 21] et [Localité 13], M. [R] [G], l'EARL de la Petite Sevaudière, M. [M] [X], M. [S] [P] et la SCEA Chanteloup, solidairement entre eux,

- condamné la société Aprochim à payer la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à l'Association France Nature Environnement Pays de la Loire, l'association Fédération pour l'Environnement en Mayenne, l'association Entre [Localité 21] et [Localité 13], M. [R] [G], l'EARL de la Petite Sevaudière,, M. [M] [X] , M. [S] [P] et la SCEA Chanteloup, solidairement entre eux,

- condamné la société Aprochim aux dépens.



Par déclaration reçue au greffe le 19 mai 2021, la société Aprochim a interjeté appel de cette décision en ce qu'elle a rejeté la demande de sursis à statuer, a liquidé l'astreinte prononcée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Laval le 10 avril 2019 à la somme de 50 000 euros, a condamnée en conséquence la société Aprochim à payer la somme de 50 000 euros à l'Association France Nature Environnement Pays de la Loire, l'association Fédération pour l'Environnement en Mayenne, l'association Entre [Localité 21] et [Localité 13], M. [R] [G], l'EARL de la Petite Sevaudière, M. [M] [X], M. [S] [P] et la SCEA Chanteloup, solidairement entre eux, l'a condamnée à payer la somme de 1 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à l'Association France Nature Environnement Pays de la Loire, l'association Fédération pour l'Environnement en Mayenne, l'association Entre [Localité 21] et [Localité 13], M. [R] [G], l'EARL de la Petite Sevaudière, M. [M] [X], M. [S] [P] et la SCEA Chanteloup, solidairement entre eux, ainsi qu'aux dépens; intimant l'Association France Nature Environnement Pays de la Loire, l'association Fédération pour l'Environnement en Mayenne, l'association Entre [Localité 21] et [Localité 13], M. [R] [G], l'EARL de la Petite Sevaudière, M. [M] [X], M. [S] [P] et la SCEA Chanteloup.



La société Aprochim et les intimés ont conclu.



Par arrêt du 19 octobre 2021, la cour d'appel d'Angers a confirmé l'ordonnance de référé du 10 avril 2019 en toutes ses dispositions.



Une ordonnance du 29 novembre 2021 a clôturé l'instruction de l'affaire.



MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES



Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du Code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au greffe,

- le 4 novembre 2021 pour la société Aprochim,

- le 12 novembre 2021 pour les intimés,

aux termes desquelles elles forment les demandes qui suivent.



La société Aprochim demande à la cour de :



- la recevoir en son appel, ses contestations et demandes, l'y déclarer fondée et y faisant droit,

- infirmer le jugement dont appel en ce qu'il a liquidé l'astreinte prononcée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Laval le 10 avril 2019 à la somme de 50 000 euros, a condamnée en conséquence la société Aprochim à payer la somme de 50 000 euros à l'Association France Nature Environnement Pays de la Loire, l'association Fédération pour l'Environnement en Mayenne, l'association Entre [Localité 21] et [Localité 13], M. [R] [G], l'EARL de la Petite Sevaudière, M. [M] [X], M. [S] [P] et la SCEA Chanteloup, solidairement entre eux,

statuant à nouveau,

- dire n'y avoir lieu à liquidation de l'astreinte,

- subsidiairement, la fixer à un euro symbolique,

- déclarer les intimés non fondés en toutes prétentions contraires ou plus amples et les en débouter,

En toute hypothèse,

- condamner solidairement les intimés à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux dépens de première instance et d'appel.



Les intimés demandent à la cour de :



A titre principal,

- confirmer le jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Laval du 16 avril 2021,

A titre subsidiaire,

- déclarer recevable et bien fondée leur demande,

- constater la violation par la société Aprochim de l'ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Laval du 10 avril 2019,

- condamner la société Aprochim à leur verser solidairement la somme de 50 000 euros au titre de la liquidation de l'astreinte fixée par le juge des référés du tribunal de grande instance de Laval,

En tout état de cause,

- condamner la société Aprochim à leur verser solidairement la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la société Aprochim aux dépens,

- condamner la société Aprochim aux frais d'exécution y incluant le paiement de l'émolument dû à l'huissier de justice en application des dispositions de l'article A 444-32 du code de commerce en cas de recours à tel huissier aux fins d'exécution.




MOTIFS



- Sur la liquidation de l'astreinte



Par décision du juge des référés du tribunal de grande instance de Laval du 10 avril 2019, la société Aprochim s'est vue enjointe de respecter les obligations issues de l'article 1 de l'arrêté du préfet de la Mayenne du 27 octobre 2017, sous astreinte de 10 000 euros par infraction constatée passée le délai de trois mois suivant la signification de l'ordonnance.



Sur le constat de ce que l'expertise réalisée par l'INERIS confirme que l'usine Aprochim constitue la source majeure de contamination en PCB sur la zone de [Localité 15], alors qu'elle est située dans un environnement rural avec des élevages proches, l'article 1 de l'arrêté du préfet de la Mayenne du 27 octobre 2017 oblige la société Aprochim à prendre dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêté, les dispositions visant à limiter les émission de PCB et dioxines/furanne issues de son site, dans l'environnement extérieur à son établissement, afin que les concentrations dans les herbes en PCDD/F + PCBdl à 12% d'humidité soient inférieures à la valeur de commercialisation des fourrages au niveau de l'ensemble des stations de surveillance situées à l'extérieur des limites de propriété du site et ne dépassent donc pas la valeur de 1,25 pgTEQ/g.



Dés lors, tel que retenu par le juge de l'exécution, l'ordonnance de référé du 10 avril 2019 impose à la société Aprochim, sous astreinte de 10 000 euros par infraction constatée, de remplir l'obligation de résultat pesant sur elle prévue par l'article premier de l'arrêté du 27 octobre 2017, d'une concentration dans les herbes en PCDD/F + PCBdl à 12% d'humidité, mesurée au niveau de toutes les stations de surveillance installées à l'extérieur des limites de propriété de son site, dont les emplacements ont été déterminés dans l'objectif d'être les plus représentatifs possibles de l'impact de l'activité sur l'environnement, selon la périodicité fixée à l'article 3 de l'arrêté relatif à l'ajustement du plan de surveillance environnemental, en deçà de 1,25 pgTEQ/g.



Pour solliciter la liquidation de l'astreinte à la somme de 50 000 euros, les intimés se prévalent de cinq dépassements du seuil de concentration en PCDD/F + PCBdl dans les herbages, constatés en août et en septembre 2020, à savoir :



- au mois d'août 2020 : 2,482pgTEQ/g dans les prélèvements opérés à la station de surveillance ROQF4; 1,714 pgTEQ/g dans ceux de la station MOR1,

- au mois de septembre 2020 : 1,512 pgTEQ/g dans les prélèvements effectués à la station ROB1 ; 2,234 pgTEQ/g pour ceux de la station ROQF4 et 1,488 pgTEQ/g pour ceux de la station MOR1.



Si la signification de l'ordonnance de référé du 10 avril 2019 n'est pas produite, il n'est pas contesté que ces résultats ont été constatés durant la période à laquelle l'astreinte est applicable, soit plus de trois mois suivant la signification de l'ordonnance de référé.



La société Aprochim admet les cinq dépassements du seuil de commercialisation des fourrages de 1,25pgTEG/g relevés en août 2020 et en septembre 2020, en faisant néanmoins valoir qu'elle a fait effectuer une contre-analyse par un autre laboratoire des échantillons issus du prélèvement en août 2020 effectué au point ROQF4, qui a révélé un résultant moindre, soit 1,404pgTEG/g, dont il sera observé qu'il demeure en toute hypothèse supérieur au seuil imposé par l'arrêté du 27 octobre 2017.



Pour s'opposer à la liquidation de l'astreinte prévue par l'ordonnance du 10 avril 2019, la société Aprochim soutient tout d'abord que dés lors qu'il est impossible d'établir que ces dépassements constatés en août et en septembre 2020 ont une origine postérieure à l'ordonnance de référé, aucun manquement de sa part à l'injonction assortie de l'astreinte n'est établi.



Elle fait ainsi valoir que si des valeurs supérieures au seuil ont été observées ponctuellement en août et en septembre 2020 dans l'environnement de son site d'exploitation, alors même qu'à cette période elle n'avait plus aucune activité de traitement des matériaux souillés au PCB, c'est que la date de la pollution est nécessairement ancienne, comme tenant probablement à un phénomène de remobilisation des sols s'expliquant par des conditions météorologiques exceptionnelles.



Il convient néanmoins de relever que la société Aprochim dont les activités de traitement des déchets contaminés aux PCB avec une concentration supérieure à 50p ont été suspendues par arrêté du préfet de la Mayenne du 25 novembre 2019, a été autorisée, suivant arrêté du préfet de la Mayenne du 28 février 2020, soit antérieur aux cinq dépassements invoqués, à reprendre celles-ci, sous réserve du respect de certaines mesures pour l'activité dans les halls 1 et 2 ; la suspension de l'activité demeurant pour le fonctionnement des enceintes sous vide.



La société Aprochim affirme que seule une activité de collecte et de transit des déchets aurait été reprise, tandis que les installations de traitement sous vide mais également le broyeur et la déchloreuse seraient restés à l'arrêt, même après l'arrêté du 28 février 2020.



Toutefois, outre que ses dires ne sont corroborés par aucune pièce, la société Aprochim ne démontre pas, comme le font observer les intimés, que la seule activité qu'elle reconnaît avoir poursuivie et qui crée des mouvements sur le site, ne pourrait pas être à l'origine des cinq mesures supérieures au seuil de 1,25pgTEG/g constatées à des stations de surveillance situées à moins de 500 mètre de l'usine.



Au surplus, il ressort de l'arrêté du 27 octobre 2017 que l'obligation de résultat imposée à la société Aprochim quant au taux de concentration en PCDD/F + PCBdl dans les échantillons d'herbages à prélever mensuellement toute l'année en 16 points définis dans cet arrêté, repose sur l'ensemble des événements concernant l'activité sur le site de l'usine Aprochim survenus depuis 2011 et sur l'analyse des informations collectées durant les six années écoulées, en particulier sur l'expertise réalisée par l'INERIS fin 2015 établissant que l'activité menée sur le site de l'usine Aprochim constitue la source majeure de contamination en PCB de la zone rurale située sur la commune de [Localité 15], à proximité de l'usine, dans laquelle se trouvent des exploitations pratiquant de l'élevage.



La société Aprochim admet d'ailleurs elle-même dans ses conclusions que 'la proximité de l'usine permet de présumer une origine historiquement liée aux activités de traitement de son usine', tout en concluant qu'il ne pourrait s'agir que d'une pollution ancienne dés lors qu'elle affirme que l'activité de traitement se trouvait arrêtée à la date de constatation des cinq dépassements du seuil fixé par l'arrêté du 27 octobre 2017.



Or, l'arrêté du 27 octobre 2017 ne distingue pas pour le résultat à atteindre, à savoir zéro relevé supérieur à 1,25 pgTEQ/g, selon la datation de l'origine de la pollution qui conduirait à la constatation d'une concentration supérieure au seuil, l'éventuelle résurgence d'une pollution tenant à une activité ancienne de la société Aprochim devant, le cas échéant, être prise en considération par celle-ci dans les mesures à prendre pour que les relevés opérés après l'entrée en vigueur dudit arrêté respectent le seuil imposé dont l'objectif est de garantir l'absence de contamination des animaux paissant sur des terres à proximité du site de l'usine à des niveaux dangereux et l'absence d'atteinte à la santé humaine.



Dés lors, l'infraction à l'article premier de l'arrêté du préfet de la Mayenne du 27 octobre 2017 pouvant déclencher la liquidation de l'astreinte est caractérisée par le seul constat de mesures dans les herbages prélevés à l'une des 16 stations de surveillance situées à l'extérieur des limites de propriété du site de l'usine, d'une concentration en PCDD/F + PCBdl à 12% d'humidité supérieures à 1,25 pgTEQ/g, effectuées postérieurement au délai de trois mois suivant la signification de l'ordonnance.



Au regard des résultats des mesures opérées en août et septembre 2020 sur trois des seize stations de surveillance, cinq infractions à l'arrêté du 27 octobre 2017 sont donc susceptibles de donner lieu à liquidation de l'astreinte prévue par l'ordonnance de référé du 10 avril 2019.



Pour s'opposer à la liquidation de l'astreinte prévue par l'ordonnance du 10 avril 2019, la société Aprochim soutient également qu'il existe un faisceau d'indices convergents laissant présumer la possibilité qu'une cause étrangère à la société Aprochim explique les cinq relevés allégués par les intimés.



Il incombe à la société Aprochim, sur laquelle pèse l'obligation de se conformer aux obligations prévues à l'article premier de l'arrêté du préfet de la Mayenne du 27 octobre 2017, de démontrer la preuve d'une cause étrangère expliquant les infractions à l'arrêté, justifiant le rejet de la demande de liquidation de l'astreinte.



Selon elle, les conditions climatiques rencontrées en août et en septembre 2020 suffisent à expliquer les dépassements ponctuels constatées en trois points.



Elle indique ainsi qu'au cours de l'été 2020 des records de chaleur ont été battus avec une pluviométrie particulièrement basse et explique que la sécheresse prolongée a empêché la repousse des végétaux, entraînant des phénomènes d'accumulation artificielle des substances dans les herbes qui ont conduit à altérer la représentativité de certains prélèvements opérés à cette période.



C'est cependant à juste titre que les intimés répliquent que si les conditions météorologiques de l'été 2020 expliquaient à elles seules l'augmentation de la concentration de la pollution dans les herbages contrôlés, cette augmentation devrait être constatée dans l'ensemble des prélèvements soumis aux mêmes conditions, alors que tel n'est pas le cas dés lors qu'il ressort des tableaux de suivi versés aux débats que plusieurs stations de surveillance ont subi une hausse sur les mois d'été dans une proportion largement moindre, voire infime, y compris lorsqu'elles se trouvaient situées à environ 500 mètres de l'usine (MAS1, ME2) comme pour les points où les dépassements ont été relevés.



Au vu des seules pièces produites par la société Aprochim, la preuve d'un dépassement du seuil fixé par l'arrêté du 27 octobre 2017 tenant exclusivement aux conditions climatiques, n'est pas rapportée.



Au surplus, la question de l'influence des conditions climatiques sur les phénomènes de pollution engendrée par l'activité de l'usine Aprochim était connue de la société Aprochim depuis au moins 2018, puisqu'il résulte des arrêtés du préfet de la Mayenne du 28 février 2020 autorisant la reprise sous conditions des activités de traitement et du 22 décembre 2020 portant mise en demeure de respecter les dispositions de l'article 1 de l'arrêté préfectoral du 27 octobre 2017, ainsi que des tableaux de suivi, que des dépassements avaient déjà été observés en plusieurs points extérieurs au site, en 2018 et 2019, au cours de la saison d'été qualifiée de 'période réputée sensible', conduisant la société Aprochim à s'engager dés début 2020 à mettre en oeuvre de nouvelles mesures organisationnelles pour limiter les rejets en PCB en dehors du site, durant l'été et en particulier en période de canicule.



Par ailleurs, c'est sans être contredits que les intimés expliquent que le seuil servant de référence correspond à l'addition des concentrations de deux polluants et que si le taux de PCDD/F peut résulter, en sus des émissions de l'usine Aprochim, d'autres activités humaines, le taux de PCB-DL ne peut avoir qu'une origine industrielle qui ne peut provenir que de l'usine Aprochim à proximité immédiate des points de contrôle.



Et, tel que cela est souligné par les intimés, il ressort des tableaux de suivi des prélèvements dans les herbages, que les cinq dépassements constatés tiennent essentiellement à l'augmentation du taux de PCB-DL; la seule concentration du PCB-DL relevé suffisant d'ailleurs à dépasser le seuil fixé par l'arrêté.



Ainsi, en définitive, dés lors qu'il est établit que l'injonction assortie de l'astreinte n'a pas été exécutée à cinq reprises et que la société Aprochim ne justifie pas d'une cause étrangère qui expliquerait le non respect de son obligation de respecter ses obligations imparties par l'article premier de l'arrêté du 27 octobre 2017, il y a lieu à liquidation de l'astreinte.



Subsidiairement, la société Aprochim s'estime fondée à solliciter de la cour qu'elle réduise le montant sollicité au titre de la liquidation de l'astreinte.



Aux termes de l'article L 131-4 du code des procédures civiles d'exécution, 'le montant de l'astreinte provisoire est liquidée en tenant compte du comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour l'exécuter'.

'L'astreinte provisoire ou définitive est supprimée en tout ou partie s'il est établi que l'inexécution ou le retard dans l'exécution de l'injonction du juge provient, en tout ou partie, d'une cause étrangère'.



En l'espèce, pour voir liquider l'astreinte à une somme de un euro, la société Aprochim fait valoir que la liquidation à un montant de 50 000 euros n'est pas justifiée pour cinq dépassements ponctuels, en période de forte chaleur et de sécheresse, de faible ampleur, non représentatifs au regard des 150 prélèvements réalisés annuellement auprès de 16 stations de contrôle et non significatifs en termes d'impact dés lors qu'il ressort du rapport Biomonitor pour 2020 que les vérifications concernant les productions fourragères ainsi que les viandes et laits des animaux susceptibles de consommer les fourrages issus de la zone sous surveillance n'ont pas révélé d'incidence.



Elle affirme faire tous les efforts pour respecter son obligation, alors même qu'elle ne peut pas maîtriser tous les facteurs entrant en ligne de compte, soulignant qu'elle a été autorisée à reprendre son activité le 28 février 2020 sur le constat notamment de ce qu'elle a défini un plan d'actions relatif aux principales sources d'émissions diffuses sur les différentes parties de son site et de ce qu'elle a effectué en 2019 et 2020 des travaux de nature à réduire sensiblement ces émissions.



Elle précise que depuis le mois de septembre 2020, aucun nouveau dépassement n'a été constaté dans les prélèvements effectués mensuellement.



Elle ajoute qu'elle a encore proposé récemment au préfet de la Mayenne un nouveau train de mesures destinées à limiter les émissions durant les périodes chaudes, en réponse à l'arrêté de mise en demeure du 22 décembre 2020 visant spécialement les dépassements constatés en août et septembre 2020.



Il convient néanmoins de souligner que postérieurement à l'ordonnance de référé du 10 avril 2019, la société Aprochim a vu suspendre ses activités de traitement des déchets par arrêté préfectoral du 25 novembre 2019 pris sur le constat du dépassement récurrent du seuil fixé par l'article 1 de l'arrêté du 27 octobre 2017 lors des campagnes de prélèvements d'herbe pour le mois d'août 2019 au cours duquel ont été exceptionnellement réalisées deux mesures et sur la base des rapports de l'inspection des installations classées des 17 avril 2018, 21 mai 2109 et 10 septembre 2019 concluant que les mesures d'ordre technique mises en oeuvre par la société Aprochim pour réduire les émissions diffuses de composés issus de PCB se sont révélées inefficaces.



Si la reprise sous conditions de l'activité de traitement des déchets a été autorisée par arrêté du 28 février 2020 sur le constat, d'une part, de plans d'actions mis en oeuvre depuis la suspension, comprenant notamment des travaux supplémentaires réalisés en février 2020 et train de mesures organisationnelles, d'autre part, des engagements de la société Aprochim à mettre en oeuvre de nouvelles mesures organisationnelles pour limiter les rejets de PCB en dehors du site, en période réputée sensible et en particulier en période de canicule, cela n'a pas empêché le constat de cinq infractions à l'été 2020.



La sensibilité des phénomènes de pollution engendrée par l'activité de l'usine Aprochim aux conditions climatiques estivales, en particulier en cas de forte chaleur et de sécheresse, qui était connue de la société Aprochim, n'a donc pas été traitée à temps par celle-ci pour éviter le constat à l'été 2020 des infractions, par la mise en oeuvre de mesures organisationnelles annoncées en janvier 2020, mais qui sont à nouveau présentées dans sa réponse du 8 janvier 2021 à la mise en demeure prise à son encontre par arrêté préfectoral du 22 décembre 2020.



Ainsi en définitive, c'est justement que le premier juge a considéré que la société Aprochim ne justifie pas de circonstances de nature à justifier une modération de l'astreinte.



Il convient dés lors de confirmer la décision critiquée en ce qu'elle a liquidé l'astreinte à 50 000 euros = 5 dépassements x 10 000 euros et condamné en conséquence la société Aprochim à payer la somme de 50 000 euros à l'Association France Nature Environnement Pays de la Loire, l'association Fédération pour l'Environnement en Mayenne, l'association Entre [Localité 21] et [Localité 13], M. [R] [G], l'EARL de la Petite Sevaudière, M. [M] [X] , M. [S] [P] et la SCEA Chanteloup, solidairement entre eux,



- Sur les demandes accessoires



Le jugement critiqué sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.



Partie perdante, la société Aprochim sera condamnée aux dépens d'appel et déboutée de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel.



Partie perdante, la société Aprochim sera également condamnée à payer aux intimés la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel.



Les émoluments proportionnels de recouvrement ou d'encaissement des huissiers de justice sont, en application de l'article R. 444-55 du code de commerce, à la charge du débiteur pour ceux mentionnés au numéro 128 du tableau 3-1 annexé à l'article R. 444-3 du code de commerce (recouvrement ou encaissement après avoir reçu mandat ou pouvoir à cet effet, des sommes dues en application d'une décision de justice, d'un acte ou d'un titre en forme exécutoire) et à la charge du créancier pour ceux mentionnés au numéro 129 du tableau 3-1 annexé à l'article R. 444-3 du code de commerce (recouvrement ou encaissement, après avoir reçu mandat ou pouvoir à cet effet, des sommes dues par un débiteur), auquel renvoie l'article A 444-32 du code de commerce.



Cette répartition ne peut être remise en cause par le juge, sauf lorsque la dette est due par un contrefacteur, en application de l'article R 444-55 du code de commerce, ou dans les litiges nés du code de la consommation en application de l'article R. 631-4 du code de la consommation lorsque la personne condamnée est un professionnel.



Le présent litige n'étant pas un litige de consommation, la demande des intimés tendant à voir condamner la société Aprochim aux frais d'exécution y incluant le paiement de l'émolument dû à l'huissier de justice en application des dispositions de l'article A 444-32 du code de commerce en cas de recours à tel huissier aux fins d'exécution, sera rejeté.





PAR CES MOTIFS,



La cour, statuant contradictoirement et par mise à disposition au greffe,



- CONFIRME le jugement du juge de l'exécution du tribunal judiciaire de Laval du 16 avril 2021 ;



y ajoutant,



CONDAMNE la société Aprochim aux dépens d'appel ;



CONDAMNE la société Aprochim à payer aux intimés la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel ;



DEBOUTE les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.



LA GREFFIERE LA PRESIDENTE







S. TAILLEBOIS C. CORBEL

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