6 juillet 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-12.024

Troisième chambre civile - Formation de section

ECLI:FR:CCASS:2022:C300548

Texte de la décision

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 juillet 2022




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 548 FS-D

Pourvoi n° D 21-12.024




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2022

La société Marie, société civile immobilière, dont le siège est [Adresse 1], a formé le pourvoi n° D 21-12.024 contre l'arrêt rendu le 8 avril 2019 par la cour d'appel de Basse-Terre (2e chambre civile), dans le litige l'opposant à la société Eponine, société à responsabilité limitée, dont le siège est [Adresse 2], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Andrich, conseiller, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la société Marie, de la SCP Richard, avocat de la société Eponine, et l'avis de Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Andrich, conseiller rapporteur, M. Echappé, conseiller doyen, MM. Jessel, David, Jobert, Mme Grandjean, conseillers, M. Jariel, Mme Schmitt, M. Baraké, Mme Gallet, conseillers référendaires, Mme Guilguet-Pauthe, avocat général, et Mme Berdeaux, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Basse-Terre, 8 avril 2019), la société Eponine (la locataire) est bénéficiaire d'un bail commercial à effet du 1er septembre 2006, portant sur des locaux appartenant à la société civile immobilière Marie (la bailleresse).

2. La bailleresse, qui a délivré, le 7 novembre 2014, un congé à effet du 31 août 2015, avec refus de renouvellement du bail commercial, sans offre d'une indemnité d'éviction, a notifié, le 31 août 2015, qu'elle entendait exercer son droit de repentir.

3. La locataire, invoquant être engagée dans un processus irréversible de départ lors de la renonciation de la bailleresse, a assigné celle-ci en contestation de l'exercice du droit de repentir.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

4. La bailleresse fait grief à l'arrêt de déclarer nul et de nul effet le droit de repentir qu'elle a exercé et notifié à la locataire, le 31 août 2015, et de la condamner à payer une somme à titre de dommages-intérêts, alors « que le bailleur commercial peut exercer son droit de repentir lorsque le locataire se trouve encore dans les locaux commerciaux et qu'il n'est pas personnellement engagé dans un processus irréversible de libération de ces derniers ; que l'existence d'un tel processus ne peut être caractérisée qu'au regard des démarches personnellement effectuées par le locataire en vue de sa réinstallation ; qu'en l'espèce, la société Marie a consenti un bail commercial à la société Eponine avant l'échéance duquel elle a fait délivrer, le 7 novembre 2014, un congé sans offre de renouvellement et sans offre d'indemnité d'éviction ; que le 31 août 2015, dernier jour du bail, la société Marie a exercé son droit de repentir tandis que la société Eponine occupait encore les locaux commerciaux ; qu'en jugeant que la notification de ce repentir à la société Eponine était nul et de nul effet, au motif qu'une associée et un employé de cette dernière avaient créé une autre société, la société Hugo, laquelle avait procédé à l'acquisition d'un terrain en vue de faire construire des locaux commerciaux, caractérisant ainsi l'existence d'un processus irréversible de libération des locaux commerciaux loués, tandis que les sociétés Eponine et Hugo sont des personnes morales distinctes dépourvues de tout lien juridique ou capitalistique et que le locataire n'avait entrepris aucune démarche personnelle en vue de sa réinstallation, la cour d'appel a violé l'article L. 145-58 du code de commerce. »

Réponse de la Cour

5. La cour d'appel a constaté que, pour permettre à la locataire de continuer son activité d'enseignement, la gérante et un associé de la société locataire évincée ont créé, le 19 août 2014, une société civile immobilière qui a acquis un terrain, obtenu, le 8 octobre 2014, un prêt en vue de réaliser une construction pour laquelle un permis de construire a été délivré le 5 mai 2015, et que, malgré un recours en suspension du permis de construire introduit par une société tierce avec laquelle la bailleresse partageait des intérêts stratégiques, la construction avait pu débuter le 6 juillet 2015.

6. Ayant souverainement retenu que le projet immobilier avait pour but de permettre le relogement de la locataire évincée, peu important que les démarches aient été effectuées par une personne morale distincte, dès lors que celles-ci avaient été menées dans l'intérêt de la locataire, elle a pu en déduire que le droit de repentir n'avait pas été exercé valablement.

7. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la société civile immobilière Marie aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société civile immobilière Marie et la condamne à payer à la société Eponine la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-deux et signé par lui et Mme Letourneur, greffier de chambre, qui a assisté au prononcé de l'arrêt.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour la société Marie

La société Marie fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir confirmé le jugement en ce qu'il a déclaré nul et de nul effet le droit de repentir exercé par la société Marie et notifié à la société Eponine le 31 août 2015, et de l'avoir condamnée à payer à la société Eponine la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts.

Alors que le bailleur commercial peut exercer son droit de repentir lorsque le locataire se trouve encore dans les locaux commerciaux et qu'il n'est pas personnellement engagé dans un processus irréversible de libération de ces derniers ; que l'existence d'un tel processus ne peut être caractérisée qu'au regard des démarches personnellement effectuées par le locataire en vue de sa réinstallation ; qu'en l'espèce, la société Marie a consenti un bail commercial à la société Eponine avant l'échéance duquel elle a fait délivrer, le 7 novembre 2014, un congé sans offre de renouvellement et sans offre d'indemnité d'éviction ; que le 31 août 2015, dernier jour du bail, la société Marie a exercé son droit de repentir tandis que la société Eponine occupait encore les locaux commerciaux ; qu'en jugeant que la notification de ce repentir à la société Eponine était nul et de nul effet, au motif qu'une associée et un employé de cette dernière avaient créé une autre société, la société Hugo, laquelle avait procédé à l'acquisition d'un terrain en vue de faire construire des locaux commerciaux, caractérisant ainsi l'existence d'un processus irréversible de libération des locaux commerciaux loués, tandis que les sociétés Eponine et Hugo sont des personnes morales distinctes dépourvues de tout lien juridique ou capitalistique, et que le locataire n'avait entrepris aucune démarche personnelle en vue de sa réinstallation, la cour d'appel a violé l'article L. 145-58 du code de commerce.

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