6 juillet 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-50.040

Première chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C100582

Titres et sommaires

SANTE PUBLIQUE - Lutte contre les maladies et les dépendances - Lutte contre les maladies mentales - Modalités de soins psychiatriques - Droits des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques - Mainlevée de la mesure décidée en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale - Conditions - Expertises psychiatriques

Il résulte de l'article L. 3211-12, II, du code de la santé publique que le juge ne peut ordonner la mainlevée de la mesure de soins psychiatriques prononcée en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale, lorsque les faits sont punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux personnes ou d'au moins dix ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux biens, qu'après avoir recueilli deux expertises établies par les psychiatres inscrits sur les listes mentionnées à l'article L. 3213-5-1 du code de la santé publique. Ces dispositions s'appliquent même si la mesure a pris ultérieurement la forme d'un programme de soins

SANTE PUBLIQUE - Lutte contre les maladies et les dépendances - Lutte contre les maladies mentales - Modalités de soins psychiatriques - Droits des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques - Mainlevée de la mesure décidée en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale - Conditions - Expertises psychiatriques - Mesure prenant ultérieurement la forme d'un programme de soins - Absence d'influence

Texte de la décision

CIV. 1

SG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 6 juillet 2022




Cassation


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 582 F-B

Pourvoi n° E 20-50.040




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 6 JUILLET 2022

Le procureur général près la cour d'appel de Lyon, domicilié en son parquet général, 1 rue du Palais, 69321 Lyon cedex, a formé le pourvoi n° E 20-50.040 contre l'ordonnance rendue le 9 novembre 2020 par le premier président de la cour d'appel de Lyon, dans le litige l'opposant :

1°/ à M. [O] [L], domicilié [Adresse 2], [Localité 5],

2°/ au préfet du Rhône - ARS -, dont le siège est [Adresse 1], [Localité 6],

3°/ au centre hospitalier [8], dont le siège est [Adresse 3], [Localité 4],

défendeurs à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire, les observations de la SCP Gaschignard, avocat de M. [L], après débats en l'audience publique du 31 mai 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Feydeau-Thieffry, conseiller référendaire rapporteur, Mme Duval-Arnould, conseiller doyen, et Mme Tinchon, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'ordonnance attaquée, rendue par le premier président d'une cour d'appel (Lyon, 9 novembre 2020), et les pièces de la procédure, le 29 novembre 2017, un tribunal correctionnel a dit que M. [L] avait commis des faits de dégradation volontaire d'un bien appartenant à autrui par un incendie, l'a déclaré pénalement irresponsable de ces faits en raison d'un trouble psychique ou neuro-psychique ayant aboli son discernement ou le contrôle de ses actes et a décidé, sur le fondement des articles 122-1 du code pénal et 706-135 du code de procédure pénale, son admission en soins psychiatriques sans consentement sous la forme d'une hospitalisation complète. Par arrêté du préfet du 11 avril 2018, la mesure a pris la forme d'un programme de soins.

2. Par requête du 12 octobre 2020, M. [L] a saisi le juge des libertés et de la détention d'une requête aux fins de mainlevée de la mesure.

Recevabilité du pourvoi, en ce qu'il est dirigé contre le centre hospitalier [Localité 7] de Dieu, examinée d'office

Vu les articles 609 du code de procédure civile, R. 3211-13 et R. 3211-19 du code de la santé publique :

3. Conformément aux dispositions de l'article 1015 du code de procédure civile, avis a été donné aux parties.

4. Le pourvoi formé contre le centre hospitalier [Localité 7] de Dieu, qui n'était pas partie à l'instance, n'est pas recevable.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

5. Le procureur général près la cour d'appel de Lyon fait grief à l'ordonnance de décider de la mainlevée de la mesure, alors « que selon l'article L. 3211-12, II, du code de la santé publique, le juge des libertés et de la détention ne peut statuer qu'après avoir recueilli l'avis du collège mentionné à l'article L. 3211-9 du présent code lorsque la personne fait l'objet d'une mesure de soins ordonnée en application de l'article L 3213-7 du même code ou de l'article 706-135 du code de procédure pénale à la suite d'un classement sans suite, d'une décision d'irresponsabilité pénale ou d'un jugement ou arrêt de déclaration d'irresponsabilité pénale prononcés sur le fondement du premier alinéa de l'article 122-1 du code pénal et concernant des faits punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux personnes ou d'au moins dix ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux biens ; le juge ne peut, en outre, décider la mainlevée de la mesure qu'après avoir recueilli deux expertises établies par les psychiatres inscrits sur les listes mentionnées à l'article L. 3213-5-1 du présent code ; qu'en ordonnant la mainlevée de la mesure de soins concernant M. [L], sans avoir ordonné préalablement les deux expertises, le premier président a violé l'article L. 3211-12, II, du code de la santé publique. »

Réponse de la Cour

Recevabilité du moyen

6. M. [L] conteste la recevabilité du moyen, comme étant nouveau.

7. Cependant, le moyen ne se réfère à aucune considération de fait qui ne résulterait pas des énonciations des juges du fond.

8. Le moyen, de pur droit, est donc recevable.

Bien-fondé du moyen

Vu l'article L. 3211-12, II, du code de la santé publique :

9. Il résulte de ce texte que le juge ne peut ordonner la mainlevée de la mesure de soins psychiatriques prononcée en application de l'article 706-135 du code de procédure pénale, lorsque les faits sont punis d'au moins cinq ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux personnes ou d'au moins dix ans d'emprisonnement en cas d'atteinte aux biens, qu'après avoir recueilli deux expertises établies par les psychiatres inscrits sur les listes mentionnées à l'article L. 3213-5-1 du code de la santé publique. Ces dispositions s'appliquent même si la mesure a pris ultérieurement la forme d'un programme de soins.

10. Pour accueillir la requête aux fins de mainlevée du programme de soins, l'ordonnance retient qu'aucun des certificats médicaux ne caractérise de façon circonstanciée et précise l'existence actuelle chez M. [L] de troubles mentaux de nature à compromettre la sûreté des personnes ou à porter atteinte de façon grave à l'ordre public.

11. En statuant ainsi, sans avoir recueilli les deux expertises requises par la
loi, le premier président a violé les textes susvisés.

Portée et conséquences de la cassation

12. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 1er, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

13. La cassation prononcée n'implique pas, en effet, qu'il soit à nouveau statué sur le fond, dès lors que, les délais légaux pour statuer sur la mesure étant expirés, il ne reste plus rien à juger.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

DECLARE IRRECEVABLE le pourvoi en ce qu'il est dirigé contre le centre hospitalier [Localité 7] de Dieu ;

CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 9 novembre 2020, entre les parties, par le premier président de la cour d'appel de Lyon ;

DIT n'y avoir lieu à renvoi ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de la ordonnance cassée ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du six juillet deux mille vingt-deux.


MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par le procureur général près la cour d'appel de Lyon

EN CE QUE l'ordonnance de la juridiction du premier président du 9 novembre 2020 a ordonné la main-levée de la mesure d'hospitalisation de Monsieur [O] [L] sans avoir recueilli préalablement deux expertises établies par les psychiatres inscrits sur les listes mentionnées à l'article L. 3213-5-1 du code de la santé publique (pièce 1).

Alors que le législateur a instauré un régime spécial de mainlevée des hospitalisations sans consentement faisant suite à une irresponsabilité pénale pour des faits revêtus d'une certaine gravité, en soumettant la décision du juge à une double expertise psychiatrique si le patient s'est rendu coupable d'une atteinte aux personnes punie d'une peine d'au moins cinq ans d'emprisonnement ou d'une atteinte aux biens punie d'au moins dix ans d'emprisonnement.

En l'espèce, Monsieur [O] [L] a été déclaré coupable de faits de dégradations du bien d'autrui par un moyen dangereux pour les personnes, délit puni d'une peine de 10 ans d'emprisonnement en application de l'article 322-6 du code pénal (pièce 2).

Dès lors, -le juge des libertés et de la détention ne pouvait statuer qu'après avoir recueilli l'avis du collège mentionné à l'article L. 3211-9 du code de la santé publique, exigence rappelée par l'ordonnance de la juridiction du premier président du 5 novembre 2020 (pièce 3).

Cet avis a été rendu le 6 novembre 2020 et a conclu à ta nécessité de poursuivre les soins en ambulatoire (pièce 4) .

Au regard de l'article L3211-12 II du code de la santé publique, l'avis de ce collège n'est pas suffisant si le juge envisage d'ordonner la main-levée de la mesure d'hospitalisation quelle qu'en soit la forme. Il doit préalablement avoir recueilli deux expertises psychiatriques.

Or, le conseiller délégué par le premier président a fondé sa décision de mainlevée de la mesure d'hospitalisation uniquement sur les certificats médicaux mensuels et de situation communiqués par le centre hospitalier ainsi que sur l'avis du collège d'experts.

En omettant d'ordonner à titre préalable une double expertise psychiatrique, le juge a méconnu les dispositions de l'article L3211-12 II du code de la santé publique.

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