30 juin 2022
Cour d'appel de Limoges
RG n° 21/00324

Chambre sociale

Texte de la décision

ARRET N° .



N° RG 21/00324 - N° Portalis DBV6-V-B7F-BIGEH







AFFAIRE :



S.A.R.L. CELALEX prise en la personne de son gérant





C/



S.A. AXA FRANCE IARD Représentée par le Président de son Conseil d'Administration domicilié en cette qualité audit siège., S.A.R.L. DMO INGENIERIE Représentée par son Gérant domicilié en cette qualité audit siège., S.A.R.L. MT PEINTURES représentée par son Gérant en exercice domicilié de droit audit siège, S.A.S. SMAC









JP/MS





Demande en garantie des vices cachés ou tendant à faire sanctionner un défaut de conformité











Grosse délivrée à Me Philippe CHABAUD, Me Frédéric LONGEAGNE, Me Anne DEBERNARD-DAURIAC, avocats









COUR D'APPEL DE LIMOGES



CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE



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ARRÊT DU 30 JUIN 2022



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Le trente Juin deux mille vingt deux la Chambre économique et sociale de la cour d'appel de LIMOGES a rendu l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition du public au greffe :



ENTRE :



S.A.R.L. CELALEX prise en la personne de son gérant

, demeurant [Adresse 2]

représentée par Me Rachel FELDMAN de la SELARL SAUPHAR GIBEAULT FELDMAN, avocat au barreau de PARIS, Me Anne DEBERNARD-DAURIAC, avocat au barreau de LIMOGES





APPELANTE d'une décision rendue le 15 FEVRIER 2021 par le TRIBUNAL DE COMMERCE DE LIMOGES



ET :



S.A. AXA FRANCE IARD Représentée par le Président de son Conseil d'Administration domicilié en cette qualité audit siège., demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Christophe DURAND-MARQUET, avocat au barreau de LIMOGES, Me Marie-thérèse SIMON-WINTREBERT, avocat au barreau de POITIERS





S.A.R.L. DMO INGENIERIE Représentée par son Gérant domicilié en cette qualité audit siège., demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Christophe DURAND-MARQUET, avocat au barreau de LIMOGES, Me Marie-thérèse SIMON-WINTREBERT, avocat au barreau de POITIERS





S.A.R.L. MT PEINTURES représentée par son Gérant en exercice domicilié de droit audit siège, demeurant [Adresse 4]

représentée par Me Philippe CHABAUD, avocat au barreau de LIMOGES substitué par Me Stéphane CHAGNAUD, avocat au barreau de LIMOGES





S.A.S. SMAC, demeurant [Adresse 6]

représentée par Me Frédéric LONGEAGNE, avocat au barreau de LIMOGES







INTIMEES



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Suivant avis de fixation du Président de chambre chargé de la mise en état, l'affaire a été fixée à l'audience du 17 Mai 2022. L'ordonnance de clôture a été rendue le 13 avril 2022.



Conformément aux dispositions de l'article 805 du Code de Procédure Civile, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, et Madame Johanne PERRIER,, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, magistrat rapporteur, assistés de Monsieur Claude FERLIN, Greffier, ont tenu seuls l'audience au cours de laquelle Madame Johanne PERRIER a été entendu en son rapport oral.

Les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients et ont donné leur accord à l'adoption de cette procédure.



Après quoi, Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 30 Juin 2022 par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la loi.



La mise à disposition de cette décision a été prorogée au 30 juin 2022, et les avocats des parties en on été régulièrement informés.



Au cours de ce délibéré, Madame Johanne PERRIER, a rendu compte à la Cour, composée de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, de Monsieur Jean-Pierre COLOMER, Conseiller et d'elle même. A l'issue de leur délibéré commun, à la date fixée, l'arrêt dont la teneur suit a été mis à disposition au greffe.



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LA COUR



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EXPOSE DU LITIGE :



En vue de la construction sur le site Océalim de la commune de [Localité 5] (87) d'un immeuble locatif à usage de bureaux, la société CELALEX :

- a conclu le 27 avril 2012 un premier un contrat de maîtrise d'oeuvre complète avec la société Charles Louis en vue de la conception et de la construction d' un bâtiment en structure de maçonnerie ;

- a conclu le 12 juin 2012 un second contrat avec M.[P], architecte, portant uniquement sur une mission de dépôt du permis de construire, dépôt qui a été effectué le 29 mai 2012 en y annexant une attestation thermique Bbio et le permis de construire en a été délivré le 21 septembre 2012.



Le 13 août 2012, en vue de la construction de l'immeuble, la société CELALEX a fait passer pour son compte par la société Eliaxis Conseil un contrat de maîtrise d'oeuvre avec la société DMO Ingenierie et la mission que la société CELALEX avait confiée à la société Charles Louis a été résiliée d'un commun accord le 20 août 2012.



Le bâtiment réalisé l' a en définitive été avec une structure métallique et sont intervenus à l'acte de construction :

- en qualité de maître d'oeuvre, la société DMO Ingenierie, assurée auprès de la société AXA France IARD;

- pour le lot huisseries et menuiseries, la société MAN aujourd'hu en liquidation judiciaire,

- pour le lot cloisons, faux plafonds et peintures, la société MT Peinture,

- pour le lot étanchéité -bardage, la société SMAC.



Un procès-verbal de réception des travaux avec levée des réserves est intervenu le 08 février 2013 pour les sociétés MAN et SMAC et le 20 mars 2013 pour la société MT Peinture.



Postérieurement à la réception, les occupants du bâtiment à usage de bureaux se sont plaints d'une chaleur excessive en été et d'une impossibilité de maintenir une température uniforme et correcte en période hivernale.



La société CELALEX a fait intervenir l'Apave pour une recherche de ponts thermiques par thermographie infrarouge et cette société a rendu le 18 novembre 2013 un rapport aux termes duquel elle indique qu' il existe des déperditions au niveau des menuiseries, des seuils extérieurs en béton et en partie basse en dessous du bardage' et qu'en ce qui concerne l'intérieur on observe des zones plus froides autour des menuiseries, autour des coffres des volets roulants, en partie basse des cloisons, parfois même en plein milieu des panneaux ainsi que des problèmes de mise en oeuvre de l'isolant au-dessus du faux plafond.



Le 14 novembre 2014, la société CELALEX a fait assigner la société DMO Ingenierie, la société MAN et la société MT Peinture en référé devant le tribunal de commerce de Limoges aux fins de voir organiser une mesure d'expertise judiciaire, demande à laquelle il a été fait droit par ordonnance du 14 novembre 2014. Les opérations d'expertise ont ensuite été étendues par ordonnance du 19 février 2016 à la société SMAC.



L'expert judiciaire M.[L] a déposé le 28 janvier 2019 un rapport dans lequel il retient un défaut de conception dû aux matériaux utilisés et une mauvaise mies en oeuvre des menuiseries et de la ventilation.



Le 11 juillet 2019, la société CELALEX a fait assigner au fond la société DMO Ingenierie, son assureur AXA et les sociétés MT Peinteures, MAN et SMAC devant le tribunal de commerce de Limoges qui, par jugement du 15 février 2021 :

- a donné acte à la société CELALEX de son désistement d'action à l'encontre de la société MAN en raison de sa mise en liquidation judiciaire par jugement du 28 février 2020 ;

- a débouté la société CELALEX de l'ensemble de ses demandes formées sur le fondement de la garantie décennale ;

- a condamné la société CELALEX aux entiers dépens, frais d'expertise compris, et à verser sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile:

à la société DMO Ingenierie et à la société AXA France IARD une somme de 3.000 euros,

à la société SMAC la somme de 3 000 euros,

à la société MT PEINTURE la somme de 5.000 euros.



Le 07 avril 2021, la société CELALEX a relevé appel de ce jugement.





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Aux termes de ses écritures du 14 février 2022 auxquelles il est renvoyé, la société CELALEX demande à la cour, réformant le jugement dont appel  :

A titre principal :

- de dire que la non-conformité de l'ouvrage à la RT2012 entraîne une surconsommation annuelle de l'ordre de 700 euros hors taxes, que les défauts affectant l'ouvrage ne permettent son utilisation qu'à un coût exorbitant et que les désordres l'affectant sont de nature décennale ;

- de dire que la société DMO Ingenierie, la société AXA France IARD, la société MT Peinture et la société SMAC sont présumées responsables des désordres et, en conséquence, de les condamner in solidum sur le fondement de la responsabilité décennale au paiement des sommes suivantes :

' 97.175 euros HT soit 116 611,12 euros TTC au titre du préjudice matériel ;

' 11.973,84 euros au titre de la perte des loyers ;

' 20.000 euros au titre de la perte d'une chance de vendre l'immeuble et de réaliser une plus-value ;

A titre subsidiaire  :

- de dire que la société DMO IIngénierie a manqué à son devoir d'information et de conseil et que ce manquement est en relation directe avec les désordres dénoncés ;

- de dire que la société MT Peinture et la société SMAC ont manqué à leur obligation de résultat ;

- en conséquence, de condamner in solidum la société DMO IIngénierie, la société AXA France IARD, la société MT Peinteures et la société SMAC, sur le fondement de la responsabilité contractuelle au paiement des sommes suivantes :

' 97.175 euros HT soit 116 611,12 euros TTC au titre du préjudice matériel ;

' 11 973,84 euros au titre de la perte des loyers ;

' 20.000 euros au titre de la perte d'une chance de vendre l'immeuble et de réaliser une plus-value ;

En toute hypothèse, de condamner les mêmes in solidum au paiement de la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens en ce compris les dépens de première instance et les frais d'expertise.





Aux termes de leurs écritures du 21 septembre 2021 auxquelles il est renvoyé, la société DMO Ingenierie et la société AXA France IARD demandent à la cour :

- de confirmer le jugement dont appel ;

- de dire hors de cause la société DMO IIngénierie, et par suite, son assureur, la société AXA France IARD, en l'absence d'imputabilité des désordres à l'intervention de la société DMO IIngénierie qui, aux termes de son contrat de maîtrise d'oeuvre, n'avait aucune mission thermique;

- de dire, en tout état de cause, que les désordres ne relèvent ni de l'application de la responsabilité décennale des constructeurs en l'absence d'atteinte à la solidité de l'ouvrage et d'impropriété à destination, ni de la responsabilité contractuelle en l'absence de faute et de lien de causalité entre les désordres allégués et le rôle de la société DMO Ingenierie dont le contrat prévoyait expressément "hors mission thermique" ;

En conséquence :

- de rejeter toutes demandes dirigées à l'encontre de la société DMO Ingénierie et de son assureur, la société AXA France IARD ;

- de condamner la société CELALEX à leur verser la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner la même aux entiers dépens de première instance et d'appel' lesquels seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile par Maître Simon-Wintrebert, avocat.

 



Aux termes de ses écritures du 2 août 2021 auxquelles il est renvoyé, la société SMAC demande à la cour  :

A titre principal, de confirmer le jugement dont appel ;

A titre subsidiaire, si la cour venait à réformer la décision dont appel, :

- de la dire fondée à être relevée indemne et garantie de toute condamnation susceptible d'être dirigée à son encontre par la société DMO Ingénierie et sa compagnie d'assurances AXA France IARD, la société MT Peintures et a société CELALEX ;

En conséquence :

- de condamner in solidum la société DMO Ingénierie et son assureur, la société AXA France IARD, ainsi que la société MT Peinture, à la relever indemne et à la garantir de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre ;

- de condamner la société CELALEX à conserver à sa charge toute somme imputable à la société MAN, faute par elle d'avoir régularisé la procédure à l'égard du mandataire judiciaire à la liquidation judiciaire de cette société , ou de son assureur de son assureur en responsabilité décennale, la SMABTP ;

En toute hypothèse, de condamner la société CELALEX ou toute autre partie qui succombe à lui verser une indemnité de 3.000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.



Aux termes de ses écritures du 15 septembre 2021 auxquelles il est renvoyé, la société MT Peinture demande à la cour :

A titre principal, de confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions  et de condamner la société CELALEX à lui payer une indemnité de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

A titre subsidiaire, de dire que sa responsabilité sera limitée à la somme de 345 euros HT pour les travaux de reprise de détalonnage de 15 portes ;

En toute hypothèse  :

- de dire que la société DMO IIngénierie et la société AXA France IARD la relèveront indemne de toutes condamnations mises à sa charge à la demande de la société CELALEX ;

- de condamner, en cette circonstance, in solidum, la société DMO Ingenierie et la société AXA France IARD à lui payer la somme de 5.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la partie succombante à supporter les entiers dépens de première instance et d'appel, en accordant pour ces derniers à Maître CHABAUD, avocat, le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile.






SUR CE,



La société CELALEX fonde son action contre la société DMO Ingenierie, son assureur la société AXA France IARD, la société MT Peinture et la société SMAC, à titre principal, sur le fondement de la garantie décennale de l'article 1792 du code civil et, à titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun de l'article 1231-1 du code civil.



Sur le fondement de la garantie décennale :



Aux termes de l'article 1792 du code civil, tout constructeur d'un ouvrage est responsable de plein droit des dommages qui compromettent la solidité de l'ouvrage ou qui, l'affectant dans l'un de ses éléments constitutifs ou l'un de ses éléments d'équipement, le rendent impropre à sa destination et, en application de l'article 1792-4-3 du même code, cette garantie est due pendant un délai de dix ans à compter de la réception des travaux, que celle-ci soit prononcée avec ou sans réserves.



Il est établi que, sous la maîtrise d'oeuvre de la société CELALEX, une réception des différents lots confiés aux entreprises est intervenue le 08 février 2013, notamment pour la société MT Peinture et la société SMAC, avec levée des réserves le 28 février 2013 pour la société MT Peinture et qu'une déclaration d'achèvement et de conformité des travaux en date du 23 mai 2013 a été déposée en mairie le 03 juin 2013.



Il sera donc retenu une date de réception au 8 février 2013.



Le bâtiment en question à usage de bureaux, dont la livraison a été postérieure au 28 octobre 2011, a relevé de la réglementation thermique, dite RT 2012 ,qui lui a été applicable à compter de cette date et qui oblige, avec le dépôt du permis de construire, de déposer une attestation thermique délivrée par un bureau d'étude thermique, dite BBio, laquelle calcule en nombre de points le besoin bioclimatique conventionnel en énergie du bâtiment, et qui oblige également, à l'issue de la construction, à la délivrance d'un document de conformité avec un nouveau calcul du Bbio.



En l'espèce, il est établi que :

- le permis de construire avec une façade en parpaings déposé par M.[P] le 29 mai 2012 et accepté le 21 septembre 2012 l'avait été avec une attestation BBio conforme à cette réglementation ;

- postérieurement à la délivrance de ce permis de construire, le choix technique d'une construction traditionnelle en parpaings a été abandonné au profit d'une construction avec une structure en bardage métallique, ceci sous la maîtrise d'oeuvre de la société DMO Ingenierie qui, en charge , de la direction et de l'exécution des travaux , a conclu et signé les marchés de travaux passés en ce sens avec la société MT Peinture et la société SMAC le 18 octobre 2012 ;

- un permis modificatif prenant en compte ce nouveau procédé de construction a été déposé par M. [E], architecte, le 07 mai 2013 et accordé le 21 mai 2013, donc très tardivement puisqu'après la réception des lots confiés à ces entreprises et quelques jours seulement avant la déclaration d'achèvement et de conformité des travaux qui est en date du 23 mai 2013 ;

- ce permis modificatif, qui a été déposé sous l'égide de la société DMO Ingenierie ainsi que le démontre la facture de M.[E] d'un montant de 598 euros qu'elle a visée le 10 avril 2013 ( cf pièce n°44 annexée au rapport de l'expert [L]), l'a été sans une nouvelle attestation Bbio qui aurait été indispensable compte tenu de la modification de l'enveloppe du bâtiment.



Toutefois, les désordres visés à l'article 1792 du code civil se différencient des défauts de conformité et, en l'absence de désordre, un défaut de conformité n'entre pas dans le champ de la garantie décennale. Ainsi, l'insuffisance de l'isolation thermique du bâtiment n'est susceptible de le rendre impropre à sa destination que si elle empêche de procurer une température adéquate en période estivale ou hivernale, ou si, pour ce faire, elle entraîne des dépenses anormales en énergie.



En l'espèce, l'expert M.[L] , après avoir relevé lors de sa visite sur site le 29 janvier 2015 et alors que la température extérieure était de 7°C, que la salle de réunion 'semblait normalement chauffée', a fait appel à un sapiteur, M. [R], ingénieur thermicien, lequel, après avoir procédé à la mise en place entre le 12 janvier 2016 et le 02 février 2016 de deux enregistreurs de température dans deux bureaux n° 4 et 5 et d'un autre enregistreur en extérieur, a procédé à une vérification de la conformité du bâtiment à la réglementation thermique, à l'analyse des sources d'inconfort et à une estimation de la surconsommation en énergie.



Au résultat des investigations menées par l'expert et par le sapiteur M. [R], les éléments suivants sont à retenir :



1) chaque pièce du bâtiment est équipée d'un thermostat permettant une mise en chauffe personnalisée mais ces thermostats ont une horloge paramétrée ave une coupure du chauffage à 18h30 et une remise en chauffe à partir de 4h30du matin, de sorte que, durant la période nocturne, les bureaux ne sont pas chauffés et, compte tenu de la faible inertie du bâtiment, la chute de température nocturne à l'intérieur est proportionnelle à celle de la température extérieure ; pour la période allant du 12 janvier au 02 février 2016, la chute de température constatée à été de 4°C dans l'un des bureaux et de 7° C dans l'autre ;



2) si dans le bureau n°4 orienté au Sud la température de consigne de 21° C est atteinte mais avec des variations incessantes entre 21°C et 18,5°C dues à un phénomène de régulation, dans le bureau n°4 orienté au Nord, malgré une consigne à 21°C, la température a beaucoup de mal à se maintenir à 19°C ;



2) il existe trois sources d'inconfort :

- une mauvaise étanchéité des fenêtres qui est à l'origine de la baisse rapide de la température dès que le chauffage est arrêté;

- une faible inertie du bâtiment contribuant à des variations rapides de température;

- la présence de ponts thermiques en partie basse des murs ;



3) la consommation conventionnelle d'énergie du bâtiment - dite Cep et qui est l'un des coefficients à prendre en compte pour la RT 2012 - ressort à 140,6 kWhep/m² pour un maximum réglementaire de 125,2 kWhep, soit un dépassement de 12,3 %, et une consommation en énergie primaire de 14.174 kWh par an à comparer aux consommations réelles du bâtiment qui ont été, entre février 2013 et mai 2016, de 10.050 kWh à 15.468 kWh, ces variations s'expliquant par la plus grande rigueur de l'hiver 2013/2014;



4) sur la base d'une estimation faite en respectant la valeur réglementaire du Cep, la surconsommation en énergie primaire est estimée, sur 3,333 années, à 5.372 kWh ou 841,26 euros toutes taxes comprises, soit à 252,40 euros toutes taxes comprises par an (et non 700 euros hors taxes par an comme annoncé dans les écritures de la société CELALEX)



Cette surconsommation doit être rapprochée de celle réelle qui a été en moyenne, entre février 2013 et mai 2016, de 12.438 kWh par an ou d'un coût annuel de 1948 euros toutes taxes comprises( cf annexe 3 à la note n°2 du sapiteur).



Il convient, au vu de ces chiffres, de dire que l'insuffisance de l'isolation thermique, bien qu'établie et source d'inconfort pour les utilisateurs du bâtiment, n'entraîne pas des dépense anormales en énergie et qu'elle ne relève pas d'un désordre à caractère décennal.



Le jugement dont appel sera donc suivi en ce qu'il a débouté la société CELALEX de ses demandes formées sur le fondement de la garantie décennale.





Sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun :



1) à l'encontre de la société MT Peinture et de la société SMAC :



Les dommages qui relèvent d'une garantie légale, laquelle ne s'applique que s'il y a eu réception, ne peuvent donner lieu contre les personnes tenues à cette garantie à une action en réparation sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun.



Aux termes de l'article 1792-6 du code civil, l'entrepreneur est tenu, pendant un délai de un an à compter de la réception de l'ouvrage, à une garantie de parfait achèvement qui s'étend à la réparation de tous les désordres révélés après la réception, quelle que soit leur nature, qui ne revêtent pas le caractère de gravité requis pour bénéficier de la garantie décennale, et la demande en justice au titre de la garantie de parfait achèvement doit être formée dans le délai annal suivant la date de réception.



En l'espèce, le rapport de l'Apave en date du 18 novembre 2013, établi à la demande de la société CELALEX, mettait déjà en évidence des déperditions au niveau des menuiseries et en partie basse en dessous du bardage, ainsi que des ponts thermiques autour des menuiseries, des coffres de volets roulants et des problèmes de mise en oeuvre de l'isolant au dessus du faux plafond, ce que le rapport d'expertise judiciaire a confirmé ; il doit donc être retenu que les désordres d'inconfort liés à l'insuffisance de l'isolation thermique ont été révélés à la société CELALEX, tant dans leur nature que dans leurs causes, dans l'année de la réception ci-dessus fixée au 8 février 2013.



Ces désordres sont donc rentrés dans le champ d'application de la garantie de parfait achèvement dont la société MT Peinture et la société SMAC ont été susceptibles d'être débitrices à l'égard de la société CELALEX .



Or, la demande en justice au titre de la garantie de parfait achèvement doit être formée dans le délai annal suivant la date de réception.



Il convient en conséquence, faute pour la société CELALEX d'avoir attrait la société MT Peinture et la société SMAC en justice dans ce délai annal, de relever que, forclose en une telle action, elle n'est pas recevable à rechercher ces parties sur le fondement de la responsabilité contractuelle de droit commun.





2) à l'encontre la société DMO Ingenierie et de la société AXA France IARD :



La garantie de parfait achèvement de l'article 1792-6 du code civil n'est due que par l'entrepreneur et non par le maître d'oeuvre, et laisse donc subsister la responsabilité de droit commun de la société DMO Ingenierie qui est intervenue en une telle qualité .



En application de l'article 1231-1 du code civil, l'inexécution d'une obligation oblige son débiteur à paiement de dommages et intérêts envers son créancier .



Certes, la convention de maîtrise d'oeuvre passée le 13 août 2012 entre la société Eliaxis Conseil et la société DMO Ingenierie a prévu en son article 1.2 relatif à la mission 'Etudes de projet' que les études thermiques fluide ou BA seront hors de sa mission et que 'les contrats de mission du bureau de contrôle, SPS ou BET fluides, seront souscrits directement par la société Eliaxis Conseil, la société DMO Ingenierie n'ayant aucune mission, ni responsabilité dans le choix, ni la négociation auprès de ces partenaires'.



Toutefois, alors que le premier permis de construire déposé par M.[P] et accepté le 21 septembre 2012 l'avait été pour une construction en parpaings en conformité à la RT 2012, il est démontré que, sous la maîtrise d'oeuvre de la société DMO Ingenierie, il a été réalisé, sur la base de marchés conclus par son intermédiaire le 18 octobre 2012, une construction modifiée avec une structure métallique, donc non conforme au permis de construire délivré le 21 septembre 2012 et dont la régularisation n'interviendra que très tardivement puisque la demande de permis modificatif n'a été déposée que le 07 mai 2013 après la réception des lots confiés aux entreprises et quelques jours seulement avant la déclaration d'achèvement et de conformité des travaux qui est en date du 23 mai 2013.



En outre, ce permis modificatif n'a pas été déposé en conformité à la RT 2012 puisque non accompagné d'une attestation BBio qui permet de mesurer la qualité thermique du bâtiment et qui, selon l'étude du sapiteur M.[R], aurait permis de relever un Bbio de 201, soit supérieur de + 43,57% au maximum de 140 défini par un arrêté du 26 octobre 2010, et aucun nouveau calcul du Bbio n'a été réalisé à l'issue de la construction.



La société DMO Ingenierie est mal venue à soutenir qu'elle est restée étrangère à la demande de permis modificatif puisque le 10 avril 2013 elle a donné son accord par visa à une rémunération de M.[E] pour un montant de 598 euros ( cf pièce n°44 annexée au rapport de l'expert [L])



Il sera en conséquence retenu qu'elle a commis une faute contractuelle, en première part, en assurant la maîtrise d'oeuvre d'une construction en non conformité avec le permis de construire initial, sans aucunement se soucier de la nécessité d'un permis modificatif qui ne sera sollicité que très tardivement et, en seconde part, par un manquement à un devoir de conseil, en n'attirant pas l'attention de la société CELALEX sur l'absence de l'attestation Bbio tant lors de la demande de permis modificatif qu'à l'issue des travaux de construction .



Ces manquement fautifs sont en relation de causalité directe avec les désordres constatés d'insuffisance d'isolation thermique.



Par ailleurs, la société DMO Ingénierie et la société AXA France IARD ne sont pas fondées à reprocher à la société CELALEX de faire une utilisation du bâtiment non conforme à ce qu'elle devrait faire en arrêtant le chauffage en période nocturne puisque, sans la faible inertie du bâtiment et l'étanchéité insuffisante des fenêtres, une remise en chauffe à 4h30 du matin devait permettre une remontée normale à la température souhaitée à l'heure d'ouverture des bureaux.



Par suite, la société CELALEX sera dite fondée en son action à l'encontre de la société DMO Ingenierie et de a société AXA France IARD qui devront donc supporter in solidum la réparation intégrale des dommages matériel et immatériel, sauf leur recours en garantie contre les autres constructeurs.





Sur la réparation des dommages :



1 - les travaux de reprise :



En substance, le rapport d'expertise judiciaire, en suite des préconisations du sapiteur M.[R], conclut à la nécessité :

- de revoit l'étanchéité à l'air en périphérie des menuiseries,

- de revoir le positionnement des grilles de ventilation qui se contrarient avec la VMC,

- de détalonner les portes afin de permettre une circulation cohérente de l'air,

- d'améliorer l'isolation en faux plafond,

- d'assurer la continuité de l'isolant entre le faux plafond et les parois extérieures,

- de limiter le pont thermique en partie basse du mur extérieur par la mise en place d'une liaison hermétique entre le sol et l'isolant,

et chiffre le coût des travaux de reprise à la somme HT de 97.175,94 euros ou TTC de 116.611,12 euros se décomposant comme suit :

- révision de l'étanchéité des menuiseries extérieures : 2.400 euros HT,

- détalonnages des portes : 345 euros HT,

- modification des grilles de ventilation : 130 euros HT,

- réfection de la 'coque' du bâtiment afin d'améliorer sa perméabilité à l'air et son isolation thermique en conformité à la RT 2012 : 94.300,94 euros Ht selon un devis de l'entreprise AVS du 14 mai 2018.



La société DMO Ingenierie et la société AXA France IARD émettent des réserves sur la nature des travaux, objet du devis de l'entreprise AVS, mais ne produisent aucun pièce permettant d'en remettre en cause leur nature, ou leur chiffrage.



La critique de la société SMAC qui consiste à dire que les travaux de reprise visent à une amélioration du bâtiment ne peut être prise en considération puisque ces travaux ont précisément pour finalité d'améliorer la performance thermique du bâtiment .



Par ailleurs et contrairement à ce que la société MT Peinture indique dans ces conclusions , le chiffrage retenu par l'expert judiciaire s'entend sans changement de l'ensemble des menuiseries.



En conséquence, et en l'absence de critique sérieuse de l'évaluation des travaux telle que visée ci-dessus, la société DMO Ingenierie et la société AXA France IARD seront tenues in solidum à payer à la société CELALEX la somme TTC de 116.611,12 euros.



2- la perte de loyers :



Si la société CELALEX produit un des baux conclus en février 2013 avec l'Eurl Consillys pour l'occupation de deux bureaux sur les neuf existants et le congé qui lui a donné le 25 juin 2018 par une entreprise 'Convergence' en raison d'une mauvaise isolation phonique et également thermique, elle ne produit aucune pièce attestant d'un perte financière sur revenus locatifs.



Faute pour elle de justifier de l'existence de ce préjudice, elle doit être débouté de sa demande formée à hauteur de la somme de 11.973,84 euros ;



3- la perte d'une chance :



La société CELALEX ne peut à la fois obtenir une somme conséquente pour la remise aux normes de son bâtiment et soutenir perdre une chance de pouvoir le revendre au prix normal du marché ; cette prétention, portée à hauteur de 20.000 euros, doit être écartée comme non fondée.





Sur les recours en garantie de la société DMO Ingenierie et de la société AXA France IARD:



Si la société CELALEX n'a pas intimé la société MAN, qui était parte en première instance, la société DMO Ingenierie et son assureur la société AXA France IARD disposaient de la possibilité, si elles l'estimaient utile, de former à son encontre un appel provoqué en application des articles 549, 550 et 909 du code de procédure civile ; elles n'ont pas usé de cette faculté et elles ne sont pas fondées à demander qu'une part de responsabilité, qui aurait pu être laissée à la charge de la société MAN qui a réalisé le lot menuiseries, soit supportée par la société CELALEX .



S'agissant des recours en garantie qu'elles forment contre la société MT Peinture et la société SMAC, lesquels sont régis par les dispositions de l'article 1240 du code civil, il leur appartient de faire la preuve d'une faute de ces entreprises ayant concouru à la réalisation du dommage.



La société DMO Ingenierie et la société AXA France IARD reprochent :



1°) à la société MT Peinture, qui a été en charge du lot cloisions-faux plafondun défaut de mise en oeuvre des isolants en pied de doublage et au dessus des faux plafonds : si l'absence d'isolant en faux-plafond sur les dalles - luminaires est qualifié de cohérent pour éviter un risque incendie lié à la surchauffe des luminaires, en revanche, l'absence de l'isolant ou de son arrêt avant la cloison de doublage , qui s'est révélée positive ( cf page 20 de l'analyse par thermographie du cabinet JLM annexée au rapport de M. [L]), constitue un défaut d'exécution;

de plus, l'existence des ponts thermiques en pied des cloisons de doublage, au niveau de la dalle, est révélatrice d'une mise en ouvre non optimale des matériaux ;



2°) à la société SMAC, qui a été en charge du lot étanchéité-bardage, un défaut de mise en oeuvre du bardage horizontal périphérique : certes, la non-conformité du bâtiment à la RT 2012 est essentiellement due à la structure et aux préconisations des matériaux utilisés et donc à la conception générale du bâtiment, mais il est démontré que le bâtiment présente des défauts d'étanchéité à l'air, en particulier entre les menuiseries et les murs.



Il convient en conséquence, en consudérarion de leurs manquements respectifs, de dire que la société DMO Ingenierie et la société DMO Ingenierie seront garanties et relevées indemne des condamnations ci-dessus prononcées à leur encontre à concurrence de la somme de 11.610 euros par la société MT Peinture et de 11.610 euros par la société SMAC .





Sur les frais et dépens :



La société DMO Ingenierie et la société DMO Ingenierie, qui succombent dans leurs apports avec la société CELALEX, seront tenue de verser à celle-ci une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'à supporter les dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais et honoraires de l'expertise de M. [L] ; elle seront garanties et relevées indemnes de ces condamnations à concurrence de 10% chacune par la société MT Peinture et par la société SMAC.





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PAR CES MOTIFS



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LA COUR



Statuant publiquement, par arrêt contradictoire rendu par mise à disposition au greffe et en dernier ressort,



Infirme le jugement du tribunal de commerce de Limoges en date du 15 février 2021, sauf en ses dispositions ayant débouté la société CELALEX de son action formée sur le fondement de l'article 1792 du code civil ;



Statuant à nouveau sur le fondement de l'article 1231-1 du code civil,



Dit la société CELALEX irrecevable en son action formée contre la société MT Peinture et contre la société SMAC ;



Condamne in solidum la société DMO Ingenierie et la société AXA France IARD à payer à la société CELALEX, au titre de la reprise des désordres, la somme TTC de 116.611,12 euros ;



Rejette les demandes de la société CELALEX formées au titre d'une perte de loyers et au titre d'une perte de chance ;



Vu l'article 1240 du code civil ,



Dit que la société DMO Ingenierie et la société DMO Ingenierie seront garanties et relevées indemne de la condamnation ci-dessus prononcée à leur encontre à concurrence de la somme de 11.610 euros par la société MT Peinture et de 11.610 euros par la société SMAC ;



Condamne in solidum la société DMO Ingenierie et la société AXA France IARD aux dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais et honoraires de l'expertise de M. [L] et à payer à la société CELALEX une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile ;



Dit que la société DMO Ingenierie et la société AXA France IARD seront garanties et relevées indemnes de ces condamnations aux dépens et au titre des frais irrépétibles à concurrence de 10% chacune par la société MT Peinture et par la société SMAC.









LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,











Sophie MAILLANT. Pierre-Louis PUGNET.

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