28 juin 2022
Cour d'appel de Riom
RG n° 20/00232

Chambre Sociale

Texte de la décision

28 JUIN 2022



Arrêt n°

FD/SB/NS



Dossier N° RG 20/00232 - N° Portalis DBVU-V-B7E-FLS3



[I] [E]



/



S.A. DESAMAIS DISTRIBUTION

Arrêt rendu ce VINGT HUIT JUIN DEUX MILLE VINGT DEUX par la QUATRIEME CHAMBRE CIVILE (SOCIALE) de la Cour d'Appel de RIOM, composée lors des débats et du délibéré de :



M. Christophe RUIN, Président



Mme Claude VICARD, Conseiller



Mme Frédérique DALLE, Conseiller



En présence de Mme Séverine BOUDRY greffier lors des débats et du prononcé



ENTRE :



M. [I] [E]

[Adresse 4]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représenté par Me Anicet LECATRE, avocat au barreau de MOULINS



APPELANT



ET :



S.A. DESAMAIS DISTRIBUTION prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège social sis

[Adresse 5]

[Localité 1]

Représentée par Me Olivier DUBOST suppléant Me Arnaud COCHERIL de la SELARL LEX-PART, avocat au barreau de SAINT-ETIENNE



INTIMEE





Après avoir entendu Mme DALLE, Conseiller en son rapport, les représentants des parties à l'audience publique du 09 Mai 2022, la Cour a mis l'affaire en délibéré, Monsieur le Président ayant indiqué aux parties que l'arrêt serait prononcé, ce jour, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450 du code de procédure civile.




FAITS ET PROCÉDURE





Monsieur [I] [E] a été embauché par la SA DASAMAIS DISTRIBUTION suivant contrat à durée déterminée à compter du 2 juin 2006 en qualité de préparateur de commandes, niveau 1, échelon 1, catégorie ouvrier à temps complet.



Par avenant du 26 juillet 2006, son contrat a été renouvelé pour la période du 29 juillet 2006 au 22 septembre 2006.



Le 23 septembre 2006, il a été engagé suivant contrat à durée indéterminée à temps complet.



Monsieur [E] a fait l'objet d'avertissements disciplinaires concernant sa cadence en 2012, 2013, et 2014.



A compter du 2 août 2014, il a bénéficié d'arrêts de travail pour maladie non professionnelle.



Lors de la seconde visite de reprise le 16 décembre 2014, le médecin du travail l'a déclaré inapte au poste de l'entreprise, et apte à tous postes dans un autre établissement.



Par courrier du 23 décembre 2014, Monsieur [E] a informé la société DESAMAIS DISTRIBUTION qu'il avait formulé une demande de reconnaissance professionnelle de la maladie.



Lors de la réunion des délégués du personnel du 27 janvier 2015, il a été conclu à l'absence de possibilité d'aménagement du poste de travail de Monsieur [E].



Par courrier en date du 29 janvier 2015, il a été convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé au 9 février 2015.



Suivant courrier du 12 février 2015, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.



Par courrier du 23 juillet 2015, la CPAM de l'ALLIER a refusé de reconnaître le caractère professionnel de la maladie déclarée par Monsieur [E].



Le 20 février 2015, par requête expédiée en recommandé, Monsieur [E] a saisi le conseil de prud'hommes de MOULINS aux





fins notamment de voir juger son licenciement sans cause réelle et sérieuse outre obtenir diverses sommes à titre indemnitaire.



L'audience devant le bureau de conciliation et d'orientation s'est tenue en date du 4 mars 2015 et, comme suite au constat de l'absence de conciliation (convocation notifiée au défendeur le 20 février 2015), l'affaire a été renvoyée devant le bureau de jugement.



Le 17 septembre 2015, le bureau de jugement du conseil de prud'hommes de MOULINS a ordonné la radiation de l'instance du rang des affaires en cours. Cette affaire a ensuite été réinscrite le 2 décembre 2015 sur demande de Monsieur [E].



Par jugement contradictoire en date du 19 mai 2016 (audience du 18 février 2016), le conseil de prud'hommes de MOULINS a :



- débouté Monsieur [E] de l'intégralité de ses demandes ;



- rejeté pour le surplus ;



- condamné Monsieur [E] aux éventuels dépens de la présente instance.



Le 20 mai 2016, Monsieur [E]. a interjeté appel de ce jugement qui lui a été notifié à sa personne le 20 mai 2016.



Le 23 janvier 2018, la chambre sociale de la cour d'appel de RIOM a prononcé un sursis à statuer, dans l'attente d'une décision définitive suite à la demande de reconnaissance de maladie professionnelle initiée par Monsieur [E] devant le tribunal des affaires de sécurité sociale de 1'ALLIER, et ordonné un retrait de l'affaire du rang des affaires en cours. L'affaire a été réinscrite le 7 février 2020 sur demande de Monsieur [E].



Vu les conclusions notifiées à la cour le 4 février 2020 par Monsieur [E],



Vu les conclusions notifiées à la cour le 10 juin 2020 par la société DESAMAIS DISTRIBUTION,



Vu l'ordonnance de clôture rendue le 11 avril 2022.









PRÉTENTIONS DES PARTIES





Dans ses dernières écritures, Monsieur [E] demande à la cour de :



- juger son appel recevable et fondé ;



- infirmer en toutes ses dispositions le jugement dont appel ;



Statuant à nouveau,



A titre principal :



- juger qu'il a été victime de harcèlement moral ;



-juger nul le licenciement pour inaptitude prononcé à la suite des faits de harcèlement moral ;



- condamner en conséquence la société DESAMAIS DISTRIBUTION à lui payer les sommes suivantes :



* 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour harcèlement moral,



* 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de prévention des faits de harcèlement moral,



* 25.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement nul,

* 3.273,20 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 327,32 euros brut au titre des congés payés afférents ;



A titre subsidiaire :



-juger le licenciement sans cause réelle et sérieuse pour manquement à l'obligation de reclassement et défaut de consultation régulière des délégués du personnel ;



- condamner en conséquence la société DESAMAIS DISTRIBUTION à lui payer les sommes suivantes :



* 25.000 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,



* 3.273,20 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,



* 2.678,28 euros net au titre du solde de l'indemnité spéciale de licenciement ;



En toutes hypothèses :



- condamner la société DESAMAIS DISTRIBUTION à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais irrépétibles d'instance et d'appel ;



- dire que ces sommes porteront intérêts de droit à compter :



° de la convocation de 1'employeur à. comparaître devant le bureau de conciliation pour les sommes allouées à caractère salarial ;



° du jugement dont appel pour les sommes allouées par les premiers juges à caractère indemnitaire ;



° de l'arrêt à intervenir pour les sommes allouées en plus de celles accordées par la juridiction de première instance ;



° par application des articles 1153-1 du code civil, R 1453-28, R. 1454-14 du code du travail et 515 du Code de procédure civile, il est fondé à demander au conseil de prud'hommes que les sommes qui lui seront allouées portent intérêts au taux légal à compter de cette date ;



- condamner la société DESAMAIS DISTRIBUTION aux entiers dépens.



Monsieur [E] soutient tout d'abord, sur le harcèlement moral et la nullité du licenciement, qu'il a subi une pression continuelle de son employeur assortie d'une mise à l'écart, ainsi qu'un mépris manifeste à son égard, lesquels ont engendré son état dépressif. Il ajoute avoir également subi des agressions verbales violentes, notamment de la part de Monsieur [A]. Il a en outre subi de nombreuses sanctions disciplinaires ainsi que des menaces de sanctions permanentes.



Il fait valoir que ces éléments caractérisent une méthode de management démontrant des faits répétés de harcèlement moral.



Il indique avoir également été victime de menaces physiques de la part de Monsieur [A].



Il précise que le CHSCT a interpellé la direction sur les pressions qui lui étaient infligées. Les documents médicaux confirment la dégradation de son état de santé due à ses conditions de travail En outre, son placement en arrêt maladie a eu lieu immédiatement après l'entretien qu'il a eu avec Monsieur [N], de sorte qu'il en est la conséquence directe.



Il conclut que les méthodes de management de son supérieur hiérarchique sont ainsi à l'origine de son inaptitude et ajoute qu'associée à son état de fragilité, il ressort des pièces médicales produites et de son état dépressif dans lequel il a été placé suite à la dégradation de ses conditions de ses conditions de travail. Par conséquent, il affirme que le harcèlement moral doit être retenu.



Il sollicite en conséquence la requalification de son licenciement en licenciement nul, en raison de la situation de harcèlement dont il a été victime. Il sollicite les conséquences indemnitaires de son licenciement nul et diverses sommes à titre de dommages et intérêts.



A titre subsidiaire, Monsieur [E] sollicite la requalification de son licenciement en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Au soutien de sa demande, sur l'origine professionnelle de son inaptitude, il estime démontrer parfaitement le lien entre ladite inaptitude et la pathologie subséquente aux actes de harcèlement moral dont il a fait l'objet. Il ajoute avoir simplement été déclaré inapte aux postes dans l'entreprise. Sans véritablement contester l'origine professionnelle de son inaptitude, l'employeur a néanmoins appliqué le régime professionnel pour la procédure mais n'a pas réglé les indemnités spécifiques, une telle pratique étant manifestement illégale. Les restrictions émises par le médecin du travail permettent d'identifier un lien, au moins partiel, entre son inaptitude et ses conditions de travail. La décision de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) est en outre sans incidence sur l'inaptitude du salarié.



Sur l'absence de recherches de reclassement, il rappelle que les recherches de reclassement devaient être menées au sein du groupe auquel appartient l'entreprise, celle-ci devant rapporter la preuve de 1'absence de solution de reclassement dans 1'ensemble des structures du groupe DESAMAIS. Or, elle ne rapporte pas en l'espèce la preuve de l'absence de poste disponible dans ce périmètre.



Ensuite, sur la procédure de licenciement, il indique que la consultation des délégués du personnel n'a pas été régulière, dès lors que la note qui leur a été transmise ne reprend pas expressément les conclusions du médecin du travail, de sorte qu'ils ont été privés d'une information complète et loyale rendant cette consultation irrégulière.

Il conclut, au regard de ces éléments, que son licenciement est

dénué de cause réelle et sérieuse. Il sollicite en outre les conséquences indemnitaires de son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.



Monsieur [E] sollicite enfin la condamnation de l'employeur à lui verser une somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.





Dans ses dernières écritures, la société DESAMAIS DISTRIBUTION conclut à la confirmation du jugement en toutes ses dispositions et demande à la cour, y ajoutant, de :



- dire et juger que les éléments invoqués par Monsieur [E], pris dans leur ensemble, ne permettent pas de présumer un harcèlement moral ;



- débouter Monsieur [E] de ses demandes de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de prévention, harcèlement moral et nullité du licenciement ;



- dire et juger qu'aucun manquement à l'obligation de reclassement n'est susceptible de lui être reproché ;



- dire et juger justifié le licenciement de Monsieur [E];



- en conséquence débouter Monsieur [E] de l'intégralité de ses demandes ;



- accueillant sa demande reconventionnelle, condamner Monsieur [E] à lui verser la somme de 3 000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



La société DESAMAIS DISTRIBUTION soutient qu'aucune situation de harcèlement ne peut être caractérisée. En effet, elle affirme que le salarié ne démontre jamais des faits de harcèlement, mais vient en réalité reprocher à son employeur l'exercice légitime de son pouvoir de direction. Elle fait ainsi valoir que les attestations qu'il produit aux débats ne démontrent pas la matérialité des faits, car celles-ci sont trop imprécises et se bornent à faire état d'entretiens. Elle indique que seul le caractère insatisfaisant du travail du salarié a motivé les rappels à l'ordre et sanctions dont il a fait l'objet. Les objectifs qui lui étaient assignés étaient parfaitement réalisables, et communs à chaque préparateur, de sorte que, même en l'absence de prévision contractuelle, ils lui sont parfaitement opposables. En outre, les objectifs peuvent être définis unilatéralement par l'employeur.





L'ensemble des préparateurs, à l'exception de Monsieur [E], ont rempli les objectifs ainsi fixés, alors même qu'il bénéficiait d'une expérience significative, et qu'il avait suivi deux formations en 2010 et 2012. ll n'était pas automatiquement sanctionné dès lors qu'il n'atteignait pas les objectifs, mais uniquement en cas de dérive manifeste. En conséquence, il n'a donc pas fait l'objet d'un traitement particulier. Elle conclut que le salarié verra ses demandes être rejetées



Sur le caractère justifié du licenciement, elle affirme que la procédure a été tout à fait régulière. En effet, dès lors qu'elle a été informée que le salarié avait déposé une demande de reconnaissance de maladie professionnelle auprès de la CPAM de l'ALLIER, elle a alors appliqué la procédure spécifique en sollicitant l'avis des délégués du personnel, et en faisant connaître au salarié par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement. Aucun manquement ne saurait donc lui être imputé à ce titre.



Elle ajoute avoir, par ailleurs, également parfaitement satisfait à son obligation de reclassement. Elle a en effet interrogé le salarié afin qu'il lui communique son curriculum vitae et qu'il fasse part de ses souhaits en terme de mobilité. Elle a également interrogé le médecin du travail, ainsi que la holding du groupe qui a confirmé ne pas disposer de poste compatibles avec les compétences du salarié. Elle a également procédé à des recherches en externe, notamment auprès de l'un de ses prestataires. Elle indique n'avoir pu effectuer ses recherches que dans les sociétés du groupe dans lesquelles une permutation de tout ou partie du personnel était possible. Or, en l'espèce, les sociétés exerçant sous l'enseigne EUREKA n'ont ni activité, ni organisation, ni lieu d'exploitation permettant d'effectuer une telle permutation, il ne s'agit pas de franchises mais de contrats d'agrégation pour lesquels la coopération est inexistante, elle n'avait donc pas à interroger toutes les enseignes EUREKA.



En conséquence, elle conclut que le licenciement est parfaitement fondé et justifié et que le salarié verra ses demandes rejetées.



La société DESAMAIS DISTRIBUTION sollicite enfin la condamnation du salarié à lui verser une somme de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.





Pour plus ample relation des faits, de la procédure, des prétentions, moyens et arguments des parties, conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il y a lieu de se référer à la décision attaquée et aux dernières conclusions régulièrement notifiées et visées.














MOTIFS





- Sur la demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral -



Le harcèlement, sexuel ou moral, s'intègre désormais dans une problématique plus vaste, à savoir la prévention des risques psycho-sociaux et la prise en compte juridique de la souffrance au travail.



Aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.



Ne répond pas à cette définition un acte isolé (telle une rétrogradation) ou la publicité donnée à la mise en cause de méthodes de management.



Le harcèlement moral suppose l'existence d'agissements répétés, peu importe que les agissements soient ou non de même nature, qu'ils se répètent sur une brève période ou soient espacés dans le temps, sauf si le salarié se disant victime peut le relier à une discrimination prohibée. La loi 2008-496 du 27 mai 2008 assimile à une discrimination les faits de harcèlement moral qu'elle définit comme tout agissement (singulier et non pluriel) lié à un motif discriminatoire subi par une personne et ayant pour objet ou pour effet de porter atteinte à sa dignité ou de créer un environnement hostile, dégradant, humiliant ou offensant. Une demande fondée sur un acte isolé ou unique peut donc être rejetée par le juge au titre du harcèlement moral mais retenue au titre d'une discrimination prohibée si les deux fondements sont invoqués par le salarié.



Le harcèlement peut être constitué même si son auteur n'avait pas d'intention de nuire et peu importe que l'auteur du harcèlement ait mésestimé la portée de ses actes. La mauvaise foi n'a pas à être caractérisée.



Les méthodes de gestion, l'environnement de travail, les conditions de travail peuvent aussi caractériser un harcèlement moral, même si aucune différence de traitement entre salariés n'est constatée.



La loi n'émet aucune limite quant à l'auteur potentiel d'un harcèlement moral. L'auteur du harcèlement peut être l'employeur, un supérieur hiérarchique, un collègue, un subordonné ou un tiers à l'entreprise, mais pas un médecin du travail car cela ne serait pas imputable à l'employeur.



La loi n'exige pas la caractérisation ou démonstration d'un préjudice du salarié se disant victime pour retenir le harcèlement puisqu'il suffit que les agissements soient susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. La simple possibilité d'une atteinte aux droits ou à la dignité, d'une altération de la santé physique ou mentale, d'une atteinte à l'avenir professionnel du salarié suffit. Toutefois, le plus souvent, les faits de harcèlement moral ont un impact direct sur l'état de santé du salarié.



Ne constituent pas notamment un harcèlement moral :



- l'exercice légitime par l'employeur de son pouvoir disciplinaire lorsque la sanction prononcée est justifiée et proportionnée ;



- la mise en oeuvre de mesures imposées ou justifiées par la loi;



- des mesures prises par l'employeur ayant pour seule finalité de permettre le fonctionnement permanent du service ;



- des demandes de travaux ou tâches figurant dans la fiche de poste ;



- des décisions objectives et non-discriminatoires concernant l'évolution professionnelle du salarié.



La victime d'un harcèlement peut engager une action devant le juge civil.



En application de l'article L.1154-1 du même code, en cas de litige relatif à l'application de l'article L.1152-1 et de l'article L.1153-1, il appartient au salarié concerné de présenter des éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à la partie défenderesse de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.



Il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, y compris les documents médicaux éventuellement produits, puis d'apprécier si les faits matériellement établis dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement. Sous ses conditions, contrôlées par la Cour de cassation, le juge apprécie souverainement si le salarié établit des faits permettant de présumer l'existence de harcèlement et si l'employeur prouve que les agissements invoqués sont étrangers à tout harcèlement.

Le juge doit procéder en deux étapes :



- apprécier si le salarié présente des faits matériels, précis et concordants, et si ceux-ci, dans leur ensemble, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral ou sexuel ;



- s'il estime qu'il y a bien une présomption de harcèlement, apprécier si l'employeur démontre que les éléments d'appréciation présentés par le salarié ne constituent pas un harcèlement moral ou sexuel.



En matière de harcèlement, la seule obligation du salarié est d'établir la matérialité de faits précis et concordants, à charge pour le juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral ou sexuel. La preuve du lien entre les faits et l'existence d'un harcèlement n'incombe donc pas au salarié.



Le juge ne peut rejeter la demande d'un salarié au seul motif de l'absence de relation entre l'état de santé de celui-ci et la dégradation des conditions de travail. Si le juge ne peut se fonder uniquement sur l'altération de l'état de santé du salarié, à l'inverse, il ne doit pas non plus négliger les documents médicaux produits par le salarié.



Si, malgré des agissements permettant de présumer un harcèlement, le juge ne retient pas le harcèlement, il doit préciser en quoi il est établi par l'employeur que les faits matériels présentés par le salarié ne constituent pas un harcèlement et que les décisions ou agissements dénoncés par le salarié sont justifiés par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.



Le harcèlement peut relever de faits imputables à un ou des auteurs déterminés mais aussi, de façon plus générale, à un environnement de travail.



Un harcèlement peut causer à la victime un préjudice, d'ordre moral ou corporel, dont évaluation relève de la compétence du juge prud'homal. Si elle justifie de préjudices distincts, la victime peut obtenir des dommages et intérêts à la fois au titre du harcèlement (moral ou sexuel) subi et au titre du manquement de l'employeur à son obligation de prévention (violation de l'obligation de sécurité) ou au titre d'une discrimination.



Monsieur [E] soutient qu'il a subi une pression continuelle de son employeur assortie d'une mise à l'écart, ainsi qu'un mépris manifeste à son égard, lesquels ont engendré son état dépressif. Il ajoute avoir également subi des agressions verbales violentes, notamment de la part de Monsieur [A]. Il a en outre subi de nombreuses sanctions disciplinaires ainsi que des menaces de sanctions permanentes.



Il fait valoir que ces éléments caractérisent une méthode de management démontrant des faits répétés de harcèlement moral.



Il indique avoir également été victime de menaces physiques de la part de Monsieur [A].



Il précise que le CHSCT a interpellé la direction sur les pressions qui lui étaient infligées. Les documents médicaux confirment la dégradation de son état de santé due à ses conditions de travail En outre, son placement en arrêt maladie a eu lieu immédiatement après l'entretien qu'il a eu avec Monsieur [N], de sorte qu'il en est la conséquence directe.



Il conclut que les méthodes de management de son supérieur hiérarchique sont ainsi à l'origine de son inaptitude et ajoute qu'associée à son état de fragilité, il ressort des pièces médicales produites et de son état dépressif dans lequel il a été placé suite à la dégradation de ses conditions de ses conditions de travail. Par conséquent, il affirme que le harcèlement moral doit être retenu.



La société DESAMAIS DISTRIBUTION soutient qu'aucune situation de harcèlement ne peut être caractérisée. En effet, elle affirme que le salarié ne démontre jamais des faits de harcèlement, mais vient en réalité reprocher à son employeur l'exercice légitime de son pouvoir de direction. Elle fait ainsi valoir que les attestations qu'il produit aux débats ne démontrent pas la matérialité des faits, car celles-ci sont trop imprécises et se bornent à faire état d'entretiens. Elle indique que seul le caractère insatisfaisant du travail du salarié a motivé les rappels à l'ordre et sanctions dont il a fait l'objet. Les objectifs qui lui étaient assignés étaient parfaitement réalisables, et communs à chaque préparateur, de sorte que, même en l'absence de prévision contractuelle, ils lui sont parfaitement opposables. En outre, les objectifs peuvent être définis unilatéralement par l'employeur.



L'ensemble des préparateurs, à l'exception de Monsieur [E], ont rempli les objectifs ainsi fixés, alors même qu'il bénéficiait d'une expérience significative, et qu'il avait suivi deux formations en 2010 et 2012. ll n'était pas automatiquement sanctionné dès lors qu'il n'atteignait pas les objectifs, mais uniquement en cas de dérive manifeste. En conséquence, il n'a donc pas fait l'objet d'un traitement particulier. Elle conclut que le salarié verra ses demandes être rejetées



En l'espèce, Monsieur [I] [E] a été embauché par la SA DESAMAIS DISTRIBUTION suivant contrat à durée déterminée à compter du 2 juin 2006 en qualité de préparateur de commandes, niveau 1, échelon 1, catégorie ouvrier à temps complet.



Par avenant du 26 juillet 2006, son contrat a été renouvelé pour la période du 29 juillet 2006 au 22 septembre 2006.



Le 23 septembre 2006, il a été engagé suivant contrat à durée indéterminée à temps complet.



Monsieur [E] a fait l'objet d'avertissements disciplinaires en 2012, 2013, et 2014.



A compter du 2 août 2014, il a bénéficié d'arrêts de travail pour maladie non professionnelle.



Lors de la seconde visite de reprise le 16 décembre 2014, le médecin du travail l'a déclaré inapte au poste de l'entreprise, et apte à tous postes dans un autre établissement.



A l'appui de sa demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral prétendument subi, [G] [E] verse aux débats les éléments de preuve suivants:



- l'avertissement adressé par son employeur en date du 27 janvier 2012 et qui reproche au salarié d'avoir tenu des propos insultants et dénigrants vis-à-vis de trois autres salariés de l'entreprise ;

- l'avertissement en date du 1er octobre 2012 pour non-respect des consignes de travail ;

- l'avertissement en date du 18 juillet 2013 pour manque de productivité ;

- l'avertissement en date du 15 janvier 2014 pour manque de productivité.



Il produit également les attestations suivantes d'autres salariés de la société.



Monsieur [T] indique: 'en tant que salarié de DESAMAIS DISTRIBUTION, en tant que développeur web, élu titulaire au comité d'entreprise, délégué du personnel et délégué syndical, déclare témoigner que M. [I] [E] a eu, depuis plusieurs années, des conflits réguliers avec ses supérieurs hiérarchiques et a été l'objet de plusieurs entretiens et avertissements. Je l'ai à sa demande assisté dans son entretien préalable de licenciement et ai assisté à la réunion des délégués du personnel concernant les propositions de reclassement suite à son inaptitude. J'ai de même signalé les pressions qu'il estime subir au CHSCT étant inquiet des répercussions sur sa santé de son état psychologique. La direction a toujours nié toutes pressions abusives indiquant que les avertissements avaient fait augmenter sa productivité. Malgré tout, les avertissements se sont renouvelés sur plusieurs années.'



Monsieur [S] atteste: 'ayant travaillé avec Mr [I] [E] pendant environ 1 an et demi et n'ayant jamais eu de problèmes avec cette personne, je reconnais m'être aperçu que cette personne subissait des convocations régulières par Mr [Z], ainsi que Mr [A]. De plus, il recevait des avertissements pour des raisons diverses, à croire qu'on souhaitait sa démission. Je suis également au courant de l'incident qu'il s'est produit sur le parking de DESAMAIS avec Mr [A]. Je n'ai aucun reproche à faire à Mr [E], il a toujours été présent lorsqu'on lui demandait de l'aide (esprit d'équipe).'



Selon, Monsieur [M], 'ayant fait partie du personnel de DESAMAIS de 2006 à 2012, j'ai travaillé avec Mr [E] durant cette période, je peux témoigner du bon comportement de celui-ci, de sa qualité de travail qui était pour moi irréprochable. Etant régulièrement convoqué pour des entretiens, tout comme Mr [E] et connaissant très bien les façons d'agir de Mr [A] et de Mr [Z], ces méthodes n'ont que pour but de faire partir des salariés par démission ou licenciement. Je reconnais que Mr [E] subissait depuis plusieurs années ces provocations aussi bien verbales, qu'écrites. De plus, j'avais constaté une dégradation de l'état psychique de [I], celui-ci ne supportait plus la pression de la hiérarchie alors qu'il appréciait son travail. [I] était toujours à l'heure et respectait les règles de l'entreprise. A ce jour, je ne comprends pas les raisons qui ont poussé cette entreprise à rendre mon ancien collègue dans un état dépressif. De plus, je reconnais que Mr [Z] avait des paroles déplacées à notre égard.'



Enfin, Monsieur [F] témoigne: 'comme tous les jours entre 12h20 et 12h30 mes collègues et moi se préparaient à effectuer le changement d'équipe avec ceux du matin. De nombreuses personnes circulaient à l'entrée du dépôt lorsque Mr [A] effectua au volant de sa voiture une marche arrière à vive allure, ce qui m'obligea d'urgence à tirer par le bras mon collègue [I] afin d'éviter le pire. Car même si un piéton n'est pas toujours dans les clous, il ne mérite pas d'être ignoré.'



Il résulte également du rapport établi par le CHSCT que cette structure a interrogé l'employeur sur 'l'objectif réel' des avertissements adressés au salarié.



Enfin, le salarié produit des certificats et avis médicaux établissant qu'il a fait l'objet de plusieurs arrêts de travail à compter du 2 août 2014, qu'il souffrait d'un état anxio-dépressif et qu'il ne présente 'aucun trait en faveur d'une personnalité pathologique avérée'.



Au vu des éléments présentés par le salarié, il y a lieu de considérer qu'une présomption de harcèlement moral est établie par ce dernier.



En réponse, l'employeur fait valoir que le salarié se contente d'affirmer les mauvais traitements allégués, que les attestations produites sont peu précises et circonstanciées et que les avertissements adressés au salarié relèvent de son pouvoir de direction et sont fondés sur les insuffisances professionnelles objectives de Monsieur [E].



L'employeur affirme que les préparateurs étaient tous soumis à un même objectif réaliste et réalisable, à savoir d'effectuer en moyenne 50 lignes de commandes par heure.



En ce sens, la société verse aux débats les documents issus de son logiciel informatique retraçant l'ensemble des statistiques de préparation de commandes pour l'ensemble des préparateurs, par préparateur et par mois de janvier 2012 à juin 2014.



Il ressort des éléments ainsi transmis par la société DESAMAIS que les préparateurs dans leur ensemble ont réalisé en moyenne:

- 48,52 ligne de commandes par heure sur l'ensemble de l'année 2012 ;

- 50,15 lignes de commandes par heure sur l'ensemble de l'année 2013 ;

- 49,73 lignes de commandes par heure sur les 6 premiers mois de l'année 2014.



Pour sa part, Monsieur [E] a réalisé en moyenne:

- 43,64 ligne de commandes par heure sur l'ensemble de l'année 2012 ;

- 43,17 lignes de commandes par heure sur l'ensemble de l'année 2013 ;

- 43,33 lignes de commandes par heure sur les 6 premiers mois de l'année 2014.



En définitive, Monsieur [E] se situait, en termes de rendement:

- 39ème sur 41 préparateurs en 2012 ;

- 42ème sur 43 préparateurs en 2013 ;

- 41ème sur 41 préparateurs sur les 6 premiers mois de l'année 2014.



L'employeur établit en outre que le salarié disposait d'une ancienneté datant de juin 2006 et qu'il a bénéficié de deux formations dispensées en 2010 et 2012.



Ainsi, l'employeur démontre que les avertissements adressés au salarié étaient justifiés par les insuffisances professionnelles importantes de ce dernier et relevaient de l'exercice légitime par l'employeur de son pouvoir disciplinaire, les sanctions disciplinaires, en l'espèce des avertissements, étant justifiées et proportionnées.



Par ailleurs, il convient de relever que les attestations versées par le salarié sont effectivement peu circonstanciées et précises, les salariés ne rapportant pas de faits suffisamment précis et concrets pour étayer les dires de Monsieur [E]. L'attestation de Monsieur [F] ne permet pas non plus d'objectiver que Monsieur [E] aurait été victime de faits de menaces de mort ou de tentative de violences de la part de son supérieur hiérarchique, l'élément intentionnel des faits décrits, et consistant en un risque d'accident de la circulation, n'étant pas établi.



Au vu de ces éléments et des principes de droit sus-visés, il convient de considérer que l'employeur démontre que les éléments d'appréciation présentés par le salarié ne constituent pas un harcèlement moral mais relèvent de l'exercice légitime par l'employeur de son pouvoir disciplinaire. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [E] de sa demande de dommages et intérêts au titre du harcèlement moral.





- Sur la demande de dommages et intérêts au titre du manquement de l'employeur à son obligation de sécurité -



En matière de harcèlement, le chef d'entreprise est tenu à une obligation de sécurité de résultat. Sa responsabilité ne peut être ainsi écartée que s'il a mis en oeuvre toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, notamment des actions d'information et de formation, et a mis fin au harcèlement dès qu'il en a été avisé.



Le défaut de prévention (action en amont) ou défaillance de l'employeur dans son obligation de sécurité en matière de harcèlement moral ou sexuel ouvre droit pour le salarié à une réparation du préjudice résultant de ce manquement de l'employeur, réparation qui est distincte de celles liée aux conséquences du harcèlement moral ou sexuel effectivement subi.



La prévention du harcèlement, moral ou sexuel, à l'encontre des salariés de l'entreprise est confiée au chef d'entreprise à qui il appartient de prendre toute mesure en ce sens, mais également d'infliger des sanctions disciplinaires aux salariés auteurs de tels agissements.



L'obligation de sécurité de résultat étant désormais appréciée par rapport non à la réalisation du risque, soit la commission effective de faits de harcèlement à l'encontre d'un salarié, mais par rapport aux diligences de l'employeur, la responsabilité de ce dernier ne peut être ainsi écartée que s'il a mis en oeuvre toutes les mesures de prévention prévues par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, notamment des actions d'information et de formation, et a mis fin au harcèlement dès qu'il en a été avisé.



La Cour de cassation considère qu'une organisation du travail ou un style de management peut être une source de harcèlement moral, indépendamment de toute intention malveillante. Peuvent caractériser un harcèlement moral les méthodes de gestion mises en oeuvre par un supérieur hiérarchique dès lors qu'elles se manifestent pour un salarié déterminé par des agissements répétés ayant pour objet ou pour effet d'entraîner une dégradation des conditions de travail susceptibles de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.



Un employeur peut ainsi être condamné pour manquement à son obligation de sécurité en matière de prévention des risques psycho-sociaux, par exemple en cas de souffrance au travail ou de dégradation des conditions de travail induites par un mode de management ou d'organisation du travail, sans qu'il soit besoin de caractériser des faits de harcèlement.



Même sans faute de sa part, l'employeur doit être tenu pour responsable des faits de harcèlement commis par l'un de ses collaborateurs à l'égard d'autres salariés. La Cour de cassation l'a jugé en se plaçant sur le terrain de l'obligation de sécurité et de l'obligation de prévention qui en est le corollaire.



Aux termes des dispositions alors applicables de l'article L. 4121-1 du code du travail : 'L'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ; 2° Des actions d'information et de formation ; 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.'.



Aux termes des dispositions alors applicables de l'article L. 4121-2 du code du travail : 'L'employeur met en oeuvre les mesures prévues à l'article L. 4121-1 sur le fondement des principes généraux de prévention suivants : 1° Eviter les risques ; 2° Evaluer les risques qui ne peuvent pas être évités ; 3° Combattre les risques à la source ; 4° Adapter le travail à l'homme, en particulier en ce qui concerne la conception des postes de travail ainsi que le choix des équipements de travail et des méthodes de travail et de production, en vue notamment de limiter le travail monotone et le travail cadencé et de réduire les effets de ceux-ci sur la santé ; 5° Tenir compte de l'état d'évolution de la technique ; 6° Remplacer ce qui est dangereux par ce qui n'est pas dangereux ou par ce qui est moins dangereux ; 7° Planifier la prévention en y intégrant, dans un ensemble cohérent, la technique, l'organisation du travail, les conditions de travail, les relations sociales et l'influence des facteurs ambiants, notamment les risques liés au harcèlement moral et au harcèlement sexuel, tels qu'ils sont définis aux articles L. 1152-2 et L. 1152-3 ; Prendre des mesures de protection collective en leur donnant la priorité sur les mesures de protection individuelle ; 9° Donner les instructions appropriées aux travailleurs.'.



L'employeur est tenu vis-à-vis de ses salariés d'une obligation de sécurité dans le cadre ou à l'occasion du travail. Cette obligation spécifique a été consacrée par la jurisprudence de la Cour de cassation qui a désormais abandonné le fondement contractuel de l'obligation de sécurité de l'employeur pour ne retenir que le fondement légal, tiré notamment des articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail, interprété à la lumière de la réglementation européenne concernant la mise en oeuvre de mesures visant à promouvoir l'amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs. Cette obligation de sécurité dont doit répondre l'employeur s'applique à toute situation de risque en matière de sécurité et de protection de la santé physique et mentale des travailleurs.



Tenu d'une obligation de sécurité, il appartient donc à l'employeur de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, notamment en justifiant, d'une part, avoir pris toutes les mesures de prévention prévues notamment par les articles L. 4121-1 et L. 4121-2 du code du travail et, d'autre part, dès qu'il est informé de l'existence de faits susceptibles de constituer une atteinte à la sécurité ou la santé, physique et mentale d'un salarié, avoir pris les mesures immédiates propres à les faire cesser.



La responsabilité de l'employeur est engagée vis-à-vis des salariés (ou du salarié) dès lors qu'un risque pour la santé ou la sécurité des travailleurs (du travailleur) est avéré. Il n'est pas nécessaire que soit constaté une atteinte à la santé, le risque suffit.



L'obligation de sécurité de l'employeur, ou obligation pour celui-ci de prendre les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs, couvre également les problèmes de stress ou mal-être au travail, plus généralement la question des risques pyscho-sociaux liées aux conditions de travail, aux relations de travail ou à l'ambiance de travail. Dans ce cadre, il appartient à l'employeur de mettre en place des modes d'organisation du travail qui ne nuisent pas à la santé physique et mentale des salariés et de réagir de façon adaptée en cas de risque avéré.



La jurisprudence qualifie l'obligation de sécurité de l'employeur d'obligation de résultat. Selon la Cour de cassation, cette obligation de sécurité est désormais de résultat non au regard du risque effectivement encouru par le salarié, ou de l'atteinte à sa santé subi par le salarié, mais de son objet (prévention et cessation du risque). Le résultat attendu de l'employeur est de prévenir, par des moyens adaptés, tout risque lié non seulement à l'exécution de la prestation de travail mais également à l'environnement professionnel dans lequel elle est délivrée. Il s'agit pour l'employeur de prévenir, de former, d'informer et de mettre en place une organisation et des moyens adaptés. Le résultat dont il est question dans la notion d'obligation de résultat n'est pas l'absence d'atteinte à la santé physique et mentale, mais l'ensemble des mesures prises de façon effective par l'employeur dont la rationalité, la pertinence et l'adéquation sont analysées et appréciées par le juge. L'employeur peut s'exonérer de sa responsabilité en démontrant avoir pris toutes les mesures prévues par les articles L. 4121-1 et L.4121-2 du code du travail. Ainsi, en cas de risque avéré ou réalisé pour la santé ou la sécurité du travailleur, l'employeur engage sa responsabilité, sauf s'il démontre qu'il a pris les mesures générales de prévention nécessaires et suffisantes pour l'éviter, ce qu'il appartient aux juges du fond d'apprécier souverainement.



Au titre de son obligation de sécurité, il appartient à l'employeur de repérer les situations de tension et, le cas échéant, d'ouvrir rapidement une enquête. L'inertie de l'employeur en présence d'une situation susceptible d'être qualifiée de souffrance au travail, dont il a connaissance, alors qu'il est tenu légalement d'assurer la protection de la santé et de la sécurité des salariés et d'exécuter de bonne foi le contrat de travail, engage nécessairement sa responsabilité, quand bien même il ne serait pas l'auteur des faits dénoncés.



Monsieur [E] sollicite la condamnation de son employeur à lui payer la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement de l'employeur à son obligation de prévention.



La cour ayant déjà retenu que le harcèlement moral prétendument subi par le salarié n'était pas caractérisé, Monsieur [E] sera également débouté de sa demande de dommages et intérêts pour le manquement de l'employeur à son obligation de prévention ou à son obligation de sécurité.



- Sur la rupture du contrat de travail -



Aux termes de l'article L.1152-3 du code du travail, 'toute rupture du contrat de travail intervenue en méconnaissance des dispositions des articles L.1152-1 et L.1152-2, toute disposition ou tout acte contraire est nul.'



Lorsqu'un salarié en contrat de travail à durée indéterminée est déclaré inapte, l'employeur peut prononcer un licenciement pour cause d'inaptitude du salarié avec impossibilité de reclassement en respectant la procédure de licenciement fixée par le code du travail (articles L. 1226-2 à L. 1226-4-3 pour l'inaptitude consécutive à une maladie ou à un accident d'origine non professionnelle / articles L. 1226-7 à L. 1226-17 pour l'inaptitude consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle).



Si le code du travail prévoit des règles identiques, en cas d'inaptitude consécutive à un accident du travail ou une maladie professionnelle ou d'inaptitude d'origine non professionnelle, en matière de reclassement et de reprise de versement du salaire, la rupture du contrat de travail emporte des conséquences différentes pour ces deux cas de figure. La rupture du contrat de travail d'un salarié inapte à la suite d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle emporte certains effets spécifiques qui sont plus favorables pour le salarié.



La lettre de licenciement doit mentionner l'inaptitude physique et l'impossibilité de reclassement. Si l'employeur est dispensé de son obligation de reclassement par le médecin du travail, la lettre de licenciement doit le mentionner.



Le contrat de travail est rompu à la date de notification du licenciement pour inaptitude et non à celle d'achèvement du préavis que le salarié, par définition inapte, ne peut pas exécuter, y compris lorsque l'employeur lui verse ou doit lui verser une indemnité compensatrice de préavis ou une indemnité compensatrice d'un montant égal à celui de l'indemnité compensatrice de préavis.



Le licenciement pour cause d'inaptitude du salarié est abusif lorsqu'il est démontré que l'inaptitude physique du salarié est consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée (rupture emportant les conséquences d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, voire d'un licenciement nul lorsque l'inaptitude du salarié est consécutive à des faits de harcèlement ou de discrimination imputables à l'employeur).



Le licenciement pour cause d'inaptitude du salarié est également abusif si l'employeur a manqué à son obligation de reclassement (défaut de consultation des représentants du personnel ou consultation irrégulière ; absence de preuve de l'impossibilité de reclassement ou d'un refus du salarié des postes de reclassement...), ou si la rupture du contrat de travail a été notifiée en réalité par l'employeur pour un autre motif que l'inaptitude physique et l'impossibilité de reclassement mentionnées dans la lettre de licenciement.



Il appartient à l'employeur, qui peut tenir compte de la position prise par le salarié déclaré inapte, de justifier qu'il n'a pu, au besoin par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de poste de travail ou aménagement du temps de travail, le reclasser dans un emploi approprié à ses capacités au terme d'une recherche sérieuse, effectuée au sein de l'entreprise et des entreprises dont l'organisation, les activités ou le lieu d'exploitation permettent, en raison des relations qui existent entre elles, d'y effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.



La preuve du respect de l'obligation de reclassement du salarié inapte pèse sur l'employeur et le manquement de ce dernier à cette obligation prive de cause réelle et sérieuse le licenciement fondé sur l'inaptitude du salarié et sur l'impossibilité de le reclasser.



La recherche d'une possibilité de reclassement doit être effectuée dans l'entreprise, ce qui inclut l'ensemble des établissements la composant et le cas échéant, à l'intérieur du groupe auquel appartient l'employeur parmi les entreprises dont les activités, l'organisation ou le lieu d'exploitation lui permettent d'effectuer la permutation de tout ou partie du personnel.



La notion de groupe en droit du travail, qui détermine le périmètre de l'obligation de reclassement, se distingue donc de celle du groupe au sens du droit commercial, puisque le critère déterminant y est la permutabilité du personnel.



La permutabilité du personnel peut être caractérisée soit par la constatation de ce que des salariés ont été permutés entre différentes entreprises soit par la constatation de ce qu'il existe, entre les différentes entités du groupe, des liens qui, au regard de leurs activités, de leur organisation ou de leur lieu d'exploitation, leur permettent d'effectuer la permutation de leur personnel.



S'agissant d'entreprises appartenant à un même réseau de franchise, l'activité dans le cadre d'un contrat de franchise n'emporte pas à elle seule la démonstration de l'absence de possibilité de permutation du personnel.



Monsieur [E] sollicite la requalification de son licenciement en licenciement nul, en raison de la situation de harcèlement dont il a été victime. Il sollicite les conséquences indemnitaires de son licenciement nul et diverses sommes à titre de dommages et intérêts.



A titre subsidiaire, Monsieur [E] sollicite la requalification de son licenciement en licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse. Au soutien de sa demande, sur l'origine professionnelle de son inaptitude, il estime démontrer parfaitement le lien entre ladite inaptitude et la pathologie subséquente aux actes de harcèlement moral dont il a fait l'objet. Il ajoute avoir simplement été déclaré inapte aux postes dans l'entreprise. Sans véritablement contester l'origine professionnelle de son inaptitude, l'employeur a néanmoins appliqué le régime professionnel pour la procédure mais n'a pas réglé les indemnités spécifiques, une telle pratique étant manifestement illégale. Les restrictions émises par le médecin du travail permettent d'identifier un lien, au moins partiel, entre son inaptitude et ses conditions de travail. La décision de la caisse primaire d'assurance maladie (CPAM) est en outre sans incidence sur l'inaptitude du salarié.



Sur l'absence de recherches de reclassement, il rappelle que les recherches de reclassement devaient être menées au sein du groupe auquel appartient l'entreprise, celle-ci devant rapporter la preuve de 1'absence de solution de reclassement dans 1'ensemble des structures du groupe DESAMAIS. Or, elle ne rapporte pas en l'espèce la preuve de l'absence de poste disponible dans ce périmètre.



Ensuite, sur la procédure de licenciement, il indique que la consultation des délégués du personnel n'a pas été régulière, dès lors que la note qui leur a été transmise ne reprend pas expressément les conclusions du médecin du travail, de sorte qu'ils ont été privés d'une information complète et loyale rendant cette consultation irrégulière.



Il conclut, au regard de ces éléments, que son licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse. Il sollicite en outre les conséquences indemnitaires de son licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse.



Sur le caractère justifié du licenciement, la société DESAMAIS DISTRIBUTION affirme que la procédure a été tout à fait régulière. En effet, dès lors qu'elle a été informée que le salarié avait déposé une demande de reconnaissance de maladie professionnelle auprès de la CPAM de l'ALLIER, elle a alors appliqué la procédure spécifique en sollicitant l'avis des délégués du personnel, et en faisant connaître au salarié par écrit les motifs qui s'opposent au reclassement. Aucun manquement ne saurait donc lui être imputé à ce titre.



Elle ajoute avoir, par ailleurs, également parfaitement satisfait à son obligation de reclassement. Elle a en effet interrogé le salarié afin qu'il lui communique son curriculum vitae et qu'il fasse part de ses souhaits en terme de mobilité. Elle a également interrogé le médecin du travail, ainsi que la holding du groupe qui a confirmé ne pas disposer de poste compatibles avec les compétences du salarié. Elle a également procédé à des recherches en externe, notamment auprès de l'un de ses prestataires. Elle indique n'avoir pu effectuer ses recherches que dans les sociétés du groupe dans lesquelles une permutation de tout ou partie du personnel était possible. Or, en l'espèce, les sociétés exerçant sous l'enseigne EUREKA n'ont ni activité, ni organisation, ni lieu d'exploitation permettant d'effectuer une telle permutation, il ne s'agit pas de franchises mais de contrats d'agrégation pour lesquels la coopération est inexistante, elle n'avait donc pas à interroger toutes les enseignes EUREKA.



En conséquence, elle conclut que le licenciement est parfaitement fondé et justifié et que le salarié verra ses demandes rejetées.



En l'espèce, Monsieur [I] [E] a été embauché par la SA DESAMAIS DISTRIBUTION suivant contrat à durée déterminée à compter du 2 juin 2006 en qualité de préparateur de commandes, niveau 1, échelon 1, catégorie ouvrier à temps complet.



Par avenant du 26 juillet 2006, son contrat a été renouvelé pour la période du 29 juillet 2006 au 22 septembre 2006.



Le 23 septembre 2006, il a été engagé suivant contrat à durée indéterminée à temps complet.



Monsieur [E] a fait l'objet d'avertissements disciplinaires en 2012, 2013, et 2014.



A compter du 2 août 2014, il a bénéficié d'arrêts de travail pour maladie non professionnelle.



Lors de la seconde visite de reprise le 16 décembre 2014, le médecin du travail l'a déclaré inapte à un poste dans l'entreprise, et apte à tous postes dans un autre établissement.



Par courrier du 23 décembre 2014, Monsieur [E] a informé la société DESAMAIS DISTRIBUTION qu'il avait formulé une demande de reconnaissance professionnelle de la maladie.



Lors de la réunion des délégués du personnel du 27 janvier 2015, il a été conclu à l'absence de possibilité d'aménagement du poste de travail de Monsieur [E].



Par courrier en date du 29 janvier 2015, il a été convoqué à un entretien préalable à licenciement fixé au 9 février 2015.



Suivant courrier du 12 février 2015, il a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement.



Le courrier de notification est ainsi libellé :



' Monsieur,



Par la présente, nous faisons suite a notre entretien du 9 février 2015 pour lequel vous avez été assisté par monsieur [C] [T] et au cours duquel nous vous avons exposé la situation suivante:



Vous êtes entré dans notre société le 5 juin 2006 et occupez actuellement un poste de préparateur de commandes qui consiste à assurer les fonctions suivantes : prendre en charge la préparation des commandes clients en allant chercher les articles dans le dépôt au moyen d'un chariot à conducteur porté, en les mettant dans un ou plusieurs cartons, puis en déposant cette commande sur la zone d'expéditions.



Consécutivement à votre arrêt de travail, vous avez passé deux visites médicales de reprise, en date des 1er et 16 décembre 2014 auprès des services de médecine du travail.



Au terme de la seconde visite, le médecin du travail vous a déclaré inapte.



Le médecin du travail a également précisé, dans le cadre de conclusions écrites, le 2 janvier 2015 " M. [E] n'a pas de contre-indications médicales pour suivre une formation professionnelle en dehors des métiers exposant à la poussière de farine".



Nous avons alors étudié l'ensemble des postes de la société, disponibles ou susceptibles de l'être, permanents ou temporaires, afin de rechercher les possibilités de reclassement qui pouvaient vous être proposées compte-tenu de vos aptitudes médicales et de vos compétences professionnelles.



Dans ce cadre nous avons rencontré nos délégués du personnel en date du 27janvier 2015 afin de les informer des préconisations du médecin du travail et de rechercher avec eux les solutions de reclassement envisageables.

Or, suite à cette réunion, force est de constater qu 'il s 'avère impossible de vous proposer un poste de reclassement conforme aux avis du Docteur [H].



En effet, dans un premier temps ont été envisagés les postes de nature administrative. Or, s 'agissant de ces emplois, aucun n'est actuellement disponible.



Puis, s 'agissant des autres postes de la société, à savoir:

- ingénieur logistique,

- category manager,

- commercial dédentaire,



Nous notons que ces emplois sont incompatibles avec votre état de santé, et ce même avec des aménagements de poste.



Nous avons également étudié les possibilités d'aménagements ou d'adaptations de votre poste de travail, mais nous n 'avons pas pu identifier de solution permettant de tenir compte des avis du Docteur [H].



A noter qu 'aucune création de poste n 'est à ce jour envisagée et qu 'aucune formation n'est aujourd'hui possible dans l'entreprise.



Enfin, nous avons effectué des démarches de reclassement auprès des sociétés du Groupe, ainsi que de celles clientes ou partenaires suivantes : Transports Moulinois et Sca Centre.



Malheureusement les entreprises du groupe nous ont fait savoir qu 'elles ne disposaient d'aucun poste disponible et compatible avec votre état de santé et correspondant à vos compétences professionnelles.



Concernant les structures Transports Moulinois et Sca Centre, la société n 'a, pour l'heure, pas encore reçu de réponse.



N'étant pas en mesure de vous proposer un poste de reclassement, nous sommes au regret de vous notifier, par la présente, votre licenciement pour inaptitude médicale et impossibilité de vous reclasser.



La rupture de votre contrat de travail est effective dès ce jour. Vous ne ferez plus partie des effectifs de la société dès envoi du présent courrier.



Nous vous ferons parvenir votre certificat de travail, votre attestation Pôle Emploi, ainsi que votre solde de tout compte.

Nous vous informons que votre droit individuel à la formation (DIF) est de 126 heures.



Vous bénéficiez du maintien des garanties complémentaires santé/ ou prévoyance de notre société, à compter de la date de cessation de votre contrat de travail et pendant la période de prise en charge par l'assurance chômage.



Ce maintien de garanties ne peut excéder la durée de votre dernier contrat de travail appréciée en mois entiers, dans la limite de 9 mois pour la prévoyance et 12 mois pour la complémentaire santé.



Dans ce cadre, vous devez obligatoirement justifier auprès de votre organisme assureur de votre prise en charge au régime de l'assurance chômage, et le cas échéant, l'informer de la cessation de cette prise en charge si elle intervient pendant la période de maintien de vos droits.



Nous vous précisons que les garanties qui vous sont maintenues sont celles dont bénéficieront les salariés de la société pendant votre période de chômage. Ainsi, toute évolution de ces garanties et des cotisations afférentes vous sera opposable.



Vous pouvez néanmoins renoncer au maintien de vos garanties prévoyance (sans paiement de cotisations), sous réserve de nous le notifier par écrit dans les dix jours suivant la date de cessation de votre contrat de travail.



Vous n'avez pas la possibilité de renoncer à vos garanties frais de santé, qui elles demeurent obligatoires.



Nous vous prions d'agréer, Monsieur, l'expression de nos salutations distinguées.



[D] [N]

Secrétaire général. '



- Sur la nullité du licenciement -



La cour ayant déjà retenu que le harcèlement moral prétendument subi par le salarié n'était pas caractérisé, il y a lieu de débouter Monsieur [E] de sa demande de voir prononcer la nullité du licenciement sur ce fondement.



- Sur l'origine professionnelle de l'inaptitude -



Pour les mêmes motifs, Monsieur [E] sera débouté de sa demande de voir reconnaître le caractère professionnel de son inaptitude, le harcèlement moral n'étant pas caractérisé et aucun autre manquement n'étant reproché à l'employeur par le salarié.



- Sur la consultation des délégués du personnel -



Aux termes de l'article L.1226-10 du code du travail, dans ses dispositions applicables au moment du licenciement, en l'absence d'une origine professionnelle de l'inaptitude, l'employeur n'avait aucune obligation de procéder à la consultation des délégués du personnel et aucun manquement ne peut dès lors lui être imputé sur ce fondement.



- Sur l'obligation de reclassement -



En l'espèce, l'employeur verse aux débats plusieurs documents établissant qu'il a:



- interrogé Monsieur [E] afin de solliciter son curriculum vitae remis à jour et lui demander s'il était mobile géographiquement dans le cadre d'une proposition d'emploi ;



- interrogé le médecin du travail sur l'aptitude de Monsieur [E] de suivre une formation destinée à lui proposer un poste adapté;



- interrogé la holding du groupe qui a confirmé ne pas disposer de poste disponible et compatible avec les compétences et l'état de santé du salarié ;



- interrogé la société TRANSPORTS MOULINOIS et la société SCA CENTRE, deux sociétés extérieures, pour savoir si elles disposaient de possibilités de reclassement.



Si Monsieur [E] ne conteste pas l'absence de tout poste disponible en interne de la société DESAMAIS, il prétend que la société ferait partie d'un groupe commun avec 170 magasins exerçant leur activité sous l'enseigne EUREKA.



Cependant, il convient de relever que le salarié ne verse aucun élément de preuve en ce sens alors que l'employeur précise que les magasins EUREKA et la société sont liés par un contrat d'agrégation, ont des activités distinctes, la société DESAMAIS exerçant une activité de grossiste et EUREKA une activité de vente au public, et que dès lors aucune permutation du personnel entre les deux structures n'est possible.



Au vu de ces éléments et des démarches sus-visées accomplies par l'employeur, il échet de considérer que ce dernier a loyalement et sérieusement rempli son obligation de reclassement.



Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a dit que le licenciement pour inaptitude du salarié est justifié et a, en conséquence, débouté Monsieur [I] [E] de l'ensemble de ses demandes indemnitaires subséquentes.



- Sur les frais irrépétibles et les dépens -



Il y a lieu de confirmer les dispositions du jugement déféré relatives aux frais irrépétibles et aux dépens de première instance.



En équité, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile en appel.



Monsieur [I] [E], qui succombe en son recours, sera condamné au paiement des dépens en cause d'appel.







PAR CES MOTIFS





La Cour, statuant publiquement, contradictoirement et après en avoir délibéré conformément à la loi,



- Confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions ;



Y ajoutant,



- Condamne Monsieur [I] [E] au paiement des dépens en cause d'appel ;



- Déboute les parties de leurs demandes plus amples ou contraires.





Ainsi fait et prononcé lesdits jour, mois et an.





Le Greffier, Le Président,







S. BOUDRY C. RUIN

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