27 juin 2022
Cour d'appel de Paris
RG n° 20/17676

Pôle 5 - Chambre 10

Texte de la décision

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 10



ARRET DU 27 JUIN 2022



(n° , 5 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/17676 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CCYIA



Décision déférée à la Cour : Jugement du 05 Novembre 2020 -TJ de PARIS RG n° 18/11611





APPELANTE



Madame [J] [U]

Domicilié 3 rue Moog

68000 COLMAR



Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



Représentée par Me Jacques BELLICHACH, avocat au barreau de PARIS, toque : G0334





INTIMES



LE DIRECTEUR RÉGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE Pôle Fiscal Parisien 1, Pôle Juridictionnel Judiciaire

Ayant son siège social

11-13 RUE DE LA BANQUE

75002 PARIS



Prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège





Représenté par Me Guillaume MIGAUD de la SELARL ABM DROIT ET CONSEIL AVOCATS E.BOCCALINI & MIGAUD, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, toque : PC430





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 09 Mai 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Monsieur Edouard LOOS, Président

Madame Sylvie CASTERMANS, Conseillère

Monsieur Stanislas de CHERGÉ, Conseiller



qui en ont délibérés, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur Edouard LOOS dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.





Greffier, lors des débats : Mme Sylvie MOLLÉ



ARRÊT :



- contradictoire



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Edouard LOOS, Président et par Sylvie MOLLÉ, Greffier présent lors du prononcé.








FAITS ET PROCEDURE







Mme [J] [U] a perçu, en sa qualité d'héritière de Mme [C] [U], décédée le 6 septembre 2014, 1/6ème en pleine propriété de l'actif net successoral de cette dernière, soit une part taxable de 233.313,25 euros, dont résultent des droits de succession à hauteur de 139.031 euros.



Considérant qu'elle pouvait bénéficier de l'abattement prévu à l'article 779 II du code général des impôts, elle a adressé, le 4 octobre 2017, une réclamation auprès de l'administration fiscale, sollicitant une réduction des droits de succession à 43.436 euros et la restitution du trop perçu.



Le 6 octobre 2017, maître [B] [I] [M], notaire chargé de la succession de Mme [C] [U], a adressé une déclaration de succession rectificative faisant application de l'abattement litigieux.



Par décision du 2 mai 2018, l'administration fiscale a rejeté son recours.



Par exploit d'huissier du 11 juillet 2018, Mme [J] [U] a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Paris l'administration fiscale en contestation de la décision de rejet et en demande de décharge partielle de l'imposition.





* * *





Vu le jugement prononcé le 5 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Paris qui a statué comme suit :



- Déboute Mme [J] [U] de sa demande de décharge ;

- Condamne Mme [J] [U] aux dépens ;

- Dit n'y avoir lieu à exécution provisoire ;



Vu l'appel déclaré le 4 décembre 2020 par Mme [J] [U],



Vu les dernières conclusions signifiées le 12 août 2021 par Mme [U],



Vu les dernières conclusions signifiées le 21 mai 2021 par le directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris.







Mme [J] [U] demande à la cour de statuer comme suit :



- Déclarer Mme [J] [U] recevable et bien fondée en son appel,

Y faisant droit

- Infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Paris le 05 novembre 2020.



En conséquence :

- Prononcer en faveur de Mme [J] [U] le dégrèvement et la restitution de la somme de 95.595,00 euros correspondant aux droits de mutation acquittés à tort dans le cadre de la liquidation de la succession de Mme [C] [U],

- Condamner la direction régionale des finances publiques d'ÎIe-de-France et du département de Paris, à payer à Mme [J] [U] la somme de 3.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- Condamer la direction régionale des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris, aux entiers frais et dépens, ainsi qu'à l'intégralité des frais, émoluments et honoraires liés à l'éventuelle exécution forcée de la décision à intervenir par voie d'huissier, dont le montant pourra être recouvré par maître Jacques Bellichach, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.





Le directeur régional des finances publiques d'Île-de-France et du département de Paris demande à la cour de statuer comme suit :



Vu l'article 885-0 V bis du code général des impôts et l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales



- confirmer le jugement entrepris ;

- reconnaître le rappel fondé en droit et en fait ;

En conséquence,

- Rejeter toutes les demandes de Mme [J] [U] ;

- Condamner Mme [J] [U] aux entiers dépens d'appel dont distraction pour ces derniers au profit de l'avocat soussigné aux offres de droit.








SUR CE, LA COUR







Mme [J] [U] souligne que le bénéfice de l'abattement spécial prévu par l'article 779 II du code général des impôts (CGI) suppose l'existence d'une infirmité empêchant celui qui en souffre de travailler dans des conditions normales de rentabilité. En l'espèce, elle est atteinte de sclérose en plaque primaire progressive. La dégradation de sa situation a conduit à son classement en invalidité de catégorie 1, puis de catégorie 2. L'existence d'une infirmité physique invalidante est établie. En outre, la circonstance que la personne atteinte d'infirmité exerce une activité ou parvient à subvenir à ses besoins n'est pas de nature à s'opposer au bénéfice de l'abattement fiscal. Au cas présent, la pathologie dont elle souffre rendait de plus en plus difficile l'exercice de son activité professionnelle dans des conditions normales. Elle a été contrainte de travailler à temps partiel, puis de cesser toute activité professionnelle en 2015.



Le directeur régional des finances publiques d'Île-de-France réplique, au visa de l'article R. 194-1 du code général des impôts, qu'il appartenait à Mme [J] [U] d'établir le caractère exagéré de l'imposition contestée. Les conditions d'application de l'abattement prévu à l'article 779 du CGI doivent être appréciées au jour de l'ouverture de la succession. En l'espèce, le fait que l'appelante ait été suivie par un neurologue depuis 2012 ne permet pas d'établir qu'elle a été «  incapable de travailler dans des conditions normales de rentabilité » à compter de cette date. L'appelante a continué à travailler et, percevoir des traitements et salaires. Le bénéfice de l'abattement spécial litigieux ne résulte pas du seul handicap réel mais de la prise en compte des considérations économiques liées à l'incapacité des intéressés de travailler dans des conditions normales de rentabilité.



Ceci étant exposé l'article 779 II du code général des impôts dispose que:



' Pour la perception des droits de mutation à titre gratuit, il est effectué un abattement de 159 325 € sur la part de tout héritier, légataire ou donataire, incapable de travailler dans des conditions normales de rentabilité, en raison d'une infirmité physique ou mentale, congénitale ou acquise (...). '.



L'administration fiscale est bien fondée à rappeler que la déclaration de succession initiale datée du 24 février 2015 et déposée le 4 mars 2015 ne faisait pas état de l'abattement prévu à l'article 779 II du code général des impôts. Cette demande qui a été ultérieurement présentée et rejetée à l'issue d'une procédure contentieuse relève des dispositions de l'article R 194-1 du livre des procédures fiscales. Il appartient ainsi à Mme [U] de prouver que l'imposition calculée au vu de sa déclaration initiale présente un caractère éxagéré .



Mme [J] [U] doit prouver que , au 6 septembre 2014, date du décés de Mme [C] [U] , elle était éligible à l'abattement prévu à l'article 779 II du code général des impôts dont le contenu a été ci dessus rappelé .



Il résulte des documents versés par Mme [U] qu'une compte rendu médical daté du 26 octobre 2012, dressé par le docteur [O], spécialiste en neurologie, fait état de troubles de la marche en relation avec un syndrome pyramidal gauche du membre inférieur. Des attestations établies par Mme [N] et Mme [V] [T], collègues de travail de l'interessée qui exerçait la profession de gouvernante dans un établissement hôtelier, font état de sa fatigue à compter de l'année 2012. Néanmoins , il doit être relevé que, au 6 septembre 2014, Mme [U] exerçait toujours son emploi sans savoir subi aucune baisse de rémunération, un seul arrêt de travail lui ayant été accordé du 27 février au 15 mars 2014.



Madame [U] a cessé son activité professionnelle à compter du 11 février 2015 et a été déclarée invalide en février 2016, étant victime d'une sclérose en plaques primaire progressive diagnostiquée en 2014 avec manifestations 'sans doute antérieures' selon le certificat médical du docteur [K] du 1er décembre 2020.



Il se déduit de ce qui précède qu'au 6 septembre 2014, jour du décés de Mme [C] [U], Mme [J] [U] était déjà atteinte des premiers symptomes de la sclérose en plaque mais poursuivait son activité professionnelle 'dans des conditions normales de rentabilité', même avec glissement progressif vers des tâches administratives, à une date au demeurant non précisée.



L'appelante ne se trouvait donc pas éligible à l'abattement qu'elle sollicite.





Le jugement déféré doit ainsi être confirmé.

















PAR CES MOTIFS





CONFIRME le jugement déféré ;



REJETTE toutes autres demandes;



CONDAMNE Mme [J] [U] aux dépens et accorde à maître Migaud, avocat, le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile.







LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,









S.MOLLÉ E.LOOS

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