23 juin 2022
Cour d'appel de Paris
RG n° 21/19925

Pôle 1 - Chambre 2

Texte de la décision

Copies exécutoiresREPUBLIQUE FRANCAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 1 - Chambre 2



ARRET DU 16 JUIN 2022



(n° , 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 21/19925 - N° Portalis 35L7-V-B7F-CEVPU



Décision déférée à la Cour : Ordonnance du 15 Septembre 2021 -Président du TJ de PARIS - RG n° 21/54178





APPELANTE



Société HAYEM, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



[Adresse 2]

[Localité 1]



Représentée par Me Frédérique ETEVENARD, avocat au barreau de PARIS, toque : K0065

Assistée par Me Pascale BIKARD, avocat au barreau de PARIS





INTIMEE



S.A.R.L. NOUVELLE DEMEURE, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège



[Adresse 3]

[Localité 4]



Représentée et assistée par Me Johanna CHICHE, avocat au barreau de PARIS, toque : E0996



COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 mai 2022, en audience publique, les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Michèle CHOPIN, Conseillère, chargée du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre

Thomas RONDEAU, Conseiller,

Michèle CHOPIN, Conseillère,



Qui en ont délibéré,



Greffier, lors des débats : Saveria MAUREL





ARRÊT :



- CONTRADICTOIRE

- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Marie-Hélène MASSERON, Présidente de chambre et par Saveria MAUREL, Greffier, présent lors de la mise à disposition.




*****



EXPOSE DU LITIGE



Par acte sous seing privé du 7 janvier 1988, le cabinet [V] [X] agissant en qualité de mandataire de M. [J] a consenti à la société Nouvelle Demeure, qui exerce une activité de syndic, un bail commercial portant sur des locaux situés [Adresse 3].



La société Hayem a acquis les locaux au mois de novembre 2006 et a consenti à la société Sofincal Conseil un mandat de gestion portant sur ces locaux.



Par exploit du 29 mars 2021, la société Nouvelle demeure a fait assigner la société Hayem devant le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris aux fins de voir :



- ordonner à la défenderesse de lui communiquer la copie des documents suivants certifiés par l'administration fiscale ; la déclaration d'option à la TVA, exercée par la société Hayem pour le local commercial loué au [Adresse 3]), une attestation du numéro de TVA en cours de validité, le tout, sous astreinte de 250 euros par jour de retard à compter de la signification ;

- condamner la défenderesse à lui payer la somme de 2.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.



Par ordonnance contradictoire du 15 septembre 2021, le juge des référés du tribunal judiciaire de Paris, a :



- renvoyé les parties à se pourvoir au fond ainsi qu'elles en aviseront, mais dès à présent par provision ;

- ordonné à la société Hayem de communiquer à la société Nouvelle demeure la copie des documents suivants certifiés par l'administration fiscale :

' la déclaration d'option à la TVA, exercée par la société Hayem pour le local commercial loué au [Adresse 3],

' une attestation du numéro de TVA en cours de validité,

' le tout, sous astreinte de 250 euros par jour de retard pendant un délai maximal de 60 jours,

- dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus ;

- condamné la société Hayem à payer à la société Nouvelle demeure la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Hayem aux dépens.



Par déclaration du 17 novembre 2021, la société Hayem a relevé appel de l'ensemble des chefs du dispositif de cette décision.



Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 15 avril 2022, la société Hayem demande à la cour, de :



- réformer l'ordonnance entreprise en toutes ses dispositions ;

- dire n'y avoir lieu à sa condamnation ;

- dire n'y avoir lieu à astreinte, ni à article 700 ni à dépens ;



En toute hypothèse,

- débouter la société Nouvelle Demeure de la totalité de ses fins et conclusions, les dire irrecevables, en tout cas mal fondées ;



Statuant à nouveau,

- condamner la société Nouvelle Demeure à lui payer à titre provisionnel la somme de 138.099 euros au titre de son arriéré locatif décompte arrêté au 31 mars 2022 ;

- condamner la société Nouvelle Demeure à lui payer la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- la condamner aux dépens de première instance et d'appel et voir ordonner la distraction des dépens au profit de Me Etevenard, avocat à la Cour.



La société Hayem soutient en substance que :



- une demande fondée sur l'article 145 du code de procédure civile est recevable sous réserve que le demandeur établisse un motif légitime et que la mesure ne soit pas inutile ;

- la société Nouvelle Demeure a payé la TVA à la société Hayem, puis a récupéré cette TVA auprès de l'administration fiscale, de sorte qu'elle en a obtenu le remboursement ;

- par ailleurs, si la société Nouvelle Demeure obtenait la condamnation de la société Hayem à lui rembourser de la TVA, cette demande serait nécessairement prescrite pour une bonne partie ;

- ainsi, l'opération serait nécessairement neutre pour elle et dépourvue du moindre intérêt ;

- seul le trésor public est habilité à réclamer des sommes au titre de la TVA à la société Hayem ;

- tous les documents nécessaires ont été produits y compris, la lettre d'option à la TVA ;

- la société Hayem est bien fondée à solliciter, en vertu de l'article 835 alinéa 2 du code de procédure civile, la condamnation à titre provisionnel de la société Nouvelle Demeure à lui régler la somme de 138.099 euros correspondant à son arriéré locatif (décompte arrêté au 31 mars 2022), le loyer étant payable trimestriellement à terme échu ;

- pour la première fois à hauteur d'appel, la société Nouvelle Demeure demande à la cour d'ordonner, à titre reconventionnel et provisoire, à la société Hayem d'annuler l'intégralité de la TVA quittancée jusqu'à ce jour pour un montant de 127.639,61 euros, et la TVA à venir jusqu'à la présentation de la preuve d'une option à la TVA spécialement pour le local situé à [Localité 5] et de sa date de réception par le centre des impôts, de régler à la société Nouvelle Demeure les sommes injustement compensées avec cette créance injustifiée de TVA pour un montant de 35.067,15 euros, le tout assorti d'une astreinte de 250 euros par jour de retard ;

- le juge de première instance n'avait pas été saisi de ces demandes, qui ne sont pas justifiées dans leur quantum ;

- il n'entre pas dans le pouvoir du juge des référés de statuer sur ces demandes qui reposent sur le postulat selon lequel la société Hayem n'aurait pas opté à la TVA ;

- par ailleurs, si une telle demande était fondée en son principe, elle serait nécessairement limitée par la prescription de l'article 2224 du code civil.



Dans ses dernières conclusions remises et notifiées le 19 avril 2022, la société Nouvelle demeure demande à la cour de :



- confirmer l'ordonnance rendue le 15 septembre 2021 par M. le président du tribunal judiciaire de Paris en ce qu'elle a :

' renvoyé les parties à se pourvoir au fond ainsi qu'elles en aviseront, mais dès à présent par provision,

' ordonné à la société Hayem de lui communiquer la copie des documents suivants, certifiées par l'administration fiscale : la déclaration d'option à la TVA, exercée par la société Hayem pour le local commercial loué au [Adresse 3]), une attestation du numéro de TVA en cours de validité sous une astreinte de 250 euros par jour de retard pendant un délai maximal de 60 jours,

' dit n'y avoir lieu à référé sur le surplus,

' condamné la société Hayem à lui payer la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

' condamné la société Hayem aux dépens,

- rejeter la demande de sa condamnation à payer à titre provisionnel à la société Hayem, la somme de 138.099 euros, qui se heurte à une contestation sérieuse et dire n'y avoir lieu à référé ;

- ordonner, à titre reconventionnel et provisoire, à la société Hayem d'annuler l'intégralité de la TVA quittancée jusqu'à ce jour à celle-ci, d'un montant de 105.792,63 euros, arrêté au 31 mars 2022, et la TVA à venir jusqu'à la présentation de la preuve d'une option à la TVA spécialement pour le local situé [Adresse 3]), loué à celle-ci, et de sa date de réception par le centre des impôts, de lui régler les sommes injustement compensées avec cette créance injustifiée de TVA pour un montant de 20.067,15 euros, et à titre subsidiaire pour un montant de 19.140,05 euros ; le tout assorti d'une astreinte de 250 euros par jour de retard ;

- condamner la société Hayem à lui verser la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive et dilatoire ;

- rejeter la demande de sa condamnation à payer à la société Hayem, la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux dépens de première instance et d'appel ;

- condamner la société Hayem à lui verser la somme de 6.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.



La société Nouvelle Demeure soutient en substance que :



- elle justifie d'un motif légitime à l'établissement de la preuve de l'option à la TVA ;

- en vertu des articles 10, 11 et 145 du code de procédure civile, le juge a la possibilité d'ordonner à une partie la production de tout élément de preuve qu'elle est la seule à détenir, au besoin à peine d'astreinte ;

- ce motif est ici légitime tout d'abord car elle aurait la possibilité d'exercer une procédure fondée sur la répétition de l'indu pour les sommes versées, d'annuler la créance sollicitée injustement par la société Hayem et d'exercer une procédure en responsabilité pour le préjudice subi du fait du quittancement infondé de la TVA ;

- la société Hayem ne justifie pas avoir exercé l'option expresse à la TVA pour le local qu'elle loue à la société Nouvelle demeure alors qu'il existe une obligation légale de déclaration d'option à la TVA et que la société Hayem ne justifie pas avoir rempli cette obligation ;

- le courrier produit par la société Hayem n'établit ni son envoi, ni sa réception, de sorte qu'il est impossible d'affirmer que l'option a bien été exercée, ni à quelle date elle aurait été reçue par l'administration fiscale ;

- en vertu des articles 834, 835, 567, 64 et 70 du code de procédure civile et de l'article L.131-1 du code des procédures civiles d'exécution, la demande reconventionnelle de la société Hayem sera rejetée, se heurtant à une contestation sérieuse ;

- les loyers et charges ont été régulièrement payés par la société Nouvelle Demeure ;

- faute pour elle d'établir l'option exercée à la TVA et la date de sa réception par l'administration fiscale, la société Hayem n'est pas en droit de quittancer la TVA à la société Nouvelle Demeure ;

- il est demandé de constater que la demande reconventionnelle de la société Hayem tendant à la condamnation de la société Nouvelle demeure à lui payer à titre provisionnel la somme de 138.099 euros, arrêtée à la date du 31 mars 2022, se heurte à une contestation manifestement sérieuse ;

- la demande de provision n'est pas nouvelle au sens de l'article 546 du code de procédure civile, mais elle a un caractère reconventionnel, recevable en raison de son lien suffisant avec les prétentions de la société Hayem ;

- la société Nouvelle Demeure demande donc la condamnation de la société Nouvelle Demeure à payer la créance dont le montant est aujourd'hui de 138.099 euros ;

- la société Hayem tente d'opposer à la société Nouvelle demeure la prescription quinquennale qui affecterait la créance de TVA que cette dernière entend faire annuler ;

- les manoeuvres de la société Hayem n'ayant été découvertes qu'en 2020, les sommes excédentaires versées à sa bailleresse ne pouvaient pas correspondre à de la TVA, mais à des avances de loyers versées par la société Nouvelle Demeure ;

- en l'absence d'une lettre d'option expresse établissant la date à partir de laquelle cette dernière a été exercée pour le local loué à la société Nouvelle demeure, la société Hayem succombe dans sa démonstration d'option à la TVA ;

- la Cour condamnera la société Hayem à régler à la société Nouvelle demeure les sommes qui lui sont dues et qui ont été injustement compensées avec la créance infondée de TVA, d'un montant de 20.067,15 euros, outre la somme provisoire de 15.000 euros au titre de l'astreinte prononcée par le juge des référés, sauf à parfaire ;

- si la Cour considérait que la somme de 20.067,15 euros était sérieusement contestable, à titre subsidiaire, elle constatera que la société Hayem reconnaît elle-même devoir à la société Nouvelle demeure la somme de 19.140,05 euros de manière certaine et l'avoir indûment compensée ;

- en conséquence, la Cour condamnera la société Hayem à payer à la société Nouvelle Demeure la somme de 19.140,05 euros avec une astreinte de 250 euros par jour de retard, compte tenu du comportement de mauvaise foi de la société Hayem ;

- la société Hayem a interjeté appel de manière abusive et dilatoire et sera donc condamnée à verser à la société Nouvelle demeure la somme de 5.000 euros à titre de dommages intérêts.



Pour un plus ample exposé des moyens des parties, il est renvoyé à leurs conclusions susvisées conformément à l'article 455 du code de procédure civile.




SUR CE, LA COUR



Sur la demande de communication de pièces



L'article 145 du code de procédure civile dispose que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé.



La société Hayem soutient en premier lieu que la demande de communication de pièces formulée par la société Nouvelle Demeure serait irrecevable, faute pour cette dernière de justifier d'un motif légitime et de l'utilité de la mesure.



Sur ce point, la question du motif légitime et de l'utilité d'une mesure ne relève pas des fins de non- recevoir telles que définies par l'article 122 du code de procédure civile, qui, pour mémoire, mentionne à ce titre le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix et la chose jugée, mais bien du fond du litige au regard des conditions posées par l'article 145 du code de procédure civile.



Ensuite, il est allégué par la société Nouvelle Demeure qu'elle serait fondée à agir tant sur le fondement des dispositions de l'article 1302 du code civil et de la répétition de l'indu que sur celui de l'article 1231-1 du code civil et de la responsabilité contractuelle à l'encontre de la société Hayem.



En application de l'article 260 du Code général des impôts, le bailleur qui donne en location des locaux nus pour les besoins de l'activité d'un preneur assujetti à la TVA ne peut acquitter celle-ci que sur sa demande. Par application de l'article 267-1 du code général des impôts, les frais accessoires à une opération de location soumise de plein droit ou par option à la TVA doivent être compris dans la base d'imposition du bailleur, ce qui inclut les accessoires et compléments du loyer.



Ni le bail conclu entre les parties ni le renouvellement du bail ne mentionnent une quelconque option de la bailleresse au titre de la TVA, de sorte que, pour le cas où la TVA aurait été collectée auprès de la locataire et non reversée à l'administration fiscale, et quand bien même seule cette dernière serait habilitée à réclamer les sommes en litige,les pièces qu'elle demande sont susceptibles d'améliorer sa situation probatoire à tout le moins dans un éventuel litige en responsabilité à l'encontre de la société Hayem.











En revanche, il apparaît en cause d'appel que :



- la société Hayem a procédé à la communication des déclarations de TVA de février 2008, novembre 2011, février 2013, juillet 2019, février 2020 (sous le n° Siren 485 113 815) puis des déclarations de TVA d'octobre et novembre 2021 (sous le n°Siren 513 478 388, l'administration fiscale ayant rattaché l'obligation de TVA du n°Siren 485 113 815 vers le n°Siren 513 478 388), un courrier d'option à la TVA en date du 1er mars 2007, un certificat certifié de régularité fiscale du 3 mai 2021, précisant que la société Hayem est à jour de ses obligations fiscales, une attestation du 4 mai 2021 de la qualité d'assujettie à la TVA de la société Hayem,

- la société Hayem justifie par ailleurs avoir sollicité de l'administration fiscale, à plusieurs reprises, la certification de la lettre d'option de TVA, certification qu'elle n'a pas obtenue mais elle produit un mémento fiscal, émanant de l'administration fiscale elle-même, qui reprend à compter du 1er janvier 2008 l'option à la TVA exercée par la société Hayem,

- il s'en déduit que la société Hayem a produit en cours de procédure, que ce soit en exécution de l'ordonnance de référé rendue qui lui impartissait de produire la déclaration d'option pour le local et une attestation de numéro de TVA en cours de validité, que spontanément, les éléments dont pourrait dépendre la solution la solution du litige envisagé par la société Nouvelle Demeure.



Dans ces conditions, la mesure d'instruction ne présente aucun intérêt probatoire pour la société Nouvelle Demeure qui sera déboutée de cette demande, l'ordonnance rendue étant infirmée de ce chef.



Surabondamment, la société Nouvelle Demeure, qui formule également une demande de remboursement de la TVA collectée considère, non sans contradiction, comme certain le quittancement de TVA à tort, en l'absence de justification de l'option et sollicite tout de même une mesure d'instruction sur ce point, de sorte que l'articulation de ses demandes amène à rejeter de plus fort sa demande de communication de pièces fondée sur les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile.



Sur la demande provisionnelle de la société Nouvelle Demeure



L'article 564 du code de procédure civile prévoit qu'à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.



L'article 566 de ce code dispose que les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.



L'article 834 du code de procédure civile indique que dans tous les cas d'urgence, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence, peuvent ordonner en référé toutes les mesures qui ne se heurtent à aucune contestation sérieuse ou que justifie l'existence d'un différend.



L'article 835 du code de procédure civile prévoit que le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite.



Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.









La société Nouvelle Demeure soutient qu'en l'absence de lettre d'option expresse établissant la date à partir de laquelle cette option a été exercée pour le local loué, la société Hayem a appliqué à tort la TVA sur les loyers quittancés, ce, depuis 2006. Elle poursuit en indiquant que l'intégralité de la TVA quittancée devra être "annulée" soit la somme de 127.639 euros, arrêtée au 31 décembre 2021, augmentée de la somme globale de 35.067,15 euros à laquelle la société Hayem a été condamnée aux termes de précédentes procédures.



Or, il apparaît que cette demande tendant à voir "annuler" la TVA quittancée et à se voir en conséquence allouer une provision à ce titre n'a incontestablement pas été soumise au premier juge, la société Nouvelle Demeure lui ayant exclusivement soumis sa demande de communication de pièces sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile.



Il s'agit d'une demande additionnelle qui n'est ni l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire de la demande de communication de pièces.



En outre, cette demande n'est destinée ni à opposer compensation, ni à faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.



Elle est donc irrecevable comme formant une demande nouvelle, par application des articles 564 et 566 du code de procédure civile.



Surabondamment, il sera observé que l'obligation de restitution de la TVA quittancée est sérieusement contestable, tout comme celle de la somme qui aurait été "compensée" à tort, de sorte qu'avec l'évidence requise en référé, il ne saurait être fait droit à cette demande de provision.



Sur la demande provisionnelle de la société Hayem



La société Hayem demande en application des dispositions de l'article 835 du code de procédure civile à ce que lui soit alloué une provision de 138.099 euros correspondant à un arriéré locatif arrêté au 31 mars 2022. La société Nouvelle Demeure pour sa part expose qu'elle a été parfaitement à jour des règlements de loyers et charges jusqu'à ce qu'elle s'aperçoive du paiement indu de TVA.



Il ressort des pièces produites que le décompte produit et arrêté au 31 mars 2022 inclut certes les loyers et charges impayés, mais aussi la TVA ainsi que d'autres postes tels "frais d'huissier", "article 700", "intérêts arrêt"qui ne sont pas vérifiables.



Il se déduit toutefois de ce décompte qu'entre le 1er avril 2020 et le 14 avril 2022, la société Nouvelle Demeure s'est acquittée de la somme de 7.776 euros, alors que le loyer exigible sur cette période (9.200 euros par trimestre sur 2 ans, soit 6 trimestres) s'élève à tout le moins à la somme de 55.200 euros,



De la sorte, il sera alloué à la société Hayem une provision à hauteur de la somme non contestable de 47.424 euros (55.200 euros -7.776 euros), l'ordonnance rendue étant infirmée sur ce point.



Sur la demande de dommages intérêts pour procédure abusive



L'exercice d'une voie de recours étant un droit, et aucune faute de la société Hayem n'étant démontrée dans l'exercice de ce droit, cette demande sera rejetée.



Sur les autres demandes



Le succès de la société Hayem en ses prétentions étant en lien avec les pièces produites en cause d'appel, l'ordonnance rendue sera confirmée en ce qui concerne le sort des dépens et des frais irrépétibles.



Partie perdante, la société Nouvelle Demeure sera condamnée aux dépens d'appel.



Il serait inéquitable de laisser à la charge de la société Hayem les frais irrépétibles qu'elle a été contrainte d'exposer au soutien de l'appel.





PAR CES MOTIFS



Infirme l'ordonnance rendue, excepté en ce qu'elle a condamné la société Hayem à communiquer deux pièces sous astreinte et en ce qu'elle l'a condamnée aux dépens et frais irrépétibles de première instance,



Statuant à nouveau et y ajoutant,



Vu l'évolution du litige,



Supprime l'astreinte assortissant la communication de pièces par la société Hayem à compter du présent arrêt,



Déclare irrecevable la demande de provision présentée par la société Nouvelle Demeure,



Condamne la société Nouvelle Demeure à payer à la société Hayem à titre provisionnel la somme de 47.424 euros,



Rejette toutes autres demandes,



Condamne la société Nouvelle Demeure aux dépens d'appel, dont distraction conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile,



Condamne la société Nouvelle Demeure à payer à la société Hayem la somme de 3.000 euros en cause d'appel sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.



LE GREFFIER LA PRESIDENTE

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