23 juin 2022
Cour d'appel d'Aix-en-Provence
RG n° 19/02174

Chambre 3-1

Texte de la décision

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-1



ARRÊT AU FOND

DU 23 JUIN 2022



N° 2022/223













N° RG 19/02174 - N° Portalis DBVB-V-B7D-BDX6F







Société GENERALI SEGUROS





C/



SA CMA - CGM





















Copie exécutoire délivrée

le :

à : Me Joseph MAGNAN



Me Sandra JUSTON

















Décision déférée à la Cour :



Jugement du Tribunal de Commerce de MARSEILLE en date du 11 Janvier 2019 enregistré au répertoire général sous le n° 2015F00599.







APPELANTE



Société GENERALI SEGUROS, dont le siège social est sis [Adresse 2] - ESPAGNE



représentée par Me Joseph MAGNAN de la SCP MAGNAN PAUL MAGNAN JOSEPH, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assisté de Me Béatrice FAVAREL, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant







INTIMEE



SA CMA - CGM, dont le siège social est sis [Adresse 1]



représentée par Me Sandra JUSTON de la SCP BADIE SIMON-THIBAUD JUSTON, avocat au barreau d'AIX-EN-PROVENCE, assistée de Me André JEBRAYEL, avocat au barreau de MARSEILLE, plaidant







*-*-*-*-*





COMPOSITION DE LA COUR





L'affaire a été débattue le 12 Mai 2022 en audience publique. Conformément à l'article 804 du code de procédure civile, Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère, a fait un rapport oral de l'affaire à l'audience avant les plaidoiries.



La Cour était composée de :





Monsieur Pierre CALLOCH, Président

Madame Marie-Christine BERQUET, Conseillère

Madame Stéphanie COMBRIE, Conseillère







qui en ont délibéré.



Greffier lors des débats : M. Alain VERNOINE.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2022.







ARRÊT



Contradictoire,



Prononcé par mise à disposition au greffe le 23 Juin 2022,



Signé par Monsieur Pierre CALLOCH, Président et M. Alain VERNOINE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.




***















































EXPOSE DU LITIGE





La société de droit espagnol «Atuneros Congeladores y Transportes Frigorificos'' (société Atunsa), chargeur au connaissement SNl252055, a confié à la société CMA-CGM le transport de 19 conteneurs de thons congelés en vrac, sous température dirigée à -20°C, entre les ports de [Localité 3] (Sénégal) et [Localité 5] (Île Maurice).





Selon le connaissement, la marchandise devait être transportée à une température constante de - 20 °C.





Lors d'une escale à [Localité 6] le 16 août 2013, à l'occasion de laquelle un transbordement de la cargaison a été effectué, une détérioration de la marchandise a été constatée dans deux conteneurs réfrigérés (GESU902867/8 et GESU916851/4).





Le destinataire, la société Princes Tunia (Mauritius) Ltd, a refusé de prendre livraison de la marchandise, et celle-ci a été conservée à [Localité 6].





Le 16 septembre 2013, une expertise contradictoire organisée par les intérêts cargaison a constaté une formation anormale de glace empêchant une circulation correcte de l'air de réfrigération ainsi que le maintien de la température de consigne.





Une vente en sauvetage a été organisée, pour un montant de 9.837,48 euros.





L'expert a évalué le préjudice subi par le chargeur à la somme de 84.754,52 euros, déduction faite de la vente en sauvetage. Il a également tenu compte d'une valeur de vente de la cargaison de thon estimée à 94.572 euros si elle n'avait pas été avariée.





La société de droit espagnol, Generali Seguros assureur de la société Atunsa lui a versé la somme de 84.734,52 euros.





S'estimant légalement subrogée dans les droits de son assurée, la société Generali Seguros a fait assigner la société CMA-CGM le 11 février 2015 devant le tribunal de commerce de Marseille en remboursement de la somme précitée.



Par jugement du 11 janvier 2019, le tribunal de commerce de Marseille a statué ainsi :



-déclare irrecevable l'action de la Compagnie d'assurances Generali Seguros,

-condamne la Compagnie d'assurances Generali Seguros à payer à la société CMA CGM S.A., la somme de 6 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.



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La société Generali Seguros a relevé appel de cette décision et expose dans ses conclusions du 24 mars 2022 :



-qu'elle est régulièrement subrogée dans les droits de la société Atunsa, et que ses demandes sont recevables et bien-fondées,

-que la version de la convention de 1924 amendée par ses protocoles modificatifs de 1968 et 1979 et telle que ratifiée par la France, «pour l'unification de certaines règles en matière de connaissement » est applicable au présent litige,

-que la société CMA CGM a commis une faute en ce qu'elle a fourni des conteneurs défectueux, et que sa responsabilité est engagée dans les avaries survenues sur la marchandise contenue dans les conteneurs GESU 9028678 et GESU 9168514 et constatées lors d'une expertise contradictoire,

-que cette société a commis une faute au port de transbordement en ce qu'elle n'a pas entrepris les mesures adéquates afin de sauvegarder les marchandises,

-que le transporteur ne prouve pas l'existence d'un cas excepté pour pouvoir s'exonérer de sa responsabilité.





La société Generali Seguros sollicite la réformation du jugement attaqué et demande à la cour de condamner la société CMA-CGM à lui payer la somme en principal de 84.734,52 euros, sauf à parfaire, outre les intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation avec anatocisme par année conformément à l'article 1154 du code civil dans sa rédaction applicable à la cause, et de la débouter de ses demandes, fins et conclusions.

Elle sollicite également la condamnation de la société CMA-CGM à lui payer la somme de 10.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile outre les dépens.



-------------



Dans ses écritures du 29 mars 2022, la société CMA-CGM rétorque :



-que la compagnie Generali Seguros est irrecevable à agir puisque l'assureur ne démontre pas l'existence d'un paiement obligé en exécution d'une police,

-que le pièce adverse n° 22 doit être écartée des débats,

-que la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 originelle doit s'appliquer,

-que le chargeur a commis une faute en raison d'un empotage à chaud et incorrect de la marchandise en vrac dans les deux conteneurs litigieux, cause des dommages aux marchandises,

-qu'elle n'a commis aucune faute,

-qu'elle bénéfice des cas exceptés exonératoires de responsabilité prévus à l'article 4.2 [i] et/ou [n] de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 originelle,

-que la société Generali Seguros doit être déboutée de ses demandes.



A titre subsidiaire, la société intimée fait valoir :



-qu'au regard de la Convention de Bruxelles du 25 août 1924 originelle applicable au transport litigieux, sa condamnation doit être limitée à la somme de 1.647,92 DTS ou son équivalent en Euros au cours en vigueur au jour de la décision.



La société CMA-CGM conclut à la confirmation du jugement qui a déclaré la société Generali Seguros irrecevable à agir, et subsidiairement, demande le rejet des réclamations formulées et la condamnation de la société appelante au paiement de la somme de 8.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile.









La cour renvoie, pour l'exposé complet des moyens et prétentions des parties à leurs écritures précitées.



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Le conseiller de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction par ordonnance du 4 avril 2022 et a fixé l'examen de l'affaire à l'audience du 12 mai 2022.



L'affaire a été retenue à l'audience du 12 mai 2022 et mise en délibéré au 23 juin 2022.






MOTIFS





Sur le rejet de la pièce 22 communiquée par l'appelante :



La pièce numérotée 22 est un rapport d'expert commis par la société appelante « rapport PROTIS SURVEYS » et figure dans le bordereau de communication de pièces de la société Generali Seguros du 24 mars 2022.



La société CMA-CGM fait valoir que cette pièce ne lui a pas été communiquée malgré une sommation des 25 et 28 mars 2022.



Par courrier du 29 mars 2022, l'avocat de la société Generali Seguros a indiqué que la pièce 22 était retirée des débats, de sorte qu'il n'y a pas lieu de statuer sur ce chef de demande.





Sur la recevabilité de la société Generali Seguros à agir :



La société CMA-CGM soutient l'irrecevabilité de l'action de la société Generali Seguros aux motifs que la police d'assurance, datée du 7 décembre 2010, concerne la période du 30 novembre 2010 au 1° janvier 2011, que les pièces complémentaires produites en appel sont rédigées en espagnol, et qu'à supposer recevable la police d'assurance, elle contient des clauses d'exclusion en cas de carence dans l'empotage de la marchandise.



La société Generali Seguros verse aux débats un avenant n°141 à la police n° NU-5-480.001.774 qui démontre que le contrat d'assurance couvre tout transport entre le 22 juillet 2013 et le 17 novembre 2013.



Ainsi, au regard de la police d'assurance et de son avenant, communiqués également dans leur version traduite, le sinistre intervenu entre le 6 et le 13 août 2013 se trouve garanti par la police précitée.



Dans la rubrique « risques couverts », il est mentionné « A condition que les marchandises soient en bon état au moment de la rédaction de cet ajout. Cette assurance couvre (...) les pertes, détériorations, dommages à la marchandise assurée qui surviendraient pendant la durée du contrat d'assurance ».



Il est ajouté un paragraphe selon lequel « les dommages (perte totale, ou avaries quelconque) survenus en cours de transport maritime, ou lors des opérations de chargement ou de déchargement, dans, les ports maritimes ou fluviaux proprement dits, et de transbordement (le cas échéant) sont assurés au titre de la police ''.













Il est précisé dans ce contrat qu'il s'applique «partout dans le monde », du début des opérations de chargement jusqu'à l'arrivée à l'entrepôt de destination » et contient une clause d'extension de couverture aux produits congelés.



Dès lors, la clause d'exclusion liée à l'empotage ne ressort pas de la police d'assurance. En tout état de cause, il n'appartient pas aux assureurs de préjuger de la responsabilité éventuelle du chargeur dans l'apparition des dommages, étant rappelé qu'en l'espèce le paiement de l'indemnité a été effectué sur la base d'un rapport contradictoire (Eurovet) mettant en exergue des variations thermiques importantes, permettant ainsi la mise en 'uvre des conditions de la police d'assurance.





Par ailleurs, la société d'assurances verse aux débats un virement effectué le 19 février 2014 à la société Atunsa d'un montant de 84.734,52 euros qui correspond au préjudice évalué par l'expert.



Cette société atteste avoir reçu la somme de 84.734,52 euros à titre d'indemnité d'assurances de la part de la société Generali Seguros.



La société Generali Seguros qui justifie être subrogée dans les droits de son assurée est ainsi recevable à agir.



Le jugement est dès lors infirmé de ce chef.





Sur la convention applicable :



Le connaissement SN1252055 a été émis à [Localité 3] au Sénégal, signataire de la Convention de Bruxelles de 1924 originelle (dite « Règles de [Localité 4] ») qui dispose en son article 10 :



1/ « Les dispositions de la présente convention s'appliquent à tout connaissement crée dans un des Etats contractants ''.



Le Sénégal, pays d'émission du connaissement et de départ du transport n'est pas un état contractant de la Convention de Bruxelles amendée.



L'appelante invoque les termes et conditions générales de la société CMA-CGM qui contiennent une clause n°30 sur le droit applicable au contrat de transport et stipule : « Sauf dispositions contraires prévues par le présent connaissement, tout litige né à l'occasion de l'interprétation ou de l'exécution de ce connaissement sera réglé conformément à la loi française ».



La clause 1 du connaissement CMA-CGM prévoit que le terme « Règles de la Haye » désigne les dispositions de la Convention Internationale de Bruxelles du 25 août 1924 sur l'unification de certaines règles relative aux connaissements et inclut les amendements apportés par les Protocoles signés à Bruxelles le 23 février 1968 et le 21 décembre 1979, mais seulement si ces amendements sont impérativement applicables à ce connaissement (traduction libre des parties).

















La clause 6 précise que « Lorsque la perte ou le dommage survient entre le moment de chargement des Marchandises par le Transporteur ou par tout Transporteur substitué au port de chargement, et le moment de déchargement par le Transporteur ou par tout Transporteur substitué au port de déchargement, la responsabilité du Transporteur sera déterminée conformément aux Règles de [Localité 4] ou à toute loi nationale incorporant ou rendant les Règles de [Localité 4], ou tout amendement s'y rapportant, impérativement applicables à ce Connaissement.''



Il apparaît dès lors que le connaissement inclut une clause dite « paramount » permettant aux parties de renvoyer contractuellement à l'application d'un traité, en l'espèce la version amendée de la Convention de Bruxelles, nonobstant le fait que le pays émetteur du connaissement, et point de départ du transport maritime, n'ait pas ratifié ce traité, tel que le permet la Convention de Bruxelles amendée.



Pour autant, les clauses 1 et 6 susvisées ne renvoient à la version amendée que « si ces amendements sont impérativement applicables » (traduction libre).





Au cas particulier, le connaissement n'ayant pas été émis dans un Etat contractant à la Convention de Bruxelles amendée et le transport n'ayant pas eu lieu au départ du pays contractant, la version amendée de la Convention de Bruxelles ne peut être considérée comme impérative, de sorte qu'elle n'est pas applicable en l'espèce et que seule est applicable la convention dans sa version originelle.



En outre, il convient de constater que la société Generali Seguros a accepté un report de prescription à la condition de se soumette aux termes et conditions du connaissement CMA-CGM.



La société d'assurance a donc nécessairement accepté les dispositions de l'article 6 des conditions générales de la société intimée.





Sur la responsabilité du transporteur :



Selon l'article 4.2 de la Convention de Bruxelles de 1924 originelle :



«Ni le transporteur, ni le navire ne seront responsables pour perte ou dommage résultant ou provenant :

i) D'un acte ou d'une omission du chargeur ou propriétaire des marchandises, de son agent ou représentant ;

I--~l

n) D'une insuffisance d'emballage ; ''



Le connaissement SNl252055 a été signé par l'agent DELMAS CMA-CGM à [Localité 3], sans qu'aucune réserve ne soit prise sur l'état des marchandises.



Trois rapports d'expertise ont été rédigés :



-Rapport d'expertise du cabinet Zizi intervenant pour le compte de la CMA-CGM.

-Rapport technique établi par la société d'expertise BMT Surveys Rotterdam (Nautical, Cargo and Technical Surveyors and consultants),

-Rapport Eurovet mandaté par l'assureur.











La marchandise a été empotée par un chargeur professionnel, spécialiste du transport de thon.



Les deux conteneurs litigieux ont été fournis par la société CMA-CGM à la société Atunsa, chargeur et ont été inspectés par la société Bollore Africa Logistics qui a constaté leur fonctionnement adéquat.



Figurait sur le recto du connaissement écrit en langue anglaise, en caractère très apparent et en langue française, figure la mention suivante : MARCHANDISE EMPOTEE EN VRAC PAR LE CHARGEUR, LA RESPONSABILITE DU TRANSPORTEUR NE PEUT ETRE ENGAGEE '' .La société appelante soutient que cette clause est léonone.



Les règles de la Convention de Bruxelles de 1924 concernant la responsabilité de plein droit du transporteur maritime sont d'ordre public par application de l'article 3 paragraphe 8 de la Convention selon lequel « toute clause, convention ou accord dans un contrat de transport exonérant le transporteur ou le navire de responsabilité pour perte ou dommage concernant des marchandises provenant de négligence, faute ou manquement aux devoirs ou obligations édictés dans cet article ou atténuant cette responsabilité autrement que ne le prescrit la présente Convention sera nulle, non avenue et sans effet ».



La société CMA CGM n'est en conséquence pas fondée à se prévaloir de la clause précitée.

Selon la clause 21 du connaissement : « Le Marchand s'engage à ne pas remettre au Transporteur des Marchandises empotées dans des Conteneurs par lui-même ou pour son compte sans avoir avisé préalablement et par écrit le Transporteur de la nature de ces Marchandises et de la température à laquelle le point de consigne du Conteneur doit être réglé. Il s'engage à ce que les Marchandises soient correctement empotées dans le Conteneur et que le point de consigne du Conteneur soit réglé correctement avant la réception des Marchandises par le Transporteur et, si nécessaire, que la cargaison soit pré-refroidie avant le chargement dans le Conteneur. L'attention du Marchand est attirée sur le fait que les Conteneurs réfrigérés ne sont pas faits pour refroidir la cargaison qui n'a pas été comme indiqué ci-dessus empotée a la température adéquate et le Transporteur ne sera pas responsable des conséquences d'une Marchandise arrivée à une température plus élevée que celle requise pour le Transport. Si les recommandations ci-dessus ne sont pas observées le Transporteur ne sera pas responsable de toutes pertes ou dommages aux Marchandises. »



La clause 23 précise :« CONTENEURS EMPOTES PAR LE CHARGEUR

Si un Conteneur n'a pas été empoté par ou pour le compte du Transporteur :

(1) Le Transporteur ne sera pas responsable des pertes ou dommages aux Marchandises causés par :

(a) la manière dont la Marchandise a été empaquetée, empotée, arrimée ou sécurisée ou

(b) l'inadaptation des Marchandises au Transport dans le Conteneur fourni, ou

(c) l'inadaptation, l'état défectueux du Conteneur, ou le mauvais réglage (ventilation ou système de réfrigération), sous réserve que, si le Conteneur a été fourni par ou pour le compte du Transporteur, cette inadaptation ou cet état défectueux pouvait être décelé par une inspection du Marchand avant ou pendant l'empotage du Conteneur.

(d) l'empotage de Marchandises réfrigérées qui ne sont pas à la température voulue pour le Transport ou la mauvaise indexation de la température par le Chargeur. »



Une expertise a été effectuée les 16, 22 août et 13 septembre 2013 en présence du cabinet Zizi mandaté par la CMA-CGM.









Contrairement à ce que soutient la société Generali Seguros, elle était représentée lors de cette expertise, ainsi que cela résulte du rapport du cabinet Eurovet (page 4, parties intervenantes) et du rapport Zizi.



Cette expertise était donc contradictoire.



Il y est indiqué : « Création de beaucoup de glace à l'intérieur du conteneur en raison d'un mauvais empotage du poisson en vrac. »



La société appelante produit des photographies du rapport du Cabinet Zizi qui, selon elle démontrent clairement que le chargement a été effectué à même le plancher du conteneur, ce qui de toute évidence ne peut qu'obstruer les rails de drainage du conteneur et explique la formation de glace.



Selon le rapport d'expertise contradictoire effectué à [Localité 6], le cabinet Eurovet expert de la société Generali Seguros, les dommages subis par la marchandise trouvent leur cause dans le dysfonctionnement des conteneurs.



Il indique d'abord que l'empotage a été correctement réalisé par la société Atunsa SA et n'est pas la cause de la défaillance des deux conteneurs litigieux et précise « un arrimage normal pour ce type de poissons, qui garantit la circulation de l'air autour du plan d'arrimage, nécessite de maintenir la température du produit dans la cargaison, et même de le refroidir dans l'éventualité où serait observé une différence de température entre celle du poisson et celle de l'air à l'intérieur de l'unité frigorifique. »



« Ces dommages et altérations physiques de la congélation indiquent que le poisson a été exposé à des variations thermiques avec des phases de perte ou d'insuffisance de refroidissement suivi par les cycles de refroidissement. »

« Dans le cas qui nous intéresse, entre la première inspection et celle réalisé par nous-mêmes, l'état de cohésion observé sur le poisson tend à indiquer que, après la première inspection, le poisson aurait subi une perte de froid, et qu'il aurait ensuite été congelé à nouveau, ce qui dans un poisson qui n'a pas été transbordé à d'autres conteneurs ne peut être dû à des blocages de glace dans les conduites d'écoulement de l'air et de distribution de l'air, mais à d'autres facteurs dans les opérations des unités de refroidissement. Le blocage de glace a dû continuer entre les deux inspections entraînant un réchauffement progressif de la température. »



Une photographie est produite à l'appui de cette thèse. Cette photographie est contestée par la société intimée qui remarque que l'on voit uniquement que le chargeur a placé des sacs près des portes afin d'éviter que le chargement n'entre en contact avec ces dernières.



L'expert de la société Eurovet termine son rapport en indiquant que « Les connaissements litigieux font apparaître que 36 conteneurs sont concernés par ce voyage, et dans chacun d'entre eux le poisson a été empoté de la même façon sans qu'aucun dommage ne soit constaté. Cela signifie que si les dommages [aux conteneurs GESU9028678 & GESU9168514] étaient liés à un empotage défectueux, alors tous containers visés aux connaissements auraient subi des avaries, or ce n 'est pas le cas en l'espèce. »



Toutefois la société CMA-CGM précise que les autres conteneurs n'ont pas fait l'objet d'une inspection.

















La société intimée produit un rapport technique établi par la société d'expertise BMT Surveys Rotterdam (Nautical, Cargo and Technical Sureyors and Consu1tants) qui a examiné les data loggers.



Selon ce rapport :

« Le refroidissement de thon en vrac de -1°C/-2°C pour atteindre -20°C exigera une grande capacité de froid et un meilleur empotage optimal. La capacité de froid d'un conteneur réfrigéré n'est pas conçue à cette fin, mais pour maintenir la température exigée.

Comme un espace libre considérable existe entre le thon, pas de bloc d'arrimage, alors, aucun transfert optimal de d'air ne peut être atteint à travers l'ensemble du chargement. À cet égard, un circuit court d 'air froid et une réduction de la capacité en froid peut être facilement créé.

Comme rapporté, les experts ont noté quelque développement de glace dans le chargement.

Ce développement de glace pourrait bien être lié aux périodes diverses pendant lesquelles les conteneurs réfrigérés n'ont pas été branchés à une alimentation électrique, c'est-d-dire quand l'air à l'intérieur du conteneur devient plus chaud comme conséquence de radiation.

Nous considérons qu'au moment du chargement du thon, de l'humidité et de la saumure ont du se retrouver sur le plancher. Cette humidité a dû geler une fois que le groupe frigo du conteneur « reefer » a commencé à fonctionner. L'humidité gelée a dû réduire la capacité de refroidissement.

Selon l'expertise les data loggers ont indiqué que le chargement n'a pas été correctement pré-refroidi. ''



Toutefois, il convient de relever que la société CMA CGM dans un courrier électronique du l6 août 2013 a reconnu le dysfonctionnement des deux conteneurs GESU9l685l/4 et GESU902867/8 en raison d'une accumulation de glace obstruant les conduits de ventilation.



La marchandise devait être transportée à une température de -20° et aucun élément de démontre que lors du chargement de conteneurs, ils n'étaient pas à la température requise.



Selon les données « reefer », le conteneur GESU9168514 n'a jamais atteint la température contractuelle 'xée de -20°C entre le 6 août 2013 et le 16 août 2013, puisque les données affichent un « setpoint » (c'est-à-dire une température paramétrée) permanent de -18°.



Il doit aussi être relevé que le conteneur GESU9028678 a fait l'objet d'importantes variations de températures imputables à de nombreuses ruptures de l'alimentation du conteneur.



Le relevé des températures de ce conteneur révèle également de nombreuses coupures de d'alimentation pendant la phase maritime du transport entre [Localité 3] et [Localité 6] n'ayant pas permis le bon dégivrage du conteneur.



Il est donc démontré un mauvais fonctionnement des conteneurs litigieux alors qu'ils étaient sous la responsabilité du transporteur. Par ailleurs, aucune faute ne peut être retenue envers la société Atunsa.



La société CMA-CGM n'est en conséquence pas fondée à se prévaloir d'une clause du connaissement l'exonérant de sa responsabilité pour les dommages subis.















Sur l'indemnisation de la société Generali Seguros :



En vertu de l'article 4 paragraphe 5 de la convention de Bruxelles originale :

« Le transporteur comme le navire ne seront tenus en aucun cas des pertes ou dommages causés aux marchandises ou les concernant pour une somme dépassant 100 livres sterling par colis ou unité, ou l'équivalent de cette somme en une autre monnaie, a moins que la nature et la valeur de ces marchandises n'aient été déclarées par le chargeur avant leur embarquement et que cette déclaration ait été insérée dans le connaissement ».



Selon l'article 4.5 (e) :

« Ni le transporteur, ni le navire, n'auront le droit de bénéficier de la limitation de responsabilité établie par ce paragraphe s'il est prouvé que le dommage résulte d'un acte ou d'une omission du transporteur qui a eu lieu, soit avec l'intention de provoquer un dommage, soit témérairement et avec conscience qu'un dommage en résulterait probablement. »



La société Generali Seguros prétend que la société CMA-CGM en fournissant des conteneurs défectueux et en ne prenant pas soin de la marchandise lors du transbordement à [Localité 6] a agi de manière fautive.



La société Generali Seguros ne démontre pas, d'une part que les conteneurs étaient défectueux lors du chargement (le rapport BOLLORE AFRICA LOGISTICS indique le bon fonctionnement des conteneurs), et d'autre part, que le transporteur  ait eu conscience qu'un dommage pourrait résulter de son comportement.



En conséquence, la société CMA-CGM est condamnée à payer à la société Generali Seguros la somme de 1.647,92 DTS ou son équivalent en Euros au cours en vigueur au jour de la décision outre les intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation avec anatocisme par année conformément à l'article 1154 du Code civil.





Sur les frais et dépens :



La société CMA-CGM conservera la charge des entiers dépens de première instance et d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile.



Il convient de condamner en outre la société CMA-CGM à payer à la société Generali Seguros une somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.







PAR CES MOTIFS





La cour,



Constate que la société Generali Seguros retire des débats la pièce 22 figurant sur le bordereau de communication de pièces annexé à ses dernières conclusions,



Infirme le jugement attaqué,



Statuant à nouveau,



Déclare la société Generali Seguros recevable à agir,









Dit que la convention de Bruxelles originelle est applicable,



Condamne la société CMA-CGM à payer à la société Generali Seguros la somme de 1.647,92 DTS ou son équivalent en Euros au cours en vigueur au jour de la décision outre les intérêts au taux légal à compter de la date de l'assignation avec anatocisme par année conformément à l'article 1154 du code civil,



Condamne la société CMA-CGM aux dépens de première instance et d'appel, recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile,



Condamne la société CMA-CGM à payer à la société Generali Seguros une somme de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Déboute les parties de leurs demandes autres ou plus amples.





Le GREFFIER Le PRÉSIDENT

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