22 juin 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-10.570

Première chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C100608

Titres et sommaires

SUCCESSION - rapport - modalités - rapport en valeur - indemnité de rapport - eléments constitutifs - evaluation - critères - détermination - appréciation - portée

Aux termes de l'article 924-2 du code civil, le montant de l'indemnité de réduction se calcule d'après la valeur des biens donnés ou légués à l'époque du partage ou de leur aliénation par le gratifié et en fonction de leur état au jour où la libéralité a pris effet. En l'absence d'indivision entre le bénéficiaire de la libéralité et l'héritier réservataire et, par conséquent, en l'absence de partage, le montant de l'indemnité de réduction se calcule d'après la valeur des biens donnés ou légués à l'époque de sa liquidation ou de leur aliénation par le gratifié

Texte de la décision

CIV. 1

CF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 22 juin 2022




Cassation partielle sans renvoi


M. CHAUVIN, président



Arrêt n° 608 FS-B

Pourvoi n° Y 21-10.570



R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 22 JUIN 2022

M. [U] [I], domicilié [Adresse 2], a formé le pourvoi n° Y 21-10.570 contre l'arrêt rendu le 27 octobre 2020 par la cour d'appel de Versailles (1re chambre, 1re section), dans le litige l'opposant à M. [D] [I], domicilié [Adresse 1], défendeur à la cassation.

Le demandeur invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Poinseaux, conseiller, les observations de la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat de M. [U] [I], de la SAS Buk Lament-Robillot, avocat de M. [D] [I], et l'avis de Mme Marilly, avocat général référendaire, après débats en l'audience publique du 8 juin 2022 où étaient présents M. Chauvin, président, Mme Poinseaux, conseiller rapporteur, Mme Auroy, conseiller doyen, Mme Antoine, M. Fulchiron, Mmes Dard, Beauvois, conseillers, M. Duval, Mme Azar, M. Buat-Ménard, conseillers référendaires, Mme Marilly, avocat général référendaire, et Mme Berthomier, greffier de chambre,

la première chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Versailles, 27 octobre 2020), [B] [P] est décédé le 15 septembre 2013 en laissant pour lui succéder ses deux fils, [U] et [D], en l'état d'un testament olographe daté du 8 avril 2010 et instituant son fils [D] légataire universel.

2. Des difficultés sont survenues lors du règlement de la succession.

Examen du moyen

Sur le moyen, pris en sa seconde branche

Enoncé du moyen

3. M. [U] [I] fait grief à l'arrêt de dire, aux fins de détermination du montant de l'indemnité de réduction due par M. [D] [I], que l'expert désigné à cette fin aura mission de déterminer la consistance et la valeur de tous les biens existant au décès de [B] [I] et d'y réunir les biens dont il a été disposé en déterminant leur consistance et leur valeur dans les conditions prévues à l'article 922 du code civil et de rejeter sa demande tendant à la valorisation des biens légués à la date la plus proche du paiement de l'indemnité de réduction en vertu de l'article 924-2 du code civil, alors « qu'il résulte de la combinaison des articles 924, 924-1 et 924-2 du code civil que si le montant de l'indemnité de réduction due à l'héritier réservataire par le bénéficiaire d'une libéralité excédant la quotité disponible doit être calculé d'après la valeur des biens donnés ou légués à l'époque du partage ou de leur aliénation par le gratifié et en fonction de leur état au jour où la libéralité a pris effet, le montant de cette indemnité destinée à reconstituer la réserve doit être évalué, faute de partage, le jour où elle est liquidée en vue de son paiement ; qu'en retenant "qu'en l'absence d'indivision, aucun partage ne pouvait avoir lieu", que "le légataire universel détenant la propriété léguée à la date du décès, qui était donc la date de la jouissance divise des biens, c'était à cette date que l'indemnité est due au réservataire et doit donc être liquidée" et que M. [U] [I] ne pouvait dès lors reprocher au tribunal de ne pas avoir prévu, dans la mission de l'expert commis, la valorisation des biens donnés ou légués à leur valeur actuelle, lorsqu'en l'absence d'indivision, ces biens, faute de partage, devaient être valorisés, pour le calcul de l'indemnité de réduction, à la date de la liquidation de cette indemnité en vue de son paiement, la cour d'appel a violé les textes susvisés. »

Réponse de la Cour

Vu l'article 924-2 du code civil :

4. Aux termes de ce texte, le montant de l'indemnité de réduction se calcule d'après la valeur des biens donnés ou légués à l'époque du partage ou de leur aliénation par le gratifié et en fonction de leur état au jour où la libéralité a pris effet.

5. En l'absence d'indivision entre le bénéficiaire de la libéralité et l'héritier réservataire et, par conséquent, en l'absence de partage, le montant de l'indemnité de réduction se calcule d'après la valeur des biens donnés ou légués à l'époque de sa liquidation ou de leur aliénation par le gratifié.

6. Pour rejeter la demande de M. [U] [I] tendant à voir incluse, dans la mission de l'expert désigné, la détermination de la valeur des biens donnés ou légués à la date la plus proche du paiement de l'indemnité de réduction en application de l'article 924-2 du code civil, l'arrêt retient qu'en l'absence d'indivision et donc de partage, le légataire universel détient la propriété des biens légués à la date du décès, qui est celle de la jouissance divise, de sorte que c'est à cette date que l'indemnité de réduction est due au réservataire et doit donc être liquidée.

7. En statuant ainsi, alors que l'indemnité de réduction devait être calculée conformément à l'article 924-2 du code civil, la cour d'appel l'a violé.

Portée et conséquences de la cassation

8. Après avis donné aux parties, conformément à l'article 1015 du code de procédure civile, il est fait application des articles L. 411-3, alinéa 2, du code de l'organisation judiciaire et 627 du code de procédure civile.

9. L'intérêt d'une bonne administration de la justice justifie, en effet, que la Cour de cassation statue au fond.

PAR CES MOTIFS, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur la première branche, la Cour :

CASSE ET ANNULE, mais seulement en ce qu'il confirme le jugement rendu le 21 février 2019 en ce qu'il n'inclut pas, dans la mission de Mme [Y] [V], expert désigné, la détermination de la valeur des biens donnés ou légués à la date la plus proche du paiement de l'indemnité de réduction en application de l'article 924-2 du code civil, l'arrêt rendu le 27 octobre 2020, entre les parties, par la cour d'appel de Versailles ;


Dit n'y avoir lieu à renvoi ;

Dit que Mme [Y] [V], expert désigné, aura mission de déterminer la valeur des biens donnés ou légués à la date la plus proche du paiement de l'indemnité de réduction en application de l'article 924-2 du code civil ;

Dit n'y avoir lieu de modifier la charge des dépens telle que retenue par les juges du fond ;

Condamne M. [D] [I] aux dépens de l'instance en cassation ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-deux juin deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Fabiani, Luc-Thaler et Pinatel, avocat aux Conseils, pour M. [U] [I]

M. [U] [I] fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir, aux fins de détermination du montant de l'indemnité de réduction due par M. [D] [I], dit que l'expert désigné à cette fin aura pour mission de déterminer la consistance et la valeur de tous les biens existants au décès de [B] [I] et d'y réunir les biens dont il a été disposé en déterminant leur consistance et leur valeur dans les conditions prévues à l'article 922 du code civil, et de l'avoir débouté de sa demande tendant à la valorisation des biens légués à la date la plus proche du paiement de l'indemnité de réduction en vertu de l'article 924-2 du code civil ;

Alors, d'une part, que le débiteur d'une dette de valeur se libère par le versement de la somme d'argent résultant de sa liquidation ; qu'en retenant « qu'en l'absence d'indivision, aucun partage ne pouvait avoir lieu » (arrêt p. 14, § 1), que « le légataire universel détenant la propriété léguée à la date du décès, qui est donc la date de la jouissance divises des biens, c'est à cette date que l'indemnité de réduction est due au réservataire et doit donc être liquidée » (arrêt p. 13, § 4) et que M. [U] [I] ne pouvait dès lors reproche au tribunal de ne pas avoir prévu dans la mission de l'expert commis la valorisation des biens donnés ou légués à leur valeur actuelle [quand l'indemnité de réduction due par M. [D] [I] par suite du legs universel excédant la quotité disponible dont il avait bénéficié constituait une dette de valeur dont le montant devait être fixé à la date de sa liquidation, la cour d'appel a violé l'article 1343, alinéa 3, du code civil ; ]

Alors, d'autre part, et en tout état de cause, qu'il résulte de la combinaison des articles 924, 924-1 et 924-2 du code civil que si le montant de l'indemnité de réduction due à l'héritier réservataire par le bénéficiaire d'une libéralité excédant la quotité disponible doit être calculé d'après la valeur des biens donnés ou légués à l'époque du partage ou de leur aliénation par le gratifié et en fonction de leur état au jour où la libéralité a pris effet [le montant de cette indemnité destinée à reconstituer la réserve doit être évalué, faute de partage, le jour où elle est liquidée en vue de son paiement] ; qu'en retenant « qu'en l'absence d'indivision, aucun partage ne pouvait avoir lieu » (arrêt p. 14, § 1), que « le légataire universel détenant la propriété légués à la date du décès, qui est donc la date de la jouissance divises des biens, c'est à cette date que l'indemnité de réduction est due au réservataire et doit donc être liquidée » (arrêt p. 13, § 4), et que M. [U] [I] ne pouvait dès lors reprocher au tribunal de ne pas avoir prévu dans la mission de l'expert commis la valorisation des biens donnés ou légués à leur valeur actuelle quand, en l'absence d'indivision, ces biens, faute de partage, devraient être valorisés, pour calculer l'indemnité de réduction, à la date de liquidation de cette indemnité en vue de son paiement, la cour d'appel a violé les textes susvisés.

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