21 juin 2022
Cour d'appel d'Amiens
RG n° 21/01206

2EME PROTECTION SOCIALE

Texte de la décision

ARRET

N° 468





CPAM DU HAINAUT





C/



[T]







EW





COUR D'APPEL D'AMIENS



2EME PROTECTION SOCIALE





ARRET DU 21 JUIN 2022



*************************************************************



N° RG 21/01206 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IASV



JUGEMENT DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE DOUAI EN DATE DU 25 janvier 2021





PARTIES EN CAUSE :





APPELANT





CPAM DU HAINAUT agissant poursuites et diligences de son représentant légal pour ce domicilié en cette qualité audit siège

63 rue du Rempart

CS 60499

59321 VALENCIENNES CEDEX



Représentée et plaidant par Mme [S] [H] dûment mandatée











ET :





INTIME





Monsieur [I] [T]

Résidence du Moulin

5 avenue Arthur Rimbaud

59159 MARCOING





Représenté par Me PERREZ, avocat au barreau de DOUAI substituant Me Valérie BIERNACKI de la SELARL DRAGON BIERNACKI PIRET, avocat au barreau de DOUAI

















DEBATS :



A l'audience publique du 24 Mars 2022 devant Mme Elisabeth WABLE, Président, siégeant seul, sans opposition des avocats, en vertu des articles 786 et 945-1 du Code de procédure civile qui a avisé les parties à l'issue des débats que l'arrêt sera prononcé par sa mise à disposition au greffe le 21 Juin 2022.



GREFFIER LORS DES DEBATS :

Mme Marie-Estelle CHAPON





COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DELIBERE :



Mme Elisabeth WABLE en a rendu compte à la Cour composée en outre de:



Mme Elisabeth WABLE, Président,

Mme Graziella HAUDUIN, Président,

et Monsieur Renaud DELOFFRE, Conseiller,



qui en ont délibéré conformément à la loi.





PRONONCE :



Le 21 Juin 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au 2e alinéa de l'article 450 du code de procédure civile, Mme Elisabeth WABLE, Président a signé la minute avec Mme Blanche THARAUD, Greffier.




*

* *



DECISION



Vu le jugement rendu le 25 janvier 2021, par lequel le pôle social du tribunal judiciaire de Douai, statuant dans le litige opposant M. [I] [T] à la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut, a :



- jugé que les deux affections du genou droit et du genou gauche dont est atteint M. [I] [T], constatées par deux certificats médicaux initiaux du 19 juillet 2016 et du 10 janvier 2017 et déclarées les 14 février 2017 et le 25 mai 2017, doivent être pris en charge, au titre du tableau n°79 des maladies professionnelles, par la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut,

- dit n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la caisse primaire d'assurance maladie du Hainaut aux dépens,



Vu la notification du jugement le 15 février 2021 à la CPAM du Hainaut et l'appel relevé par celle-ci le 23 février 2021,



Vu les conclusions soutenues oralement à l'audience du 24 mars 2022, par lesquelles la CPAM du Hainaut prie la cour de :



- infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- dire et juger bien-fondé le refus de prise en charge de l'affection dont souffre M. [I] [T] aux deux genoux, au titre du tableau 79 des maladies professionnelles,



Vu les conclusions soutenues oralement à l'audience du 24 mars 2022, par lesquelles M. [I] [T] prie la cour de :



- confirmer la décision rendue par le tribunal judiciaire en date du 25 janvier 2021,

- juger que les deux affections du genou droit et du genou gauche dont il est atteint constatées par deux certificats médicaux initiaux du 19 juillet 2016 et du 10 janvier 2017 et déclarées les 14 février 2017 et le 25 mai 2017 doivent être prises en charge au titre du tableau n°79 des maladies professionnelles par la CPAM du Hainaut,

- subsidiairement, ordonner l'avis d'un troisième CRRMP,

- condamner la CPAM du Hainaut à lui payer la somme de 3 000 euros au visa de l'article 700 du code de procédure civile.




***



SUR CE LA COUR,



M. [I] [T], salarié de la société Moody Logistics BV en qualité de chauffeur depuis le 16 juin 2010, a renseigné le 14 février 2017 une déclaration de maladie professionnelle faisant état d'une « méniscopathie médiale » du genou droit médicalement constatée par IRM du 19 juillet 2016.



Après avoir procédé à l'instruction de cette demande au titre du tableau n°79 des maladies professionnelles relatif aux lésions chroniques du ménisque et diligenté à cette fin une enquête administrative, la CPAM du Hainaut, par décision du 12 juillet 2017, a refusé la prise en charge de cette pathologie au titre de la législation sur les risques professionnels.



Concomitamment à la procédure d'instruction de cette première pathologie, M. [I] [T] a effectué une autre déclaration de maladie professionnelle le 25 mai 2017 faisant état d'une « fissuration horizontale de la corne postérieure du ménisque médial, atteignant partiellement la surface articulaire inférieure du genou gauche » constatée médicalement le 10 janvier 2017.

Suite à la mise en oeuvre d'une enquête administrative, la CPAM du Hainaut, par décision du 11 octobre 2017, a refusé la prise en charge de cette pathologie au titre de la législation sur les risques professionnels.



Contestant le bien-fondé de ces deux décisions, M. [I] [T] a saisi la commission de recours amiable de l'organisme, puis le pôle social du tribunal judiciaire de Douai lequel, après avoir prononcé la jonction des deux procédures et après avis des comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles des régions Tourcoing Hauts-de-France et Rouen Normandie, a statué comme indiqué précédemment.



La CPAM du Hainaut sollicite l'infirmation du jugement déféré.



Elle expose, à ce titre, que M. [I] [T] exerce la profession de chauffeur routier et que les enquêtes administratives diligentées ainsi que les avis concordants des CRRMP saisis permettent de considérer que le salarié n'était pas exposé à des travaux comportant des efforts ou des ports de charges exécutés habituellement en position agenouillée ou accroupie conformément à la liste limitative des travaux du tableau n°79 des maladies professionnelles.



Elle ajoute que si le juge n'est pas lié par les avis des comité régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles, le tribunal ne pouvait faire abstraction de l'absence de toute caractérisation d'une exposition professionnelle en l'espèce.



En réponse et pour conclure à la confirmation du jugement déféré, M. [I] [T] soutient que ses tâches ne sauraient être résumées à la seule conduite des camions dès lors qu'il est établi qu'il se charge également des livraisons des colis, du chargement et du déchargement des camions le contraignant ainsi au port de charges lourdes en position agenouillée ou accroupie.



Il ajoute que cette exposition au risque est également établie au regard de la description de son poste de travail réalisée par son employeur à l'occasion des procédures d'instruction du caractère professionnel de ses pathologies.



Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il est renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé des prétentions et moyens.



***



*Sur le caractère professionnel des maladies déclarées:



Aux termes de l'article L.461-1 du code de la sécurité sociale, est présumée d'origine professionnelle toute maladie désignée dans un tableau de maladies professionnelles et contractée dans les conditions mentionnées à ce tableau.



Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée dans un tableau de maladies professionnelles peut être reconnue d'origine professionnelle lorsqu'il est établi qu'elle est directement causée par le travail habituel de la victime.



Peut être également reconnue d'origine professionnelle une maladie caractérisée non désignée dans un tableau de maladies professionnelles lorsqu'il est établi qu'elle est essentiellement et directement causée par le travail habituel de la victime et qu'elle entraîne le décès de celle-ci ou une incapacité permanente d'un taux évalué dans les conditions mentionnées à l'article L. 434-2 et au moins égal à un pourcentage déterminé.



Dans les cas mentionnés aux deux alinéas précédents, la caisse primaire reconnaît l'origine professionnelle de la maladie après avis motivé d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles.



Dans sa rédaction issue du décret n°91-877 du 3 septembre 1991, le tableau 79 des maladies professionnelles prévoit la prise en charge des lésions chroniques du ménisque à caractère dégénératif, confirmées par examens complémentaires ou au cours de l'intervention curative, ainsi que leurs complications comme la fissuration ou rupture du ménisque sous réserves d'un délai de prise en charge de deux ans et d'une exposition aux travaux comportant des efforts ou des ports de charges exécutés habituellement en position agenouillée ou accroupie.



En l'espèce, pour accueillir M. [I] [T] en sa demande reconnaissance du caractère professionnel des pathologies déclarées, les premiers juges ont retenu en substance que si les tâches décrites par le salarié consistent principalement dans la conduite d'un poids lourd et au déchargement de palettes à l'aide d'un transpalette environ 25 fois par jour, son employeur décrit des tâches quotidiennes de port de colis en vrac lors du chargement du camion qui, se trouvant à terre sur le quai, nécessitent de s'abaisser et de lever un par un les colis pour les disposer sur les palettes.



Le tribunal en a déduit que les tâches réalisées par le salarié impliquaient régulièrement une position agenouillée pour récupérer les colis au sol.



S'il n'est pas discuté que les pathologies dont est atteint M. [I] [T] relèvent des maladies désignées au tableau n°79 et que la condition tirée du délai de prise en charge de deux ans prévue par ce même tableau est satisfaite, les comités régionaux de reconnaissance des maladies professionnelles des régions Tourcoing Hauts-de-France et Rouen Normandie successivement désignés ont retenu de manière concordante une activité de conduite prépondérante et une absence de gestes d'hypersollicitation des genoux et d'exécution de travaux en position agenouillée ou accroupie.



La cour relève que si les activités de chargement et de déchargement apparaissent conséquentes sur une journée normale de travail, ces opérations de chargement et de déchargement s'effectuent toutefois avec l'aide d'un transpalette et que les sollicitations des genoux décrites par M. [I] [T] surviennent uniquement lorsqu'il monte ou descend de son camion, lorsqu'il tire le transpalette ou lorsqu'il s'abaisse pour lever les colis.



M. [I] [T] ne fait pas état d'une situation de travail impliquant un effort ou le port de charges exécutées en position agenouillée ou accroupie à l'exception des occasions où il est amené à changer les pneus de son camion en cas de crevaison.



En outre , si les premiers juges ont déduit des déclarations de l'employeur que les tâches réalisées par le salarié impliquaient régulièrement une position agenouillée pour récupérer les colis au sol lors des opérations de chargement, la cour observe que les déclarations de la société Moody Logistics BV se limitent cependant à indiquer que M. [I] [T] est amené à s'abaisser afin de lever manuellement les colis pour les placer sur les palettes sans qu'il ne soit évoqué le maintien d'une position agenouillée ou accroupie pour la réalisation de cette tâche.



Ainsi, les gestes et postures décrits par M. [I] [T] et son employeur ne pouvant être assimilés à un effort ou un port de charges exécutés en position agenouillée ou accroupie, celui-ci n'établit pas au vu des pièces versées que les pathologies dont il est atteint seraient essentiellement et directement causées par son travail habituel.



Dès lors, par infirmation du jugement déféré et sans qu'il y ait lieu de recueillir l'avis d'un autre comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles, il conviendra de débouter M. [I] [T] de sa demande tendant à la prise en charge des affections du genou droit et du genou gauche respectivement déclarées le 14 février 2017 et le 25 mai 2017 au titre de la législation sur les risques professionnels.



*Sur les frais irrépétibles:



M. [I] [T], qui succombe en ses prétentions, sera débouté de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel.



*Sur les dépens



Le décret n°2018-928 du 29 octobre 2018 (article 11) ayant abrogé l'article R.144-10 alinéa 1 du code de la sécurité sociale qui disposait que la procédure était gratuite et sans frais, il y a lieu de mettre les dépens de la procédure d'appel à la charge de la partie perdante, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile.



M. [I] [T], qui succombe, est condamné aux dépens d'appel.





PAR CES MOTIFS



La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire et en dernier ressort,



INFIRME le jugement déféré en toutes ses dispositions,



STATUANT A NOUVEAU et Y ajoutant ,



DIT bien-fondé le refus de prise en charge par la CPAM du Hainaut de l'affection dont souffre M. [I] [T] aux deux genoux, au titre du tableau 79 des maladies professionnelles,



DIT n'y avoir lieu à recueillir l'avis d'un comité régional de reconnaissance des maladies professionnelles,



DEBOUTE M. [I] [T] de sa demande au titre des frais irrépétibles d'appel,



CONDAMNE M. [I] [T] aux dépens d'appel.



Prononcé par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.









Le Greffier,Le Président,

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