16 juin 2022
Cour d'appel de Paris
RG n° 19/16203

Pôle 4 - Chambre 10

Texte de la décision

RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 10



ARRÊT DU 16 JUIN 2022



(n° , 12 pages)





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/16203 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CARHV



Décision déférée à la Cour : Jugement du 08 Juillet 2019 -Tribunal de Grande Instance de PARIS - RG n° 18/03198





APPELANT



Monsieur [J] [K]

né le [Date naissance 3] 1958 à [Localité 10] (Algérie)

[Adresse 5]

[Localité 7]



Représenté par Me Frédéric INGOLD de la SELARL INGOLD & THOMAS - AVOCATS, avocat au barreau de PARIS, toque : B1055

Assisté de Me Dahlia ARFI-ELKAÏM, avocat au barreau de PARIS, toque : C1294











INTIMÉES



Madame [P] [V]

née le [Date naissance 6] 1947 à [Localité 11] (02)

[Adresse 2]

[Localité 9]



Représentée par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050

Assisté de Me Francis TARTOUR, avocat au barreau de PARIS, toque : C581





GÉNÉRALI IARD

S.A., immatriculée au R.C.S. de PARIS sous le n° 552 062 663

agissant poursuites et diligences de son Directeur Général y domicilié en cette qualité

[Adresse 4]

[Localité 7]



Représentée par Me Marie-Catherine VIGNES de la SCP GRV ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : L 10

Assisté de Me Marie-Charlotte MARTY de la SELAS CHEVALIER MARTY PRUVOST, avocat au barreau de PARIS, toque : R 85











CAISSE PRIMAIRE D'ASSURANCE MALADIE DU VAL DE MARNE

[Adresse 1]

[Localité 8]



Représentée par Me Rachel LEFEBVRE de la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : D1901











COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été appelée le 17 Mars 2022, en audience publique, les avocats ayant procédé par dépôt, devant la Cour composée de :



Madame Florence PAPIN, Présidente

Madame Patricia LEFEVRE, Conseillère

Monsieur Laurent NAJEM, Conseiller



qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Monsieur [A] [Z] dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.





Greffier, lors des débats : Madame Dorothée RABITA









ARRÊT :



- contradictoire



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Florence PAPIN, Présidente et par Dorothée RABITA, greffier présent lors de la mise à disposition.






***





Madame [P] [V], née le [Date naissance 6] 1947, qui souffre de douleurs dentaires persistantes, a consulté le Dr [J] [K], chirurgien-dentiste le 23 mai 2014 qui lui a présenté un devis pour un traitement prothétique portant sur la pose de 10 implants en zircone, 10 pivots implantaires de la même matière et de 10 couronnes en céramique pour un montant de 26.000 euros et a réalisé une radio de contrôle.



Cette intervention a eu lieu le 9 juillet 2014 au cours de laquelle le Dr [K] a posé les 10 implants et Mme [V] lui a versé la somme de 17 660 euros.



Un appareil provisoire pour les dents du haut est posé le 30 juillet 2014 pour un montant de 550 euros. Cinq couronnes céramique et des inlays core ont été ensuite posés le 22 septembre 2014 pour un montant de 5.600 euros. Le Dr [K] a enfin posé 4 couronnes dentaires à Mme [V] pour une somme de 3.680 euros le 8 décembre 2014.



Insatisfaite des travaux du Dr [K], Mme [V] a consulté le Dr [P] [F], chirurgien-dentiste-conseil auprès de l'Union Régionale des Caisses d'Assurance Maladie qui a considéré que les travaux prothétiques réalisés ne sont pas conformes aux données acquises par la science médicale.



Des démarches amiables entre Mme [V] et la Compagnie Generali, assureur du Dr [K], ont été entreprises mais n'ont pas abouti car l'assureur n'a proposé qu'une somme indemnitaire d'un montant de 3 500 euros pour les souffrances endurées et le Dr [K] n'a pas donné suite à la demande indemnitaire.



Par ordonnance de référé du 11 mars 2016, le président du tribunal de grande instance de Paris a ordonné une expertise médicale de la demanderesse confiée au Dr [M] [S].



Ce dernier a déposé son rapport le 3 octobre 2016.



Par actes en date des 15, l9 et 20 février 2018, Mme [V] a assigné devant la 19ème chambre du tribunal de grande instance de Paris le Dr [K], la compagnie GENERALI IARD et la CPAM du Val de Marne aux fins de déclaration de responsabilité et indemnisation des préjudices subis.



Le tribunal de grande instance de Paris, par jugement du 8 juillet 2019 :



- Dit que le Dr [K] n'a pas respecté son obligation d'information préalablement à l'intervention du 9 juillet 2014;

- Condamne in solidum le Dr [K] et son assureur la compagnie GENERALI IARD à payer à Mme [V] la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral d'impréparation ;

- Dit que le Dr [K] a commis une faute au sens de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique dans le traitement prothétique et le suivi de Mme [V] entre le 23 mai 2014 et le 5 janvier 2015;

- Condamne in. solidum le Dr [K] et la compagnie GENERALI IARD à verser à Mme [V] les sommes suivantes en réparation de son préjudice corporel :

- 3 540 euros au titre des frais divers

- 4 000 euros au titre des souffrances endurées

- 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, en deniers ou quittance, avec intérêt au taux légal à compter du présent jugement ;

- Condamne le Dr [K] à verser à Mme [V] la somme de 20 769,19 euros en remboursement d'honoraires versés et non justifiés ;

- Condamne in solidum le Dr [K] et la compagnie GENERALI IARD à payer la somme de 2 619,68 euros à la CPAM du Val de Marne au titre des dépenses de santé servies, avec intérêt au taux légal à compter de la première demande, ainsi que la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et 873,23 euros d'indemnité forfaitaire de gestion sur le fondement de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale;

- Ordonne l'exécution provisoire à hauteur des deux tiers des condamnations prononcées en réparation des préjudices et pour la totalité au titre de l'article 700 du code de procédure civile;

- Condamne in solidum le Dr [K] et la compagnie GENERALI IARD aux entiers dépens qui comprendront notamment les frais d'expertise médicale et les frais d'actes d'huissier de justice;

- Accorde aux avocats qui en ont fait la demande le bénéfice des dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;



- Rejette le surplus des demandes plus amples ou contraires.



Le 2 août 2019, M. [J] [K] a interjeté appel de cette décision.





Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique (RPVA), le 19 août 2020, M. [J] [K], appelant, demande à la cour d'appel de Paris, de :



- Dire le Dr [K] bien fondé en son appel et ses écritures y faisant droit

- Infirmer en toutes ses dispositions le jugement du tribunal de première instance

Sautant à nouveau :

- Rejeter l'intégralité des demandes de Mme [V].



A titre subsidiaire,

- Condamner GENERALI IARD in solidum avec le Dr [K] pour toutes condamnation qui pourrait être prononcée à l'encontre de ce dernier et découlant de l'application du contrat souscrit, notamment toute condamnation au titre de l'indemnisation de Mme [V], dépens et frais de procédure

- Débouter Mme [V] de sa demande dirigée contre le Dr [K] et relative au règlement des honoraires versés

- Subsidiairement, confirmer le jugement dont appel en ce qu'il a cantonné le remboursement du à Mme [V] à la somme de 20 769,19 euros.

En tout état de cause,

- Condamner Generali à verser au Dr [K] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile

- Condamner Mme [V] aux dépens de l'instance.



Il soutient que lors de la première consultation, le 23 mai 2014, il a fait signer à Mme [V] un questionnaire de santé très détaillé en collaboration étroite avec elle ; qu'il a cherché à cerner les besoins et souhaits de sa patiente et a exposé le plan de traitement envisagé.



Il rappelle les étapes et notamment l'intervention intervenue et allègue que c'est à l'occasion d'un rendez-vous de contrôle le 5 janvier 2015, que Mme [V] s'est plainte de douleurs ; qu'elle a refusé de se faire soigner par son remplaçant ; qu'il est faux de prétendre qu'il n'entendait pas poursuivre la surveillance des soins ni informer la patiente de changements dans le protocole du traitement.



Il souligne qu'il a versé aux débats les consentements de la patiente signés en début de traitement et son consentement éclairé concernant la pose d'implants ; qu'il lui a exposé les deux systèmes implantaires, en titane et en zircone, ainsi que les avantages et inconvénients de chaque technique avec comparatif du prix et schéma explicatif ; qu'au terme d'un mois de réflexion, Mme [V] est revenue déposer un chèque d'acompte ; qu'elle se considérait donc comme suffisamment informée et consentante.



Il soutient que les premiers juges n'ont pas caractérisé en quoi il existait un lien de causalité entre ce prétendu préjudice d'information et la demande de réparation au titre du préjudice moral réclamé.



Il allègue qu'il est un des pionniers de la méthode des implants en zircone qui ont une durée de vie et une solidité plus longue et permettent de ne pas utiliser de métal dans la bouche ; que ce choix a été effectué en pleine conscience par l'intimée ; que le fait que le plan de traitement ne corresponde pas à celui envisagé démontre seulement qu'il a le souci de s'adapter à l'évolution de l'état bucco-dentaire du patient pour obtenir un résultat plus satisfaisant.



Il détaille les différents postes de préjudice et expose que, s'agissant des dommages et intérêts pour résistance abusive, il s'est lui-même trouvé confronté à l'absence de coopération de son assureur et considère qu'il ne saurait lui être fait grief de vouloir se défendre.



Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique (RPVA), le 29 décembre 2021, Mme [V], intimée demande à la cour d'appel de Paris, de :



Vu l'article L. 1111-2 du code de la santé publique,

Vu l'article R. 4127-35 du code de la santé publique,

Vu l'article L. 1142-1 du code de la santé publique,

Vu l'article R. 4127-32 du code de la santé publique,

Vu l'article 1240 du code civil,

Vu l'article 566 du code de procédure civile,

Vu l'article 700 du code de procédure civile,

Vu l'Ordonnance de référé du 11 mars 2016,

Vu le rapport d'expertise du Docteur [M] [S], expert, en date du 03 octobre 2016,

Vu les pièces versées aux débats,

- Confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :

- Dit que le Dr [K] n'a pas respecté son obligation d'information préalablement à l'intervention du 9 juillet 2014 ;

- Dit que le Dr [K] a commis une faute au sens de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique dans le traitement prothétique, et le suivi de Mme [V]

En conséquence,

- Condamner solidairement, et à défaut, in solidum le Dr [K], chirurgien-dentiste, et la compagnie d'assurance GENERALI IARD à payer à Mme [V] les sommes suivantes :

- 15.000,00 euros à titre de dommages et intérêts en réparation de son préjudice moral

- 3.540 euros au titre des frais divers

- 4.500 euros au titre des souffrances endurées

- 10.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive

- Condamner également le Dr [K] à rembourser à Mme [V] les honoraires indûment perçus, soit la somme de 20.769,19 euros

- Condamner in solidum le Dr [K], chirurgien-Dentiste, et la compagnie d'assurance GENERALI IARD au paiement à Mme [V] de la somme de 10.000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

- Les condamner également aux entiers dépens de l'instance, en ce compris les frais d'expertise, dont distraction au profit de Me Francis TARTOUR, avocat aux offres de droit, pour ceux de première instance et d'appel, et dans les conditions de l'article 699 du code de procédure civile.



Elle allègue qu'elle a réglé près de 37 000 euros au Docteur [K] ; qu'elle ressent depuis une gêne permanente pour parler et mastiquer et souffre de douleurs, « zozote » et bave notamment.



Elle fait valoir que l'absence de fiche clinique de la patiente démontre le peu de sérieux du travail conduit ; que le plan de traitement ne correspond pas à celui mis en 'uvre et a évolué au gré des rendez-vous ; qu'il est erratique et relève de l'improvisation.



Elle soutient que l'expert précise que le choix d'implants en zircone est discutable ; que cette pratique ne fait pas partie des données acquises de la science ; qu'il en découle une contrainte très forte, le démontage étant impossible, ce qui devait lui être indiqué ; que l'expert indique que le travail d'allure correcte accumule les imperfections ; qu'il est nécessaire de refaire intégralement les travaux ; que l'expert a notamment conclu que les soins et travaux n'ont pas été effectués à partir des données acquises de la science et qu'une négligence certaine a présidé à la réalisation desdits travaux.



Elle allègue qu'il n'est pas démontré que le Docteur [K] l'ait spécifiquement informée s'agissant de l'utilisation d'implants en zircone qui ne constitue pas une donnée acquise de la science ; qu'elle était âgée de 67 ans et était donc une personne potentiellement vulnérable ; que le formulaire de consentement éclairé ne stipule par le système en zircone même si le devis le mentionne, sans indiquer qu'il s'agit d'une matière extrêmement solide et résistante qui ne permet pas de démontage ultérieur.



Elle sollicite compte tenu de son âge et de la résistance abusive du Docteur [K] dans le remboursement des honoraires et alors que sa situation dentaire se dégrade que les dommages et intérêts en réparation du préjudice moral d'impréparation soient portés à 15 000 euros.



Elle soutient par ailleurs, que le protocole a abouti à un résultat inadapté et non fonctionnel ; que le Docteur [K] a commis des manquements fautifs dans son traitement et son suivi ; qu'il a commis une faute au visa de l'article L. 1142-1 du code de la santé publique.



Elle détaille les sommes réclamées au titre des différents préjudices dont elle fait état et en explique le quantum.



Par ses dernières conclusions notifiées par voie électronique (RPVA), le 20 août 2020, la SA GENERALI IARD, intimée demande à la cour d'appel de Paris, de :

Vu le contrat d'assurance souscrit ;

Vu l'article 564 du code de procédure civile ;

- Voir confirmer le jugement en ce qu'il a décidé que la garantie RCP exclut le remboursement et les frais de reprise de la prestation de l'assuré le Dr [K];

- Voir débouter le Dr [K] de sa demande de réformation et de garantie de ce chef ;

- Juger, en tout état de cause, et conformément aux conclusions de l'Expert [S], que la somme de 16.190 euros au titre des étapes chirurgicales et des couronnes des dents 33-34 n'est pas à restituer ;

- La déduire de la somme éventuellement allouée à Mme [V] ;

- Voir réformer le jugement en ce qu'il a :

- Alloué à Mme [V] une somme de 5 000 euros au titre du préjudice moral et, statuant à nouveau, la débouter de sa demande de ce chef ;

- Alloué à Mme [V] une somme de 3 540 euros au titre des frais divers alors qu'elle ne justifiait pas ne pas avoir perçu d'indemnisation de la CPAM et, statuant à nouveau, la débouter de sa demande de ce chef,

- Alloué à Mme [V] 4 000 euros au titre des souffrances endurées, et statuant à nouveau, de ramener sa demande à la somme de 3.500 euros.

- Voir rejeter l'appel incident formé par Mme [V] au titre de l'évaluation de ses souffrances endurées et de son préjudice moral ;

- Voir déclarer Mme [V] irrecevable en sa demande de dommages et intérêts pour résistance abusive formée pour la première fois en cause d'appel ;

- L'en débouter en tant que dirigée à l'encontre de Generali.

- Voir condamner le Dr [K] à verser à la compagnie Generali une somme de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

- Voir laisser à sa charge les entiers frais et dépens, recouvrables par Maître Marie-Catherine VIGNES, avocat, dans les termes de l'article 699 du code de procédure civile.



Elle expose qu'elle s'en rapporte à sagesse s'agissant des moyens de réformation sur la question de la responsabilité du Docteur [K].



Elle fait valoir que les frais de reprise de la prestation de l'assuré sont expressément exclus de la garantie, dans des termes apparents et dépourvus de toute ambiguïté ; qu'il s'agit du principe de la responsabilité civile, qui consiste à indemniser les conséquences pécuniaires des dommages causés par l'assuré et non les dommages affectant les travaux / la prestation.



Elle allègue que c'est à bon droit que les premiers juges ont retenu que la demande de Mme [V] ne pouvait être retenue en totalité ; que l'expert, pourtant sévère avec son confrère, retient qu'il n'y a pas lieu à restitution intégrale des honoraires.



Elle considère que si le tribunal a minoré les prétentions exorbitantes de Mme [V], certaines sommes allouées restent excessives eu égard à la réalité des préjudices et aux montants habituellement retenus par les juridictions. Elle détaille ses contestations à ce titre et soutient que Mme [V] notamment n' pas subi de préjudice moral.



Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique (RPVA), le 7 novembre 2019, la CPAM du Val de Marne, intimée aux termes desquelles elle demande à la cour de :

' Confirmer le jugement déféré en toutes ses dispositions à l'égard de la CPAM du Val de Marne ;

Y ajoutant en cause d'appel,

' Condamner le Dr [K] et la Société GENERALI IARD, son assureur, solidairement, à verser à la CPAM du Val de Marne la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

' Condamner le Dr [K] et la Société GENERALI IARD, son assureur, solidairement, aux dépens d'appel, dont distraction au profit de la SELARL Kato & Lefebvre Associés, avocats, en application de l'article 699 du code de procédure civile ;



En application des dispositions de l'article 455 du code de procédure civile, il est expressément renvoyé pour les faits, prétentions et arguments des parties aux conclusions récapitulatives déposées.






MOTIFS DE L'ARRÊT





1) Sur le devoir d'information :



Aux termes de l'article L 1111-2 du code de la santé publique, le médecin doit informer son patient des différentes investigations, traitements ou actes de soins qui lui sont proposés, de leur utilité, de leurs conséquences et des risques fréquents ou graves normalement prévisibles qu'ils comportent ainsi que des autres solutions possibles et des conséquences prévisibles en cas de refus ; l'information donnée par le médecin à son patient doit être loyale, claire et appropriée et qu'elle doit l'être au cours d'un entretien individuel, sous une forme essentiellement orale ; seules l'urgence ou l'impossibilité d'informer le patient en raison de son état constituent des motifs de dispense de cette obligation. C'est au praticien qu'incombe la charge de prouver, par tous moyens, qu'il a rempli son obligation.



Indépendamment des cas dans lesquels le défaut d'information sur les risques inhérents à un acte individuel de prévention, de diagnostic ou de soins a fait perdre au patient une chance d'éviter le dommage résultant de la réalisation de l'un de ces risques, en refusant qu'il soit pratiqué, le non-respect, par un professionnel de santé, de son devoir d'information cause à celui auquel l'information était due, lorsque ce risque se réalise, un préjudice moral résultant d'un défaut de préparation aux conséquences d'un tel risque, qui, dès lors qu'il est invoqué, doit être réparé.



L'expert judiciaire, le Docteur [S], relève que le Docteur [K] a expliqué à Mme [V] son plan de traitement implantaire, schéma fourni, et lui a donné le choix, semble t-il, entre plusieurs systèmes. La patiente a choisi les implants en zircone et « une dentisterie sans métal » ce qu'elle a confirmé à l'expert. Le devis réalisé est jugé clair et a été signé. Les autres devis ont été présentés au fil du temps et deux consentements éclairés ont également été signés par la patiente.





L'expert considère que l'ensemble de ces éléments laisse penser que l'information a été transmise mais il indique que 'Malheureusement, le plan de traitement décrit le 23 mai 2014 ne correspond absolument pas à celui mis en 'uvre. En effet, 10 implants devaient supporter 10 couronnes et il existe aujourd'hui 2 bridges restaurant 14 dents ! Le plan de traitement a évolué au gré des rendez-vous et il est compréhensible qu'un profane s'y perde. Par ailleurs, même la prothèse partielle n'a pas été intégrée dans le devis, alors qu'elle était totalement prévisible'.



Il est fait état, en fin de traitement, de plus de 10 000 euros de supplément facturés en moins de 6 mois, après avoir fait l'objet d'un devis de dernière minute.



Il résulte clairement de ces conclusions que si une information a été donnée, elle ne correspond pas au traitement finalement mis en 'uvre, lequel a d'ailleurs évolué.



Comme l'ont relevé les premiers juges, il n'est pas davantage démontré que le docteur [K] ait informé Mme [V] spécifiquement sur le fait que l'utilisation d'implants en zircone ne constitue pas une donnée acquise de la science et que cette matière extrêmement solide et résistante ne permettait pas de modifications ultérieures.



Les certificats de consentement éclairé versés en pièces 7 et 9 par le Docteur [K] sont rédigés en termes généraux et ne mettent nullement l'accent sur les limites et contraintes du traitement mis en 'uvre.



Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a retenu un défaut d'information à l'encontre du Docteur [K].



Il a été alloué une somme de 5 000 euros en réparation d'un préjudice moral spécifique résultant de ce défaut d'information ou préjudice d'impréparation.



Mme [V] réclame la somme de 15 000 euros.



Elle souligne qu'elle avait 69 ans au moment de la consolidation, que sa situation se dégrade et relève qu'en l'absence de remboursement des honoraires indûment perçus, elle n'a pas pu mettre en 'uvre les traitements préconisés par l'expert.



Ainsi formulé, ce préjudice n'est pas strictement lié à l'impréparation résultant de l'absence d'information. Il n'en demeure pas moins que l'absence d'information notamment sur les contraintes liés à la nature et les limites des implants a effectivement causé un préjudice moral important qu'il convient de fixer à la somme de 6 000 euros. Le jugement sera infirmé s'agissant de ce quantum.



2) Sur le traitement prothétique réalisé par le Docteur [K] :



Le contrat médical met à la charge du médecin l'obligation de dispenser au patient des soins attentifs, consciencieux et conformes aux données acquises de la science à la date de son intervention. Cette obligation concerne tant le diagnostic que l'indication du traitement, sa réalisation et son suivi. En application de l'article L. 1142-1-I, alinéa 1er, du code de la santé publique, la faute du praticien ou de l'établissement de soins doit être prouvée par celui qui l'invoque.



Il résulte de l'article R 4127-32 du même code que le médecin, dès lors qu'il a accepté de répondre à une demande du patient s'engage à assurer personnellement au patient des soins consciencieux, dévoués et fondés sur les données acquises de la science, en faisant appel, s'il y a lieu, à l'aide de tiers compétents.











Il ressort du rapport d'expertise judiciaire que l'indication opératoire posée par le docteur [J] [K] correspond à un traitement erratique où l'improvisation est la règle permanente. Le plan de traitement ne repose donc sur aucune logique thérapeutique, sans aucune vue d'ensemble et il est étranger à tout bon sens clinique. Ainsi, l'indication des 10 implants est parfaitement discutable et inadaptée et la réfection des 5 couronnes mandibulaires est également discutable.



L'expert, comme déjà relevé, considère que le choix d'implants en zircone est également discutable car cette pratique ne fait pas partie des données acquises de la science médicale et le docteur [K] devait indiquer à sa patiente que ce choix présente une contrainte très forte, liée au risque ne pas trouver de praticien acceptant de travailler sur ces implants en cas de problème, le démontage étant en outre impossible.



La démarche chirurgicale est également très éloignée des recommandations et des bonnes pratiques puisque aucune évaluation radiographique tridimensionnelle pré-implantaire n'a été réalisée - les implants ayant été posés sans cire radiologique - et aucun projet sous forme de cire de diagnostic n'a été conçu. L'expert conclut que ce protocole aboutit à un résultat inadapté et non fonctionnel. En outre, le travail réalisé est d'allure correcte mais multiplie les imperfections en raison d'erreurs de positionnement des implants en position trop extérieure ce qui entraîne des récessions gingivales et un trauma osseux. Il y a également un défaut d'ajustage des deux bridges maxillaires qui devront être refaits. L'ensemble de la réalisation prothétique est très approximatif et la négligence a présidé à sa réalisation. (pages 12 à 14 du rapport d'expertise).



Ces conclusions sont parfaitement claires et circonstanciées et aucun élément de nature médicale ne vient les démentir.



Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a retenu la responsabilité du docteur [K] dans le traitement mis en 'uvre.





3) Sur les préjudices :



Les préjudices patrimoniaux avant consolidation



- dépenses de santé actuelles



Il convient d'adopter les motifs du premier juge s'agissant de la somme réclamée par la CPAM au titre des prestations servies et dont elle justifie (2619,18 euros), au demeurant non spécialement critiquées par l'appelant.



- frais divers



Mme [V] réclamait la somme de 8 443,16 euros.



Cette somme comprenait notamment les frais d'expertise judiciaire qui sont compris dans les dépens (1 760 euros), comme les frais d'huissier (143,16 euros), les frais d'avocat qui sont des frais irrépétibles, réclamés par ailleurs.



L'appelant fait valoir qu'il n'est pas justifié de ce que la greffe conjonctive préconisée par l'expert au niveau maxillaire supérieure ne puisse être prise en charge par la Sécurité Sociale et la mutuelle comple'mentaire (3 000 euros).



L'expert judiciaire, au titre du coût prévisionnel des soins et travaux nécessaires, a retenu que les greffes gingivales de 15 à 25 étaient imputables au Docteur [K] pour un coût de 3 000 euros, « hors assurance maladie ». Compte tenu de la question qui lui a été posée (« en précisant dans la mesure du possible la part qui demeurera à la charge de la patiente et non susceptible d'être prise en charge par les organismes sociaux »), il convient de considérer que l'expert a retenu la seule part restant à la charge de Mme [V].



Le jugement sera également confirmé, par des motifs que la cour adopte, en ce qui concerne la prise en charge des honoraires des médecins-conseils, les docteurs [C] (290 euros) et [E] (100 euros) ainsi que la consultation du docteur [X] (150 euros).





Les préjudices patrimoniaux après consolidation :



- remboursement des honoraires



Mme [V] réclame la somme de 20 769, 19 euros, soit la somme allouée par les premiers juges.



L'expert judiciaire a relevé que l'intimée avait réglé la somme de 37 000 euros (en réalité 36 959,19 euros). Il retient qu'il lui semble juste de lui rendre les honoraires perçus, exception faite de ceux correspondants aux étapes chirurgicales et aux couronnes des dents 33-34, soit un total de 16 190 euros (9 200 + 550 + 2 760 + 3 680).



Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a retenu, sur le fondement de cette expertise, que certains honoraires étaient justifiées (16 190 euros) et que la demande de remboursement ne pouvait prospérer que pour le surplus, soit 20 769,19 euros.



Dans la mesure où il a été relevé que le traitement mis en 'uvre n'est pas celui pour lequel l'information a été donnée et le consentement éclairé obtenu, le Docteur [K] n'est pas fondé, sur le fondement de l'article 1103 du code civil à se prévaloir des clauses dudit consentement pour s'opposer à un remboursement.



Comme le relève le Docteur [K] cependant, il y a lieu de tenir compte des débours de la CPAM, soit une somme de 2 619,68 euros, qui seront déduits de la somme réclamée puisqu'ils font l'objet d'une prise en charge par l'Assurance Maladie à cette hauteur.



La demande de Mme [V] est fondée à hauteur de 18 149, 51 euros : le jugement sera infirmé s'agissant du quantum.



La compagnie d'assurance allègue que les frais de reprise de la prestation de l'assuré sont expressément exclus aux termes de ces conditions générales du contrat d'assurance de responsabilité civile « 100 % PRO SERVICE » qui stipulent effectivement au titre d'une exclusion :

« Le coût de la prestation de l'Assuré, de sa réfection, de son adaptation ou de son amélioration ou les frais destinés à obtenir les résultats requis ou les frais engagés pour mener à son terme sa prestation. » (page 10).



Cette clause est rédigée en caractère gras, dans un encadré conférant à cette exclusion le caractère apparent requis.



Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a mis le remboursement des honoraires à la seule charge du Docteur [K].



Les préjudices extra-patrimoniaux :




Souffrances endurées




L'expert a évalué à 2/7 les souffrances endurées avec des douleurs persistantes au niveau de la maxillaire supérieure et de nombreux traitements inadaptés suivis.



Mme [V] réclame la somme de 4 500 euros à ce titre. M. [K] propose la somme de 2 000 euros et la société GENERALI IARD 3 500 euros.



Mme [V] fait état de ce qu'elle était âgée de 69 ans et non 64 ans - comme indiqué par le premier juge - au moment de sa consolidation.



La somme de 4 000 euros constitue néanmoins une juste appréciation de ce préjudice : le jugement sera confirmé sur ce point.





4) Sur les dommages et intérêts pour résistance abusive :



La demande en dommages et intérêts pour résistance abusive constitue l'accessoire ou le complément de la demande principale au sens de l'article 566 du Code de procédure civile : elle est dès lors recevable.



La société GENERALI IARD s'est acquittée des condamnations mises à sa charge par les premiers juges, le bénéfice d'une clause d'exclusion a été confirmé.



Aucune résistance abusive n'est démontrée.



Mme [V] évoque d'ailleurs essentiellement le comportement du Docteur [K] qu'elle estime contraire à la probité et donc sans lien avec le préjudice qu'elle invoque. La mauvaise appréciation qu'une partie a de ses droits n'est pas, au demeurant, constitutive d'un abus.



Elle sera déboutée de sa demande à ce titre.



5) Sur les demandes accessoires :



Les condamnations prononcées en première instance au titre des dépens et frais irrépétibles et au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion sur le fondement de l'article L 376-1 du code de la sécurité sociale seront confirmées.



A hauteur d'appel, M. [K] et la société GENERALI IARD sera condamnés in solidum, aux dépens, ainsi qu'à payer la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile à Mme [V] et 800 euros à la CPAM du Val de Marne.







PAR CES MOTIFS





La Cour, statuant en dernier ressort, contradictoirement et publiquement par mise à disposition de la décision au greffe



Confirme le jugement rendu par le tribunal de grande d'instance de Paris, sauf en ce qu'il a fixé la créance au titre du préjudice moral d'impréparation à 5 000 euros et celle au titre du remboursement d'honoraires versés et non justifiés à la somme de 20 769,19 euros ;



Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,



Condamne in solidum M. [J] [K] et son assureur, la société GENERALI IARD à payer à Mme [V] la somme de 6 000 euros au titre du préjudice d'impréparation ;



Condamne M. [J] [K] à payer à Mme [V] la somme de 18 149,51 euros en remboursement d'honoraires versés et non justifiés ;



Condamne in solidum M. [J] [K] et la société GENERALI IARD à payer à Mme [P] [V] la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



Condamne in solidum M. [J] [K] et la société GENERALI IARD à payer à la Caisse d'assurance maladie du Val de Marne la somme de 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;



Condamne in solidum M. [J] [K] et la société GENERALI IARD aux dépens de l'instance d'appel ;



Dit que les dépens pourront être recouvrés par Maîtres Catherine VIGNES, Francis TARTOUR, la SELARL KATO & LEFEBVRE ASSOCIÉS, avocats, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile ;



Déboute les parties du surplus de leurs demandes ;





LE GREFFIER LA PRÉSIDENTE

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