15 juin 2022
Cour d'appel de Limoges
RG n° 21/00432

Chambre sociale

Texte de la décision

ARRÊT N° .



N° RG 21/00432 - N° Portalis DBV6-V-B7F-BIGR4







AFFAIRE :



S.A.S. RUBIS AVIGNON SAS RUBIS MATERIAUX C/

S.A.S. QUADRIA







PLP/MLM





Action en responsabilité exercée contre les fournisseurs















































G à Me Valleron et Me Durand-Marquet le 15/5/22











COUR D'APPEL DE LIMOGES



CHAMBRE ECONOMIQUE ET SOCIALE

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ARRÊT DU 15 JUIN 2022

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A l'audience publique de la Chambre économique et sociale de la cour d'appel de LIMOGES, le quinze Juin deux mille vingt deux a été rendu l'arrêt dont la teneur suit ;



ENTRE :





S.A.S. RUBIS AVIGNON - Anciennement dénommée SAS RUBIS MATERIAUX dans le jugement du Tribunal de Commerce de LIMOGES du 3 février 2021, dont le siège social est [Adresse 3]



représentée par Me Jean luc VINCKEL de la SELARL VINCKEL SOCIETE D'AVOCATS, avocat palidant, inscrit au barreau de MONTPELLIER, et par Me Eric VALLERON, avocat postulant, inscrit au barreau de LIMOGES



APPELANTE d'un jugement rendu le 03 Février 2021 par le Tribunal de Commerce de LIMOGES



ET :



S.A.S. QUADRIA représentée par son Président domicilié en cette qualité au siège de la société., dont le siège social est [Adresse 1]



représentée par Me Nicolas HERZOG de la SELEURL H2O Avocats, avocat plaidant inscrit au barreau de PARIS, et par Me Christophe DURAND-MARQUET, avocat postulant inscrit au barreau de LIMOGES



INTIMEE



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L'affaire a été fixée à l'audience du 03 Mai 2022, après ordonnance de clôture rendue le 27 avril 2022.



Conformément aux dispositions de l'article 786 du Code de Procédure Civile, Madame Johanne PERRIER, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles magistrat rapporteur, assistée de Mme Sophie MAILLANT, Greffier, a tenu seule l'audience au cours de laquelle elle a été entendue en son rapport oral, les avocats sont intervenus au soutien des intérêts de leurs clients.

et ont donné leur accord à l'adoption de cette procédure.





Après quoi, Madame Johanne PERRIER, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, a donné avis aux parties que la décision serait rendue le 15 Juin 2022, par mise à disposition au greffe de la cour, après en avoir délibéré conformément à la Loi.



Au cours de ce délibéré Madame Johanne PERRIER, Magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, a rendu compte à la cour composée de Monsieur Pierre-Louis PUGNET, Président de Chambre, de Monsieur Jean-Pierre COLOMER, Conseiller et d'elle-même.



A l'issue de leur délibéré commun a été rendu à la date fixée, l'arrêt dont la teneur suit par mise à disposition au greffe.





LA COUR





EXPOSE DU LITIGE :



La société RUBIS AVIGNON, venant aux droits de la société RUBIS MATERIAUX, appartient au groupe RUBIS, spécialisé dans le commerce de gros bois et de matériaux de construction sous l'enseigne TOUT FAIRE MATERIAUX.



Elle est par ailleurs l'hébergeur de tout le système informatique des filiales du groupe.



Dans le courant de l'année 2016, le groupe RUBIS a souhaité transférer la maintenance et la gestion de son infrastructure réseau dans la but de s'assurer de la fiabilité et la sauvegarde de ses données. Elle a sollicité la société QUADRIA, spécialisée dans l'intégration des solutions informatiques et les prestations de services associées, laquelle, après avoir effectué un audit de l'installation informatique du groupe RUBIS, a proposé deux solutions visant à sécuriser le système informatique, à savoir passer dans le 'cloud' ou changer le serveur.



La solution du 'cloud' a été retenue par la société RUBIS AVIGNON et le 13 janvier 2017, elle a souscrit pour elle-même et ses filiales deux contrats informatiques auprès de la société QUADRIA : un contrat de mise en place d'une migration de l'intégralité des données informatiques et logiciels vers le cloud, et concomitamment, un contrat d'assistance et de maintenance de son matériel informatique auprès de la société QUADRIA. Ces deux contrats prévoyaient une clause limitative de responsabilité.



Diverses interventions ont été réalisées par la société QUADRIA, impliquant des remplacements de disques durs du serveur de la société RUBIS MATERIAUX. En raison de pannes successives, la société QUADRIA a mis en place un serveur de sauvegarde de prêt. Le 29 mai 2018, la société est intervenue afin de remplacer un disque dur en arrêtant préalablement le serveur.



Le 30 mai 2018, la société RUBIS MATERIAUX a constaté la perte des données de gestion commerciale et de comptabilité de l'ensemble du groupe.



Après l'envoi par la société QUADRIA des disques durs concernés à la société RECOVEO, spécialisée dans la récupération des données, la société RUBIS MATERIAUX a récupéré la quasi-totalité de ses données entre le 14 juin et le 5 juillet 2018.





La société RUBIS MATERIAUX a par ailleurs déclaré le sinistre informatique auprès de son assureur, la compagnie ALLIANZ, celle-ci ayant procédé à une indemnisation pour un montant de 39 715,12 € au titre des frais supplémentaires d'exploitation et de reconstitution des données informatiques et ce au vu du rapport d'expertise du 9 novembre 2018 établi par la société POLYEXPERT à la demande de l'assureur.



***



Par exploit d'huissier du 1er août 2019, la société RUBIS MATERIAUX a fait assigner la société QUADRIA afin de faire constater le déséquilibre significatif résultant de la clause limitative de responsabilité inclue dans les contrats, de la voir déclarer non écrite, ainsi que d'obtenir la condamnation de ladite société à la réparation de son entier préjudice.



Par jugement du 3 février 2021, le tribunal de commerce de Limoges a :

- constaté que la société QUADRIA a commis une faute ayant occasionné un préjudice à la société RUBIS MATERIAUX ;

- dit qu'il y a donc lieu à réparation ;

En conséquence, a :

- condamné la société QUADRIA à rembourser à la société RUBIS MATERIAUX la somme de 9 071,71 € HT par application de la clause limitative de responsabilité de l'article 13 des conditions générales ;

- débouté la société RUBIS MATERIAUX de l'ensemble de ses demandes ;

- condamné la société QUADRIA à verser à la société RUBIS MATERIAUX une indemnité de 5 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.



La société RUBIS AVIGNON a interjeté appel de la décision le 10 mai 2021. Son recours porte sur les chefs de jugement l'ayant déboutée de ses demandes et ayant condamné la société QUADRIA à lui rembourser la somme de 9 071,71 € HT par application de la clause limitative de responsabilité de l'article 13 des conditions générales.



***



Aux termes de ses écritures du 18 février 2022, la société RUBIS AVIGNON demande à la cour :

- d'infirmer la décision dont appel en ses chefs critiqués ;

- la confirmer pour le surplus en reconnaissant la faute de la société QUADRIA lui ayant occasionné un préjudice qui doit être réparé ;

Statuant à nouveau, à titre principal, de :

- juger que les manquements commis par la société QUADRIA s'inscrivent dans le cadre de l'exécution des deux contrats d'assistance et de services CLOUD du 13 janvier 2017 ;

- juger les clauses limitatives de responsabilité des contrats de services de migration CLOUD et d'assistance du 13 janvier 2017 non écrites et les écarter car vidant de substance l'obligation essentielle de la société QUADRIA ;

- juger les clauses limitatives de responsabilité desdits contrats non écrites et les écarter car créant un déséquilibre significatif dans les droits et obligations de la société QUADRIA à son égard ;

- juger lesdites clauses non écrites et les écarter en raison de la faute lourde de la société QUADRIA ;

- condamner, en conséquence, la société QUADRIA à réparer son entier préjudice évalué à la somme de 436 449 € ;

A titre subsidiaire, de :

- condamner la société QUADRIA à réparer son entier préjudice ;

- ordonner une expertise pour évaluer son préjudice ;

En tout état de cause, de condamner la société QUADRIA à lui payer la somme de 5 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'en tous les dépens.



A titre principal, la société RUBIS AVIGNON soutient que les clauses limitatives de responsabilité des contrats du 13 janvier 2017 doivent nécessairement voir leur application écartée car elles créent un déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties, vidant de sa substance l'obligation essentielle de la société QUADRIA. Ainsi, elle fait valoir qu'en tout état de cause, les clauses litigieuses doivent être écartées, une faute lourde étant caractérisée au regard des stipulations du contrat d'assistance, notamment dans les articles 1er et 7 des conditions générales qui indiquent bien que ledit contrat couvre la maintenance des systèmes de sauvegarde et du contrat de services cloud, en ce qu'il a pour objet de transférer les données de la société RUBIS AVIGNON qui implique que la société QUADRIA le fasse en toute sécurité en garantissant le maintien des données lors de l'opération de migration. En ce sens, elle précise qu'il n'existe pas de doute quant à la responsabilité de la société QUADRIA dans la perte des données, le rapport établi par la société POLYEXPERT ayant conclu que cette situation résultait du cumul de deux actions effectuées par la société QUADRIA le 29 mai 2018, expertise dont la force probatoire ne peut être critiquée.

Dès lors, elle estime être fondée à obtenir réparation de l'ensemble du préjudice subi du fait de la faute commise par la société QUADRIA, préjudice dans lequel elle inclut notamment un poste lié à la ressaisie totale de tous les bons de livraisons et factures édités du mois de mai 2018, un poste lié à un inventaire, un à la perte de marge sur 2 jours d'inventaire, un lié à la prestation de la société PHENIX, à la prestation de M. [N], un poste de paiement indu à la société QUADRIA, un de perte des bons non-facturés, un de hausse de tarif non prise en compte en juin 2018, un lié au rangement des bons après ressaisie, un de vérification de la comptabilité des différentes sociétés, un lié à un compte palette erroné, un à la perte de pilotage de gestion de l'entreprise, un préjudice d'image de marque, ainsi qu'un poste lié à l'embauche d'une personne supplémentaire, toutes dépenses contraintes nées de la disparition de ses données.

A titre subsidiaire, la société RUBIS AVIGNON sollicite la désignation d'un expert afin d'établir le quantum du préjudice indemnisable.



Aux termes de ses écritures du 20 octobre 2021, la société QUADRIA demande à la cour, à titre principal :

- d'infirmer le jugement attaqué en ce qu'il a partiellement fait droit aux demandes de la société RUBIS AVIGNON sur la base d'une note technique orientée et dénuée de toute force probante ;

- statuant à nouveau, de débouter la société RUBIS AVIGNON de l'intégralité de ses demandes ;

A titre subsidiaire :

- d'infirmer le jugement contesté en ce qu'il a jugé qu'elle a commis une faute engageant sa responsabilité contractuelle ;

- statuant à nouveau, de débouter la société RUBIS AVIGNON de l'intégralité des demandes formulées à son encontre dans la mesure où elle ne rapporte pas la preuve que celle-ci aurait engagé sa responsabilité dans la survenance du sinistre ;

A titre plus subsidiaire, de :

- déclarer la société RUBIS AVIGNON irrecevable en ses demandes concernant des sociétés qui ne sont pas parties à la procédure ;

- confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a jugé que la société RUBIS AVIGNON n'apportait pas la preuve du préjudice qu'elle alléguait avoir subi ;

- infirmer, en conséquence, ce jugement en ce qu'il a prononcé des condamnations à son encontre ;

- statuant à nouveau, de débouter la société RUBIS AVIGNON de l'intégralité de ses demandes qui ne sont justifiées ni dans leur principe, ni dans leur montant ;

A titre encore plus subsidiaire, de :

- débouter la société RUBIS MATERIAUX de sa demande d'expertise formulée pour la première fois en cause d'appel ;

A titre infiniment subsidiaire, de :

- confirmer le jugement attaqué en ce qu'il a fait application de la clause limitative de responsabilité plafonnant le montant des condamnations prononcées à son encontre à la somme de 9 071,71 € ;

En tout état de cause, de :

- condamner la société RUBIS AVIGNON à lui payer une somme de 15 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens d'instance.



A titre principal, la société QUADRIA conteste devoir régler une quelconque somme à la société RUBIS AVIGNON, indiquant qu'en première instance, le juge ne s'est prononcé qu'en se fondant sur une note technique orientée d'un expert en assurance, privée d'une quelconque force probante en ce qu'elle contient de multiples inexactitudes et a été établie non-contradictoirement.

Subsidiairement, elle expose que la société RUBIS MATERIAUX ne rapporte pas la preuve qu'elle aurait engagé sa responsabilité dans la survenance du sinistre, ne pouvant être tenue pour responsable de la défaillance du serveur de la société RUBIS MATERIAUX et ayant alerté de nombreuses fois cette dernière sur l'absence de sauvegarde opérationnelle de ses données. En ce sens, elle indique qu'aucune pièce versée au débat ne permet d'établir l'existence d'une quelconque faute de sa part à l'origine de la perte temporaire des données.

A titre plus subsidiaire, la société QUADRIA fait valoir que les préjudices allégués par RUBIS MATERIAUX ne sont aucunement justifiés, comme l'a constaté le premier juge, sans pourtant en tirer toutes les conséquences.

A titre encore plus subsidiaire, la société QUADRIA indique qu'il ne peut être fait droit à la demande d'expertise judiciaire formulée par la société RUBIS MATERIAUX, en ce qu'elle constitue une demande nouvelle en cause d'appel, mais également en ce qu'il n'appartient pas au juge de pallier les carences des parties dans l'administration de la preuve.

A titre infiniment subsidiaire, elle expose être fondée à opposer à la société RUBIS MATERIAUX la clause limitative de responsabilité insérée dans le contrat, en ce que celle-ci ne constitue en rien un déséquilibre entre les droits et les obligations des parties, une quelconque condamnation à son encontre ne pouvant dépasser la somme de 9 071,71 € HT en application de l'article 13 des conditions générales.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 27 avril 2022.



Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens, des prétentions et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux écritures déposées.






MOTIFS DE LA DECISION



1. Sur la responsabilité de la société QUADRIA envers la société RUBIS AVIGNON :



Par un contrat du 13 janvier 2017 signé par la société RUBIS AVIGNON, la société QUADRIA s'est engagée à effectuer la migration de ses données informatisées depuis son serveur hébergé dans ses locaux vers un serveur externalisé hébergé dans un data center (cloud).



Par un autre contrat du même jour la société QUADRIA a mis à la disposition de la société RUBIS AVIGNON et à sa demande, un service d'assistance pour l'exploitation de son parc informatique.



Si la mention de la SAS RUBIS MATERIAUX apparaît au titre de la raison sociale du client dans le contrat de services 'cloud', les références du N° SIRET (392 954 822 000 12), l'adresse du siège social ([Adresse 2]), l'identité de son représentant (M. [W] [Z] agissant en tant que contrôleur de gestion) sont tous des éléments d'identification de la société RUBIS AVIGNON laquelle est signataire dudit contrat en tant que cliente, comme elle l'est également du contrat de maintenance. Il sera donc fait référence exclusivement à la société RUBIS AVIGNON, la société RUBIS MATERIAUX n'étant d'ailleurs pas partie à l'instance d'appel, ce qui n'a pas fait l'objet d'une critique. Le jugement déféré sera donc infirmé en toutes ses dispositions.



En mars 2018, la Société QUADRIA SAS a commencé la migration des données. Le système de stockage de données informatiques dont disposait alors la société RUBIS était de type RAID 6 dont le principe de base est de séparer chaque fichier en grappes de blocs de données, chaque bloc étant enregistré sur des disques durs différents, ce qui permet de reconstituer un ou plusieurs blocs manquants si un des blocs devient illisible.



La Société RUBIS ayant constaté un ralentissement du système et des erreurs d'accès au disque, la société QUADRIA est intervenue sur les disques, a mis en place un serveur externe de sauvegarde CUNAP et a procédé à plusieurs remplacements de disques (bons d'intervention des 12 et 20 avril 2018). Le 30 mai 2018 au matin, le contrôleur de gestion de la Société RUBIS a constaté qu'il ne pouvait accéder à aucune donnée. Après avoir tenté en vain de récupérer les données, la société QUADRIA SAS a envoyé les disques à la société RECOVEO, à [Localité 4], spécialisée dans la récupération des données. La quasi totalité des données a été récupérée entre le 14 juin 2018 et le 15 juillet 2018.



La Société RUBIS a déclaré le sinistre informatique auprès de son assureur, la compagnie ALLIANZ, laquelle a mandaté un expert, la Société POLYEXPERT qui a déposé son rapport le 9 novembre 2018 dont il résulte que la perte de données constatée le 30 mai 2018 a été causée par la conjonction des deux actions réalisées par la Société QUADRIA SAS le 29 mai 2018, à savoir le remplacement d'un disque dur sur le système Raid 6 et la mise en place d'une machine virtuelle supplémentaire. « La perte de données est une conséquence prévisible de la mise en place d'une machine virtuelle alors que le RAID 6 n'était de toute évidence pas reconstitué. Il s'agit d'une erreur purement humaine ».



Ce rapport a été régulièrement versée aux débats et soumis à la discussion contradictoire des parties.

Les opérations d'expertise se sont tenues en présence, notamment, de la Société QUADRIA SAS, de son assureur, et de l'expert GM consultant, mandaté par l'assureur de la Société QUADRIA SAS.



Le fait que ce rapport a été communiqué huit mois après la tenue de la réunion et que le Cabinet GMC, expert-conseil en informatique mandaté pour défendre les intérêts de QUADRIA, l'a formellement contesté ne l'invalide pas pour autant.



En réalité il apparaît, à l'examen des pièces versées au débat, que de nombreux autres éléments viennent corroborer cette analyse.



Les nombreux échanges de courriers intervenus au mois d'avril et de mai 2018 entre la société QUADRIA et la société RUBIS AVIGNON, les alertes de cette dernière ainsi que les bons d'intervention de la Société QUADRIA, permettent de retracer la chronologie des dysfonctionnements et des actions menées par la Société QUADRIA et tout particulièrement les interventions du 29 mai 2018 qui portaient sur deux points distincts, le remplacement du disque dur sur le système RAID 6 dans le cadre du contrat de maintenance et la mise en pace d'une machine virtuelle supplémentaire en vue de la création d'une sauvegarde dans le cadre de la préparation de la migration vers le 'cloud' ORANGE.



La société QUADRIA a commis une erreur lors du remplacement du disque dur sur le système RAID6 en effectuant un mauvais paramétrage et elle a mis en place une machine virtuelle alors que le RAID6 n'était pas reconstitué, ce qui a entraîné la perte des données.



Elle a ainsi manqué de prudence et de vigilance dans l'exécution de sa mission d'assurer un transfert des données en toute sécurité mais elle a également commis une erreur dans le cadre du contrat de maintenance lors du remplacement du disque dur RAID6.



Ces fautes sont d'autant plus caractérisées que la société QUADRIA avait préalablement à son intervention, procédé à un audit de l'infrastructure informatique de la société RUBIS qui avait pour objectif de cerner le périmètre des problèmes et interventions à venir, et qui l'avait amenée à relever le caractère vieillissant du système de sauvegarde de la société RUBIS. Cette situation aurait dû renforcer la vigilance de la société QUADRIA lorsqu'elle est intervenue sur les disques durs de la société RUBIS et lorsqu'elle a mené les opérations de migration des données.



Le fait qu'elle ait été contractuellement tenue à une simple obligation de moyens et non de résultat, est indifférent dès lors que la faute qui lui est reprochée n'est pas son incapacité à atteindre l'objectif défini du contrat de services, à savoir la migration des données, mais des erreurs commises dans la réalisation de ses interventions au titre des deux contrats, de services et de maintenance, lesquelles ont causé la perte de données. Ces erreurs étaient d'autant plus graves que l'une de ses interventions consistait précisément à modifier le système en place pour sécuriser les données informatiques stockées.



2. Sur la validité des clauses limitatives de responsabilité :



La clause qui a été opposée par la société QUADRIA SAS est la clause limitative d'indemnisation figurant à l'article 13.2 des conditions générales du contrat de services CLOUD selon laquelle : ' En toute hypothèse, si la responsabilité de Quadria devait être retenue par une décision de justice dépourvue de tout recours dans le cadre de l'exécution du contrat, il est expressément convenu que le client ne pourrait prétendre, toutes causes confondues, à un total d'indemnités et de dommages et intérêts supérieur aux sommes effectivement pavées par le Client au titre du Service sur les six derniers mois précédant la date de survenance du fait générateur de responsabilité '.





Une même clause limitative de responsabilité est mentionnée à l'article 5.4 des conditions générales du contrat d'assistance qui fixe un plafond d'indemnisation égal au ' montant de la redevance perçue par le prestataire au titre du...contrat '.



Pour demander à la cour de déclarer non écrites ces clauses limitatives de responsabilité contenues dans les contrats de services et de migration 'cloud', la société RUBIS AVIGNON invoque les dispositions de l'article 1170 du code civil qui précise que ' toute clause qui prive de sa substance l'obligation essentielle du débiteur est réputée non écrite', et elle se fonde sur la jurisprudence de la cour de cassation.





La jurisprudence applique effectivement ces dispositions aux clauses limitatives de responsabilité, qui restent valables en principe mais peuvent être réputées non écrites dès lors qu'elles privent de substance une obligation essentielle.



En l'espèce, les clauses limitatives d'indemnisation en cause figurent dans les conditions générales des contrats, non négociées par la société RUBIS AVIGNON et non négociables, s'agissant de contrats d'adhésion.



Par ailleurs ces plafonds d'indemnisation, qui ne trouvent aucune contrepartie particulière consistant en un avantage conféré à la société RUBIS AVIGNON, s'appliquent à toutes causes de préjudices confondues et à un total d'indemnités et de dommages et intérêts.



Or il s'agit d'une indemnisation dérisoire accordée à la société RUBIS AVIGNON eu égard à la perte de ses données que représentait pour elle les fautes commises dans l'exécution des contrats.



Ainsi cette clause privait de sa substance l'obligation essentielle de la société QUADRIA en accordant à la société RUBIS AVIGNON, victime de l'inexécution une indemnisation dérisoire, limitée à la somme de 9 071,71 €. En fonction des règles contractuelles applicables et restrictives, l'assureur de la société RUBIS AVIGNON, la compagnie ALLIANZ, a d'ailleurs procédé à une indemnisation, bien que limitée, à hauteur de 39 715,12 €.



C'est à tort que pour nier ce déséquilibre significatif entre les droits et obligations des parties le tribunal de commerce a considéré que la faute de la société QUADRIA n'avait pas entraîné un arrêt complet de l'activité de la société RUBIS. Ce déséquilibre concerne le contenu des obligations respectives des parties et le caractère dérisoire de l'indemnisation ne s'apprécie pas à l'aune du préjudice potentiellement le plus extrême.



Ces clauses limitatives de responsabilité seront donc réputées non écrites en application des dispositions de l'article 1170 du Code Civil.



3. Sur l'indemnisation de la société RUBIS AVIGNON :



Il sera rappelé que la réparation du préjudice résultant de l'inexécution d'un contrat est régie par les articles 1231-2 et suivants du Code civil dans sa version applicable au présent litige.



Selon l'article 1231-2 du code civil « Les dommages et intérêts dus au créancier sont, en général, de la perte qu'il a faite et du gain dont il a été privé, sauf les exceptions et modifications ci-après » parmi lesquelles aux termes de l'article 1231-3 du même code « Le débiteur n'est tenu que des dommages et intérêts qui ont été prévus ou qui pouvaient être prévus lors de la conclusion du contrat, sauf lorsque l'inexécution est due à une faute lourde ou dolosive ».



La faute lourde ne peut résulter du seul manquement à une obligation contractuelle, fût-elle essentielle, mais doit se déduire de la gravité du comportement du débiteur. En l'occurrence l'erreur commise par la société QUADRIA relève d'une simple erreur humaine qui ne présente pas les caractéristiques de la faute lourde et ne révèle aucune intention de nuire de sa part. La société QUADRIA sera donc exclusivement tenue des dommages et intérêts qui pouvaient être prévus lors de la conclusion du contrat.



Les dommages-intérêts alloués à une victime doivent réparer le préjudice subi sans qu'il en résulte pour elle ni perte ni profit et il appartient à celui qui invoque un préjudice de rapporter la preuve de son caractère actuel, direct et certain.



Il sera rappelé que la quasi-totalité des données, perdues le 30 mai 2018, ont été restaurées entre le 14 juin et le 5 juillet 2018.



3.1 Sur la ressaisie des bons de livraison :



La société RUBIS AVIGNON évalue la réparation de ce préjudice à la somme de 63 942 € en exposant qu'il s'agit du coût représenté par la ressaisie totale de tous les bons de livraison ayant nécessité de nombreuses heures supplémentaires des employés et même l'embauche de personnel supplémentaire afin de notamment :

- Ressaisir à partir des éditions papier ce qui avait été fait entre le 1er Mai et le 28 mai 2018,

- Encadrer ce personnel pour des contrôles ou de la coordination en interne ou avec l'aide

d'intervenants extérieur.

La société RUBIS ajoute qu'elle a également été contrainte d'utiliser des bons manuels qu'elle a dû ressaisir dans son système informatique pour la période du 29 mai au 7 juin 2018, que les temps de saisie des bons de livraison ont ainsi doublé et ont été accompagnés de risques accrus d'erreurs du fait de la ressaisie manuelle.

Elle soutient que les comptes « consignes » n'ont pu être reconstitués et que les en-cours clients n'ont pas été disponibles durant un mois complet générant un risque pour elle-même.

En outre, compte tenu des saisies effectuées manuellement, certains bons de livraison ont été mal facturés, facturés deux fois, non refacturés ou facturés avec des erreurs de prix :

Pendant 20 jours, il a été impossible de saisir des devis ou des chantiers puis ensuite la ressaisie des devis n'a été possible que dans la société Avignon.

Cette impossibilité a causé un préjudice en avril 2019 explique encore la société RUBIS lorsqu'elle a changé de logiciel de gestion puisqu'elle a été obligée de ressaisir tous les devis de la société Avignon qui concernaient des clients de la Société Saint Laurent.

Par ailleurs, elle précise que toutes les modifications de tarif réalisées entre le 14 avril et le 26 mai 2018, ont été perdues.



La réalité de ce préjudice, qui découle directement des conséquence induites par la perte de données qu'il a fallu reconstituer, est avérée et justifiée par les pièces produites, sauf en ce concerne un 'risque' lequel n'est pas assimilable à la réalité d'un préjudice, ou s'agissant des modifications de tarif qui ne sont pas justifiées par les pièces produites, durant la courte période en question.



Le montant de la réparation de ce chef de préjudice sera évalué à la somme de 40 000 €.



3.2 Sur le poste inventaire :



Le c'ur de métier de la Société RUBIS est le négoce de matériaux dont le centre névralgique est la gestion des stocks qui permet d'acheter et de vendre. La société RUBIS précise qu'elle compte 5 agences et 23 000 références qu'il a fallu compter.



Ne disposant plus de données dans le système informatique de suivi des stocks, la société RUBIS a été contrainte de réaliser cet inventaire physique qui était le seul moyen de connaître les marchandises dont elle disposait et de respecter en outre, l'obligation de tenue de bilan et de fiabilité de celui-ci.



Elle sollicite une indemnisation à hauteur de 40 986 € en exposant qu'elle a été contrainte de réaliser un inventaire physique, impliquant :

d) De bloquer deux jours sur l'ensemble des agences,

e) De réaliser cet inventaire et de contrôler les comptages,

f) De saisir cet inventaire et de contrôler ces saisies.



Cet inventaire a été réalisé les 28 et 29 septembre 2018 compte tenu des opérations de ressaisie, de contrôles préalables et de l'impossibilité d'effectuer cet inventaire en pleine période estivale de congés en juillet et août en l'absence de personnel présent suffisant.



Il s'agit bien d'un préjudice certain découlant directement de perte des données. Les éléments produits, extraits de la comptabilité analytique la société RUBIS AVIGNON, fournissent le détail du coût journalier représenté par l'intervention de chaque salarié et le temps qui y fut consacré. L'indemnisation de ce chef de préjudice sollicitée à hauteur de 40 986 € apparaît justifiée.



3.3 Sur le poste perte de marge sur 2 jours d'inventaire :



La société RUBIS AVIGNON sollicite de ce chef une indemnisation d'un montant de 19 487,68 €, faisant valoir qu'elle n'a pas réalisé de chiffres d'affaires durant les deux jours d'inventaire au cours desquels les agences étaient fermées.



Toutefois seule une perte de marge sur coûts variables et non une perte de marge brute doit être considérée. Par ailleurs ladite société se fonde sur le fait que ses clients n'ont pas attendu pour différer leur achat, alors que la fermeture était limitée à deux jours, et elle ne fournit aucun élément relatif à la période postérieure à 2018. De surcroît la société QUADRIA fait observer, à juste titre, que ce poste ne se distingue pas du précédent puisque la marge inclut, par définition, la participation du chiffre d'affaires au financement des charges fixes, donc de la masse salariale déployée pour réaliser l'inventaire en question.



Cette demande d'indemnisation sera rejetée faute de démontrer la réalité de ce chef de préjudice.



3.4 Sur le poste 'prestations de la société PHENIX' :



La Société RUBIS indique avoir été contrainte de faire réinstaller son logiciel de gestion commerciale par la société PHENIX Informatique et de le faire modifier selon les spécifications suivantes, pour un coût de 9 360 € :

- Réinstaller le programme de gestion commerciale pour pouvoir sortir la facturation de Mai,

- Faire du « spécifique » dans la phase de ressaisie (chronologie des bons),

- Écrire des programmes de contrôle pendant la période de ressaisie et après récupération des

données,

- Reprendre les écritures comptables,

- Reconstituer les en-cours client.



Les factures, émises à destination de RUBIS AVIGNON, sont produites, avec mentions des chèques de paiement, identité de la banque et leur numéro, outre un extrait de ses journaux de paiement.



Ce chef de préjudice est justifié mais l'indemnisation sera limitée, s'agissant d'une société commerciale, à la somme hors taxes, soit 7 800,00 €.



3.5 Sur le poste 'prestations de M. [S] [N]' :



L'appelante sollicite une indemnisation à hauteur de 16 000 € au titre du coût de l'intervention sollicitée en urgence, de M. [S] [N], ancien adjoint du dirigeant de la Société intervenu en raison de ses compétences, de sa connaissance du logiciel, et de sa longue expérience au sein de la société RUBIS :

- Pour utiliser et contrôler les données récupérées par Monsieur [D] (PHENIX

INFORMATIQUE),

- Réaliser tout une série de contrôle avant, pendant et après les ressaisies ou récupération,

- Reconstituer les statistiques,

- Coordonner certaines équipes de ressaisie,

- Répondre aux problèmes rencontrés (manque d'information sur un bon, (l'article saisi avant

le crash n'existe plus, idem pour un devis ou un chantier, erreur à rectifier')



Toutefois la société RUBIS AVIGNON ne rapporte pas la preuve de l'existence d'une nécessité technique de l'intervention de M. [N] ni de l'existence d'un lien de causalité direct avec les pertes de données, outre l'absence des justificatifs comptables des paiements effectués mais également des commandes, des devis signés et des rapports établis.



Il ne sera pas fait droit à ce chef de demande.



3.6 Sur le poste ' paiement indu à la société QUADRIA ' :



La Société RUBIS AVIGNON demande le remboursement de la somme de 28 744, 18 € TTC correspondant au montant total des prestations réglées à la société QUADRIA.



Cependant la société RUBIS AVIGNON ne peut à la fois solliciter l'indemnisation des préjudices générés par la réalisation de prestations contractuelles et le remboursement du coût de celles-ci sauf à bénéficier d'une profit injustifié.



Elle sera déboutée de ce chef d'indemnisation.



3.7 Sur le poste ' perte des bons non facturés ' :



La société RUBIS expose avoir été contrainte de ressaisir des bons édités en format papier mais certains de ces bons papiers ont pu être égarés ou perdus lors de leur manipulation à l'occasion de la ressaisie. Or seules les données jusqu'au 26 mai 2018 ont pu être récupérées de sorte qu'il est apparu, explique-t-elle, qu'un certain nombre de bons n'avaient pas été facturés, au titre desquels, principalement des bons de livraisons avec transport par la flotte de camions de la Société RUBIS.



Elle considère qu'il est permis de penser que des bons de livraisons ne seront jamais 'refacturés' et elle évalue cette perte sèche à 0.5% du chiffre d'affaires du mois de mai 2018 de 1 003 569 € soit 5 017,59 €.



Cependant il s'agit d'un raisonnement hypothétique, non étayé par des justificatifs, accompagné d'un mode calcul du préjudice totalement abstrait.



Ce préjudice n'est pas démontré et cette demande de réparation sera rejetée.







3.8 Sur le poste ' hausse de tarif non prise en compte en juin 2018 ' :



La société appelante fait valoir que la perte des données, l'a obligée à ressaisir l'intégralité des bons de mai 2018, que certains changements de prix lui ont nécessairement échappé lui occasionnant de ce fait un préjudice certain et que ce préjudice a perduré pendant le mois de juin 2018 car elle n'a pu vérifier les tarifs appliqués qu'à partir du mois de juillet 2018.

Elle estime ce préjudice à 0.1% du Chiffre d'affaires du mois de mai 2018 établi à 1 003 569 € et du mois de juin 2018 établi à 1 188 562 euros soit un préjudice estimé à 2 192,13 €.



La réalité de ce préjudice, sur une si courte période, n'est pas démontrée et elle sera déboutée de ce chef de demande.



3.9 Sur le poste ' rangement des bons après ressaisie ' :



Du fait de la perte des données, la Société RUBIS précise avoir été contrainte d'affecter des ressources spécifiques au reclassement des bons de livraison.

Alors que ces personnels font habituellement du commerce, ils étaient obligés d'effectuer le reclassement des bons de livraison, tâche exceptionnelle, étrangère à leur fonction habituelle et induite par la perte des données informatiques.

Ce reclassement des bons de livraison, des bons de commandes fournisseurs et des bons de réception fournisseurs a occupé neuf personnes à temps plein pendant 7 jours ouvrés représentant 330 heures de travail au coût horaire moyen de 14 € soit un préjudice pour ce poste estimé à 4 628,15 €.



La réalité de ce préjudice correspondant au coût des heures supplémentaires dédiées à cette activité est incontestable et l'extrait de la comptabilité analytique du temps qui y fut consacré rend la demande d'indemnisation de ce chef de préjudice justifiée. Il y sera donc fait droit.



3.10 Sur le poste ' Vérification de la comptabilité des différentes sociétés ' :



La Société RUBIS a été contrainte de vérifier la comptabilité de l'ensemble des sociétés du groupe afin de :

- Reprendre les rapprochements bancaires,

- Vérifier les caisses et les journaux de caisse,

- Vérifier la cohérence des comptes,

- Vérification de la comptabilité 3R 3 000 €

- Vérification de la comptabilité de la SARL HAMEAU DU COULON 4 000 €

- Vérification de la comptabilité SCI TEZAN 500 €

- Vérification de la comptabilité SCI SAFFRANIERE 500 €

- Vérification de la comptabilité SCI SSAINT ROCH 500 €

- Vérification de la comptabilité SCI NIZON 500 €



Elle estime la juste réparation de ce chef de préjudice à l'allocation d'une somme de 9 000 €.



Toutefois aucune pièce n'est produite pour étayer la réalité de ce préjudice et la société appelante doit être déboutée de ce chef de demande.



3.11 Sur le poste ' compte palette erroné ' :



La société RUBIS AVIGNON sollicite une indemnisation à hauteur de 18 992,4 € au titre d'une absence de mise à jour des palettes et chevrons consignés, ce qui l'a contrainte à opérer une ressaisie 'en aveugle' faussant le compte 'consignes'. Elle estime que le risque d'erreur de reprendre une palette qui n'a pas été consignée est estimé à 5% et a évalué son préjudice par rapport à la moyenne du nombre des palettes déconsignés et à leur prix.



Cette société évoque un risque d'erreur et ne produit aucune pièce établissant la réalité de son préjudice qui ne peut donc pas être indemnisé.



3.12 Sur le poste ' perte de pilotage de gestion de l'entreprise ' :



A ce titre la société RUBIS AVIGNON sollicite une indemnisation à hauteur de 182 988 €.



Elle souligne que la comparaison de l'examen des résultats comptables de ces 5 dernières années permet de mettre en exergue que les deux années 2018 et 2019 ont connu une chute significative de résultat, conséquence, selon elle, de la survenance du dommage informatique et de la perte des données :

- Résultat consolidé 2016 : 290 282€

- Résultat consolidé 2017 : 312 972€

- Résultat consolidé 2018 : 146 736€

- Résultat consolidé 2019 : 131 735€

- Résultat consolidé 2020 : 743 417€



Elle explique qu'elle établit des statistiques permettant d'affecter le chiffre d'affaires au dépôt qui a effectué le travail de chargement ou de livraison et qu'elle optimise les en-cours de sorte qu'un dépôt peut faire facturer juridiquement un autre dépôt alors que c'est lui qui effectue le travail. Compte tenu du fait que la facturation du mois de mai 2018 a nécessité une ressaisie imparfaite des bons, la société RUBIS AVIGNON ne disposait plus de ces données dites « croisées ».



Or la perte de ces données n'a pas permis d'analyser le chiffre d'affaires là où il était généré afin de connaître l'activité réelle d'un dépôt ce qui a rendu possible de doter un dépôt d'un effectif qui ne lui était pas nécessaire, ou de disposer d'un sur-effectif, dégradant ainsi fortement le service client, la motivation du personnel, mais également rendant fantaisiste la gestion des stocks à l'origine de gros problèmes d'approvisionnement avec des risques de ruptures de stock sur certains produits. les « croisés » ont donc été neutralisés, ce qui a faussé la comptabilité analytique, un dépôt pouvant vendre des articles qu'il n'avait pas acheté, et a généré une perte de pilotage de l'activité qui s'est traduite par des marges erronées.



Cependant pour démontrer la réalité de ce préjudice la société RUBIS AVIGNON produit seulement deux documents. L'un est une attestation du 02/07/2019 établie par la SARL 3R en tant que présidente de la SAS RUBIS AVIGNON, consistant en un tableau mentionnant l'impact sur le résultat net de la société RUBIS AVIGNON au 31/12/2018 et le résultat 2018 qui aurait été dégagé en l'absence de modification des modalités de facturation des prestations effectuées (générée par la perte des données).



Il s'agit d'une attestation que la société RUBIS AVIGNON s'est délivrée à elle-même et qui ne démontre aucunement l'existence d'un lien de causalité entre la perte des données et son impact sur le résultats de son activité.



Le second document est une attestation du commissaire aux comptes au sujet de l'attestation qui vient d'être évoquée, qui prend soin de préciser qu'elle contient des informations établies sous la responsabilité de la SAS RUBIS AVIGNON et que son intervention, qui ne constitue ni un audit, ni un examen limité, a consisté à vérifier la concordance de ces informations avec la comptabilité et l'impact du changement des modalités de facturation des prestations Holding sur le résultat net comptable 2018 tel qu'il a été approuvé par les associés. Cette attestation ne permet pas davantage d'établir l'existence d'un lien de causalité entre les fautes commises par la société QUADRIA et la baisse des résultats comptables de la société RUBIS AVIGNON, d'autant que le service de pilotage d'une société constitue une fonction support, qui ne crée pas directement du chiffre d'affaires, que les affirmations de la société RUBIS AVIGNON concernant les implications du défaut allégué de pilotage ne sont pas concrètement étayées et que le résultat net d'une activité est susceptible d'évoluer de façon substantielle en fonction de nombreux paramètres économiques et financiers tels le niveau et l'évolution des charges d'exploitation, le niveau de l'endettement de la société et de ses frais financiers de remboursement des emprunts, le niveau et l'évolution de ses investissements, l'existence d'événements atypiques survenus au cours de l'exercice en cause, la rétractation antérieure du marché.



L'existence du préjudice allégué et d'un lien direct de causalité avec les fautes commises par la société QUADRIA n'est pas démontrée et la société RUBIS AVIGNON sera déboutée de sa demande d'indemnisation présentée de ce chef.



3.13 Sur le poste ' atteinte à l'image de marque, crédibilité client, crédibilité commerciale' :



La société RUBIS AVIGNON évalue à la somme totale de 70 000 € le montant de la réparation du préjudice qu'elle a subi de ce chef vis-à-vis des clients en raison des errements en matière de prix, des attentes en caisse des clients pour établir manuellement des bons, de la désaffection des clients des grands groupes nationaux de BTP, comme VINCI et ses filiales, Bouygues et ses filiales, dont le processus d'achat est basé sur des bons de commandes chiffrés et qui ne sont plus venus s'approvisionner auprès de la Société RUBIS pendant un mois, en l'état de l'impossibilité de pouvoir édités des bons de livraisons chiffrés conformes à leurs tarifs. Elle insiste sur l'image très négative qu'elle a donnée vis à vis des tiers et de ses fournisseurs, d'une société incapable de maîtriser ses sauvegardes informatiques. Elle précise qu'elle n'a pu réémettre de devis qu'à partir du 18 juin 2018 et considère que cette dégradation de son image de marque lui a fait perdre des affaires de manière définitive.



La réalité de ce préjudice est incontestable dans son principe. Les pièces produites et les éléments de la cause n'en justifient pas l'indemnisation au niveau sollicité mais à la somme de 30 000 €.



3.14 Sur le poste ' embauche d'une personne supplémentaire ' :



La société RUBIS AVIGNON sollicite de ce chef une indemnisation à hauteur de 6 386,49 € correspondant au coût salarial de Mme [X] [O] recrutée durant une période de 3,5 mois en qualité de caissière supplémentaire pour compenser le travail occasionné par la perte des données.



L'existence de ce chef de préjudice est justifiée par les pièces produites mais uniquement à hauteur des 3 bulletins de salaire versés aux débats, soit pour un montant total de 4 869,93 €.



En définitive, après récapitulation des indemnisations des différents chefs de préjudice, il apparaît que la réparation de l'intégralité des préjudices subis par la société RUBIS AVIGNON s'effectuera par l'allocation d'une somme de 128 284,08 € et que la société QUADRIA sera condamnée à l'indemniser en lui versant la somme de 88 568,96 € après déduction de l'indemnité qu'elle a perçue de son assureur pour un montant de 39 715,12 €.



Le jugement déféré sera réformé en conséquence.



4. Sur les demandes annexes :



La société QUADRIA qui succombe en première instance et en appel sera condamnée à prendre en charge les dépens afférents à ces deux instances.



L'équité commande par ailleurs de la condamner à verser à la société RUBIS AVIGNON une indemnité de 6 000 € sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre des deux instances.



PAR CES MOTIFS



LA COUR,



Statuant en audience publique et par arrêt contradictoire, en dernier ressort, par mise à disposition au greffe, après en avoir délibéré conformément à la loi ;



INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal de commerce de Limoges le 3 février 2021 ;



Statuant à nouveau ;



JUGE que les société QUADRIA a commis des manquements contractuels au préjudice de la société RUBIS AVIGNON dans le cadre de l'exécution des deux contrats d'assistance et de services, conclus le 13 janvier 2017 ;



DECLARE non écrites les clauses limitatives de responsabilité contenues dans ces contrats ;



FIXE à la somme de 128 284,08 € le montant de la réparation des préjudices subis par la société RUBIS AVIGNON en lien direct de causalité avec les fautes commises par la société QUADRIA ;



CONDAMNE la société QUADRIA à verser à la société RUBIS AVIGNON la somme de 88 568,96 € à titre de dommages et intérêts, après déduction de la somme d'un montant de 39 715,12 € reçue de l'assureur ;



DEBOUTE les parties de leurs plus amples ou contraires demandes ;



CONDAMNE la société QUADRIA aux dépens de première instance et d'appel ;



Vu l'article 700 du code de procédure civile ;



CONDAMNE la société QUADRIA à verser à la société RUBIS AVIGNON une indemnité de

6 000 €;



LE GREFFIER,LE PRÉSIDENT,











Sophie MAILLANT. Pierre-Louis PUGNET

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