16 juin 2022
Cour d'appel de Douai
RG n° 21/01483

CHAMBRE 1 SECTION 1

Texte de la décision

République Française

Au nom du Peuple Français





COUR D'APPEL DE DOUAI



CHAMBRE 1 SECTION 1



ARRÊT DU 16/06/2022





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N° de MINUTE :

N° RG 21/01483 - N° Portalis DBVT-V-B7F-TQGW



Jugement (N° 11-19-0002) rendu le 26 juillet 2019

par le tribunal d'instance de Maubeuge







APPELANTE



La SASU Dynamic Auto prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social, 1 rue Louis Pasteur

59750 Feignies



représentée par Me Vincent Demory, avocat au barreau d'Avesnes-sur-Helpe





INTIMÉ



Monsieur [R] [Y]

né le 08 novembre 1975 à Chauny (02300)

demeurant 15 rue Nouvelle Cité Sole de l'Eglise

80400 Muille Villette



représenté par Me Francis Deffrennes, membre de la SCP Thémès, avocat au barreau de Lille





DÉBATS à l'audience publique du 24 mars 2022 tenue par Emmanuelle Boutié magistrat chargé d'instruire le dossier qui a entendu seule les plaidoiries, les conseils des parties ne s'y étant pas opposés et qui en a rendu compte à la cour dans son délibéré (article 786 du code de procédure civile).

Les parties ont été avisées à l'issue des débats que l'arrêt serait prononcé par sa mise à disposition au greffe.



GREFFIER LORS DES DÉBATS : Delphine Verhaeghe



COMPOSITION DE LA COUR LORS DU DÉLIBÉRÉ



Christine Simon-Rossenthal, présidente de chambre

Emmanuelle Boutié, conseiller

Céline Miller, conseiller





ARRÊT CONTRADICTOIRE prononcé publiquement par mise à disposition au greffe le 16 juin 2022 (date indiquée à l'issue des débats) et signé par Christine Simon-Rossenthal, présidente et Delphine Verhaeghe, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.




ORDONNANCE DE CLÔTURE DU : 3 mars 2022



****







Le 23 décembre 2017, M. [R] [Y] a fait l'acquisition d'un véhicule de marque Renault type Espace immatriculé DQ-688-VB pour un montant de 2 399 euros auprès du garage Dynamic Auto.



Une facture a établi les pièces remplacées par le garage Dynamic Auto avant la vente dudit véhicule, dont le kit de distribution.



Le 19 juin 2018, le véhicule est tombé en panne. M. [Y] a fait appel à son assurance protection juridique et une expertise a été organisée au cours de laquelle la société Dynamic Auto ne s'est pas présentée.



Le rapport a été établi le 12 septembre 2018 et a conclu que le véhicule avait été victime d'un décalage de distribution entraînant son immobilisation ainsi que des frais de gardiennage et que la proximité de cette intervention du garage avec la date de vente du véhicule démontrait que la responsabilité du vendeur était engagée.



Par acte d'huissier en date du 24 avril 2019, M. [Y] a fait assigner le garage Dynamic Auto aux fins d'obtenir :

- la nullité ou, à défaut, la résolution du contrat de vente conclu avec le garage Dynamic Auto ;

- la condamnation du garage Dynamic Auto à lui régler la somme de 2 399 euros ainsi que les frais annexes d'un montant de 138,76 euros ;

- juger que le garage Dynamic Auto devra reprendre à ses frais ledit véhicule dans le délai d'un mois suivant la signification du jugement à intervenir, et sous astreinte de 60 euros par jour de retard commençant à courir le 31ème jour suivant la signification pendant un délai de 100 jours ;

- en tant que de besoin, l'autorisation pour M. [Y] à faire procéder à la destruction du véhicule, aux frais du garage, faute pour celui-ci d'avoir procédé à sa reprise, passé le délai d'un mois suivant mise en demeure adressée par lettre recommandée avec accusé de réception restée infructueuse ;

- au besoin la condamnation du garage Dynamic Auto au paiement des frais de destruction qui auraient été engagés par M. [Y] ;

- sa condamnation au paiment de la somme de 3 280,23 euros au titre des frais de gardiennage du véhicule engagés par lui ;

- sa condamnation au paiement de la somme de 1 000 euros au titre du préjudice de jouissance et du préjudice moral ;

A titre subsidiaire,

- avant dire droit, d'obtenir une expertise judiciaire et désigner tel expert notamment pour mission de se rendre au garage SARL Jacques Barbier, examiner le véhicule, préciser les désordres et en fournir la cause et la nature.

En tout état de cause,

- la condamnation du garage Dynamic Auto au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Par jugement en date du 19 juillet 2019, le tribunal d'instance de Maubeuge a  :


prononcé la nullité du contrat de vente portant sur le véhicule de marque Renault type Espace conclu entre Monsieur [Y] et le garage SASU Dynamic Auto ;

condamné le garage SASU Dynamic Auto à payer à M. [Y] la somme de 2 399 euros au titre du prix du véhicule ;

condamné le garage SASU Dynamic Auto à payer à M. [Y] la somme de 138,76 euros au titre du coût de la carte grise du véhicule ;

condamné le garage SASU Dynamic Auto à payer à M. [Y] la somme de 3 280,23 euros au titre des frais de gardiennage ;

condamné le garage SASU Dynamic Auto à payer à M. [Y] la somme de 1 000 euros au titre du préjudice moral de jouissance ;

dit que le garage SASU Dynamic Auto devra reprendre à ses frais le véhicule de marque Renault type Espace dans le délai d'un mois suivant la signification du jugement à intervenir, et sous astreinte de 20 euros par jour de retard commençant à courir le 31ème jour suivant la signification de la présente décision pendant un délai de 100 jours ;

autorisé M. [Y], en cas d'inexécution dans les conditions susvisées du garage SASU Dynamic Auto, à faire procéder à la destruction du véhicule, aux seuls frais du garage SASU Dynamic Auto, faute pour celui-ci d'avoir procédé à la reprise du véhicule, passé le délai d'un mois suivant mise en demeure adressée par lettre recommandée avec avis de réception restée infructueuse ;

en cas d'inexécution par le garage SASU Dynamic Auto des modalités de reprise du véhicule ci-dessus énoncées, condamné le garage SASU Dynamic Auto au paiement des frais de destruction qui auraient été engagés par M. [Y] et sur justificatif dûment présenté ;

condamné le garage SASU Dynamic Auto à payer à M. [Y] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné le garage SASU Dynamic Auto aux dépens.




La SASU Dynamic Auto a interjeté appel de ce jugement.



Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 13 décembre 2019, la SASU Dynamic Auto demande à la cour de :


réformer le jugement du tribunal d'instance de Maubeuge du 19 juillet 2019 en toutes ses dispositions ;

juger n'y avoir lieu à prononcer la nullité du contrat de vente intervenu le 23 décembre 2017 entre M. [Y] et la SASU Dynamic Auto et portant sur le véhicule automobile de marque Renault, de type Espace, avec toute conséquence de droit ;

débouter M. [Y] de l'ensemble de ses prétentions, fins et conclusions.


A titre subsidiaire, et si par extraordinaire la cour prononçait la résolution du contrat de vente,


Fixer la somme due par le garage SASU Dynamic Auto à M. [Y], au titre des frais de gardiennage :


A titre subsidiaire, la somme de 519,48 euros ;

A titre infiniment subsidiaire, la somme de 869,15 euros.



A titre infiniment subsidiaire,


Débouter M. [Y] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral et du trouble de jouissance ;





Condamner M. [Y] à payer à la SASU Dynamic Auto la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens et frais.




La société Dynamic Auto soutient qu'alors que la panne est survenue six mois après la vente et que le véhicule avait parcouru 16 000 kms, il est impossible que le kit de distribution ait été mal monté et qu'un décalage moteur ait pu exister entre la prise de possession du véhicule et l'avarie mécanique.

Elle précise que l'avis de l'expert n'est étayé par aucun constat technique lié à un démontage et que M. [Y] ne démontre pas l'existence d'un défaut de démontage à l'origine d'un vice affectant le véhicule au jour de la vente et ne rapporte pas la preuve d'un lien de causalité entre le dommage et le remplacement de la courroie, la proximité de l'avarie mécanique avec le remplacement de celle-ci n'étant pas en soi suffisante pour justifier l'existence d'un vice concomitamment à la vente.

Enfin, à titre subsidiaire concernant les frais de gardiennage, elle ajoute qu'il n'est pas justifié que le véhicule soit resté entreposé au garage Barbier après la date du rapport d'expertise de sorte que les frais de gardiennage doivent être limités à la somme de 869,13 euros.



Aux termes de ses dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 12 mars 2020, M. [Y] demande à la cour de :


confirmer le jugement du tribunal de Maubeuge du 19 juillet 2019 en toutes ses dispositions.


Y ajoutant,


Condamner le garage SASU Dynamic Auto à payer à M. [R] [Y] la somme de 8,33 euros HT par jour de retard au titre des frais de gardiennage exposés postérieurement au 20 mars 2019 jusqu'à l'enlèvement définitif au frais de la SASU Dynamic Auto du véhicule de marque Renault type Espace immatriculé DQ- 688-VB.


A titre infiniment subsidiaire,

Désigner tel expert qu'il appartiendra à la cour de nommer avec pour mission de


se rendre au Garage SARL Jacques Barbier - 16 bis rue Jehan Bodel - Zone des Longs Champs à Beaurain (62217) où est entreposé le véhicule litigieux de marque Renault type Espace immatriculé DQ688VB, vendu par le garage SASU Dynamic Auto à Monsieur [R] [Y] ; examiner le véhicule, décrire les désordres dont est affecté le véhicule, en préciser la date d'apparition, les conséquences pour l'usage du véhicule ;

préciser si les désordres étaient présents lors de la vente et s'ils pouvaient être ignorés ou connus du vendeur ;

de manière générale, fournir toute observation utile pour déterminer la nature, la cause et l'origine des désordres dont est affecté le véhicule en cause, pour déterminer les responsabilités encourues et chiffrer le préjudice subi ;

établir un pré-rapport et entendre les parties en leurs observations, et du tout, dresser un rapport définitif.




En tout état de cause,


condamner le garage SASU Dynamic Auto à payer à M. [R] [Y] la somme de 2 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.




M. [Y] soutient que le véhicule est entaché d'un vice caché ou, à tout le moins, d'un défaut de conformité mis en évidence dans le cadre des opérations d'expertise amiable contradictoires, l'appelante n'apportant aucune contradiction à ces constatations.

Il précise que le véhicule est entreposé au garage Barbier depuis le mois de juin 2018 de sorte qu'il ne peut plus l'utiliser et a été contraint de faire l'acquisition d'un nouveau véhicule en septembre 2018.

Enfin, il ajoute avoir été contraint d'effectuer de nombreuses démarches en vue de la résolution amiable du litige de sorte qu'il a subi un préjudice certain.



Pour l'exposé des moyens des parties, il convient de se référer à leurs dernières écritures conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.




MOTIVATION



Sur la demande principale



Aux termes de l'article 1641 du code civil, le vendeur est tenu de la garantie à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.



Il incombe à l'acquéreur de rapporter la preuve du vice caché et de ses différents caractères. Il doit ainsi établir que la chose vendue est atteinte d'un vice:

- inhérent à la chose et constituant la cause technique des défectuosités,

- présentant un caractère de gravité de nature à porter atteinte à l'usage attendu de la chose,

- existant antérieurement à la vente, au moins en l'état de germe,

- n'étant, au moment de la vente, ni apparent ni connu de lui, le vendeur n'étant pas tenu ' des vices apparents et dont l'acheteur a pu se convaincre lui-même' conformément à l'article 1642 du code civil.



Au soutien de sa demande, M. [Y] produit un rapport d'expertise extrajudiciaire non contradictoire établi le 12 septembre 2018 par le Cabinet [J] à la demande de son assureur, aux termes duquel il est notamment relevé que 'le véhicule a été victime d'un décalage de la distribution entraînant l'immobilisation du véhicule et des frais de gardiennage auprès du dépanneur ayant réalisé le remorquage sur autoroute. La courroie a été remplacée avant la vente du véhicule, six mois auparavant, la proximité de cette intervention démontre que la responsabilité du vendeur est engagée au regard de nos constatations'.



En outre, l'expert précise qu'il n'a pas pu déterminer l'origine du décalage de la distribution 'car le vendeur ne s'est pas présenté à l'expertise et que les opérations de démontage n'ont pas pu être réalisées mais la proximité du remplacement de la courroie permet de mettre en évidence la responsabilité du vendeur'.



Alors que les constatations du rapport d'expertise extrajudiciaire, réalisé non contradictoirement, doivent être corroborées par d'autres éléments du dossier, ne pouvant suffire à elles seules à caractériser l'existence d'un vice caché, il ne résulte pas des pièces produites aux débats par M. [Y] que le désordre relevé par l'expert présente les caractéristiques d'un vice caché tel que défini par les dispositions de l'article 1641 du code civil susvisé, en l'absence de production d'autres éléments de preuve confortant les constatations de l'expert extra-judiciaire.



En effet, l'expert extra-judiciaire, qui ne se prononce pas sur l'origine du désordre constaté, ne fournit aucune précision quant à son antériorité par rapport à la vente litigieuse alors même qu'il n'est pas contesté que M. [Y] a effectué près de 16 000 km avec le véhicule litigieux avant l'apparition de la panne survenue le 19 juin 2018 et que, d'une part, une facture lui a été communiquée au jour de la vente au titre du remplacement du kit de distribution, de la pompe à eau et de la courroie et, d'autre part, qu'un procès-verbal de contrôle technique a été établi le 22 décembre 2017 ne relevant qu'un défaut non soumis à une obligation de contre-visite, s'agissant du réglage d'un feu antibrouillard.



En conséquence, la preuve de l'existence d'un vice caché affectant le véhicule et de ses caractéristiques n'étant pas rapportée en l'espèce, il y a lieu de débouter M. [Y] de ses demandes de ce chef, la décision entreprise étant infirmée en toutes ses dispositions.



A titre subsidiaire, si M. [Y] invoque l'existence de défauts de conformité sanctionnables au visa des dispositions des articles 1604 et suivants du code civil, la cour relève que l'action en garantie des vices cachés et l'action en non-conformité pour manquement à l'obligation de délivrance sont exclusives l'une de l'autre, de sorte que l'acheteur ne peut pas cumuler ces deux fondements mais doit exercer l'action qui correspond au défaut allégué.



Le défaut de délivrance s'entend ainsi de la remise à l'acheteur d'un bien qui ne correspond pas aux spécifications contractuelles convenues et doit être distingué de la garantie due en raison des vices cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.



En l'espèce, M. [Y] invoque le même défaut, s'agissant du décalage de la courroie de distribution, pour caractériser tant le vice caché affectant le véhicule litigieux que le défaut de conformité, de sorte qu'il a méconnu le principe du non-cumul et doit être débouté de sa demande subsidiaire au titre de la non-conformité du véhicule.



En tout état de cause, le défaut invoqué par M. [Y] ressort du vice caché et non d'un défaut de délivrance comme étant un vice inapte à son utilisation.



Enfin, si à titre infiniment subsidiaire, M. [Y] sollicite en cause d'appel la réalisation d'une expertise, force est de constater que cette mesure d'instruction ne saurait avoir pour vocation de pallier sa carence dans l'administration de la preuve alors même que l'ancienneté du désordre ne rend pas pertinente la réalisation de cette expertise.



En conséquence, M. [Y] sera débouté de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la SASU Dynamic Auto, le jugement entrepris étant infirmé en toutes ses dispositions.











Sur les autres demandes



M. [Y], partie perdante, sera condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel en application de l'article 700 du code de procédure civile.



Il n'apparaît pas inéquitable de le condamner à payer à la SASU Dynamic Auto la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.



M. [Y] sera débouté de sa demande d'indemnité de procédure.



PAR CES MOTIFS,



La cour,



- Infirme le jugement entrepris en toutes ses dispositions ;



Statuant à nouveau,



Déboute M. [R] [Y] de l'ensemble de ses demandes ;



Y ajoutant :



- Condamne M. [R] [Y] aux entiers dépens ;



- Condamne M. [R] [Y] à payer à la SASU Dynamic Auto la somme de 1 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ;



- Déboute M. [R] [Y] de sa demande d'indemnité de procédure.



Le greffierLa présidente

Delphine VerhaegheChristine Simon-Rossenthal

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