14 juin 2022
Cour d'appel de Poitiers
RG n° 20/02567

1ère Chambre

Texte de la décision

ARRET N° 364



N° RG 20/02567 - N° Portalis DBV5-V-B7E-GDVF















[G]

[B]



C/



S.C.P. ABP ARCHITECTES



















RÉPUBLIQUE FRANÇAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS



COUR D'APPEL DE POITIERS



1ère Chambre Civile



ARRÊT DU 14 JUIN 2022





Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/02567 - N° Portalis DBV5-V-B7E-GDVF



Décision déférée à la Cour : jugement du 20 octobre 2020 rendu par le TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de LA ROCHELLE.







APPELANTS :



Monsieur [E] [G]

né le 06 Décembre 1967 à [Localité 3]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Madame [N] [B] épouse [G]

née le 20 Avril 1968 à [Localité 2]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



ayant tous les deux pour avocat Me Anne-marie DUVIVIER, avocat au barreau de LA ROCHELLE-ROCHEFORT, substitué par Me Mégane MIRONNEAU, avocat au barreau de POITIERS







INTIMEE :



S.C.P. ABP ARCHITECTES

[Adresse 1]

[Adresse 1]



ayant pour avocat Me Marion LE LAIN de la SCP DROUINEAU-VEYRIER- LE LAIN-BARROUX-VERGER, avocat au barreau de POITIERS, substitué par Me Lola BERNARDEAU, avocat au barreau de POITIERS













COMPOSITION DE LA COUR :



En application des articles 907 et 786 du Code de Procédure Civile, l'affaire a été débattue le 14 Avril 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant :



Madame Anne VERRIER, Conseiller





Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



M. Thierry MONGE, Président de Chambre

Monsieur Dominique ORSINI, Conseiller

Madame Anne VERRIER, Conseiller



GREFFIER, lors des débats : Mme Elodie TISSERAUD,





ARRÊT :



- Contradictoire



- Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la Cour, les parties ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile,



- Signé par M. Thierry MONGE, Président de Chambre, et par Mme Elodie TISSERAUD, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.








EXPOSÉ DES FAITS, DE LA PROCÉDURE, DES PRÉTENTIONS



Mme et M. [G] ont conclu avec la société ABP un contrat de maîtrise d'oeuvre le 22 décembre 2015 portant sur la construction d'une maison d'une surface habitable de 220 m2.

Le contrat portait sur une mission complète.

Le maître de l'ouvrage déclarait disposer d'une enveloppe financière de 450.000 euros TTC.



Le permis de construire était déposé courant mars 2016.



Le maître de l'ouvrage a résilié le contrat se prévalant d'un dépassement de l'enveloppe financière prévisionnelle sans que la date précise de résiliation soit connue.



La société ABP a établi des notes d'honoraire les :

-26 juillet 2016 : note d'honoraires n° 3 d'un montant de 12487,12 euros TTC

L'architecte a facturé 50 % de la mission ACT

-23 mars 2017 note d'honoraires n°4 pour solde d'un montant de 1417,50 euros



Elle a réitéré ses demandes de paiement les 10 avril 2017, 5 juillet 2018.

La société ABP a saisi pour avis le 5 juillet 2018 le Conseil Régional de l'ordre des architectes qui a émis un avis le 24 septembre 2018, avis transmis à l'architecte le 24 janvier 2019, aux époux [G] le 2 avril 2019.



La société APD a renouvelé ses demandes de paiement les 24 janvier, 5 février, 2 avril 2019.



Par acte du 19 juillet 2019, la société APB a assigné les époux [G] devant le tribunal de grande instance de La Rochelle aux fins de condamnation à lui payer les sommes de :

.13 904,62 euros au titre du solde des honoraires dus

. 8559,76 euros au titre de l'indemnité de résiliation contractuelle



Les époux [G] n'ont pas constitué avocat.







Par jugement réputé contradictoire du 20 octobre 2020, le tribunal judiciaire de La Rochelle a statué comme suit :



-Condamne M. [E] [G] et Madame [N] [G] à verser à la SCP APB ARCHITECTES la somme de 13 904,62 € TTC (treize mille neuf cent quatre euros et soixante-deux centimes) au titre du solde des honoraires, outre les intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 2019 ;



-Déclare la clause pénale manifestement excessive ;



-Condamne M. [E] [G] et Madame [N] [G] à verser à la SCP APB ARCHITECTES la somme de 1000 € (mille euros) en application de la clause pénale ;



-Condamne M. [E] [G] et Madame [N] [G] à verser à la somme de 1500 € (mille cinq cents euros) au titre des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;



-Condamne M. [E] [G] et Madame [N] [G] aux dépens ;



-Ordonne l'exécution provisoire »



Le premier juge a notamment retenu que :



Les époux [G] ont accepté les modifications apportées à leur projet initial et ont été informés du surcoût.

La société APB a été mandatée pour continuer sa mission.

Ils ne comparaissent pas.

Aucune pièce n'établit un manquement ou une carence de l'architecte.

Les factures d'honoraires sont dues.

L'indemnité de résiliation est de 20% de la partie des honoraires qui auraient été versés si la mission n'avait pas été prématurément interrompue.

La clause est manifestement excessive.

Elle altère la liberté du maître de l'ouvrage de résilier le contrat. Le maître de l'ouvrage n'en bénéficie pas alors que l'architecte peut résilier le contrat.

Elle sera réduite à 1000 euros.





LA COUR



Vu l'appel en date du 13 novembre 2020 interjeté par les époux [G]

Vu l'article 954 du code de procédure civile



Aux termes du dispositif de leurs dernières conclusions en date du 22 mars 2022, les époux [G] ont présenté les demandes suivantes :



Vu l'article L. 218-2 du Code de la consommation,

Vu l'article L 441-3 du Code de commerce, applicable à l'espèce dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2020-1525 du 7 décembre 2020,

Vu l'article 289 du Code général des impôts, applicable à l'espèce dans sa rédaction antérieure à l'ordonnance n° 2021-1190 du 15 septembre 2021,

Vu les articles 1134, 1147, 1152 du Code civil, applicables à l'espèce dans leur version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016,

Vu les articles 122, 696, 699 et 700 du Code de procédure civile,



INFIRMER Le jugement déféré en ce qu'il a condamné Monsieur et Madame [G] :

- à verser à la Société ABP ARCHITECTES les sommes de :

o 13.904,62 € au titre du solde des honoraires, outre les intérêts au taux légal à compter du 19 juillet 2019,

o 1.000 € en application de la clause pénale,

o 1.500 € au titre de l'article 700 du Code de procédure pénale,

- aux dépens,

ET STATUANT À NOUVEAU,

À titre principal,

-JUGER que les demandes de la Société ABP ARCHITECTES sont irrecevables car prescrites,

-À titre subsidiaire, dans l'éventualité où la Cour considérerait que les demandes de la Société ABP ARCHITECTES formulées à l'encontre de Monsieur et Madame [G] ne seraient pas prescrites en tout ou partie,

CONSTATER, DIRE ET JUGER que la Société ABP ARCHITECTES a manqué à son devoir d'information et de conseil à l'égard de Monsieur et Madame [G],

DIRE ET JUGER que le contrat d'architecte a été résilié par les maîtres de l'ouvrage pour faute de l'architecte,

CONSTATER, DIRE ET JUGER que la Société ABP ARCHITECTES n'a pas exécuté ses missions d'études de projet, d'établissement du dossier de consultation des entreprises et d'assistance pour la passation des contrats de travaux,



-EN CONSÉQUENCE, INFIRMER le jugement déféré en ce qu'il condamné Monsieur et Madame [G] à régler la somme de 13.904,62 € au titre des honoraires dus à la Société ABP ARCHITECTES et 1.000 € au titre de la clause pénale,

-CONDAMNER la Société ABP ARCHITECTES à restituer la somme de 17.048,67 euros à Monsieur et Madame [G],

-CONDAMNER la Société ABP ARCHITECTES à verser à Monsieur et Madame [G] les sommes de :

- 5.000 €, au titre de leur préjudice de jouissance,

- 5.000 €, au titre de leur préjudice moral.



À titre infiniment subsidiaire, dans l'éventualité où la Cour ne réformerait pas le jugement déféré en ce qu'il a jugé que le contrat d'architecte avait été résilié sans faute de l'architecte,



-CONFIRMER le jugement déféré en ce qu'il a considéré déclaré la clause pénale manifestement excessive,

-RÉDUIRE à l'euro symbolique le montant de la clause pénale,

EN TOUT ETAT DE CAUSE,

-CONDAMNER la Société ABP ARCHITECTES à verser à Monsieur et Madame [G] la somme de 3.000 € au titre de la procédure devant la Cour par application de l'article 700 du Code de procédure civile,

DIRE ET JUGER, dans l'hypothèse où Monsieur et Madame [G] seraient contraints d'avoir à faire procéder à l'exécution forcée des condamnations prononcées à défaut de règlement spontané, que le montant des sommes retenues par l'huissier de justice, agissant en application des dispositions des articles A. 440-10 et suivants du Code de commerce, issus de l'arrêté du 26 février 2016 fixant les tarifs réglementés des huissiers de justice, sera intégralement supporté par la Société ABP ARCHITECTES, en sus des sommes éventuellement mises à sa charge au titre des frais irrépétibles.



A l'appui de leurs prétentions, les époux [G] soutiennent notamment que :



- Les demandes sont irrecevables car prescrites sur le fondement des articles L.218-2 du code de la consommation, L.441-3 du code de commerce.

Le vendeur est tenu de délivrer la facture dès la réalisation de la vente ou de la prestation de service.

Selon l'article 289 du code général des impôts, la facture est émise dès réalisation de la livraison ou de la prestation de service.

L'exécution de la prestation caractérise la connaissance des faits.

-La société APB devait les assigner dans les 2 ans suivant l'exécution de la prestation.

-L'action était prescrite lorsqu'elle a saisi le conseil de l'ordre le 5 juillet 2018.

-Les factures auraient dû être établies en mars 2016, et non en juillet 2016 et mars 2017.

-La saisine n'a pas suspendu le délai de prescription.

-L'architecte est tenu d'une obligation d'information et de conseil, doit renseigner le maître de l'ouvrage sur le coût prévisionnel des travaux.

-La faute justifie la résiliation du contrat quand le coût est très supérieur à l'enveloppe financière indiquée.

-L'enveloppe financière était de 450 000 euros.

-Le devis du 29 juillet 2016 est de 874 465 euros, soit un dépassement de plus de 300 000 euros.

-La société APB ne démontre pas les avoir informés du dépassement ni qu'ils aient accepté le dépassement.

-Le conseil régional a émis un avis partial.

-L'indemnité de résiliation est prévue en l'absence de faute de l'architecte.

-Les honoraires demandés correspondent aux missions étude de projet et assistance pour la passation des contrats de travaux.

-L'architecte n'a pas vérifié l'incidence financière du projet.

-Ils forment des demandes reconventionnelles, ont été contraints de résilier le contrat avec la société APB, de prendre un autre architecte, ont subi un retard, des préjudices de jouissance et moral.

-Subsidiairement, ils demandent la confirmation du jugement sur la qualification de la clause relative à l'indemnité de résiliation en clause pénale, sa réduction à un euro.



Aux termes du dispositif de ses dernières conclusions en date du 23 mars 2022, la SCP APB Architectes a présenté les demandes suivantes :



Vu les dispositions des articles 1103 et 1231-1 du Code Civil,

Vu le contrat d'architecte,

Vu les mises en demeure restées infructueuses,

Vu l'avis du Conseil Régional de l'Ordre des Architectes de Bretagne,



-CONFIRMER le jugement en ce que le bien-fondé de l'action en paiement de la Société ABP ARCHITECTES à l'encontre de Monsieur et Madame [G] a été reconnu,

Par conséquent,

-Confirmer le jugement en ce que Monsieur et Madame [G] ont été condamnés à verser à la société ABP ARCHITECTES une somme de 13904,62€ TTC au titre du solde des honoraires dus, assortie des intérêts au taux légal,

-REFORMER le jugement en ce que la Société ARCHITECTES a été déboutée de sa demande tendant à voir condamner Monsieur et Madame [G] à lui verser la somme de 8 559,76 € correspondant à l'indemnité de résiliation prévue par le contrat,

Par conséquent,

-Condamner Monsieur et Madame [G] à verser à la société ABP ARCHITECTES une somme de 13 904,62 € TTC au titre du solde des honoraires dus, assortie des intérêts au taux légal,

-Condamner Monsieur et Madame [G] à verser à la Société ABP ARCHITECTES la somme de 8 559,76 € correspondant à l'indemnité de résiliation prévue par le contrat,

En tout état de cause,

-Dire et juger irrecevables les demandes présentées pour la première fois en appel par Monsieur et Madame [G] à l'encontre de la Société ABP ARCHITECTES,

-Débouter Monsieur et Madame [G] de l'intégralité de leurs moyens, fins et conclusions,

Condamner Monsieur et Madame [G] à verser à la société ABP ARCHITECTES une somme de 3 000 € par application des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens



A l'appui de ses prétentions, la société ABP soutient notamment que :



-Les demandes reconventionnelles d'indemnisation en appel sont irrecevables

-Ses demandes sont recevables.

-Le délai de prescription a été suspendu par la mise en oeuvre d'une procédure de conciliation préalable. Les factures ont été établies les 26 juillet 2016, 23 mars 2017.

Le conseil de l'ordre a été saisi le 5 juillet 2018 (dans les deux ans de l'établissement des notes d'honoraire), a émis son avis le 24 janvier 2019.

L'assignation est du 19 juillet 2019 (moins de six mois).

-La jurisprudence a changé : Le point de départ de la prescription était le jour de l'établissement de la facture, est devenu la date d'achèvement des prestations.

-Elle estime pouvoir se prévaloir de la jurisprudence antérieure.

-Les prestations facturées (consultation des entreprises et assistance à passation des marchés) sont échelonnées dans le temps.

-Elle a facturé 50 % de la mission ACT sur la base du montant des travaux estimés au stade des études préliminaires.

-Le conseil régional a validé son analyse. Il a indiqué que le maître de l'ouvrage avait été informé en février 2016 du dépassement, avait déposé le permis de construire en connaissance de cause en mars 2016.

Les missions se sont poursuivies sans réserve ni grief jusqu'en novembre 2016.

-La clause de résiliation n'est pas une clause pénale, mais une stipulation contractuelle librement consentie.



Il convient de se référer aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs prétentions et de leurs moyens.



Vu l'ordonnance de clôture en date du 24 mars 2022.






SUR CE



-sur la prescription de l'action en paiement des factures



Les parties ne contestent pas que le délai de prescription de l'action en paiement soit biennal.

Elles s'opposent sur le point de départ du délai, date d'établissement des factures selon l'architecte, date de réalisation des prestations selon le maître de l'ouvrage, sur l'effet suspensif ou non suspensif de la prescription résultant de la saisine du conseil de l'ordre.



Il ressort des écritures que le contrat a été résilié à l'initiative du maître de l'ouvrage à la rentrée 2016, que l'architecte a facturé la moitié de la prestation assistance pour passation des contrats de travaux( ACT) .

La note d' honoraire n°3 a été établie et envoyée avant rupture du contrat le 26 juillet 2016.

La note d'honoraire n°4 a été émise le 23 mars 2017 alors que les relations étaient rompues sans que la date précise de rupture ne soit établie.



Faute pour les maîtres de l'ouvrage d'établir la date à laquelle ils ont résilié le contrat, il n'est pas démontré que la facture établie le 23 mars 2017 intitulée solde d'honoraires soit tardive.



L'article 2238 du code civil dispose que la prescription est suspendue à compter du jour où, après la survenance d'un litige, les parties conviennent de recourir à la médiation ou à la conciliation.



L'article 16 du contrat de maîtrise d'oeuvre intitulé litiges prévoit : En cas de différend portant sur le respect des clauses du présent contrat, les parties conviennent de saisir le conseil régional de l'ordre des architectes dont relève l'architecte, avant toute procédure judiciaire, sauf conservatoire.

Le conseil régional peut, soit émettre un avis sur l'objet du différend, soit organiser une procédure de règlement amiable.



Il a émis le un avis le 24 septembre 2018 dont il précise qu'il est fourni à titre indicatif sur la base des documents transmis par les parties.



Il ressort des éléments précités que les parties n'ont pas engagé une procédure de règlement amiable.

L'architecte a seulement saisi le conseil régional qui a donné un avis.

Cette saisine n'a pas suspendu les délais d'action.



Il en résulte que la demande de paiement des factures du 26 juillet 2016 et du 23 mars 2017 était prescrite à la date de l'assignation le 19 juillet 2019.

Le jugement sera donc infirmé de ce chef.



-sur la demande d'indemnité contractuelle



C'est dans l'assignation du 19 juillet 2019 que la société ABP a formé une demande d'indemnité contractuelle.



L'article 15-2 du contrat prévoit : lorsque la résiliation est décidée par le maître de l'ouvrage sans faute de l'architecte, il a droit au paiement d'une indemnité de résiliation égale à 20 % de la partie des honoraires qui lui auraient été versés si sa mission n'avait pas été prématurément interrompue.



Les maîtres de l'ouvrage s'opposent à cette demande, soutiennent que la résiliation du contrat résulte exclusivement de la faute de l'architecte.



La société ABP fait valoir que le conseil de l'ordre a exclu toute faute de l'architecte, estimé que le maître de l'ouvrage avait été informé du dépassement de l'enveloppe financière courant février, qu'il avait déposé son permis de construire en connaissance de cause.



Il résulte du contrat que la mission,complète inclut au stade des études préliminaires une estimation provisoire du coût prévisionnel des travaux.

L'architecte se prononce alors sur l'adéquation de l'enveloppe financière.

Il estime le coût prévisionnel des travaux, estimation qui tient compte de l'ensemble des travaux nécessaires à la réalisation de l'ouvrage (études d'avant projet).



L'estimation du coût prévisionnel est assortie d'un taux de tolérance de 10 % par rapport à l'enveloppe financière du maître de l'ouvrage.

Le contrat précise que cette limite ne vaut que si le programme annexé au présent contrat est inchangé, que toute modification du programme donne lieu à un avenant.



Il indique que l'architecte s'assure de la compatibilité de son estimation avec l'enveloppe financière.



Avantélaboration du dossier du permis, au stade des études de projet, l'architecte vérifie l'incidence financière.

Il établit un coût prévisionnel des travaux par corps d'état



Dans le cadre de la mission assistance pour la passation des contrats de travaux, à l'issue de la consultation des entreprises en cas de dépassement du coût prévisionnel des travaux par corps d'état assorti d'un taux de tolérance (non précisé) par rapport à l'estimation réalisée au stade des études de projet, le maître de l'ouvrage peut accepter le nouveau coût des travaux.

A défaut et sur demande du maître de l'ouvrage, l'architecte s'engage à lui proposer des adaptations tendant à respecter l'enveloppe financière validée au stade des études de projet .



Le conseil régional de l'ordre des architectes a retenu que le maître de l'ouvrage avait été informé en février 2016 du dépassement du budget prévisionnel , avait déposé le permis en mars en connaissance de cause.



Il précise qu'une estimation du coût du projet a été faite au stade APD avant février 2016.

Il résulte en effet des pièces produites (pièce 12 de l'intimée) qu'une notice estimative a été réalisée le 17 février 2016.



L'estimation de la maison et garage est chiffrée à 508 355 euros HT, 610 026 euros TTC

avec l'option studio à 682 991 euros

avec l'option équipements et mobilier 150 000 euros

frais de maîtrise d'oeuvre inclus.



Le coût du projet de base sans frais de maîtrise d'oeuvre s'élève donc à 541764 euros TTC alors que l'enveloppe financière était de 450 000 euros TTC (hors maîtrise d'oeuvre).



Le dépôt de la demande de permis courant mars 2016, l'absence de réaction du maître de l'ouvrage peuvent s'interpréter comme une acceptation du dépassement du budget.



En revanche, le 20 septembre 2016, l'architecte a estimé à 589 075,57 euros HT le projet de base (pièce 16), celui avec options à 645 215,06 euros HT.



Le coût des travaux aurait ensuite atteint 706 800 euros TTC courant novembre 2016 (cf griefs des clients relatés par le conseil de l'ordre).



L'architecte ne justifie pas avoir recherché et obtenu l'accord du maître de l'ouvrage sur le dépassement du budget apparu courant septembre 2016.



Il apparaît donc que la résiliation du contrat par les maîtres de l'ouvrage était justifiée dès lors que le contrat met à la charge de l'architecte l'obligation d'évaluer le coût de la construction et de respecter l'enveloppe fixée, obligation réitérée a fur et à mesure de l'avancement des opérations.

Le dépassement très manifeste de l'enveloppe initiale démontre que les études antérieures ont été insuffisantes. La sous-estimation évidente du coût des travaux est fautive de la part d'un professionnel qui connaît les prix des marchés.



Si l'on peut comprendre que les maîtres de l'ouvrage aient validé le premier dépassement, les chiffres annoncés en septembre 2016 justifiaient leur perte de confiance et la décision de rupture du contrat.



La société ABP sera donc déboutée de sa demande au titre de l'indemnité de résiliation.



-sur la recevabilité des demandes reconventionnelles en indemnisation



L'article 567 du code de procédure civile dispose que les demandes reconventionnelles sont également recevables en appel à la condition posée par l'article 70, de se rattacher aux prétentions originaires par un lien suffisant.

Les demandes d'indemnisation formées se rattachent aux prétentions originaires de la société ABP , soit paiement des honoraires restant dus et indemnité contractuelle par un lien suffisant.

Elles sont donc recevables. Il n'est pas soutenu qu'elles soient prescrites.



Les époux [G] font état d'un retard dans la tenue du chantier, mais ne l'établissent pas.

Ils évoquent un préjudice de jouissance qu'ils ne caractérisent pas.

Ils ont subi un préjudice moral dès lors que le recours à un architecte avec mission complète a précisément pour objet de favoriser une maîtrise technique mais aussi financière de l'opération de construction.

Ce préjudice sera évalué à la somme de 2000 euros.





-sur les autres demandes



Les pièces produites par l'architecte établissent la réalité du travail réalisé.

Les époux [G] seront déboutés de leur demande de restitution des honoraires versés à hauteur de 17 048,67 euros, honoraires qui correspondent à des prestations effectuées et validées par les maîtres de l'ouvrage.



Il résulte de l'article 696 du code de procédure civile que ' La partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. (...).'



Compte tenu de la solution apportée au présent litige, les dépens de première instance et d'appel seront fixés à la charge de la société ABP.



Il est équitable de la condamner à payer aux époux [G] la somme fixée au dispositif du présent arrêt sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile .





PAR CES MOTIFS



statuant publiquement, contradictoirement et en dernier ressort



-infirme le jugement entrepris



Statuant de nouveau :



-dit prescrite l'action en paiement des factures établies les 26 juillet 2016 et 23 mars 2017



-dit que la résiliation du contrat est imputable à la faute de l'architecte



-déboute la société ABP Architectes de sa demande d'indemnité contractuelle



Y ajoutant :



-condamne la société ABP Architectes à payer aux époux [G] la somme de 2000 euros en réparation de leur préjudice moral



-déboute les parties de leurs autres demandes



-condamne la société ABP Architectes aux dépens de première instance et d'appel



-condamne la société ABP Architectes à payer aux époux [G] la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile







LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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