15 juin 2022
Cour d'appel de Bastia
RG n° 21/00847

Chambre civile Section 2

Texte de la décision

Chambre civile

Section 2



ARRÊT N°



du 15 JUIN 2022



N° RG 21/00847

N° Portalis DBVE-V-B7F-CCSL

JD - C



Décision déférée à la Cour :

Ordonnance Référé, origine Président du TC d'AJACCIO, décision attaquée en date du 24 Novembre 2021, enregistrée sous le n° 2021001473



S.A.S. PASSION NAUTIQUE SERVICE ET LOISIR

S.A.S. SUD CORSE NAUTIC



C/



S.A. GMF ASSURANCES







Copies exécutoires délivrées aux avocats le











COUR D'APPEL DE BASTIA



CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU



QUINZE JUIN DEUX-MILLE-VINGT-DEUX







APPELANTES :



S.A.S. PASSION NAUTIQUE SERVICE ET LOISIR

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège

[Adresse 4]

[Localité 2]



Représentée par Me Santa PIERI de la SCP PIERI ROCCHESANI, avocate au barreau de BASTIA



S.A.S. SUD CORSE NAUTIC

prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié ès qualités au siège

[Adresse 4]

[Localité 2]/FRANCE



Représentée par Me Santa PIERI de la SCP PIERI ROCCHESANI, avocate au barreau de BASTIA





INTIMÉE :



S.A. GMF ASSURANCES

agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux demeurant ès qualités audit siège

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Camille ROMANI de la SCP ROMANI CLADA MAROSELLI ARMANI, avocat au barreau d'AJACCIO, Me Franck LE CALVEZ, avocat au barreau de PARIS











COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 14 avril 2022, devant Judith DELTOUR, conseillère, chargée du rapport, les avocats ne s'y étant pas opposés.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Jean-Jacques GILLAND, président de chambre

Judith DELTOUR, conseillère

Stéphanie MOLIES, conseillère



GREFFIER LORS DES DÉBATS :



Françoise COAT.



Les parties ont été avisées que le prononcé public de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 15 juin 2022.



ARRÊT :



Contradictoire,



Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



Signé par Jean-Jacques GILLAND, président de chambre, et par Françoise COAT, greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.






PROCÉDURE



Alléguant une collision entre deux navires et une ordonnance sur requête du 8 février 2021, ayant ordonné une expertise et désigné M. [J] pour y procéder, par acte du 19 mai 2021 la S.A.S. Passion nautique et la S.A.S. Sud Corse nautic ont assigné la S.A. GMF assurances devant le tribunal de commerce d'Ajaccio pour obtenir la rétractation de cette ordonnance, la nullité de la désignation de M. [J], la nullité consécutive de toutes ses opérations et la condamnation de la S.A. GMF au paiement des dépens et de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.









Par ordonnance du 24 novembre 2021, le tribunal de commerce d'Ajaccio a, en substance :



- débouté les sociétés Passion nautique et Sud corse nautic de leur demande,



- condamné la S.A.S. Passion nautique et la S.A.S. Sud corse nautic au paiement des dépens, y compris les frais de greffe et de 800 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à la SA GMF Assurances.



Par déclaration reçue le 3 décembre 2021, la S.A.S. Passion nautique et la S.A.S. Sud Corse nautic ont interjeté appel de la décision.



Par conclusions communiquées le 14 décembre 2021, la S.A.S. Passion nautique et la S.A.S. Sud Corse nautic ont sollicité, au visa des articles 145, 493, 496 et 875 du code de procédure civile :



- d'infirmer l'ordonnance du 24 novembre 2021 en toutes ses dispositions,



- rétracter l'ordonnance rendue le 8 février 2021, sur requête de la GMF,



- déclarer que la désignation de M. [J] en qualité d'expert est nulle et de nul effet, comme n'ayant jamais existé,



- déclarer que l'ensemble des mesures d'instruction exécutées par M. [J], ainsi que l'ensemble des comptes-rendus, notes, pré-rapport et rapport, ainsi que toute communication ou écrit, quels qu'ils soient, établis par celui-ci, sont sans fondement juridique, nuls et de nul effet et ne pourront donc être utilisés de quelque manière que ce soit,



- débouter la GMF de l'ensemble de ses prétentions,



- condamner la GMF au paiement de la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.



Ils ont fait valoir que l'ordonnance rendue sur requête aurait due être rendue en référé, qu'il n'existait ni urgence ni mauvaise foi, qu'il n'était question que d'une expertise amiable et que les parties étaient parfaitement d'accord sur les circonstances de l'accident, que l'expertise ainsi diligentée n'était pas contradictoire.



Par conclusions communiquées le 12 janvier 2022, la S.A. GMF Assurances a sollicité de :



- confirmer l'ordonnance rendue le 24 novembre 2021 par le Tribunal de commerce d'Ajaccio,



- débouter les sociétés Passion Nautique et Sud Corse Nautic de l'intégralité de leurs demandes,





- condamner les sociétés Passion Nautique et Sud Corse Nautic à régler à la société GMF

la somme de 8000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



- condamner les sociétés Passion Nautique et Sud Corse Nautic aux entiers dépens.



Elle a fait valoir que les mesures d'instruction pouvaient être ordonnées sur requête, que l'expert intervenant pour les représentants du navire « Big Bosss » a refusé une nouvelle réunion d'expertise en indiquant que les travaux de réparation devaient commencer le 1er février 2021, qu'il y avait donc urgence, justifiant une dérogation au principe du contradictoire, que les investigations ont été contradictoires, que l'opposition aux conclusions n'implique pas l'annulation de l'expertise.



L'ordonnance de clôture est intervenue le 30 mars 2022.



L'affaire a été fixée à plaider à l'audience du 14 avril 2022. L'affaire a été mise en délibéré pour être rendu par mise à disposition au greffe le 15 juin 2022.




MOTIFS DE LA DÉCISION



Pour statuer comme il l'a fait, le président du tribunal de commerce a retenu que l'urgence était caractérisée puisque la S.A. GMF assurances disposait d'un "laps de temps assez court" et que l'expertise avait été réalisée de manière contradictoire.



Or, selon les articles 145 et 493 du code de procédure civile, le juge, saisi d'une demande de rétractation de l'ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, doit s'assurer de l'existence, dans la requête et l'ordonnance, des circonstances justifiant de ne pas y procéder contradictoirement.



Ainsi, le juge saisi d'une demande en rétractation ne peut se fonder sur des circonstances postérieures à la requête ou à l'ordonnance pour justifier qu'il ait été dérogé au principe de la contradiction, de sorte que le premier juge ne pouvait se fonder sur les conditions de réalisation et le déroulement de l'expertise.



S'agissant de l'urgence, l'abordage a eu lieu le 27 octobre 2020, or, la requête a été présentée et l'ordonnance a été rendue le 4 février 2021.



Une expertise d'assurance a été conduite par Mme [U] mandatée par Allianz, plusieurs devis de réparation ont été produits, un autre expert a été saisi relativement aux devis proposés, Mme [U], experte désignée a accepté une nouvelle réunion d'expertise réclamée par la S.A. GMF assurances le 28 janvier 2021 en indiquant qu'elle avait déjà visité cette unité deux fois, qu'à défaut d'objection de l'expert désigné par la S.A. GMF assurances, M. [H], il avait été prévu de commencer les travaux de réparation le 1er février 2021pour une exploitation commerciale prévue le 1er avril 2021. D'une part, le laps de temps entre le 28 janvier 2021 et le 1er février 2021 est certes bref, pour autant il n'empêchait pas une assignation en référé. D'autre part, il est démontré que les travaux n'ont pas commencé, précisément en raison des atermoiements de la S.A. GMF assurances, le 1er février 2021.







De plus, il n'était ni allégué ni justifié qu'il était nécessaire de procéder non contradictoirement. L'ordonnance sur requête aurait dû être rétractée. L'ordonnance de référé qui refuse la rétractation, est infirmée.



En conséquence, de l'infirmation de la décision et de la rétractation de l'ordonnance sur requête, le rapport de l'expert établi en exécution de cette décision est annulé.



Pour autant il ne saurait être fait droit à la demande des appelantes tendant à dire que "l'ensemble des mesures d'instruction exécutées par M. [J], ainsi que l'ensemble des comptes-rendus, notes, pré-rapport et rapport, ainsi que toute communication ou écrit, quels qu'ils soient, établis par celui-ci, sont sans fondement juridique, nuls et de nul effet et ne pourront donc être utilisés de quelque manière que ce soit", puisque l'annulation d'une expertise n'interdit pas au juge du fond de puiser dans le rapport des éléments de renseignement voire de preuve pour peu qu'ils aient été contradictoirement débattus et qu'ils soient corroborés par d'autres pièces et éléments régulièrement soumis à la discussion des parties.



La S.A.S. Passion nautique et la S.A.S. Sud Corse nautic sont déboutées de leurs demandes à ce titre.



La SA GMF assurances succombe, elle est condamnée au paiement des dépens de première instance et d'appel.



Elle est déboutée de sa demande en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et condamnée au paiement de 3000 euros en application de ce texte aux S.A.S. Passion nautique et S.A.S. Sud Corse nautic, parties communes d'intérêts.



PAR CES MOTIFS,



LA COUR :



- Infirme l'ordonnance déférée,



Statuant de nouveau,



- Rétracte l'ordonnance rendue le 8 février 2021, sur requête de la S.A. GMF assurances,



- Annule le rapport rendu par M. [J] en qualité d'expert en exécution de l'ordonnance sur requête du 8 février 2021,



- Déboute la S.A.S. Passion nautique et la S.A.S. Sud Corse nautic du surplus de leurs demandes,



- Déboute la S.A. GMF assurances de ses demandes contraires,











- Condamne la S.A. GMF assurances au paiement des dépens de première instance et d'appel,



- Condamne la S.A. GMF assurances à payer la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile aux S.A.S. Passion nautique et S.A.S. Sud Corse nautic, parties communes d'intérêts.





LA GREFFIÈRELE PRÉSIDENT

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