15 juin 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-11.691

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00765

Texte de la décision

SOC. / ELECT

CDS



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 juin 2022




Rejet


M. HUGLO, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 765 F-D

Pourvoi n° S 21-11.691


R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 15 JUIN 2022

La société Dachser France, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [Adresse 1], ayant un établissement secondaire [Adresse 3], a formé le pourvoi n° S 21-11.691 contre le jugement rendu le 29 janvier 2021 par le tribunal judiciaire de Rouen (contentieux des élections professionnelles), dans le litige l'opposant :

1°/ à la Fédération nationale des transports et de la logistique Force ouvrière UNCP (FNTL FO UNCP), dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à M. [I] [U], domicilié société Dachser France, [Adresse 4],

3°/ à M. [E] [S], domicilié société Dachser France, [Adresse 4],

4°/ à Mme [L] [O], domiciliée société Dachser France, [Adresse 4],

5°/ à M. [V] [Z], domicilié société Dachser France, [Adresse 4],

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Ollivier, conseiller référendaire, les observations de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société Dachser France, après débats en l'audience publique du 21 avril 2022 où étaient présents M. Huglo, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Ollivier, conseiller référendaire rapporteur, Mme Ott, conseiller, Mme Roques, avocat général référendaire et Mme Pontonnier, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire de Rouen, 29 janvier 2021), la société Dachser France (la société) a mis en place vingt-trois comités sociaux et économiques d'établissement, dont le comité social et économique Normandie au sein duquel ont été élus deux titulaires et deux suppléants. Les élections des représentants du comité social et économique de cet établissement au comité social et économique central ont eu lieu le 30 juin 2020. La candidature de M. [U] a été refusée par le président du comité social et économique comme tardive. A l'issue du dépouillement, M. [U] a recueilli trois voix et M. [Z] une voix. Ce dernier a été déclaré élu.

2. Par requête adressée au greffe du tribunal judiciaire le 18 août 2020, la Fédération nationale des transports et de la logistique Force ouvrière UNCP (FNTL FO UNCP) et M. [U] ont sollicité l'annulation de l'élection de M. [Z].

Examen des moyens

Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

3. La société fait grief au jugement de déclarer la requête recevable, d'annuler l'élection de M. [Z] en tant que représentant du comité social et économique d'établissement Normandie au comité social et économique central et de déclarer M. [U] élu en tant que représentant du comité social et économique d'établissement Normandie au comité social et économique central, alors « que la proclamation nominative des élus confère à ceux-ci la qualité de représentants du personnel et constitue le terme des opérations électorales ; qu'en conséquence, la proclamation nominative des élus fait courir le délai de forclusion de quinze jours pour contester la régularité des opérations électorales, peu important les irrégularités susceptibles d'affecter la rédaction et l'affichage du procès-verbal ; qu'en l'espèce, il est constant que l'élection, par les membres du comité social et économique de l'établissement Normandie, de leur représentant du comité social et économique central a eu lieu au cours d'une réunion du 30 juin 2020 ; qu'il ressort du procès-verbal de cette réunion, établi par le secrétaire du comité et adopté par le comité le 4 août 2020, qu'à l'issue du vote des différents membres et du dépouillement, le président a déclaré ''1 vote pour [V] [Z] ; 3 votes pour [I] [U] qui sont considérés comme nuls. [V] [Z] est élu représentant du CSE Normandie au CSE central'' ; qu'il en résulte que la proclamation nominative du salarié élu a eu lieu le 30 juin 2020 ; qu'en retenant néanmoins, pour dire que la requête en annulation de cette élection, formée le 18 août 2020, était recevable, que l'employeur n'établit pas à quelle date ce procès-verbal, qui ne respecte pas les dispositions de l'article R. 67 du code électoral, a été effectivement dressé et porté à la connaissance du public et donc la date de proclamation officielle des résultats, le tribunal judiciaire a violé l'article R. 2314-24 du code du travail. »

Réponse de la Cour

4. Il résulte de l'article R. 2314-24, alinéa 4, du code du travail, que le délai de quinze jours pour contester la régularité des élections ne court qu'à compter de la proclamation des résultats.

5. Le tribunal, appréciant souverainement les éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, ayant constaté que l'employeur n'établissait pas la date à laquelle le procès-verbal de la réunion du 30 juin 2020 avait été effectivement dressé et les résultats du scrutin proclamés, ce dont il résultait que le délai de recours contentieux n'avait pas commencé à courir, en a exactement déduit que la requête était recevable.

6. Le moyen n'est donc pas fondé.

Sur le second moyen

Enoncé du moyen

7. La société fait grief au jugement d'annuler l'élection de M. [Z] en tant que représentant du comité social et économique d'établissement Normandie au comité social et économique central et de déclarer M. [U] élu en tant que représentant du comité social et économique d'établissement Normandie au comité social et économique central, alors :

« 1°/ que le non-respect des modalités d'organisation du scrutin fixées unilatéralement par l'employeur peut conduire à écarter une candidature si ces modalités sont justifiées par les nécessités d'organisation du scrutin ; qu'une candidature déposée après le délai butoir fixé par l'employeur doit être écartée si elle empêche la préparation de l'outil de visio vote ou l'impression de bulletins de vote ; qu'en l'espèce, la société Dachser soutenait qu'elle avait fixé la date limite de dépôt des candidatures à la veille du scrutin, pour des raisons sanitaires, afin de pouvoir préparer l'outil de vote en cas de recours du vote par visio vote ou les bulletins de vote papier ; qu'il ressort en outre des bulletins de vote annexés au procès-verbal de la réunion du 30 juin 2020, que les salariés ayant voté en faveur de M. [U], qui a déposé sa candidature quelques minutes avant l'ouverture du scrutin, ont utilisé des bulletins blancs sur lesquels ils ont apposé de manière manuscrite le nom de M. [U], alors que le bulletin en faveur de l'autre candidat qui s'était déclaré la veille du scrutin était imprimé à son nom ; qu'en se bornant à relever, pour dire que la société Dachser ne pouvait écarter la candidature de M. [U], qu'il n'était pas suffisamment démontré en quoi le contexte sanitaire justifiait d'imposer le dépôt des candidatures la veille du scrutin au regard des impératifs d'impression et de diffusion des documents de vote dans cet établissement où seuls quatre membres titulaires du CSE devaient élire en leur sein un représentant au CSE central et où le scrutin s'est déroulé en présence physique de tous les intéressés, cependant que la tardiveté de sa candidature a empêché l'édition de bulletins de vote au nom de M. [U], obligeant les salariés à écrire à la main son nom sur un bulletin vierge et portant ainsi atteinte à la confidentialité du scrutin, le tribunal a violé l'article L. 2314-28 du code du travail ;

2°/ que le non-respect du délai de dépôt des candidatures fixé par l'employeur pour des nécessités d'organisation du scrutin justifie le rejet des candidatures tardives, sans que l'employeur ait à en avertir spécialement les salariés ; qu'en relevant encore, pour dire que la société Dachser n'était pas fondée à refuser la candidature de M. [U] pour non-respect de la date limite de dépôt qu'elle avait fixée unilatéralement, que la responsable des ressources humaines d'un autre établissement avait indiqué à un autre salarié, que cette règle avait pour objet de ''préparer les bulletins en amont et organiser le vote tout en respectant les gestes barrières'' et que ce salarié en avait déduit qu'il ne s'agissait pas d'une obligation, le tribunal s'est fondé sur un motif inopérant, en violation de l'article L. 2314-28 du code du travail ;

3°/ que la société Dachser France soutenait qu'à la demande expresse de M. [U], elle lui adressait toutes informations et convocations à la fois à son adresse électronique professionnelle et à son adresse électronique personnelle ; qu'en relevant encore, pour dire que la société Dachser n'était pas fondée à refuser la candidature de M. [U] pour non-respect de la date limite de dépôt fixée unilatéralement, qu'il ressort des attestations produites et de la réaction de M. [U] le jour même de l'élection qu'il n'avait pas pris connaissance de cette modalité de dépôt des candidatures en raison de problèmes informatiques d'accès à sa messagerie professionnelle, sans rechercher si la décision unilatérale de l'employeur sur les modalités d'organisation du scrutin n'avait pas été également adressée sur la messagerie personnelle du salarié, qui avait donc pu en prendre connaissance, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2314-28 du code du travail. »

Réponse de la Cour

8. Aucune disposition légale ne fixant un délai devant s'écouler entre le dépôt des candidatures et la date du scrutin, l'employeur, en l'absence d'accord préélectoral prévoyant une date limite de dépôt des candidatures, ne peut refuser une candidature déposée après la date qu'il a lui-même fixée qu'en justifiant sa décision au regard des nécessités d'organisation du vote.

9. Ayant constaté qu'il n'était pas démontré que le dépôt d'une candidature le jour de l'élection par un membre titulaire du comité social et économique portait grief à l'éventuelle candidature d'un membre suppléant en vue de pourvoir un siège de suppléant au comité social et économique central, ni que le contexte sanitaire justifiait le respect d'un tel délai au regard des impératifs d'impression et de diffusion des documents de vote dans cet établissement où seuls quatre membres titulaires du comité social et économique devaient élire en leur sein un représentant au comité social et économique central et où le scrutin s'était déroulé en présence physique de tous les intéressés et non par visio-vote, le tribunal a pu en déduire que la décision de l'employeur de refuser la candidature de M. [U] ne répondait pas aux nécessités d'organisation du scrutin dans cet établissement.

10. Le moyen, irrecevable en sa première branche, comme étant nouveau et mélangé de fait et de droit, et inopérant en ses deuxième et troisième branches en ce qu'il critique des motifs surabondants, ne peut être accueilli.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la société Dachser France ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat aux Conseils, pour la société Dachser France

PREMIER MOYEN DE CASSATION

La société Dachser France fait grief au jugement attaqué d'AVOIR déclaré la requête recevable, d'AVOIR annulé l'élection de M. [Z] en tant que représentant du comité social et économique d'établissement Normandie au comité social et économique central et d'AVOIR déclaré M. [U] élu en tant que représentant du comité social et économique d'établissement Normandie au comité social et économique central ;

ALORS QUE la proclamation nominative des élus confère à ceux-ci la qualité de représentants du personnel et constitue le terme des opérations électorales ; qu'en conséquence, la proclamation nominative des élus fait courir le délai de forclusion de quinze jours pour contester la régularité des opérations électorales, peu important les irrégularités susceptibles d'affecter la rédaction et l'affichage du procès-verba l; qu'en l'espèce, il est constant que l'élection, par les membres du comité social et économique de l'établissement Normandie, de leur représentant du comité social et économique central a eu lieu au cours d'une réunion du 30 juin 2020 ; qu'il ressort du procès-verbal de cette réunion, établi par le secrétaire du comité et adopté par le comité le 4 août 2020, qu'à l'issue du vote des différents membres et du dépouillement, le Président a déclaré « 1 vote pour [V] [Z] ; 3 votes pour [I] [U] qui sont considérés comme nuls. [V] [Z] est élu Représentant du CSE Normandie au CSE Central » ; qu'il en résulte que la proclamation nominative du salarié élu a eu lieu le 30 juin 2020 ; qu'en retenant néanmoins, pour dire que la requête en annulation de cette élection, formée le 18 août 2020, était recevable, que l'employeur n'établit pas à quelle date ce procès-verbal, qui ne respecte pas les dispositions de l'article R. 67 du code électoral, a été effectivement dressé et porté à la connaissance du public et donc la date de proclamation officielle des résultats, le tribunal judiciaire a violé l'article R. 2314-24 du code du travail.

SECOND MOYEN DE CASSATION, SUBSIDIAIRE

La société Dachser France fait grief au jugement attaqué d'AVOIR annulé l'élection de M. [Z] en tant que représentant du comité social et économique d'établissement Normandie au comité social et économique central et d'AVOIR déclaré M. [U] élu en tant que représentant du comité social et économique d'établissement Normandie au comité social et économique central ;

1. ALORS QUE le non-respect des modalités d'organisation du scrutin fixées unilatéralement par l'employeur peut conduire à écarter une candidature si ces modalités sont justifiées par les nécessités d'organisation du scrutin ; qu'une candidature déposée après le délai butoir fixé par l'employeur doit être écartée si elle empêche la préparation de l'outil de visio vote ou l'impression de bulletins de vote ; qu'en l'espèce, la société Dachser soutenait qu'elle avait fixé la date limite de dépôt des candidatures à la veille du scrutin, pour des raisons sanitaires, afin de pouvoir préparer l'outil de vote en cas de recours du vote par visio vote ou les bulletins de vote papier ; qu'il ressort en outre des bulletins de vote annexés au procès-verbal de la réunion du 30 juin 2020, que les salariés ayant voté en faveur de M. [U], qui a déposé sa candidature quelques minutes avant l'ouverture du scrutin, ont utilisé des bulletins blancs sur lesquels ils ont apposé de manière manuscrite le nom de M. [U], alors que le bulletin en faveur de l'autre candidat qui s'était déclaré la veille du scrutin était imprimé à son nom ; qu'en se bornant à relever, pour dire que la société Dachser ne pouvait écarter la candidature de M. [U], qu'il n'était pas suffisamment démontré en quoi le contexte sanitaire justifiait d'imposer le dépôt des candidatures la veille du scrutin au regard des impératifs d'impression et de diffusion des documents de vote dans cet établissement où seuls quatre membres titulaires du CSE devaient élire en leur sein un représentant au CSE central et où le scrutin s'est déroulé en présence physique de tous les intéressés, cependant que la tardiveté de sa candidature a empêché l'édition de bulletins de vote au nom de M. [U], obligeant les salariés à écrire à la main son nom sur un bulletin vierge et portant ainsi atteinte à la confidentialité du scrutin, le tribunal a violé l'article L. 2314-28 du code du travail ;

2. ALORS QUE le non-respect du délai de dépôt des candidatures fixé par l'employeur pour des nécessités d'organisation du scrutin justifie le rejet des candidatures tardives, sans que l'employeur ait à en avertir spécialement les salariés ; qu'en relevant encore, pour dire que la société Dachser n'était pas fondée à refuser la candidature de M. [U] pour non-respect de la date limite de dépôt qu'elle avait fixée unilatéralement, que la Responsable des Ressources Humaines d'un autre établissement avait indiqué à un autre salarié, que cette règle avait pour objet de « préparer les bulletins en amont et organiser le vote tout en respectant les gestes barrières » et que ce salarié en avait déduit qu'il ne s'agissait pas d'une obligation, le tribunal s'est fondé sur un motif inopérant, en violation de l'article L. 2314-28 du code du travail ;

3. ALORS QUE la société Dachser France soutenait qu'à la demande expresse de M. [U], elle lui adressait toutes informations et convocations à la fois à son adresse électronique professionnelle et à son adresse électronique personnelle ; qu'en relevant encore, pour dire que la société Dachser n'était pas fondée à refuser la candidature de M. [U] pour non-respect de la date limite de dépôt fixée unilatéralement, qu'il ressort des attestations produites et de la réaction de M. [U] le jour même de l'élection qu'il n'avait pas pris connaissance de cette modalité de dépôt des candidatures en raison de problèmes informatiques d'accès à sa messagerie professionnelle, sans rechercher si la décision unilatérale de l'employeur sur les modalités d'organisation du scrutin n'avait pas été également adressée sur la messagerie personnelle du salarié, qui avait donc pu en prendre connaissance, le tribunal a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 2314-28 du code du travail.

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