15 juin 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-16.988

Troisième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:C300499

Texte de la décision

CIV. 3

MF



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 juin 2022




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 499 F-D

Pourvoi n° Z 21-16.988




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2022

La commune d'[Localité 6], représentée par son maire en exercice, domicilié en cette qualité en l'[Adresse 7], a formé le pourvoi n° Z 21-16.988 contre l'arrêt rendu le 25 mars 2021 par la cour d'appel de Pau (chambre de l'expropriation), dans le litige l'opposant :

1°/ à Mme [N] [F], domiciliée [Adresse 9],

2°/ à Mme [A] [F], épouse [X], domiciliée [Adresse 5],

3°/ à Mme [U] [F], épouse [O], domiciliée [Adresse 8],

4°/ à Mme [W] [T], épouse [Z], domiciliée [Adresse 4],

5°/ à M. [R] [I], domicilié [Adresse 3],

6°/ à Les héritiers de [J] [F] domiciliés chez M. [E] [L], dont le siège est chez M. [L] [E], [Adresse 1], notaire,

défendeurs à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Brun, conseiller référendaire, les observations de la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat de la commune d'[Localité 6], de la SCP L. Poulet-Odent, avocat de Mme [N] [F], de la SCP Piwnica et Molinié, avocat de Mme [A] [F], après débats en l'audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, Mme Brun, conseiller référendaire rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. L'arrêt attaqué (Pau, 25 mars 2021) fixe les indemnités revenant à Mme [N] [F], Mme [A] [F] épouse [X], Mme [U] [F] épouse [O], Mme [W] [T] épouse [Z], M. [R] [C] [I] et aux héritiers de [J] [F] (l'indivision [F]), par suite de l'expropriation, au profit de la commune d'[Localité 6], d'une parcelle leur appartenant.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

2. La commune d'[Localité 6] fait grief à l'arrêt de fixer les indemnités principale et de remploi revenant à l'indivision [F], alors :

« 1°/ que l'intention dolosive, qui ne se présume pas et doit être prouvée, procède de la modification, par l'autorité expropriante, du classement d'urbanisme d'une parcelle aux seules fins de léser le propriétaire exproprié ; que la juridiction départementale de l'expropriation a déduit l'intention dolosive de la commune d'[Localité 6] de la circonstance que l'intérêt et les démarches initiées par la commune en vue de l'acquisition du fonds [F], en 2012, sont antérieurs à la modification du classement de la parcelle et à la procédure d'expropriation ; qu'en entérinant ces motifs du jugement, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée, si le classement en zone UE de plusieurs parcelles, y compris celle de l'indivision [F], avait été envisagé dès 2009, soit avant toute entrée en pourparlers, afin de constituer des réserves foncières en vue du développement futur de la commune et ce, sans qu'aucun projet ne soit encore arrêté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 322-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

2°/ en toute hypothèse, qu'en se bornant à renvoyer aux motifs du jugement pour caractériser l'intention dolosive de la commune d'[Localité 6], sans analyser, même sommairement, les nouvelles pièces produites devant elle démontrant que l'ancienne équipe municipale n'avait jamais entendu procéder de manière contrainte à l'achat du fonds [F], cette démarche ayant été entreprise par l'équipe menée par le nouveau maire [P], de telle sorte que le classement en zone UE décidé par l'ancienne majorité ne pouvait avoir pour objet de léser l'indivision [F] en vue d'une procédure d'expropriation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°/ en toute hypothèse qu'il ne relève pas de l'office du juge de l'expropriation d'apprécier l'opportunité des actes administratifs au vu desquels il lui est demandé de statuer afin de se prononcer sur le montant de l'indemnité d'expropriation ; qu'en reprochant à la commune d'[Localité 6] de ne pas avoir préféré au classement en zone UE de la parcelle de l'indivision [F] la création d' « un emplacement réservé ouvrant un droit de délaissement au propriétaire concerné par cette réserve, de manière à ce qu'il puisse utiliser la possibilité légale d'être indemnisé sur la base de ce classement d'urbanisme d'origine », la cour d'appel, qui a substitué son appréciation à celle de la commune et du juge administratif, a excédé ses pouvoirs et violé l'article L. 322-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, ensemble la loi des 16-24 août 1790. »

Réponse de la Cour

3. La cour d'appel, par motifs propres et adoptés, appréciant souverainement les pièces produites par les parties et sans être tenue de s'expliquer sur les éléments de preuve qu'elle écartait, a constaté que le classement de la parcelle en zone UE, zone de constructibilité affectée à l'éducation, était intervenu, alors qu'elle s'était précédemment rapprochée des propriétaires en vue d'une acquisition amiable et avait mis en suspens ces négociations dans l'attente de la modification du plan local d'urbanisme (PLU), que l'intérêt de la commune pour l'acquisition de cette parcelle était constant et bien antérieur à cette modification et aux négociations avec la partie expropriée et que seule cette parcelle, parmi celles classées en zone UE, avait fait l'objet d'une procédure d'expropriation.

4. Elle a, en outre, relevé que l'intérêt du déclassement de la parcelle par la commune était d'éviter, au contraire de la création d'un emplacement réservé, d'indemniser les expropriés sur la base du classement d'urbanisme d'origine.

5. Elle en a souverainement déduit, sans excéder ses pouvoirs ni être tenue de procéder à une recherche que ses constatations rendaient inopérante, que l'intention dolosive était caractérisée de sorte que la parcelle devait être valorisée en tenant compte du classement antérieur à la modification du PLU.

6. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la commune d'[Localité 6] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par la commune d'[Localité 6] et la condamne à payer à Mme [N] [F] la somme de 3 000 euros et à Mme [A] [F] la somme de 3 000 euros ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Duhamel-Rameix-Gury-Maitre, avocat aux Conseils, pour la commune d'[Localité 6]

LA COMMUNE D'[Localité 6] FAIT GRIEF à l'arrêt confirmatif attaqué d'avoir fixé les indemnités de dépossession dues par la commune d'[Localité 6] à l'indivision successorale [J] [F] à raison de l'expropriation d'une surface de 5.281 m² de la parcelle cadatsrée AO numéro [Cadastre 2] sur la commune d'[Localité 6] à la somme de 1.279.002 euros ;

1°) ALORS QUE l'intention dolosive, qui ne se présume pas et doit être prouvée, procède de la modification, par l'autorité expropriante, du classement d'urbanisme d'une parcelle aux seules fins de léser le propriétaire exproprié ; que la juridiction départementale de l'expropriation a déduit l'intention dolosive de la commune d'[Localité 6] de la circonstance que l'intérêt et les démarches initiées par la commune en vue de l'acquisition du fonds [F], en 2012, sont antérieurs à la modification du classement de la parcelle et à la procédure d'expropriation ; qu'en entérinant ces motifs du jugement, sans rechercher, ainsi qu'elle y était pourtant invitée (cf. mémoire complémentaire p. 2 à 9), si le classement en zone UE de plusieurs parcelles, y compris celle de l'indivision [F], avait été envisagé dès 2009, soit avant toute entrée en pourparlers, afin de constituer des réserves foncières en vue du développement futur de la commune et ce, sans qu'aucun projet ne soit encore arrêté, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 322-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

2°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU' en se bornant à renvoyer aux motifs du jugement pour caractériser l'intention dolosive de la commune d'[Localité 6], sans analyser, même sommairement, les nouvelles pièces produites devant elle démontrant que l'ancienne équipe municipale n'avait jamais entendu procéder de manière contrainte à l'achat du fonds [F], cette démarche ayant été entreprise par l'équipe menée par le nouveau maire [P], de telle sorte que le classement en zone UE décidé par l'ancienne majorité ne pouvait avoir pour objet de léser l'indivision [F] en vue d'une procédure d'expropriation, la cour d'appel a violé l'article 455 du code de procédure civile ;

3°) ALORS, EN TOUTE HYPOTHESE, QU' il ne relève pas de l'office du juge de l'expropriation d'apprécier l'opportunité des actes administratifs au vu desquels il lui est demandé de statuer afin de se prononcer sur le montant de l'indemnité d'expropriation ; qu'en reprochant à la commune d'[Localité 6] de ne pas avoir préféré au classement en zone UE de la parcelle de l'indivision [F] la création d' « un emplacement réservé ouvrant un droit de délaissement au propriétaire concerné par cette réserve, de manière à ce qu'il puisse utiliser la possibilité légale d'être indemnisé sur la base de ce classement d'urbanisme d'origine », la cour d'appel, qui a substitué son appréciation à celle de la commune et du juge administratif, a excédé ses pouvoirs et violé l'article L 322-4 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, ensemble la loi des 16-24 août 1790.

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