15 juin 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-12.733

Troisième chambre civile - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C300484

Titres et sommaires

CONSTRUCTION IMMOBILIERE - Maison individuelle - Contrat de construction - Prix - Révision - Modalités de calcul - Période - Détermination - Portée

Il résulte des articles L. 231-11 et L. 231-12 du code de la construction et de l'habitation que la période devant être prise en compte pour le calcul de la révision est celle s'écoulant entre la signature du contrat et l'expiration d'un délai d'un mois qui suit la plus tardive des deux dates entre la date de l'obtention, tacite ou expresse, des autorisations administratives nécessaires pour entreprendre la construction et la date de réalisation de la condition suspensive. Une cour d'appel peut, dès lors, procéder à la révision du prix dans une facture postérieure à la date prévue à l'article L. 231-12 du code de la construction et de l'habitation

Texte de la décision

CIV. 3

JL



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 15 juin 2022




Rejet


Mme TEILLER, président



Arrêt n° 484 FS-B

Pourvoi n° Z 21-12.733




R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, TROISIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 15 JUIN 2022

1°/ M. [Y] [W],

2°/ Mme [V] [N], épouse [W],

tous deux domiciliés [Adresse 3],

ont formé le pourvoi n° Z 21-12.733 contre l'arrêt rendu le 1er décembre 2020 par la cour d'appel de Pau (1re chambre), dans le litige les opposant :

1°/ à la société Camip - Maison Rustic [Localité 4], dont le siège est [Adresse 2],

2°/ à la Compagnie européenne de Garanties et Cautions, société anonyme, dont le siège est [Adresse 1],

défenderesses à la cassation.

Les demandeurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de M. Nivôse, conseiller, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de M. et Mme [W], de la SCP Bauer-Violas, Feschotte-Desbois et Sebagh, avocat de la société Camip-Maison Rustic [Localité 4], de la SCP Jean-Philippe Caston, avocat de la Compagnie européenne de garanties et cautions, après débats en l'audience publique du 10 mai 2022 où étaient présents Mme Teiller, président, M. Nivôse, conseiller rapporteur, M. Maunand, conseiller doyen, Mmes Farrenq-Nési, Greff-Bohnert, MM. Jacques, Bech, Boyer, Mme Abgrall, conseillers, M. Zedda, Mme Brun, conseillers référendaire, et Mme Besse, greffier de chambre,

la troisième chambre civile de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Pau, 1er décembre 2020), le 13 juillet 2006, M. et Mme [W] et la société Camip Maisons Rustic (la société Camip) ont signé un contrat de construction de maison individuelle avec fourniture du plan.

2. Le constructeur a souscrit une garantie de livraison auprès de la société Compagnie européenne de garanties immobilières (la CEGC).

3. M. et Mme [W] se sont réservés les travaux de plomberie, chauffage et sanitaires, confiés à M. [C], et ceux de revêtements de sol et de réalisation d'un parquet flottant, exécutés par M. [Z].

4. Le permis de construire a été obtenu le 3 mai 2007.

5. Se plaignant de divers désordres, M. et Mme [W] ont, après expertise, assigné la société Camip et MM. [C] et [Z] en réparation des désordres.

6. La société Camip a appelé à l'instance la CEGC, en sa qualité de garant de livraison.



Examen des moyens

Sur le troisième moyen, ci-après annexé


7. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner à la cassation.


Sur le premier moyen

Enoncé du moyen

8. M. et Mme [W] font grief à l'arrêt de juger qu'ils étaient redevables d'une somme de 31 235,52 euros en paiement de la facture de travaux établie par la société Camip et de condamner cette entreprise, après compensation, à leur payer une somme limitée à 714,40 euros, alors « que les parties à un contrat de construction de maison individuelle qui entendent permettre la révision du prix ne peuvent opter que pour l'une des deux modalités prévues par l'article L. 231-11 du code de la construction et de l'habitation ; que lorsqu'elles choisissent une variation du prix en fonction d'un indice national du bâtiment, le prix ne plus être révisé un mois après la date d'obtention du permis de construire ou de la réalisation de la condition suspensive sous laquelle le contrat a été conclu si elle est plus tardive ; qu'en l'espèce, M. et Mme [W] faisaient valoir qu'il avait été convenu d'une possibilité de révision jusqu'à la date d'obtention du permis de construire et que, compte tenu que celui-ci a été délivré le 3 mai 2007, il n'était plus possible de réviser sur la base de cet indice la facture établie le 13 octobre 2009 pour un montant 22 425,48 euros ; qu'en condamnant néanmoins M. et Mme [W] au paiement d'une facture révisée à un montant de 31 235,52 euros, sans procéder à la recherche qui lui était demandée sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 231-11 et L. 231-12 du code de la construction et de l'habitation. »

Réponse de la Cour

9. Il ressort des articles L. 231-11 et L. 231-12 du code de la construction et de l'habitation que le contrat de construction de maison individuelle peut prévoir la révision du prix d'après la variation de l'indice national du bâtiment tous corps d'état entre la date de la signature du contrat et l'expiration d'un délai d'un mois suivant l'obtention du permis de construire ou la réalisation de la condition suspensive d'obtention du prêt, le prix ainsi révisé ne pouvant subir aucune variation après cette date.

10. Il s'ensuit que la période devant être prise en compte pour le calcul de la révision est celle s'écoulant entre la signature du contrat et le mois suivant la plus tardive de ces deux dates.

11. Dès lors, la cour d'appel, qui n'était pas tenue de procéder à une recherche inopérante, a pu procéder à la révision du prix dans la facture du 13 octobre 2009.

12. Elle a, ainsi, légalement justifié sa décision.

Sur le deuxième moyen

Enoncé du moyen

13. M. et Mme [W] font grief à l'arrêt de rejeter leur demande en garantie dirigée contre la CEGC, alors :

« 1°/ que la garantie de livraison couvre le maître de l'ouvrage du risque d'inexécution ou de mauvaise exécution des travaux à prix et délais convenus ; qu'en opposant qu'aucun retard de livraison n'était imputable à l'EURL Camip Maisons Rustic, quand ce motif n'était pas de nature à justifier la mauvaise exécution des travaux, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, en violation de l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation ;

2°/ que la garantie de livraison ne cesse qu'après réception des travaux ; qu'en décidant que la garantie de livraison avait cessé à l'expiration du délai de huit jours de la remise des clés prévu à l'article L. 231-8 du code de la construction et de l'habitation, quand il ressortait de ses propres constatations qu'aucune réception n'était jamais intervenue, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 231-6, IV, du code de la construction et de l'habitation ;

3°/ que l'information du garant par le maître d'ouvrage de la défaillance du constructeur n'est pas une condition de mise en oeuvre de la garantie de livraison ; qu'en opposant que M. et Mme [W] ne démontraient pas avoir considéré l'EURL Camip défaillante, et avoir sollicité la mise en oeuvre de la garantie de la société CEGC, la cour d'appel a statué par un motif impropre à exclure la garantie de la société CEGC, en violation de l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation. »

Réponse de la Cour

14. Il résulte de l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation que c'est en cas de défaillance du constructeur que le garant de livraison à prix et délais convenus prend à sa charge le coût des dépassements du prix convenu nécessaires à l'achèvement de la construction, les conséquences du fait du constructeur ayant abouti à un paiement anticipé ou à un supplément de prix et les pénalités forfaitaires prévues au contrat en cas de retard de livraison excédant trente jours.

15. La cour d'appel a retenu, d'une part, qu'aucun retard de livraison n'était imputable à la société Camip, d'autre part, que, s'il apparaissait, à la lecture d'une lettre de la CEGC, que M. et Mme [W] avaient informé le garant de livraison, le 10 juin 2010, des litiges les opposant à leur constructeur, ils ne démontraient pas avoir considéré celui-ci comme défaillant et avoir sollicité la mise en œuvre de la garantie de la CEGC, qui avait transmis leur lettre au constructeur afin qu'il lui donnât la suite qu'il convenait.

16. Ayant relevé que M. et Mme [W] n'avaient pas permis à la société Camip d'accéder au chantier pour procéder aux finitions à partir du 21 mai 2008, date à laquelle ils avaient conservé les clés et fait changer le barillet, elle a pu en déduire, abstraction faite de motifs surabondants, que les demandes formées contre la CEGC devaient être rejetées.

17. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne M. et Mme [W] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour M. et Mme [W]

PREMIER MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué par M. et Mme [W] encourt la censure ;

EN CE QU' il a jugé que M. et Mme [W] étaient redevables d'une somme de 31.235,52 euros HT en paiement de la facture de travaux établie par l'entreprise CAMIP « Maisons Rustic » ; et en ce qu'il a condamné cette entreprise, après compensation, à leur payer une somme limitée à 714,40 euros ;

ALORS QUE les parties à un contrat de construction de maison individuelle qui entendent permettre la révision du prix ne peuvent opter que pour l'une des deux modalités prévues par l'article L. 231-11 du code de la construction et de l'habitation ; que lorsqu'elles choisissent une variation du prix en fonction d'un indice national du bâtiment, le prix ne plus être révisé un mois après la date d'obtention du permis de construire ou de la réalisation de la condition suspensive sous laquelle le contrat a été conclu si elle est plus tardive ; qu'en l'espèce, M. et Mme [W] faisaient valoir qu'il avait été convenu d'une possibilité de révision jusqu'à la date d'obtention du permis de construire et que, compte tenu que celui-ci a été délivré le 3 mai 2007, il n'était plus possible de réviser sur la base de cet indice la facture établie le 13 octobre 2009 pour un montant 22.425,48 euros ; qu'en condamnant néanmoins M. et Mme [W] au paiement d'une facture révisée à un montant de 31.235,52 euros, sans procéder à la recherche qui lui était demandée sur ce point, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard des articles L. 231-11 et L. 231-12 du code de la construction et de l'habitation.

DEUXIÈME MOYEN DE CASSATION

L'arrêt attaqué par M. et Mme [W] encourt la censure ;

EN CE QU' il a débouté M. et Mme [W] de leur demande en garantie dirigée contre la société Compagnie européenne de garanties et cautions (CEGC) ;

ALORS QUE, premièrement, la garantie de livraison couvre le maître de l'ouvrage du risque d'inexécution ou de mauvaise exécution des travaux à prix et délais convenus ; qu'en opposant qu'aucun retard de livraison n'était imputable à l'EURL CAMIP Maisons Rustic, quand ce motif n'était pas de nature à justifier la mauvaise exécution des travaux, la cour d'appel a statué par un motif inopérant, en violation de l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation ;

ALORS QUE, deuxièmement, la garantie de livraison ne cesse qu'après réception des travaux ; qu'en décidant que la garantie de livraison avait cessé à l'expiration du délai de huit jours de la remise des clés prévu à l'article L. 231-8 du code de la construction et de l'habitation, quand il ressortait de ses propres constatations qu'aucune réception n'était jamais intervenue, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, en violation de l'article L. 231-6, IV, du code de la construction et de l'habitation ;

ET ALORS QUE, troisièmement, l'information du garant par le maître d'ouvrage de la défaillance du constructeur n'est pas une condition de mise en oeuvre de la garantie de livraison ; qu'en opposant que M. et Mme [W] ne démontraient pas avoir considéré l'EURL CAMIP défaillante, et avoir sollicité la mise en oeuvre de la garantie de la société CEGC, la cour d'appel a statué par un motif impropre à exclure la garantie de la société CEGC, en violation de l'article L. 231-6 du code de la construction et de l'habitation.

TROISIÈME MOYEN DE CASSATION

L'arrêt partiellement infirmatif attaqué par M. et Mme [W] encourt la censure ;

EN CE QU' il a condamné l'EURL CAMIP à payer à M. et Mme [W] une somme limitée à 1.060,68 euros au titre de la perte de jouissance, et en ce qu'il a rejeté le surplus de leurs demandes en réparation de leur préjudice de jouissance et de leur préjudice moral ;

ALORS QUE, premièrement, même lorsqu'ils ne rendent pas totalement inhabitable une maison d'habitation, les désordres qui l'affectent causent au maître de l'ouvrage un préjudice qu'il appartient au constructeur de réparer ; qu'en décidant de limiter l'indemnisation de M. et Mme [W] à la seule période de deux mois au cours de laquelle leur maison sera rendue inhabitable en raison des travaux de reprise des désordres, sans tenir compte du préjudice lié à la présence même de ces désordres, la cour d'appel a violé l'article 1147 ancien du code civil ;

ALORS QUE, deuxièmement, et subsidiairement, en s'abstenant de rechercher si les désordres affectant la construction de la maison, bien que n'empêchant pas absolument son habitation, ne diminuait en tout cas pas son usage, et n'entraînait pas à ce titre un préjudice appelant réparation, la cour d'appel a de toute façon privé sa décision de base légale au regard de l'article 1147 ancien du code civil ;

ET ALORS QUE, troisièmement, le maître d'un ouvrage affecté de désordres et de malfaçons n'est pas privé de son droit à obtenir réparation de son préjudice pour cette raison qu'il a refusé de réceptionner l'ouvrage, ou encore parce qu'il aurait interdit l'accès du chantier après la date convenue pour la livraison ; qu'en se fondant sur de telles circonstances pour exclure tout droit à M. et Mme [W] d'obtenir l'indemnisation de leur préjudice moral consécutif aux désordres affectant leur maison, la cour d'appel a statué par des motifs inopérants, en violation de l'article 1147 ancien du code civil.

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