9 juin 2022
Cour d'appel de Paris
RG n° 19/08741

Pôle 4 - Chambre 9 - A

Texte de la décision

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 09 JUIN 2022



(n° , 6 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/08741 - N° Portalis 35L7-V-B7D-B7ZZW



Décision déférée à la Cour : Jugement du 21 janvier 2019 - Tribunal d'Instance d'EVRY - RG n° 11-18-001983





APPELANTE



La société CREATIS, société anonyme agissant poursuites et diligences de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège

N° SIRET : 419 446 034 00128

[Adresse 5]

[Adresse 5]

[Adresse 5]



représentée par Me Olivier HASCOET de la SELARL HAUSSMANN-KAINIC-HASCOET-HELAI, avocat au barreau de l'ESSONNE







INTIMÉS



Monsieur [N] [H]

né le [Date naissance 1] 1982 à [Localité 6]

[Adresse 4]

[Adresse 4]



DÉFAILLANT





Madame [T] [D]

née le [Date naissance 3] 1983 à [Localité 7]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



DÉFAILLANTE























COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 1er février 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. Benoît DEVIGNOT, Conseiller, chargé du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Christophe BACONNIER, Présidente de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

M. Benoît DEVIGNOT, Conseiller



Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE





ARRÊT :



- DÉFAUT



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par M. Christophe BACONNIER, Président et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.






FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES



Selon offre préalable de crédit acceptée le 2 décembre 2013, la société Creatis a consenti à M. [N] [H] et Mme [T] [D] un contrat de regroupement de crédits pour un montant de 38 800 euros remboursable en 84 mensualités de 594,55 euros incluant les intérêts au taux nominal de 7,47 % l'an.



M. [H] et Mme [D] n'ont pas adhéré à l'assurance facultative.



A la suite d'impayés, la société Creatis a prononcé la déchéance du terme le 9 août 2018.



Par acte d'huissier du 24 octobre 2018, la société Creatis a fait assigner en paiement du solde du prêt M. [H] et Mme [D] devant le tribunal d'instance d'Évry qui, par jugement réputé contradictoire prononcé le 21 janvier 2019, puis signifié les 13 et 18 juin 2019, a notamment :

- prononcé la déchéance du droit aux intérêts de la société Creatis ;

- condamné solidairement M. [H] et Mme [D] à payer à la société Creatis la somme de

17 486,21 euros ;

- dit que ce capital ne produirait pas intérêts au taux légal ;

- rejeté la demande de capitalisation des intérêts ;

- condamné in solidum M. [H] et Mme [D] aux dépens.







Pour statuer ainsi, le tribunal a relevé d'office, au visa de l'article L. 311-19 du code de la consommation, que la société Creatis ne produisait pas de notice d'assurance, alors que la renonciation par les emprunteurs à souscrire une assurance ne la dispensait pas, en tant que prêteur, de son devoir d'information, une assurance facultative ayant accompagné l'offre préalable. Afin d'assurer le caractère effectif et dissuasif de la sanction de déchéance du droit aux intérêts, le premier juge a estimé qu'il n'y avait pas lieu de faire application des articles 1231-6 du code civil et L. 313-3 du code monétaire et financier, de sorte que la somme restant due en capital ne porterait pas intérêts au taux légal.



Le 19 avril 2019, la société Creatis a interjeté appel.



Dans ses conclusions déposées par voie électronique le 16 juin 2019, la société Creatis requiert la cour d'infirmer le jugement, en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts, rejeté la demande de capitalisation des intérêts et la demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, puis, statuant à nouveau :

- de condamner solidairement M. [H] et Mme [D] à lui payer la somme de 26 507,59 euros en principal avec intérêts au taux contractuel de 7,47 % l'an à compter des mises en demeure du 13 août 2018, outre la somme de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- d'ordonner la capitalisation annuelle des intérêts.



A l'appui de ses prétentions, elle expose que les intéressés n'ont souscrit aucune assurance, et ce en toute connaissance de cause comme cela ressort d'une attestation qu'ils ont signée. Elle souligne qu'elle verse aux débats en cause d'appel la notice d'assurance.



Par acte signifié le 18 juin 2019 à un tiers pour M. [H] et à l'étude d'huissier pour Mme [D], la société Creatis a fait signifier à ceux-ci sa déclaration d'appel, ses conclusions et la copie de ses pièces.



M. [H] et Mme [D] n'ont pas constitué avocat.



Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions de l'appelante, il est renvoyé aux écritures de celle-ci, conformément à l'article 455 du code de procédure civile.



Le 23 novembre 2021, le magistrat chargé de la mise en état a prononcé la clôture de l'instruction.






MOTIFS DE LA DÉCISION



Il résulte du dernier alinéa de l'article 954 du code de procédure civile que la partie qui ne conclut pas ou qui, sans énoncer de nouveaux moyens, demande la confirmation du jugement est réputée s'en approprier les motifs.



Le contrat ayant été conclu le 2 décembre 2013, il convient de faire application des dispositions du code de la consommation dans leur version antérieure à l'entrée en vigueur au 1er juillet 2016 de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.



A titre liminaire, il y a lieu de rappeler que, conformément à l'ancien article L. 311-52 du code de la consommation, les actions en paiement engagées devant le tribunal d'instance à l'occasion de la défaillance de l'emprunteur doivent être formées dans les deux ans de l'événement qui leur a donné naissance à peine de forclusion.



En l'espèce, au vu de l'historique produit, la première échéance impayée non régularisée remonte au 31 janvier 2017, soit moins de deux ans avant la saisine de la juridiction de première instance.



L'action en paiement engagée par la société Creatis est donc recevable.





Sur la déchéance du droit aux intérêts contractuels



Il ressort de l'ancien article L. 311-19 du code de la consommation que, lorsque l'offre de contrat de crédit est assortie d'une proposition d'assurance, une notice doit être remise à l'emprunteur, qui comporte les extraits des conditions générales de l'assurance le concernant. L'article ajoute que, si l'assurance est facultative, l'offre de contrat de crédit rappelle les modalités suivant lesquelles l'emprunteur peut ne pas y adhérer.



Cette disposition est issue de la transposition par la France de la directive 2008/48/CE du Parlement européen et du Conseil du 28 avril 2008 concernant les contrats de crédit aux consommateurs et abrogeant la directive 87/102/CEE.



Par arrêt du 18 décembre 2014 (CA Consumer Finance C449/13), la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les dispositions de la directive précitée doivent être interprétées en ce sens qu'elles s'opposent à ce qu'en raison d'une clause type, le juge doive considérer que le consommateur a reconnu la pleine et correcte exécution des obligations précontractuelles incombant au prêteur, cette clause entraînant ainsi un renversement de la charge de la preuve de l'exécution desdites obligations de nature à compromettre l'effectivité des droits reconnus par la directive.



Il incombe au prêteur de rapporter la preuve de ce qu'il a satisfait à ses obligations précontractuelles et la signature par l'emprunteur de l'offre préalable de crédit comportant une clause selon laquelle il reconnaît que le prêteur lui a remis la notice d'assurance constitue seulement un indice qu'il incombe à celui-ci de corroborer par un ou plusieurs éléments complémentaires.



En l'espèce, la société Creatis verse aux débats une « notice d'information sur l'assurance des emprunteurs » portant la référence 41.33.84 et l'offre préalable qui contient une clause pré-imprimée dans laquelle les deux emprunteurs ont reconnu « avoir reçu, pris connaissance et conservé préalablement à la conclusion du contrat d'assurance, l'information précontractuelle prévue à l'article L. 112-2-1 III du Code des Assurances, ainsi qu'un exemplaire de la notice d'information n° 41.33.84 ».



La remise de cette notice d'assurance est corroborée par la production de celle-ci par l'organisme prêteur (pièce n° 15).



Au demeurant, M. [H] et Mme [D] ont chacun, dans une attestation qu'ils ont complétée le 2 décembre 2013 reconnu, selon mention pré-imprimée, « avoir été parfaitement informé(e) des conséquences de l'absence d'adhésion à un contrat d'assurance pour les risques « décès, perte totale et irréversible d'autonomie, incapacité de travail » et « Ayant été totalement éclairé(e) des risques encourus, j'en assume pleinement les conséquences ».



La preuve de la remise de la notice d'assurance est donc rapportée.



En conséquence, le jugement est infirmé, en ce qu'il a prononcé la déchéance du droit aux intérêts contractuels de la société Creatis sur le fondement de l'ancien article L. 311-48 du code de la consommation.





Sur le montant de la créance



Il résulte des anciens articles L. 311-24 et D. 311-6 du code de la consommation qu'en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur peut exiger :

- le capital restant dû, majoré des intérêts échus et non payés, étant précisé que, jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt ;

- une indemnité égale à 8 % du capital restant dû à la date de la défaillance.



En l'espèce, le créancier produit notamment :

- l'offre préalable acceptée le 2 décembre 2013 avec une clause de solidarité ;

- le tableau d'amortissement ;

- l'historique du compte ;

- les mises en demeure du 29 juin 2018 préalables à la déchéance du terme ;

- les mises en demeure du 13 août 2018 de payer le solde du prêt ;

- le décompte de la créance au 5 octobre 2018 ;



M. [H] et Mme [D] restent solidairement devoir à la société Creatis :

- 1294,54 euros d'intérêts inclus dans les échéances impayées ;

- 8 250,87 euros de capital inclus dans les échéances impayées ;

- 28,97 euros d'intérêts de retard courus jusqu'à la date de déchéance du terme ;

- 15 730,66 euros de capital restant dû à la déchéance du terme le 9 août 2018, au vu du tableau d'amortissement ;

dont à déduire un total de 1 471,10 euros versements effectués entre le 9 août 2018 et le 5 octobre 2018.



La demande de la société Creatis au titre de l'indemnité de 8 % est partiellement mal fondée, en ce que cet organisme a déjà capitalisé des indemnités lors du regroupement de crédits. En application de l'article 1152 du code civil qui donne au juge pouvoir de modérer la peine convenue si elle est manifestement excessive, il convient de limiter l'indemnité de 8 % à un montant de 500 euros.



M. [H] et Mme [D] sont donc solidairement condamnés à payer à la société Creatis, selon décompte arrêté au 5 octobre 2018, la somme de 24 333,94 euros (1294,54 + 8 250,87 + 28,97 + 15 730,66 ' 1 471,10 + 500) augmentée à compter du 16 août 2018, date de présentation de la mise en demeure consécutive à la déchéance du terme, des intérêts au taux contractuel de 7,47 % l'an sur la somme de 22 510,43 euros et au taux légal sur le surplus.





Sur la capitalisation des intérêts



La demande de capitalisation des intérêts doit être écartée, l'ancien article L. 311-23 du code de la consommation disposant qu'aucune indemnité ni aucuns frais autres que ceux mentionnés aux articles L. 311-24 et L. 311-25 ne peuvent être mis à la charge de l'emprunteur dans les cas de défaillance prévus par ces articles.



La demande est donc rejetée.





PAR CES MOTIFS



LA COUR,



Statuant par arrêt rendu par défaut et en dernier ressort,



Infirme le jugement déféré, sauf en ce qu'il a rejeté la demande de capitalisation des intérêts, ainsi que condamné in solidum M. [N] [H] et Mme [T] [D] aux dépens de première instance ;



Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,



Condamne solidairement M. [N] [H] et Mme [T] [D] à payer à la société Creatis, selon décompte arrêté au 5 octobre 2018, la somme de 24 333,94 euros augmentée à compter du 16 août 2018 des intérêts au taux contractuel de 7,47 % l'an sur la somme de 22 510,43 euros et au taux légal sur le surplus ;



Condamne in solidum M. [N] [H] et Mme [T] [D] aux dépens d'appel qui pourront être recouvrés directement par Me Olivier Hascoët, avocat, conformément à l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société Creatis la somme de 600 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.





La greffièreLe président

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