9 juin 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-16.992

Chambre sociale - Formation de section

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00711

Titres et sommaires

TRAVAIL REGLEMENTATION, REMUNERATION - Salaire - Paiement - Prescription - Prescription triennale - Point de départ - Détermination

La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, la demande de rappel de salaire fondée sur la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet est soumise à la prescription triennale de l'article L. 3245-1 du code du travail. Aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat. Il résulte de la combinaison des articles L. 3245-1 et L. 3242-1 du code du travail que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible. Pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré

PRESCRIPTION CIVILE - Délai - Point de départ - Action en paiement des salaires - Date d'exigibilité - Portée

TRAVAIL REGLEMENTATION, REMUNERATION - Salaire - Paiement - Prescription - Durée - Détermination - Nature de la créance invoquée - Portée

PRESCRIPTION - Prescription triennale - Article L. 3245-1 du code du travail - Domaine d'application - Rappel de salaire - Demande fondée sur la requalification du contrat - Requalification du contrat de travail à temps partiel en temps complet

Texte de la décision

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 juin 2022




Rejet


M. CATHALA, président



Arrêt n° 711 FS-B

Pourvoi n° G 20-16.992








R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 9 JUIN 2022

La société Suez Organique, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], venant aux droits de la société Anna Compost, a formé le pourvoi n° G 20-16.992 contre l'arrêt rendu le 30 avril 2020 par la cour d'appel de Colmar (chambre sociale, section A), dans le litige l'opposant à M. [Z] [R], domicilié [Adresse 2], défendeur à la cassation.

M. [R] a formé un pourvoi incident contre le même arrêt.

La demanderesse au pourvoi principal et le demandeur au pourvoi incident invoquent, chacun, à l'appui de leur recours, un moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire, les observations de la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat de la société Suez Organique, de la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat de M. [R], et l'avis de Mme Wurtz, avocat général, après débats en l'audience publique du 13 avril 2022 où étaient présents M. Cathala, président, Mme Thomas-Davost, conseiller référendaire rapporteur, M. Schamber, conseiller doyen, Mmes Cavrois, Monge, MM. Sornay, Rouchayrole, Flores, Mme Lecaplain-Morel, conseillers, Mmes Ala, Techer, conseillers référendaires, Mme Wurtz, avocat général, et Mme Jouanneau, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée, en application de l'article R. 431-5 du code de l'organisation judiciaire, des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Colmar, 30 avril 2020), M. [R] a été engagé, à compter du 10 mars 2001, par la société Anna Compost, aux droits de laquelle est venue la société Suez Organique, en qualité d'ouvrier hautement qualifié, à raison de huit heures par semaine, suivant un contrat de travail à durée déterminée, qui a été renouvelé le 8 mars 2002. Le contrat de travail s'est poursuivi, à compter du 7 septembre 2002, en un contrat de travail à durée indéterminée. En dernier lieu, le salarié occupait le poste de conducteur d'engin.

2. Il a été licencié le 16 octobre 2015.

3. Il a saisi la juridiction prud'homale, le 12 décembre 2016, afin de solliciter la requalification de son contrat à temps partiel en contrat à temps plein et d'obtenir la condamnation de l'employeur à lui verser diverses sommes au titre de l'exécution et de la rupture du contrat de travail.

Examen des moyens

Sur le moyen du pourvoi incident du salarié, ci-après annexé


4. En application de l'article 1014, alinéa 2, du code de procédure civile, il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur ce moyen qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation.


Sur le moyen du pourvoi principal de l'employeur

Enoncé du moyen

5.L'employeur fait grief à l'arrêt de rejeter la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, de requalifier le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein et de le condamner à verser au salarié diverses sommes à titre de rappel de salaires de novembre 2013 au 16 décembre 2015, outre les congés payés afférents, alors :

« 1°/ que l'action en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet est une action en paiement du salaire qui se prescrit, selon l'article L. 3245-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en l'espèce, la requalification est fondée sur l'article L. 3123-17 du code du travail, selon lequel lorsque le recours à des heures complémentaires a pour effet de porter la durée du travail d'un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale ou conventionnelle, le contrat à temps partiel doit, à compter de la première irrégularité, être requalifié en contrat de travail à temps plein, et sur le fait que M. [R] a travaillé 182 heures en août 2013, au-delà de la durée légale, afin d'obtenir la requalification en contrat à temps complet à compter de septembre 2013 ; qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ses constatations, dont il résultait que l'action en requalification et en paiement des salaires était prescrite lors de la saisine de la juridiction prud'homale le 12 décembre 2016, la cour d'appel a violé l'article L. 3245-1 du code du travail ;

2°/ que le point de départ de l'action en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet court à compter du moment où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'il incombe dans un premier temps au juge de vérifier si l'action en requalification est recevable et fondée pour, dans un second temps, déterminer si le salarié est recevable et fondé à présenter une demande de rappel de salaires sur la base d'un temps complet ; qu'en l'espèce, en retenant, dans un premier temps, que ‘‘n'étaient pas prescrits les rappels de salaires échus à compter de novembre 2013'' moins de trois ans avant la rupture du contrat de travail, dont M. [R] demandait paiement, et ‘‘par suite, l'action en requalification du contrat de travail'', cependant qu'il incombait à la cour d'appel de vérifier la prescription l'action en requalification en retenant comme point de départ le moment où celui qui l'exerçait avait connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, pour éventuellement ensuite, si l'action n'était pas prescrite, lui accorder un rappel de salaire, la cour d'appel a violé de plus fort l'article L. 3245-1 du code du travail, ensemble l'article L. 3123-17 du même code. »

Réponse de la Cour

6. La durée de la prescription étant déterminée par la nature de la créance invoquée, la demande de rappel de salaire fondée sur la requalification d'un contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps complet est soumise à la prescription triennale de l'article L. 3245-1 du code du travail.

7. Aux termes de l'article L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat de travail est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat.

8. Il résulte de la combinaison des articles L. 3245-1 et L. 3242-1 du code du travail que le délai de prescription des salaires court à compter de la date à laquelle la créance salariale est devenue exigible. Pour les salariés payés au mois, la date d'exigibilité du salaire correspond à la date habituelle du paiement des salaires en vigueur dans l'entreprise et concerne l'intégralité du salaire afférent au mois considéré.

9. Ayant, d'abord, constaté que le salarié soutenait avoir atteint la durée légale du travail en septembre 2013, la cour d'appel a exactement retenu que le point de départ du délai de prescription n'était pas l'irrégularité invoquée par le salarié, mais la date d'exigibilité des rappels de salaire dus en conséquence de la requalification. Elle en a exactement déduit que la prescription triennale avait été interrompue par la saisine de la juridiction prud'homale le 12 décembre 2016.

10. La cour d'appel, qui a, ensuite, retenu que les rappels de salaires échus à compter du mois de novembre 2013, soit moins de trois ans avant la rupture du contrat de travail, n'étaient pas prescrits, en a exactement déduit que le salarié était fondé à tirer les conséquences, dans cette limite, du dépassement, au mois de septembre 2013, de la durée légale du travail, pour prétendre au paiement d'une rémunération sur la base d'un temps plein.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE les pourvois principal et incident ;

Laisse à chacune des parties la charge des dépens par elle exposés ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux.

MOYENS ANNEXES au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Boutet et Hourdeaux, avocat aux Conseils, pour la société Suez Organique, demanderesse au pourvoi principal


Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'avoir rejeté la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, et d'avoir requalifié le contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein et condamné la société Suez Organique à payer à M. [R] la somme de 46 976,55 euros bruts au titre du rappel de salaires de novembre 2013 au 16 décembre 2015, outre les congés payés y afférents ;

AUX MOTIFS QUE sur la demande de requalification du contrat de travail à temps partiel en temps plein, invoquant le fait d'avoir travaillé au-delà de la durée légale de travail en septembre 2013, mais aussi d'autres mois, comme octobre 2013 et janvier 2014, M. [R] conclut à la requalification de son contrat de travail à temps plein à compter de septembre 2013 ; sur la fin de non-recevoir, soutenant qu'il n'a atteint la durée légale du travail qu'en septembre 2013, ce dont il a eu connaissance à réception de son bulletin de paie, la société oppose une fin de non-recevoir tirée de la prescription au salarié ; comme le soutient la société, l'action en requalification du contrat de travail en contrat à temps plein est une action en paiement du salaire soumise au délai de prescription triennal prévu par l'article L. 3245-1 du code du travail ; il en résulte que le point de départ du délai de prescription n'est pas l'irrégularité invoquée par le salarié au soutien de sa demande de requalification, mais la date d'exigibilité des rappels de salaire dus en conséquence de cette requalification en contrat de travail à temps complet ; en application de l'article L. 3245-1 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2013-504 du 14 juin 2013, l'action en paiement ou en répétition du salaire se prescrit par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; la demande peut porter sur les sommes dues au titre des trois dernières années à compter de ce jour ou, lorsque le contrat est rompu, sur les sommes dues au titre des trois années précédant la rupture du contrat ; en l'espèce, le délai de prescription a été interrompu par la saisine de la juridiction prud'homale le 12 décembre 2016, étant précisé que M. [R] a été licencié par lettre du 16 octobre 2015 ; il en résulte que n'étaient pas prescrits les rappels de salaires échus à compter de novembre 2013, soit moins de trois ans avant la rupture du contrat de travail, dont M. [R] demande paiement, et par suite, l'action en requalification du contrat de travail ; la fin de non-recevoir tirée de la prescription sera rejetée, le jugement étant infirmé de ce chef ; sur le fond, M. [R] justifie, par la production du bulletin de paie du mois de septembre 2013, avoir travaillé 182 heures au mois d'août 2013, ce que la société reconnaît, soit au-delà de la durée légale du travail ; en application de l'article L. 3123-17 du code du travail, lorsque le recours à des heures complémentaires a pour effet de porter la durée du travail d'un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale ou conventionnelle, le contrat de travail à temps partiel doit, à compter de la première irrégularité, être requalifié en contrat de travail à temps plein ; dès lors, même si un tel dépassement n'a existé que pour une période limitée à un mois, le contrat de travail doit être requalifié de travail à temps complet et ce à compter du mois de septembre 2013, le jugement étant infirmé de ce chef ;

ALORS DE PREMIÈRE PART QUE l'action en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet est une action en paiement du salaire qui se prescrit, selon l'article L. 3245-1 du code du travail dans sa rédaction issue de la loi n° 2013- 504 du 14 juin 2013, par trois ans à compter du jour où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'en l'espèce, la requalification est fondée sur l'article L. 3123-17 du code du travail, selon lequel lorsque le recours à des heures complémentaires a pour effet de porter la durée du travail d'un salarié à temps partiel au niveau de la durée légale ou conventionnelle, le contrat à temps partiel doit, à compter de la première irrégularité, être requalifié en contrat de travail à temps plein, et sur le fait que M. [R] a travaillé 182 heures en août 2013, au-delà de la durée légale, afin d'obtenir la requalification en contrat à temps complet à compter de septembre 2013 ; qu'en ne tirant pas les conséquences légales de ses constatations, dont il résultait que l'action en requalification et en paiement des salaires était prescrite lors de la saisine de la juridiction prud'homale le 12 décembre 2016, la cour d'appel a violé l'article L. 3245-1 du code du travail ;

ALORS DE DEUXIÈME PART QUE le point de départ de l'action en requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat à temps complet court à compter du moment où celui qui l'exerce a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer ; qu'il incombe dans un premier temps au juge de vérifier si l'action en requalification est recevable et fondée pour, dans un second temps, déterminer si le salarié est recevable et fondé à présenter une demande de rappel de salaires sur la base d'un temps complet ; qu'en l'espèce, en retenant, dans un premier temps, que « n'étaient pas prescrits les rappels de salaires échus à compter de novembre 2013 », moins de trois ans avant la rupture du contrat de travail, dont M. [R] demandait paiement, et « par suite, l'action en requalification du contrat de travail », cependant qu'il incombait à la cour d'appel de vérifier la prescription l'action en requalification en retenant comme point de départ le moment où celui qui l'exerçait avait connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer, pour éventuellement ensuite, si l'action n'était pas prescrite, lui accorder un rappel de salaire, la cour d'appel a violé de plus fort l'article L. 3245-1 du code du travail, ensemble l'article L. 3123-17 du même code.


Moyen produit par la SCP Thouvenin, Coudray et Grévy, avocat aux Conseils, pour M. [R], demandeur au pourvoi incident


M. [R] fait grief à l'arrêt attaqué d'AVOIR confirmé le jugement en ce qu'il a rejeté ses demandes relatives aux indemnités kilométriques fondées sur le principe d'égalité de traitement.

1° ALORS QUE le principe d'égalité de traitement oblige l'employeur à traiter de manière identique les salariés se trouvant dans une situation identique ; qu'en jugeant l'employeur autorisé à allouer volontairement à certains salariés un avantage dont les autres salariés dans la même situation étaient privés, la cour d'appel a violé l'article L. 3221-2 du code du travail, ensemble le principe à travail égal salaire égal.

2° ALORS QU'une différence de traitement ne peut être justifiée que par des éléments objectifs dont le juge doit vérifier la réalité et la pertinence au regard de l'avantage en cause ; qu'en jugeant la différence de traitement constatée justifiée par une ancienneté plus grande des salariés seuls bénéficiaires de l'avantage quand cette considération était dénué de toute pertinence au regard de l'avantage de remboursement des frais kilométriques, la cour d'appel a de nouveau violé l'article L. 3221-2 du code du travail, ensemble le principe à travail égal salaire égal.

3° ALORS QU'en jugeant la différence de traitement constatée justifiée par une ancienneté plus grande des salariés seuls bénéficiaires de l'avantage quand aucune des parties ne se prévalait de la prise en considération de l'ancienneté pour l'octroi de l'avantage litigieux, la cour d'appel a méconnu les limites du litige en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile.

4° ALORS QU'en jugeant la différence de traitement constatée justifiée par une ancienneté plus grande des salariés seuls bénéficiaires de l'avantage litigieux quand aucune des parties ne se prévalait de la prise en considération de l'ancienneté pour l'octroi de l'avantage litigieux, la cour d'appel qui n'a pas invité les parties à présenter leurs observations sur ce moyen qu'elle a relevé d'office a méconnu le principe du contradictoire et violé l'article 16 du code de procédure civile.

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