9 juin 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-18.490

Chambre commerciale financière et économique - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:CO00374

Titres et sommaires

CONTRATS ET OBLIGATIONS CONVENTIONNELLES - Effets - Effets à l'égard des tiers - Cession de contrat - Cédé ayant donné son accord à l'avance - Opposabilité à l'égard du cédé - Conditions - Prise d'acte - Applications diverses - Locataire ayant payé entre les mains du cessionnaire

Il résulte de l'article 1216, alinéa 2, du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, que lorsqu'un contractant, le cédant, cède sa qualité de partie au contrat à un tiers, le cessionnaire, et que son cocontractant, le cédé, a donné son accord à cette cession par avance, la cession ne produit effet à l'égard du cédé que si le contrat conclu entre le cédant et le cessionnaire lui est notifié ou lorsqu'il en prend acte. C'est exactement qu'une cour d'appel retient qu'une société, cessionnaire d'un contrat de location, a qualité à agir contre le locataire, cocontractant cédé, dès lors que les juges d'appel ont relevé que, après avoir été mis en demeure de payer par la société cessionnaire, le locataire a payé un loyer directement entre ses mains, de tels motifs faisant ressortir que le cédé a pris acte de la cession de contrat intervenue entre son bailleur d'origine, cédant, et la société cessionnaire

Texte de la décision

COMM.

CH.B



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 9 juin 2022




Rejet


M. RÉMERY, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 374 F-B

Pourvoi n° M 20-18.490


Aide juridictionnelle totale en demande
au profit de Mme [D].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 17 juin 2020.





R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE COMMERCIALE, FINANCIÈRE ET ÉCONOMIQUE, DU 9 JUIN 2022

Mme [S] [D], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° M 20-18.490 contre le jugement rendu le 14 novembre 2019 par le tribunal de commerce de Rennes, dans le litige l'opposant à la société Grenke location, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Barbot, conseiller référendaire, les observations de la SCP Ohl et Vexliard, avocat de Mme [D], de la SCP Marlange et de La Burgade, avocat de la société Grenke location, après débats en l'audience publique du 12 avril 2022 où étaient présents M. Rémery, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Barbot, conseiller référendaire rapporteur, Mme Vaissette, conseiller, et Mme Mamou, greffier de chambre,

la chambre commerciale, financière et économique de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal de commerce de Rennes, 14 novembre 2019), rendu en dernier ressort, le 12 avril 2017, Mme [D] a souscrit auprès de la société Leasis un contrat de location financière d'une durée de douze mois, moyennant un loyer mensuel de 202,80 euros TTC.

2. Le même jour, la société Leasis a cédé le contrat à la société Grenke location (la société Grenke).

3. A compter du mois de mai 2017, Mme [D] a cessé de payer les loyers.

4. Le 13 juillet 2017, la société Grenke l'a mise en demeure de s'acquitter des loyers impayés.

5. Mme [D] n'ayant payé que le loyer du mois de juillet 2017, la société Grenke a résilié le contrat, par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 19 septembre 2017.

6. Le 19 avril 2018, la société Grenke a mis en demeure Mme [D] de lui payer les échéances impayées et l'indemnité de résiliation contractuelle, avant de l'assigner en paiement.

7. Mme [D] a soulevé le défaut de qualité à agir de la société Grenke, au motif que n'était pas établie l'existence d'une cession de contrat intervenue entre cette société et la société Leasis.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

8. Mme [D] fait grief au jugement de rejeter sa fin de non-recevoir tirée du défaut d'intérêt à agir de la société Grenke et, en conséquence, de la condamner au paiement de diverses sommes au profit de cette dernière, alors « que lorsque l'accord à la cession d'un contrat à un tiers est donné par avance par le contractant cédé, la cession ne produit effet à l'égard du cédé que lorsque le contrat conclu entre le cédant et le cessionnaire lui est notifié, ou lorsqu'il en prend acte ; qu'en se bornant, pour dire que la société Grenke location, se prétendant cessionnaire du contrat de location conclu le 12 avril 2017 entre Mme [D] auprès de la société Leasis, avait qualité à agir à l'encontre de Mme [D] en paiement des sommes dues en exécution dudit contrat, à relever la société Leasis avait cédé ce contrat conformément aux conditions générales du contrat de location, sans constater que cette cession ait été notifiée à Mme [D] ou qu'elle en ait pris acte, le tribunal a violé les dispositions de l'article 1216 du code civil. »

Réponse de la Cour

9. Il résulte de l'article 1216, alinéa 2, du code civil, dans sa rédaction issue de l'ordonnance du 10 février 2016, que lorsqu'un contractant, le cédant, cède sa qualité de partie au contrat à un tiers, le cessionnaire, et que son cocontractant, le cédé, a donné son accord à cette cession par avance, la cession ne produit effet à l'égard du cédé que si le contrat conclu entre le cédant et le cessionnaire lui est notifié ou lorsqu'il en prend acte.

10. Après avoir constaté que le contrat de location avait été conclu entre la société Leasis et Mme [D], le jugement relève qu'à la suite de la mise en demeure de payer les loyers impayés depuis le mois de mai 2017 que la société Grenke lui avait adressée le 13 juillet 2017, Mme [D] ne s'est acquittée que du loyer du mois de juillet 2017, laissant impayés ceux des mois de mai et juin 2017. Par ces seuls motifs, desquels il ressort que, en payant un loyer entre les mains du cessionnaire, Mme [D] avait pris acte de la cession intervenue entre les sociétés Leasis et Grenke, le tribunal en a exactement déduit que cette dernière avait qualité à agir contre Mme [D] au titre du contrat en cause.

11. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [D] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du neuf juin deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Ohl et Vexliard, avocat aux Conseils, pour Mme [D].

Mme [D] fait grief au jugement attaqué de l'avoir déboutée de sa demande portant sur le défaut d'agir de la société Grenke Location, et de l'avoir en conséquence condamnée à payer différentes sommes à cette société,

Alors que lorsque l'accord à la cession d'un contrat à un tiers est donné par avance par le contractant cédé, la cession ne produit effet à l'égard du cédé que lorsque le contrat conclu entre le cédant et le cessionnaire lui est notifié, ou lorsqu'il en prend acte ; qu'en se bornant, pour dire que la société Grenke Location, se prétendant cessionnaire du contrat de location conclu le 12 avril 2017 entre Mme [D] auprès de société Leasis, avait qualité à agir à l'encontre de Mme [D] en paiement des sommes dues en exécution dudit contrat, à relever la société Leasis avait cédé ce contrat conformément aux conditions générales du contrat de location, sans constater que cette cession ait été notifiée à Mme [D] ou qu'elle en ait pris acte, le tribunal a violé les dispositions de l'article 1216 du code civil.

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