8 juin 2022
Cour d'appel de Bordeaux
RG n° 21/06134

1ère CHAMBRE CIVILE

Texte de la décision

COUR D'APPEL DE BORDEAUX



PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE



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ARRÊT DU : 08 JUIN 2022









N° RG 21/06134 - N° Portalis DBVJ-V-B7F-MM6E







[N] [U]

S.A.S. DAXAP VITI



c/



COMMUNE DE [Localité 20]



























Nature de la décision : AU FOND



APPEL D'UNE ORDONNANCE DE REFERE





















Grosse délivrée le :



aux avocats

Décision déférée à la cour : ordonnance de référé rendue le 11 octobre 2021 par le Président du Tribunal Judiciaire de BORDEAUX (RG : 21/00918) suivant déclaration d'appel du 09 novembre 2021





APPELANTS :



[N] [U]

né le 02 Juin 1986 à [Localité 19]

de nationalité Française

demeurant [Adresse 1]



S.A.S. DAXAP VITI, immatriculée au RCS de Bordeaux sous le numéro 493 895 544, agissant en la personne de son président en exercice domicilié en cette qualité au siège social sis [Adresse 17]



représentés par Maître Jean-Philippe RUFFIÉ de la SCP CABINET LEXIA, avocat au barreau de BORDEAUX





INTIMÉE :



COMMUNE DE [Localité 20], prise en la personne de son maire en exercice domicilié en cette qualité [Adresse 18]



représentée par Maître Clotilde GAUCI de la SCP COULOMBIE - GRAS - CRETIN - BECQUEVORT - ROSIER, avocat au barreau de BORDEAUX





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 912 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 13 avril 2022 en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Jean-François BOUGON, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles, chargé du rapport,



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :



Roland POTEE, président,

Vincent BRAUD, conseiller,

Jean-François BOUGON, magistrat honoraire exerçant des fonctions juridictionnelles,



Greffier lors des débats : Véronique SAIGE





ARRÊT :



- contradictoire



- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile.






* * *





FAITS, PROCÉDURE ET MOYENS DES PARTIES :



Le 5 juillet 2018, l'Earl Les Orphées, devenue la Sas Daxap Viti, représentée par M. [N] [U], a déposé une demande de permis de construire enregistrée sous le n° 033 535 18 X 00034 en vue de la réalisation de deux bâtiments agricoles avec aménagement du terrain, sur les parcelles, propriétés de M. [N] [U], cadastrées section AP n° [Cadastre 2], [Cadastre 4], [Cadastre 5],[Cadastre 6] ,[Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 15] & [Cadastre 16] situées [Adresse 1]. Le permis demandé a été délivré par arrêté municipal du 12 novembre 2018.



Le 21 avril 2021, la commune de [Localité 20] assigne M. [N] [U] et la société Daxap Viti devant le juge des référés, sur le fondement du trouble manifestement illicite. Elle reproche aux intéressés d'avoir effectué des travaux en contravention au permis de construire délivré et en méconnaissance de la réglementation de l'urbanisme et du droit de l'environnement.



La commune de [Localité 20] voudrait qu'il soit ordonné à M. [N] [U] et à la Sas Daxap Viti de procéder à la remise en état dans leur état naturel et agricole antérieur aux travaux commencés en 2019 et repris notamment en 2020 des parcelles en cause et notamment :

1.- la remise en état des terrassements et exhaussements réalisés le long de la RD 936 ainsi que le long de la RD 241 E3 (parcelles n°[Cadastre 5],[Cadastre 6] ,[Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9] & [Cadastre 14], [Cadastre 15]) en fonction des plans de coupe avant travaux du dossier de permis de construire;

2.- la démolition du bâtiment en bardage bois, avec auvent, d'une emprise au sol de 215,80 m² édifié sur la parcelle cadastrée AP [Cadastre 3] ;

3.- la démolition de la fermeture de la terrasse du bâtiment existant implanté sur la parcelle AP [Cadastre 3];

4.- l'enlèvement des trois containers installés sur les parcelles AP n°[Cadastre 14], [Cadastre 15];

5.- le reboisement suite aux coupes et abattages d'arbres illicites en EBC sur les parcelles AP n°[Cadastre 5],[Cadastre 6] ,[Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9], ainsi que AP n°[Cadastre 2] & [Cadastre 4] ;

6.- la suppression du portail avec une gaine rouge et du chemin d'accès ainsi que de la plate-forme type parking sur les parcelles AP [Cadastre 2] & [Cadastre 4] ;

7.- la suppression de la clôture de 38 m de long sur les parcelles AP n° [Cadastre 14] et [Cadastre 15] 

8.- la suppression des fossés pour évacuation des eaux pluviales et de la buse drainant les eaux pluviales en EBC sur les parcelles n°[Cadastre 5],[Cadastre 6] ,[Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9] ;

9.- l'enlèvement des apports de déchets en zone agricole sur les parcelles AP [Cadastre 14] & [Cadastre 15] (présence de métal, de bois, de tuiles concassées, de briques et parpaings concassés, d'une surface d'environ 1.850 m²) et la suppression des deux buttes de 2 à 3 mètres de haut, parallèles à la RD 241 E 3;

10.- la suppression de la fosse située à l'arrière de la butte crée aux dimensions de 13.5 m x 11 m, soit 148,5 m² avec un couloir rougeâtre de la terre autour, sur les parcelles n° AP [Cadastre 14] & [Cadastre 15] ;





La commune voudrait que ces travaux soient effectués dans un délai de deux mois suivant la signification de l'ordonnance à intervenir et, passé ce dernier, sous astreinte de 500 € par jour de retard jusqu'à l'exécution totale de l'ordonnance à intervenir. Elle souhaite également qu'à défaut d'exécution des mesures de démolition et de remise en état du site, elle soit autorisée, au besoin avec le concours de la force publique, à pénétrer sur le terrain litigieux et à effectuer elle-même les travaux de remise en état demandés aux frais et risques du propriétaire.



Le juge des référés du tribunal judiciaire de Bordeaux, par ordonnance du 11 octobre 2021, à laquelle il est expressément référé pour plus ample libellé des faits de la procédure et des moyens des parties, a statué comme suit :

Rejetons la demande de mise hors de cause présentée par M. [U],

Déclarons réguliers les procès-verbaux d'infractions des 21 février, 25 février, 17 mars et 23 mars 2021,

Déboutons M. [U] et la société Daxap Viti de l'intégralité de leurs demandes,

Ordonnons à M. [N] [U] et à la Sas Daxap Viti de procéder à la remise en état des parcelles cadastrées AP n° [Cadastre 2], [Cadastre 4], [Cadastre 5],[Cadastre 6] ,[Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9], [Cadastre 10], [Cadastre 11], [Cadastre 12], [Cadastre 13], [Cadastre 14], [Cadastre 15] & [Cadastre 16] situées [Adresse 1], dans leur état naturel et agricole antérieur aux travaux démarrés en 2019 et repris en 2020 comprenant :

1.- la remise en état des terrassements et exhaussements réalisés le long de la RD 936 ainsi que le long de la RD 241 E3 (parcelles n°[Cadastre 5],[Cadastre 6] ,[Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9] & [Cadastre 14], [Cadastre 15]) en fonction des plans de coupe avant travaux du dossier de PC n° 033 535 18 X 00034,

2.- la démolition du bâtiment en bardage bois, avec auvent, d'une emprise au sol de 215,80 m² édifié sur la parcelle cadastrée AP [Cadastre 3],

3.- la démolition de la fermeture de la terrasse du bâtiment existant implanté sur la parcelle AP [Cadastre 3],

4.- enlèvement des trois containers installés sur les parcelles AP n°[Cadastre 14], [Cadastre 15],

5.- reboisement suite aux coupes et abattages d'arbres illicites en EBC sur les parcelles AP n°[Cadastre 5],[Cadastre 6] ,[Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9], ainsi que AP n°[Cadastre 2] & [Cadastre 4],

6.- suppression du portail avec une gaine rouge et du chemin d'accès ainsi que de la plate-forme type parking sur les parcelles AP [Cadastre 2] & [Cadastre 4],

7.- suppression de la clôture de 38 mètres de long sur les parcelles AP n° [Cadastre 14] & [Cadastre 15] 

8.- suppression des fossés pour évacuation des eaux pluviales et de la buse drainant les eaux pluviales en EBC sur les parcelles n°[Cadastre 5],[Cadastre 6] ,[Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9],

9.- enlèvement des apports de déchets en zone agricole sur les parcelles AP [Cadastre 14] & [Cadastre 15] (présence de métal, de bois, de tuiles concassées, de briques et parpaings concassés, d'une surface d'environ 1.850 m²) et suppression des deux buttes de 2 à 3 mètres de haut, parallèles à la RD 241 E 3,

10.- suppression de la fosse située à l'arrière de la butte crée aux dimensions de

13.5 m x 11 m, soit 148,5 m² avec une couleur rougeâtre de la terre autour, sur les parcelles n° AP [Cadastre 14] & [Cadastre 15], le tout dans un délai de 6 mois suivant la signification de l'ordonnance à intervenir et, passé ce délai, sous astreinte provisoire de 100 € par jour de retard et ce durant un délai de 6 mois au terme duquel il pourra de nouveau être fait droit,

Déboutons la commune de [Localité 20] de sa demande d'autorisation à effectuer elle-même les travaux de remise en état en cas d'inexécution de ces travaux par les défendeurs,

Disons n'y avoir lieu à indemnité sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamnons M. [U] et la société Daxap Viti aux entiers dépens.



*





M. [N] [U] et la Sas Daxap Viti relèvent appel de cette décision le 9 novembre 2021. Au terme de leurs dernières écritures notifiées le 8 avril 2022, ils concluent à l'annulation de l'ordonnance déférée et demandent à la cour :

A titre principal de dire irrégulier le procès-verbal du 17 mars 2021, de déclarer la commune de [Localité 20] irrecevable en son action et de la débouter de ses demandes.

Subsidiairement,

De dire la commune de [Localité 20] irrecevable en son action dirigée contre M. [N] [U] pour les travaux réalisés par la société Daxap Viti au titre de permis de construire du 12 novembre 2018 et irrecevable en son action dirigée contre la société Daxap Viti pour les travaux réalisés sur les parcelles n° AP [Cadastre 2], [Cadastre 3] & [Cadastre 4] (bâtiment bardage bois, fermeture de la terrasse, portail, voie d'accès et atteinte à l'EBC),

De débouter la commune de [Localité 20] de ses demandes en raison de l'absence de démonstration de troubles manifestement illicites.

En tout état de cause, ils réclament 5.000 € pour frais non compris dans les dépens.



*



La commune de [Localité 20] conclut le 5 avril 2022 à la confirmation de la décision déférée et poursuit la condamnation des appelants à lui payer une somme de 5.000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Les parties s'accordent à l'audience pour un report de la clôture permettant l'admission de leurs dernières écritures.






MOTIFS DE LA DÉCISION :



A.- le non respect de l'égalité des armes et l'irrégularité du procès-verbal d'infraction du 17 mars 2021 et l'article L 461-1 du code de l'urbanisme.



En substance, les appelants reprochent au maire de la commune venu exercer le droit de visite de l'article L 461-1 du code de l'urbanisme de s'être fait accompagner, entre autre, de l'avocat de la commune, sans le lui faire savoir, ce qui les a privés de la possibilité de se faire eux-mêmes assister par leur propre conseil.

En réponse, la commune de [Localité 20] fait valoir que l'établissement d'un procès-verbal n'est pas une condition ni de régularité, ni de fond de l'action en matière de trouble manifestement illicite.



La visite de l'article L 461-1 du code de l'urbanisme, n'a aucun caractère contradictoire. Elle a seulement pour but de permettre à l'administration de venir constater si les travaux effectués sont conformes aux autorisations données et aux règles applicables en la matière. Ce texte ne prévoit pas de débat, l'édile et ses assistants ne recueillent pas la parole du propriétaire, ils n'ont qu'un rôle d'observation et d'enregistrement de l'état purement physique des transformations opérées sur la ou les parcelle(s) concernée(s). La procédure commence, lorsque l'édile a relevé des anomalies, avec la notification du procès-verbal d'infraction que l'édile rédigera postérieurement à sa visite. Aussi, le fait que l'édile n'ait pas indiqué à M. [N] [U] et la Sas Daxap Viti qu'il était accompagné de l'avocat de la commune n'est pas de nature à vicier la procédure.





B.- La recevabilité de l'action de la commune de [Localité 20] à l'encontre de chacun des appelants.



Les appelants font valoir que l'action ne peut prospérer à l'encontre de la société Daxap Viti pour ce qui concerne la construction du bâtiment en bardage bois et les travaux d'aménagement d'un accès sur les parcelles [Cadastre 2], [Cadastre 4] et [Cadastre 5], ces travaux n'étant pas de son fait. Par ailleurs, M. [U] [N] explique que n'étant pas titulaire du permis de construire, il ne peut être recherché pour les travaux effectués par la société Daxap Viti.



La commune de [Localité 20] explique que le permis de construire a été délivré pour des constructions sur l'ensemble des parcelles et que M. [U] [N] est le propriétaire du terrain, raison pour laquelle il a été demandé une condamnation in solidum des appelants.



Dès lors que le permis de construire délivré à la société Daxap Viti concerne l'ensemble des parcelles dont M. [U] [N] est propriétaire, la commune est fondée à poursuivre la condamnation solidaire des appelants qui feront leur affaire d'éventuels recours entre eux.



C.- Les conditions d'application des dispositions de l'article 835 du code de procédure civile.



Les appelants expliquent que pour faire application des dispositions de l'article 835, le juge doit caractériser un trouble incontestable et manifestement illicite.

La commune de [Localité 20] fait valoir que les infractions relevées n'étant pas régularisables, le trouble manifestement illicite est suffisamment caractérisé.



L'article 835 du code de procédure civile prévoit que 'le président du tribunal judiciaire (...) dans la limite de sa compétence, peut toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les (...) mesures de remise en état qui s'imposent soit, (...), soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. (...)'.

Il est de jurisprudence constante qu'une construction sans permis non régularisable ou une infraction au permis de construire non régularisable sont constitutifs de troubles manifestement illicites que le juge peut faire cesser. Toutefois, conformément au droit commun de la preuve, il appartient à la commune de [Localité 20] de rapporter la preuve de chacune des infractions reprochées aux appelants.



D.- Les infractions reprochées.



1.- la remise en état des terrassements et exhaussements réalisés le long de la RD 936 ainsi que le long de la RD 241 E3 (parcelles n°[Cadastre 5],[Cadastre 6] ,[Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9] & [Cadastre 14], [Cadastre 15]) en fonction des plans de coupe avant travaux du dossier de PC n° 033 535 18 X 00034.



La commune de [Localité 20] relève qu'en application du réglement du PLU zone A ne sont autorisés les exhaussements et affouillements de plus de 100 m² et de plus de 2 mètres de haut que sous condition de répondre à des impératifs techniques liés aux occupations du sol autorisées, ce qui n'est pas le cas de l'espèce puisque les deux bâtiments à usage agricole autorisés par le permis de construire n'ont pas été réalisés et ne sont pas en cours de réalisation, aucune des fondations n'a été relevée.





Les appelants font valoir que les exhaussements constatés étaient prévus au PC, que la commune ne démontre pas que les terrassements constatés ne correspondraient pas aux travaux autorisés et que ce n'est qu'après l'achèvement des travaux que le profil définitif du terrain pourra être discuté.



Il ressort de l'examen du permis délivré par la mairie de [Localité 20] qu'il a pour objet la construction de deux bâtiments agricoles et un exhaussement du terrain. Il est prévu un exhaussement sur une grande partie de la parcelle afin de créer une géométrie de terrain cultivable. Environ 8 ha sur les 10 ha doivent être remaniés.

Le permis de construire délivré précise que l'exhaussement moyen sera d'un mètre, ce qui représente le déplacement d'une masse de terre de 80.000 m3. Alors que les travaux d'exhaussement et de nivellement des parcelles sont en cours, il est prématuré de venir reprocher aux appelants l'existence de merlons qui, pour l'instant, ne témoignent que de travaux en cours. La commune de [Localité 20] ne justifie pas de ce chef d'un trouble manifestement illicite.



2.- la démolition du bâtiment en bardage bois, avec auvent, d'une emprise au sol de 215,80 m² édifié sur la parcelle cadastrée AP [Cadastre 3].



La commune de [Localité 20] fait valoir que contrairement à ce que prétendent les appelants, aucun bâtiment n'existait à cet emplacement comme le démontrent:

* l'extrait du plan cadastral produit à l'appui de la demande de permis de construire et la consultation du cadastre,

* la consultation du site google-earth (août 2018, septembre 2018, septembre 2019 sans trace du bâtiment et apparition du bâtiment en avril 2020.

Elle explique que les attestations, peu circonstanciées, quand elles ne sont pas suspectes, produites par les appelants, ne peuvent aller à l'encontre des preuves qu'elle rapporte. Elle précise que cette construction sans permis n'est pas régularisable en zone A car, en tout état de cause, il ne peut s'agir d'une construction nécessaire à l'activité agricole.



Les appelants expliquent qu'en réalité, ils ont relevé les ruines d'un bâtiment existant qui était envahi par la végétation. Pour le prouver, ils produisent diverses attestations. Ils soulignent que la commune a eu connaissance de la réalisation de ce bâtiment, ne serait-ce que par la demande d'une autorisation ERP. Quoi qu'il en soit, ils estiment qu'une régularisation est possible si le bâtiment litigieux avait vocation à entreposer du matériel agricole ou permettre la vente des produits de l'exploitation.

Même si un 'garage' ou un 'hangar' en bois d'une centaine de m² a pu exister sur les parcelles AP [Cadastre 3]/[Cadastre 4], les appelants ne pouvaient le relever sans autorisation préalable par un bâtiment en bardage bois d'une surface de 174 m² avec un auvent de 41,5 m², pour une emprise au sol total de 215,8 m². Cette construction située en zone agricole du PLU n'est pas régularisable, alors que les appelants, à ce jour ne développent sur place aucune activité agricole nécessitant un bâtiment d'exploitation en sus des deux hangars pour lesquels un permis de construire a été obtenu. Le trouble manifestement illicite est suffisamment caractérisé.



3.- la démolition de la fermeture de la terrasse du bâtiment existant implanté sur la parcelle AP [Cadastre 3].







Pour la commune, la preuve de l'infraction résulterait de la comparaison entre une photo prise le 17/03/2021 et une photo de la façade datant de 2019 trouvée sur le site facebook.



A l'inverse, les appelants font valoir que la façade était fermée lors de l'acquisition de la maison et ils en veulent pour preuve le plan dressé par la société Phytéas en 2017 et une photo d'huissier du 13 janvier 2018.



La mairie produit deux photos (p. 62 de ses conclusions). La première, facebook 26/09/2019, représente la maison vue au travers d'un taillis qui la masque presque complétement si bien qu'il est impossible de savoir quel est l'angle de prise de vue. La deuxième, annexée à un constat d'huissier du 13 janvier 2018 est également produite par les appelants. Les parties ont une lecture totalement opposée de ce cliché qui ne révèle qu'une petite partie de la terrasse ou galerie litigieuse. Reste le plan établi par la société Phytéas intervenue en 2017 pour un diagnostic qui représente très clairement un espace fermé, une 'galerie' fermée, pour reprendre la légende portée sur le plan. Quoi qu'il en soit, la commune qui n'établit pas que les appelants sont à l'origine de la fermeture de cette partie de la construction, ne peut se prévaloir de l'existence d'un trouble manifestement illicite.



4.- enlèvement des trois conteneurs installés sur les parcelles AP n°[Cadastre 14], [Cadastre 15].



Les parties conviennent qu'il ne reste qu'un seul conteneur, les deux autres ayant été évacués. La commune voudrait que le dernier conteneur qui, compte tenu de son implantation, ne peut-être considéré comme un bâtiment provisoire de chantier, soit enlevé.



Les appelants font valoir qu'il s'agit bien d'un bâtiment de chantier qui disparaitra avec l'achèvement des constructions autorisées. Ils expliquent sa localisation au droit du chemin communal menant à la RD936 E5 par le fait qu'il s'agissait du seul accès possible aux engins de chantier par temps de pluie.



Il ressort des photos prises par la commune (pièce n°9) que, le 23 mars 2021, les parcelles AP [Cadastre 14] et [Cadastre 15] étaient encombrées d'un baraquement de chantier de couleur rouge tagué CV, de deux conteneurs de couleur grise et d'une base de vie modulaire en 5 blocs (de marque Loxam dit la commune). A l'audience, les parties conviennent que les conteneurs gris ont été évacués et au moins l'une des base de vie. Il n'est fourni aucune information complémentaire et l'emprise au sol du module subsistant n'est pas connue. Quoi qu'il en soit, la présence temporaire d'une base de vie sur un chantier comme celui entrepris par les appelants, ne peut être considéré comme l'éxécution de travaux sans permis. La mairie de [Localité 20] ne peut demander l'enlèvement de ce conteneur avant la fin des travaux. La présence de cette base de vie à l'entrée du chantier n'est pas constitutive d'un trouble manifestement illicite.



5.- reboisement suite aux coupes et abattages d'arbres illicites en EBC (espace boisé classé) sur les parcelles AP n°[Cadastre 5],[Cadastre 6], [Cadastre 8], [Cadastre 9] et AP n°[Cadastre 2] & [Cadastre 4].



La commune reproche aux appelants des terrassements de sol, l'abattage de plusieurs arbres ainsi que l'installation d'une buse drainant les eaux pluviales au sein de l'EBC.





Les appelants contestent tout terrassement en EBC sur les parcelles AP [Cadastre 8] & AP [Cadastre 9]. Ils précisent que les terrassements longent l'EBC. En tout état de cause, ils font valoir qu'à la date du 19 mai 2021 la situation a été rectifiée et le terrain remis en forme.

Ils expliquent que les travaux effectués sur les parcelles AP [Cadastre 2], [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 6] ne concernent pas la société DAXAP Viti, que les EBC sont situés de part et d'autre du chemin d'accès à la RD936 et que les travaux ont consisté à réhabiliter cette voie sans toucher les EBC. Ils en veulent pour preuve le procès-verbal de constat qu'ils ont fait exécuter. Les seuls arbres abattus l'ont été à la demande de l'autorité compétente dans la mesure où ils menaçaient le domaine public. Les appelants précisent que la buse litigieuse a été enlevée.



La commune, débitrice de preuve, ne peut se contenter de prétendre que les EBC ont été affectés par les travaux effectués par les appelants sans localiser les arbres abattus de manière illégale et/ou les surfaces défrichées au mépris de leur protection. Concernant les parcelles AP [Cadastre 8] et [Cadastre 9], la commune ne donne aucun élément qui permettrait de vérifier la matérialité de l'infraction reprochée. Les appelants indiquent, sans être contredit sur ce point, que les seuls arbres abattus l'ont été, en limite de propriété, à la demande de l'autorité administrative compétente, en raison des risques qu'ils présentaient pour la circulation sur la RD 936. De la même manière la commune n'établit pas qu'il ait été porté atteinte à l'EBC des parcelles n°[Cadastre 2], [Cadastre 4], [Cadastre 5] et [Cadastre 6]. Ses demandes de remise en état ne sont pas fondées.



6.- suppression du portail avec une gaine rouge et du chemin d'accès ainsi que de la plate-forme type parking sur les parcelles AP [Cadastre 2] & [Cadastre 4].



La commune explique que ces travaux ne pouvaient se faire sans une autorisation préalable.

Les appelants font valoir que le portail existait, qu'il n'a été que réhabilité tout comme le chemin d'accès et que la plateforme est provisoire et doit permettre les manoeuvres des camions pendant la durée du chantier.



Les appelants démontrent par la production de photographies, pièce n°6, p. 4 et annexe p.1 qu'il existait bien un portail. S'il est possible que la réouverture de cet accès à la RD936 et la restauration du chemin sont soumis à autorisation, il n'est pas établi que ces situations ne soient pas régularisables. Concernant la plateforme, les appelants expliquent, sans être contredits, que le sol naturel est protégé par un géotextile et que la plateforme qui le recouvre est une installation provisoire destinée à permettre les manoeuvres des camions de chantier. Dès lors, l'enlèvement de ce dispositif est prématuré.



7.- suppression de la clôture de 38 m de long sur les parcelles AP [Cadastre 14] et [Cadastre 15]. 



Les appelants expliquent qu'en raison de leur activité agricole ils sont dispensés de la déclaration préalable. Ils soulignent que les clôtures étaient existantes et qu'ils n'ont fait qu'une restauration. La situation est régularisable.



Même si une autorisation était nécessaire, la situation est régularisable. La commune ne démontre pas l'existence d'un trouble manifestement illicite.









8.- suppression des fossés pour évacuation des eaux pluviales et de la buse drainant les eaux pluviales en EBC sur les parcelles n°[Cadastre 5],[Cadastre 6] ,[Cadastre 7], [Cadastre 8], [Cadastre 9].

Les appelants font valoir que ces dispositifs leur sont indispensables pour la bonne fin des travaux et disparaitront avec la fin du terrassement.



Tant que les travaux de nivellement des sols ne sont pas achevés, il ne peut être reproché aux appelants les dispositifs transitoires nécessaires à leur exécution.



9.- enlèvement des apports de déchets en zone agricole sur les parcelles AP [Cadastre 14] & [Cadastre 15] (présence de métal, de bois, de tuiles concassées, de briques et parpaings concassés, d'une surface d'environ 1.850 m²) et suppression des deux buttes de 2 à 3 mètres de haut, parallèles à la RD 241 E 3.



Les appelants font valoir que les prétendus déchets sont les matériaux mis en place sur le géotextile pour la création de la plateforme de manoeuvres. La première butte est composée de la terre végétale retirée pour permettre la création de la deuxième plateforme de retournement. La terre reprendra sa place avec la fin des terrassements. La seconde qui longe l'avenue de la Belle Etoile a été acquise avec le terrain (arbres et ronces y ont pris racines).



Il apparaît la aussi que ce n'est qu'après l'achèvement des travaux de terrassement que pourrait se discuter la présence de tout venant à la place de la terre végétale et le maintien d'un merlon de terre végétale sur les parcelles [Cadastre 14] & [Cadastre 15]. Concernant le merlon situé en bordure de l'avenue de la belle Etoile, il n'est pas établi qu'il soit le fait des appelants.



10.- suppression de la fosse située à l'arrière de la butte crée aux dimensions de 13.5 m x 11 m, soit 148,5 m² avec une couleur rougeâtre de la terre autour, sur les parcelles n° AP [Cadastre 14] & [Cadastre 15].



Les appelants expliquent que la fosse a été comblée et la commune en convient.



Il n'y a pas lieu à référé sur ce point.





E. Sur les autres demandes



Le rejet de la demande formée par la commune de [Localité 20] de l'autoriser à effectuer elle même les travaux de remise en état en cas d'inexécution par les défendeurs n'est pas contesté en appel puisque l'intimée demande confirmation de l'ordonnance entreprise, y compris sur ce point.



En raison des succombances réciproques, il n'y a pas lieu à indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Chacune des parties supportera la charge de ses dépens.













PAR CES MOTIFS



LA COUR :



Vu les dispositions de l'article 835 du code de procédure civile;



Rapporte l'ordonnance de clôture et fixe la clôture au 12 avril 2022, veille de l'audience,



Confirme la décision déférée en ce qu'elle:



Rejette la mise hors de cause de M. [N] [U]



Ordonne à M. [N] [U] et à la société Daxap Viti de procéder à la remise en état antérieur des parcelles AP [Cadastre 3] et [Cadastre 4] en procédant à l'enlèvement ou la démolition du bâtiment en bardage bois, avec auvent, d'une emprise au sol de 215,80 m²,

Déboute la commune de [Localité 20] de sa demande d'autorisation à effectuer elle-même les travaux de remise en état en cas d'inexécution de ces travaux par les défendeurs,



L'infirme pour le surplus et statuant à nouveau;



Dit n'y avoir lieu à référé sur les autres demandes de remise en état;



Dit n'y avoir lieu à indemnités au titre de l'article 700 du code de procédure civile,



Dit que chacune des parties supportera la charge de ses propres dépens.





Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.



Le Greffier,Le Président,

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