3 juin 2022
Cour d'appel d'Amiens
RG n° 21/04454

TARIFICATION

Texte de la décision

ARRET

N° 26





Société PRESTA BREIZH





C/



CARSAT BRETAGNE







JR





COUR D'APPEL D'AMIENS



TARIFICATION





ARRET DU 03 JUIN 2022



*************************************************************



N° RG 21/04454 - N° Portalis DBV4-V-B7F-IGYT



DECISION DE LA CARSAT BRETAGNE EN DATE DU 02 juillet 2021





PARTIES EN CAUSE :





DEMANDEUR





Société PRESTA BREIZH agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

Salarié : Monsieur [C] [L]

Zone Artisanale de la Gautrais

35360 MONTAUBAN-DE-BRETAGNE





Représentée par Me Lise DOMET, avocat au barreau d'AMIENS substituant Me Xavier BONTOUX de la SELARL FAYAN-ROUX, BONTOUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de LYON











ET :





DÉFENDEUR





CARSAT BRETAGNE agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège

236 rue de Châteaugiron

35030 RENNES CEDEX 9



Représentée et plaidant par Mme [F] [X] dûment mandatée

















DÉBATS :



A l'audience publique du 04 Mars 2022, devant Mme Jocelyne RUBANTEL, Président assisté de M. HAGEAUX et M. BURGESS, assesseurs, nommés par ordonnance rendue par Madame la Première Présidente de la Cour d'appel d'Amiens en date du 21 janvier 2019.



[U] [K] a avisé les parties que l'arrêt sera prononcé le 03 Juin 2022 par mise à disposition au greffe de la copie dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.



GREFFIER LORS DES DÉBATS : Blanche THARAUD



PRONONCÉ :



Le 03 Juin 2022, l'arrêt a été rendu par mise à disposition au greffe et la minute a été signée par Jocelyne RUBANTEL, Président et Blanche THARAUD, Greffier.



*

* *



DECISION



La société Presta Breizh est une entreprise de transformation et conservation de viande de boucherie.



M. [L], salarié de la société Presta Breizh en qualité de désosseur-pareur depuis le 4 août 2020 a, le 13 janvier 2021, déclaré une maladie professionnelle au titre d'une «'épicondylite latérale coude droit'», pathologie relevant du tableau n°57 des maladies professionnelles, sur la base d'un certificat médical initial en date du 17 décembre 2020.



Par décision du 12 mai 2021, la caisse primaire d'assurance maladie (ci-après la CPAM) a pris en charge cette maladie au titre de la législation professionnelle. La date administrative de la maladie a été fixée au 27 novembre 2020.



Les incidences financières de la maladie professionnelle de M. [L] ont été inscrites au compte employeur 2021 de la société Presta Breizh.



Par courrier du 18 juin 2021, la société Presta Breizh a sollicité, auprès de la caisse d'assurance retraite et de la santé au travail (ci-après la CARSAT ou la caisse), l'inscription au compte spécial des conséquences financières de la maladie professionnelle déclarée par M. [L].



Par lettre du 2 juillet 2021, la CARSAT a rejeté ce recours.



Par acte d'huissier de justice délivré le 18 août 2021, la société Presta Breizh a fait assigner la CARSAT de Bretagne d'avoir à comparaître devant la cour d'appel d'Amiens à l'audience du 4 mars 2022.



Par conclusions visées par le greffe le 31 août 2021, la société Presta Breizh prie la cour de :

- déclarer son recours recevable ;

- constater que M. [L] a été exposé au risque successivement au sein de différentes entreprises sans qu'il soit possible de déterminer celle dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie ;

- imputer la maladie déclarée par M. [L] au compte spécial prévu à cet effet.



Au soutien de ses demandes, la société Presta Breizh fait valoir que M. [L] a été exposé au risque de sa maladie au sein de plusieurs entreprises de sorte qu'il n'est pas possible de savoir dans laquelle l'exposition a provoqué la maladie.



La société demanderesse ajoute que M. [L] n'a travaillé que 3 mois et 23 jours chez elle lorsqu'il a contracté sa maladie. Elle souligne que le salarié a été exposé, au contraire, durant 21 ans au sein d'autres entreprises à savoir, la société [Z] [G], la société Agram Daniel et la société Agro Interim en qualité de boucher-désosseur comme cela ressort de la déclaration de maladie professionnelle du salarié.



Par conclusions visées par le greffe le 2 mars 2022 et développées oralement lors de l'audience, la CARSAT prie la cour de :


- constater que la société Presta Breizh n'apporte pas la preuve de l'exposition au risque de la maladie par les précédents employeurs ;

- dire que les conditions d'application de l'article 2 4° de l'arrêté du 16 octobre 1995 ne sont pas remplies ;



Et, en conséquence, de :

- confirmer sa décision de maintenir au compte employeur de la société Presta Breizh, les incidences financières de la maladie professionnelle de M. [L] du 13 janvier 2021 ;

- rejeter le recours de la société Presta Breizh.



Au soutien de ses prétentions, la CARSAT fait valoir que la référence à la déclaration de maladie professionnelle ne saurait suffire à apporter la preuve d'une quelconque exposition du salarié à un risque au sein d'une entreprise.



Elle indique que ce document ne rapporte que les déclarations du salarié qui souhaite que son sinistre fasse l'objet d'une prise en charge par la CPAM.



Conformément aux dispositions de l'article 455 du Code de procédure civile, il est expressément renvoyé aux écritures des parties pour un plus ample exposé de leurs demandes et des moyens qui les fondent.




SUR CE LA COUR,



Sur la recevabilité du recours



La Cour observe que le recours a été formé dans les délais et formes prévus par la loi.



Le recours est donc recevable.





Sur l'inscription au compte spécial



Aux termes des articles D.242-6-5 et D.242-6-7 du Code de la sécurité sociale fixant les règles de tarification des risques des accidents du travail et maladies professionnelles, il est prévu que les dépenses engagées par les caisses d'assurance maladie par suite de la prise en charge de maladies professionnelles constatées ou contractées dans des conditions fixées par un arrêté ministériel ne sont pas comprises dans la valeur du risque ou ne sont pas imputées au compte employeur mais inscrites à un compte spécial.



L'article 2, alinéa 4, de l'arrêté du 16 octobre 1995 dispose que «'sont inscrits au compte spécial conformément aux dispositions de l'article D.246-6-5, les dépenses afférentes à des maladies professionnelles constatées ou contractées dans les conditions suivantes': (')



4) La victime de la maladie professionnelle a été exposée au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes sans qu'il soit possible de déterminer celle dans laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie'».



Les articles susvisés imposent à l'employeur de démontrer que le salarié a été exposé au risque chez les employeurs précédents sans qu'il y ait lieu de lui imposer de rapporter la preuve de la non exposition au risque de sa maladie dans son entreprise.



En effet, cette exposition au risque est présumée dans le cadre de la présente procédure dans la mesure où l'employeur, dès lors que l'employeur n'a pas contesté la prise en charge de la maladie au titre de la législation sur les risques professionnels devant le contentieux général.



Il ressort donc des articles ci-dessus cités deux conditions cumulatives pour que soit possible l'inscription au compte spécial':



- le salarié doit avoir été exposé au risque successivement dans plusieurs établissements d'entreprises différentes ;

- il est impossible de déterminer l'entreprise au sein de laquelle l'exposition au risque a provoqué la maladie.

Dans le cas d'une demande d'inscription au compte spécial, la charge de la preuve de la réunion de ces deux conditions incombe à l'employeur.



La société Presta Breizh demande à ce que les incidences financières de la maladie professionnelle déclarée le 13 janvier 2021 par M. [L] soient inscrites au compte spécial en application des dispositions de l'article 2-4° de l'arrêté du 16 octobre 1995 précitées.



En l'espèce, le 12 mai 2021, M. [L] a été reconnu atteint d'une «'épicondylite latérale coude droit'», pathologie inscrite au tableau n°57 des maladies professionnelles et dont la date administrative a été fixée au 27 novembre 2020. La décision de prise en charge de la maladie a alors été notifiée à la société Presta Breizh.

La société verse aux débats les pièces suivantes :

- la déclaration de maladie professionnelle datée du 13 janvier 2021 (pièce n°1);

- le certificat médical initial daté du 17 décembre 2020 (pièce n°2) ;

- la notification de prise en charge de la maladie datée du 12 mai 2021 (pièce n°3) ;

- le compte employeur 2021 (pièce n°4) ;

- plusieurs arrêts de la cour d'appel d'Amiens (pièces n°5, 6, 7, 8, 9) ;

- le recours CARSAT en date du 18 juin 2021 (pièce n°10) ;

- la décision de refus de la CARSAT en date du 2 juillet 2021 (pièce n°11).



La Cour estime qu'à lui seul, le moyen tiré de l'exercice d'autres activités similaires chez un autre employeur ne saurait suffire. En l'espèce, la société verse aux débats la déclaration de maladie professionnelle du 13 janvier 2021, dont la date administrative a été fixée au 27 novembre 2020. Cette déclaration rapporte les dires du salarié concernant une exposition chez ses précédents employeurs, à savoir :

la société [Z] [G] du 3 janvier 1999 au 11 novembre 2001 ;

la société Agram Daniel du 13 février 2022 au 1er septembre 2006 ;

la société Agro Intérim du 9 septembre 2006 au 3 juillet 2020.



Cependant, ces déclarations ne sont pas de nature à démontrer que chez les précédents employeurs de M. [L], les conditions de travail auxquelles il était réellement soumis, étaient susceptibles de l'exposer au risque de sa maladie en cause.



La société soutient que la déclaration de maladie professionnelle fait apparaître qu'antérieurement à son expérience en son sein, le salarié a été exposé au risque de la maladie en cause dans des entreprises successives, sans qu'il soit possible de déterminer celle au service duquel la maladie a été contractée.



Or, les références au contenu de la déclaration de maladie professionnelle ne peuvent constituer une preuve de cette exposition alors qu'il s'agit d'éléments purement déclaratifs. En effet, ce document ne rapporte que les déclarations du salarié qui souhaite que son sinistre fasse l'objet d'une prise en charge par la CPAM.



La référence aux emplois antérieurs n'établit aucunement une présomption d'exposition antérieure au risque de la maladie visée par le tableau.

De même, la seule référence au métier est insuffisante dès lors que les onditions d'exercice peuvent être très différentes d'une entreprise à l'autre, selon son organisation, les moyens de productions mis à disposition des salariés, la cadence de travail.



Il est en revanche suffisamment établi que M. [L] a été exposé au risque de sa maladie au sein de la société Presta Breizh à compter du 4 août 2020. La Cour observe que le caractère professionnel de la maladie n'a pas été contesté devant les juridictions du contentieux général par la société demanderesse.



La Cour constate qu'aucune des pièces versées aux débats par la société Presta Breizh ne permet de constater une exposition antérieure du salarié chez d'autres employeurs au risque de sa maladie.



Sans éléments supplémentaires qui permettraient de justifier des conditions réelles de travail de M.'[L] chez ses précédents employeurs, la société Presta Breizh échoue donc à rapporter la preuve qui lui incombe de la réunion des conditions d'application de l'article'2, paragraphe 4, de l'arrêté du 16 octobre 1996 relatif à l'inscription des conséquences d'une maladie professionnelle au compte spécial.



Dès lors, il convient de la débouter de l'ensemble de ses demandes et de maintenir les dépenses relatives à la maladie professionnelle sur le compte employeur de la société.



Sur les dépens



Conformément aux dispositions de l'article 696 du Code de procédure civile, la société Presta Breizh sera condamnée aux entiers dépens de l'instance.



PAR CES MOTIFS



La Cour, statuant par arrêt mis à disposition au greffe, après débats publics, contradictoire, en premier et dernier ressort ;



DECLARE recevable mais mal fondé le recours exercé par la société Presta Breizh à l'encontre de la décision de la CARSAT de Bretagne ;



DIT que les conditions de l'article 2-4° de l'arrêté du 16 octobre 1995 ne sont pas remplies ;



CONFIRME la décision de la CARSAT de Bretagne de maintenir sur le compte employeur de la société Presta Breizh les incidences financières de la maladie professionnelle du 27 novembre 2020 de M. [L] ;



DEBOUTE en conséquence la société Presta Breizh de l'ensemble de ses demandes';



CONDAMNE la société Presta Breizh aux entiers dépens de l'instance.





Le Greffier,Le Président,

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