3 juin 2022
Cour d'appel de Paris
RG n° 19/16489

Pôle 4 - Chambre 6

Texte de la décision

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 4 - Chambre 6



ARRET DU 03 JUIN 2022



(n° /2022, 8 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 19/16489 - N° Portalis 35L7-V-B7D-CAR77



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 Juin 2019 -Tribunal de Commerce de PARIS RG n° 2018044836





APPELANTE



SASU FRENCH BARBER

[Adresse 1]

[Localité 3]



Représentée par Me Raphaël BENILLOUCHE de la SELARL RDB ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0519







INTIMEE



EURL TEKNIBAT

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représentée par Me Emilie PERICARD, avocat au barreau de PARIS, toque : E0974

Assistée de Me Thibault de PIMODAN, de la société BLACKSTONE, avocat au barreau de PARIS, toque E2120





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 03 Mars 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme Valérie GUILLAUDIER, Conseillère faisant fonction de Président

Mme Valérie GEORGET, Conseillère

Mme Alexandra PELIER-TETREAU, Vice Présidente placée faisant fonction de Conseillère



qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Madame Valérie Georget dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.





Greffière lors des débats : Mme Suzanne HAKOUN









ARRET :



- contradictoire



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, délibéré initialement prévu au 13 mai 2022 puis prorogé au 03 juin 2022, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Valérie GUILLAUDIER, Conseillère faisant fonction de Président et par Suzanne HAKOUN, Greffière, présent lors de la mise à disposition.






FAITS ET PROCÉDURE



La société French Barber exploite un local commercial à usage de salon de coiffure/barbier sis [Adresse 1].



Elle a confié à la société Teknibat la réalisation de travaux de rénovation de son salon.



Se plaignant de malfaçons et de non-conformités, la société French Barber a obtenu, par ordonnance du 27 octobre 2016, la désignation d'un expert judiciaire, M. [H].



M. [H] a déposé son rapport le 23 décembre 2017.



Par acte du 9 avril 2018, la société Teknibat a assigné la société French Barber en référé devant le tribunal de commerce de Paris en paiement de la somme provisionnelle de 7 590, 80 euros T.T.C. augmentée des pénalités de retard et des frais.



Par ordonnance en date du 20 juillet 2018, le juge des référés a renvoyé les parties devant le juge du fond.



La société French Barber a formé des demandes reconventionnelles.



Par jugement du 28 juin 2019, le tribunal de commerce de Paris a statué en ces termes :



Fixe au 1er septembre 2015 la réception des travaux ;

Rejette la demande de résolution du contrat liant les parties, formulée par la société French Barber ;

Déboute la société French Barber de sa demande de dommages et intérêts ;

Condamne la société French Barber à payer à la société Teknibat la somme de 7 463,00 T.T.C. avec pénalités de retard au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 7 points de pourcentage à compter de la date de facture du 14 septembre 2015,

Déboute la société French Barber de sa demande de délais de paiement ;

Condamne la société French Barber à payer 4 000 euros à la société Teknibat au titre de l'article 700 du code de procédure civile déboutant du surplus ;

Ordonne l'exécution provisoire sans constitution de garantie ;

Déboute les parties de leurs demandes plus amples, autres ou contraires aux présentes

dispositions ;

Condamne la société French Barber aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 euros dont 12,20 euros de TVA.



Le 8 août 2019, la société French Barber a interjeté appel de ce jugement intimant la société Teknibat devant la cour d'appel de Paris.



Par conclusions notifiées par RPVA le 8 novembre 2019, la société French Barber demande à la cour de :



Infirmer le jugement du Tribunal de commerce de Paris du 28 juin 2019 en ce qu'il a :



Fixé au 1er septembre 2015 la réception des travaux ;

Rejeté la demande de résolution du contrat liant les parties, formulée par la société French Barber ;

Débouté la société French Barber de sa demande de dommages et intérêts ;

Condamné la société French Barber à payer à la société Teknibat la somme de 7 463,00 T.T.C. avec pénalités de retard au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 7 points de pourcentage à compter de la date de facture du 14 septembre 2015,

Débouté la société French Barber de sa demande de délais de paiement ;

Condamné la société French Barber à payer 4000 euros à la société Teknibat au titre de l'article 700 du code de procédure civile déboutant du surplus ;

Débouté la société French Barber de ses demandes plus amples, autres ou contraires aux dispositions du jugement ;

Condamné la société French Barber aux dépens de l'instance, dont ceux à recouvrer par le greffe, liquidés à la somme de 74,50 euros dont 12,20 euros de TVA



Statuant à nouveau,



- Condamner la société Teknibat à verser à la société French Barber la somme de 5 964 euros T.T.C. à titre de dommages et intérêts découlant des travaux de reprise nécessaires ;



- Prononcer la résolution judiciaire de la convention du 6 août 2015,



En conséquence de la résolution judiciaire,



- Ordonner la restitution des montants versés par la société French Barber, soit la somme de 32 871, 22 euros T.T.C. ;



- Condamner la société Eurl Teknibat à verser à la société French Barber la somme de 242 774,59 € T.T.C. à titre de dommages et intérêts en réparation des préjudices financiers subis par la société French Barber ;



- Dire que ces sommes seront assorties des intérêts légaux avec capitalisation des intérêts au sens de l'article 1343-2 du code civil ;



- Condamner la société Eurl Teknibat à verser à la société French Barber la somme de 6 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance.



Par conclusions notifiées le 3 février 2020, la société Teknibat demande à la cour de :



-confirmer le jugement du tribunal de commerce de Paris du 28 juin 2019 dans toutes ses dispositions,



Et 'statuant à nouveau' :



condamner la société French Barber à verser à la société Teknibat la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

En toute hypothèse,

débouter la société French Barber de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

condamner la société French Barber à verser à la société Teknibat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Thibault de Pimodan.



L'ordonnance de clôture a été prononcée le 3 février 2022.






MOTIFS



Sur la demande de la société French Barber au titre des travaux de reprise



La société French Barber demande la condamnation de la société Teknibat à lui verser la somme de 5 964 euros T.T.C. au titre des travaux de reprise.



La société Teknibat conclut au rejet de cette demande.



*



Aux termes de l'article 1134 du code civil, dans sa version applicable au présent litige, les conventions légalement formées tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faites. Elles ne peuvent être révoquées que de leur consentement mutuel, ou pour les causes que la loi autorise. Elles doivent être exécutées de bonne foi.



Selon l'article 1147 ancien du code civil, le débiteur est condamné, s'il y a lieu, au paiement de dommages et intérêts, soit à raison de l'inexécution de l'obligation, soit à raison du retard dans l'exécution, toutes les fois qu'il ne justifie pas que l'inexécution provient d'une cause étrangère qui ne peut lui être imputée, encore qu'il n'y ait aucune mauvaise foi de sa part.



En application de l'article 1315 du code civil dans sa version applicable au présent litige, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver. Réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.



La matérialité des désordres décrits par l'expert judiciaire n'est pas utilement contestée.

Ces désordres sont décrits en page 25 du rapport d'expertise (pièce n° 6 de la société French Barber) ainsi qu'il suit :

- moisissures ;

- enseigne à modifier ;

- reprise de la planéité ;

- meuble caisse, grille métallique à revisser ;

- encoffrement ;

- découpes des miroirs ;

- coffrage métallique ;

- peinture du coffrage cloquée ;

- joint sous vitrage ;

- éclats de peinture ;

- impact à droite du bac gauche ;

- siphon inox ;

- fixation des prises électriques ;

- écaillements de peinture ;

- relevé métallique escalier (recoller) ;

- peinture escaliers (repeindre) ;



Selon l'expert judiciaire, le coût total de leur reprise s'élève à 4 842 euros H.T, soit 5 810 euros.



La cour retiendra, l'évaluation du coût des travaux de reprise proposée par l'expert judiciaire dont les appréciations ont une valeur probante supérieure à celle de l'expert désigné unilatéralement par la société French Barber.



Tous ces défauts résultent d'une exécution défaillante des travaux par la société Teknibat.



La société French Barber est fondée à obtenir le paiement de cette somme par la société Teknibat sans qu'il ne puisse être reproché au maître de l'ouvrage, profane, un manquement lié, comme retenu par l'expert, à une absence de définition du programme des travaux.



Le jugement qui a rejeté la demande en paiement de la société French Barber sera infirmé .



Il sera déduit du coût des travaux de reprise ( soit 5 810 euros T.T.C.), la somme de 766, 80 euros T.T.C., elle-même déduite du solde des factures réclamé par la société Teknibat et correspondant à une partie du coût des travaux de reprise, ainsi que jugé ci-après.



La société Teknibat sera donc condamnée à payer à la société French Barber la somme de 5'043, 20 euros T.T.C. au titre des travaux de reprise.



Il convient, en outre, de faire droit à la demande de capitalisation des intérêts dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 1343-2 du code civil.



Sur la demande de la société French Barber relative à la résolution du contrat



La société French Barber sollicite la résolution du contrat la liant à la société Teknibat.



La société Teknibat s'oppose à cette demande. Elle observe que l'expert judiciaire a relevé qu'elle avait réalisé les travaux conformément aux documents contractuels et aux règles de l'art.





*





Aux termes de l'article 1184 du code civil dans sa version antérieure à l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016, la condition résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques, pour le cas où l'une des deux parties ne satisfera point à son engagement. Dans ce cas, le contrat n'est pas résolu de plein droit. La partie envers laquelle l'engagement n'a point été exécuté a le choix ou de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts. La résolution doit être demandée en justice, et il peut être accordé au défendeur un délai selon les circonstances.



Il appartient à celui qui demande la résolution du contrat de rapporter la preuve de la gravité des manquements qu'il allègue au soutien de sa prétention.



En l'espèce, la société French Barber a accepté un devis de la société Teknibat pour un montant total de 40 952, 06 euros (devis du 6 août 2015, pièce n° 4 de la société French Barber).



Il résulte du rapport d'expertise que la société Teknibat a réalisé l'ensemble de ses prestations, qui sont affectées de défauts, mineurs pour la plupart, cités précédemment.



Il n'est pas établi par les pièces du dossier que le problème de condensation, dénoncé par la société French Barber, est imputable à la société Teknibat. L'expert a, à juste titre, souligné l'absence de lot 'ventilation' dans les travaux confiés à cette société et la nécessité d'avoir recours à un ingénieur thermicien pour régler cette difficulté.



Les pièces versées par la société French Barber (rapport d'expertise établi par Mme [S] à la demande unilatérale de la société French Barber (pièce n° 8) ou les attestations de MM. [U], [C], [J], [Y] (pièces n° 14 à 17)) ne démontrent pas que la société Teknibat aurait gravement manqué à ses obligations.



La demande de résolution sera rejetée.



Le jugement sera confirmé de ce chef.





Sur la demande de la société French Barber au titre du préjudice financier



La société French Barber sollicite le paiement, par la société Teknibat, d'une somme de 242 774,59 euros T.T.C. en réparation de son préjudice financier.



La société Teknibat conclut à la confirmation du jugement qui a rejeté cette demande.



*

Tout d'abord, il n'est pas établi par les pièces produites par la société French Barber, notamment par le courriel adressé le 23 septembre 2015 à la société Teknibat (pièce n° 12), que, par la faute de celle-ci, le salon de coiffure a été fermé le lundi au cours du mois de septembre 2015, ce qui aurait généré une perte du chiffre d'affaires de 6 000 euros.



Ensuite, les quatre attestations émanant de clients (pièces n° 14 à 17) et l'attestation de l'expert comptable (pièce n° 18 de la société French Barber) ne démontrent pas plus le lien de causalité entre la baisse conséquente du chiffre d'affaires de la société French Barber après 2015 et la réalisation des travaux litigieux étant, en outre, rappelé le caractère mineur des désordres constatés par l'expert judiciaire.



La demande au titre du préjudice financier sera rejetée.



Le jugement sera confirmé de ce chef.





Sur la demande en paiement de la société Teknibat



La société Teknibat est condamnée à indemniser la société French Barber au titre du coût de reprise des désordres affectant les travaux.



Ayant effectué les travaux qui lui avaient été confiés, la société Teknibat est fondée à obtenir le paiement du solde de ses factures.



Le jugement qui a condamné la société French Barber à payer à la société Teknibat la somme de 7 463,00 T.T.C. (déduction faite de la somme de 766, 80 euros au titre des travaux de reprise) avec pénalités de retard au taux d'intérêt appliqué par la Banque centrale européenne à son opération de refinancement la plus récente majoré de 7 points de pourcentage à compter de la date de facture du 14 septembre 2015 sera confirmé.





Sur la demande de dommages et intérêts de la société Teknibat pour procédure abusive



La procédure d'appel initiée par la société French Barber ne présente pas de caractère abusif étant observé qu'il est partiellement fait droit à ses prétentions.



La demande de dommages et intérêts de la société Teknibat sera rejetée.





Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile



Le sens de l'arrêt conduit à infirmer les dispositions du jugement relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.



Les dépens de première instance seront supportés par moitié par chacune des parties et les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.



A hauteur d'appel chaque partie supportera la charge de ses propres dépens. Les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.







PAR CES MOTIFS



Confirme le jugement déféré sauf en ce qu'il a:



1) rejeté la demande de dommages et intérêts de la société French Barber au titre des travaux de reprise ;



2) condamné la société French Barber à verser à la société Teknibat la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés par Maître Thibault de Pimodan.



L'infirme de ces chefs ,



Statuant à nouveau :



Condamne la société Teknibat à payer à la société French Barber la somme de 5'043, 20 euros T.T.C. au titre des travaux de reprise ;



Ordonne la capitalisation des intérêts par années entières conformément à l'article 1343-2 du code civil ;



Fait masse des dépens ; condamne chaque partie à en supporter la moitié ;



Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;



Ajoutant au jugement déféré :



Rejette la demande de dommages et intérêts de la société Teknibat pour procédure abusive ;



Dit que chaque partie supportera la charge de ses propres dépens ;



Rejette les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.





La greffière, La Conseillère faisant fonction Président,

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