2 juin 2022
Cour d'appel de Paris
RG n° 20/05354

Pôle 4 - Chambre 9 - A

Texte de la décision

Copies exécutoiresRÉPUBLIQUE FRANÇAISE

délivrées aux parties le :AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS





COUR D'APPEL DE PARIS

Pôle 4 - Chambre 9 - A



ARRÊT DU 02 JUIN 2022



(n° , 7 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05354 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBVRN



Décision déférée à la Cour : Jugement du 28 février 2020 - Juge des contentieux de la protection du Tribunal Judiciaire de FONTAINEBLEAU - RG n° 11-19-000835





APPELANT



Monsieur [P] [D]

né le [Date naissance 1] 1948 à [Localité 6]

[Adresse 2]

[Localité 5]



représenté par Me Isabelle DE BOURBON-BUSSET DE BOISANGER de la SELARL BOURBON- BUSSET - BOISANGER, avocat au barreau de FONTAINEBLEAU





INTIMÉE



La société BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS, société coopérative de banque populaire à forme anonyme agissant poursuites et diligences de son représentant

légal, domicilié ès-qualités audit siège

N° SIRET : 552 002 313 02852

[Adresse 4]

[Localité 3]



représentée et assistée de Me Coralie-Alexandra GOUTAIL de la SARL Goutail Avocat, avocat au barreau de PARIS, toque : A0201





COMPOSITION DE LA COUR :



En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 mars 2022, en audience publique, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère, chargée du rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. Christophe BACONNIER, Président de chambre

Mme Fabienne TROUILLER, Conseillère

Mme Laurence ARBELLOT, Conseillère



Greffière, lors des débats : Mme Camille LEPAGE









ARRÊT :



- CONTRADICTOIRE



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par M. Christophe BACONNIER, Président et par Mme Camille LEPAGE, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.






FAITS, PROCÉDURE ET PRÉTENTIONS DES PARTIES



Par acte sous seing privé en date du 27 février 2015, M. [P] [D] a contracté auprès de la société Banque populaire Rives de Paris (la société Banque populaire) un prêt personnel d'un montant de 60 000 euros remboursable en 120 mensualités, moyennant un taux débiteur annuel fixe de 7,53 % (TAEG 7,85 %).



A la suite d'impayés à compter du 1er janvier 2018, la déchéance du terme a été prononcée par courrier du 20 août 2018 et une mise en demeure a été adressée.



Saisi le 26 juillet 2019 par la société Banque populaire d'une demande tendant principalement à la condamnation de l'emprunteur au paiement d'une somme en principal de 53 465,40 euros, le juge des contentieux de la protection du tribunal judiciaire de Fontainebleau, par un jugement réputé contradictoire rendu le 28 février 2020 auquel il convient de se reporter, a :

- condamné M. [D] à payer à la société Banque populaire la somme de 49 920,21 euros, avec intérêts au taux annuel de 7,53 % à compter du 23 août 2018,

- réduit l'indemnité sollicitée au titre de la clause pénale à néant,

- rejeté la demande de délai de paiement,

- dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire.



Le premier juge a retenu que l'indemnité de 8 % prévue contractuellement était manifestement excessive, justifiant sa suppression. Il a relevé que les intérêts de retard étaient dus à compter du 23 août 2018, date de réception de la mise en demeure de payer.



Par une déclaration en date du 16 mars 2020, M. [D] a relevé appel de cette décision.



Aux termes de conclusions remises le 7 décembre 2020, il demande notamment à la cour :

- de reformer en toutes ses dispositions le jugement dont appel,

- à titre principal, de prononcer la nullité de la déchéance du terme en l'absence de lettre de mise en demeure préalable restée sans effet durant une durée de quinze jours ;

- de dire que le contrat de prêt à la consommation n'ayant jamais été résilié reprendra son plein effet à compter de la signification de l'arrêt à intervenir, que les échéances mensuelles ont simplement été suspendues, depuis la déchéance irrégulière du terme jusqu'à l'arrêt à intervenir et recommenceront à courir à compter de l'expiration d'un délai d'un mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

- de dire qu'il reste redevable du montant des échéances impayées de février à août 2018 inclus, augmentées des indemnités de retard, soit une somme de 5 989,61 euros et qu'il pourra reprendre le règlement mensuel de ses échéances contractuelles à compter de la signification de l'arrêt à intervenir ;

- à titre subsidiaire, de dire que la déchéance du terme du prêt prononcée par la banque lui est inopposable en présence d'un cas de force majeure et la déclarer nulle et sans effets,

- à titre infiniment subsidiaire, de lui accorder des délais de paiement et l'autoriser à apurer sa dette en 23 mensualités de 2 000 euros et une 24ème mensualité du solde ;

- de débouter la banque de l'ensemble de ses demandes à son encontre ;

- de la condamner à lui payer la somme de 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour le préjudice moral causé à ce dernier par cette déchéance du terme irrégulière prononcée en violation des clauses du contrat de crédit et la somme de 3 600 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



Visant l'article L. 311-24 du code de la consommation et la clause IV-9 du contrat litigieux, l'appelant indique n'avoir jamais été mis en demeure de payer avant que soit prononcée la déchéance du terme, la rendant ainsi irrégulière.



Subsidiairement il expose être tombé dans le coma et être resté alité plusieurs mois, et qualifie cette situation de cas de force majeur justifiant l'inexécution de son obligation de paiement. Il verse à cet égard des éléments relatifs à sa situation médicale. Plus subsidiairement il vise les articles D. 311-6 du code de la consommation et 1231-5 du code civil pour que soit relevé que le caractère excessif de l'indemnité de 8 % et souligne que la banque ne fait état d'aucun préjudice. Il réclame des délais de paiement conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil.



Par des conclusions remises le 12 avril 2021, la société Banque populaire demande à la cour :

- de confirmer en toutes ses dispositions le jugement sauf en ce qu'il a limité les intérêts au taux de 7,53 % et en ce qu'il a réduit la clause pénale,

- de constater que la déchéance du terme a été régulièrement prononcée,

- subsidiairement, de prononcer la résiliation du contrat de prêt en raison de la faute de M. [D],

- à titre infiniment subsidiaire, si la cour estimait que la déchéance du terme n'avait pas été valablement prononcée, de débouter M. [D] de sa demande de suspension des échéances, de le condamner au paiement des échéances impayées entre le 1er janvier 2018 et la date de l'arrêt à intervenir, soit la somme de 31 229,25 euros arrêtée au 31 mars 2021, à parfaire et de le condamner à reprendre les échéances du prêt selon l'échéancier contractuel,

- de débouter M. [D] de l'ensemble de ses demandes,

- de condamner M. [D] à lui payer la somme de 53 465,40 euros en principal, outre intérêts au taux de 7,85 % à compter du 20 août 2018 jusqu'au jour du parfait paiement,

- de condamner M. [D] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.



L'intimée souligne que l'absence de toute contestation par l'appelant relative à la validité du contrat de crédit constitue une reconnaissance de sa régularité. Visant les articles 1103 et 1344 du code civil ainsi que le paragraphe « Exigibilité anticipée, déchéance du terme » du contrat litigieux, elle indique que la défaillance de l'emprunteur dans le remboursement de son prêt a été suivie d'une mise en demeure de régulariser sa situation par une lettre envoyée le 20 août 2018. Elle relève en tout état de cause au visa des articles 1224 et suivants du code civil, que l'inexécution de son obligation contractuelle de paiement par l'emprunteur justifie sa demande de résiliation judiciaire du contrat.





La banque soutient que les difficultés de santé de l'emprunteur ne constituent pas un cas de force majeure, puis relève que la demande indemnitaire de l'appelant pour « préjudice moral » n'est nullement étayée d'autant qu'aucune faute ne lui est imputable.



Visant l'article 1342-10 du code civil elle produit un décompte de sa créance et réclame le paiement de l'indemnité légale prévue par les articles L. 311-24 et D. 311-6 du code de la consommation, injustement réduite. Elle rappelle enfin que l'octroi de délai de paiement prévus par l'article 1343-5 du code civil est subordonné à la bonne foi du débiteur, ce qui n'est pas le cas en l'espèce puisque l'appelant, qui a déjà bénéficié de larges délais de paiement de fait, n'a effectué aucun versement depuis janvier 2018.



Pour un plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, il est renvoyé aux écritures de celles-ci conformément aux dispositions de l'article 455 du code de procédure civile.



L'ordonnance de clôture a été rendue le 11 janvier 2022 et l'affaire a été appelée à l'audience le 23 mars 2022.






MOTIFS DE LA DÉCISION



En l'absence de toute contestation, il n'y a lieu de constater que l'action n'est pas forclose et que l'intimée justifie de ses obligations précontractuelles.



Le contrat litigieux ayant été conclu le 27 février 2015, le premier juge a, à juste titre, fait application des dispositions du code de la consommation dans leur rédaction postérieure à l'entrée en vigueur de la loi n° 2010-737 du 1er juillet 2010 et antérieure à l'entrée en vigueur de l'ordonnance n° 2016-301 du 14 mars 2016.





Sur la régularité du prononcé de la déchéance du terme



Pour fonder sa demande de paiement, l'appelante se prévaut d'une déchéance du terme prononcée le 20 août 2018, selon l'historique du compte. Elle produit une lettre de mise en demeure recommandée du même jour exigeant le règlement sous huit jours le règlement de la somme de 53 465,40 euros à défaut de poursuites judiciaires.



En application de l'article L. 311-24 devenu L. 312-39 du code de la consommation, dans sa version applicable au litige, en cas de défaillance de l'emprunteur, le prêteur pourra exiger le remboursement immédiat du capital restant dû, majoré des intérêts échus mais non payés. Jusqu'à la date du règlement effectif, les sommes restant dues produisent les intérêts de retard à un taux égal à celui du prêt. En outre, le prêteur pourra demander à l'emprunteur défaillant une indemnité qui, dépendant de la durée restant à courir du contrat et sans préjudice des anciens articles 1152 et 1231 du code civil, sera fixée suivant un barème déterminé par décret.



L'article L. 311-22-2 devenu L. 312-36 précise que dès le premier manquement de l'emprunteur à son obligation de rembourser, le prêteur est tenu d'informer celui-ci des risques qu'il encourt au titre de l'article L. 311-24.









Néanmoins, en application des articles 1134, 1147 et 1184 du code civil, dans leur version applicable au litige, il est désormais acquis que si le contrat de prêt d'une somme d'argent peut prévoir que la défaillance de l'emprunteur non commerçant entraînera la déchéance du terme, celle-ci ne peut, sauf stipulation expresse et non équivoque, être déclarée acquise au créancier sans la délivrance d'une mise en demeure restée sans effet, précisant le délai dont dispose le débiteur pour y faire obstacle.



Il ressort du contrat que les dispositions contractuelles (IV-9) prévoient l'envoi préalable d'une mise en demeure avant le prononcé de la déchéance du terme.



Il convient de rappeler que la déchéance du terme ne peut être prononcée que par le prêteur, sous certaines conditions.



Or la société Banque populaire n'a produit qu'une mise en demeure de payer du 20 août 2018 réclamant l'intégralité du solde du prêt sans mentionner le prononcé de la déchéance du terme. Elle ne justifie par ailleurs d'aucun courrier d'information et d'alerte et n'a accordé aucun délai de régularisation avant le prononcé de la déchéance du terme.



Ce courrier et l'assignation ne peuvent donc valoir mise en demeure préalable au prononcé de la déchéance du terme. Cette absence d'avertissement constitue un manquement à l'article L. 311-22-2 précité.



Il en résulte que la déchéance du terme n'a pu régulièrement intervenir.





Sur la demande subsidiaire de résiliation judiciaire



L'intimée a réclamé subsidiairement, par conclusions du 8 septembre 2020, le prononcé de la résiliation du contrat sur le fondement de l'article 1184 du code civil.



Pour s'y opposer, M. [D] invoque de graves problèmes de santé qui lui ont imposé d'être hospitalisé du 23 septembre 2018 au 11 mars 2019, estimant que ce cas de force majeure l'a placé dans l'incapacité de remplir ses obligations contractuelles. Il réclame la suspension des échéances.



S'il justifie en effet de ses hospitalisations successives pendant près de six mois rendant difficile le respect de ses obligations, force est de constater que depuis janvier 2018 et postérieurement à son retour à son domicile en mars 2019, M. [D] n'a procédé à aucun versement au titre de son crédit, dont il ne conteste pas la régularité. Ce comportement témoigne d'une certaine mauvaise foi.



La défaillance avérée et persistante de M. [D] dans le remboursement de son crédit, depuis la mise en demeure du 20 août 2018, est suffisamment grave pour rejeter la demande de suspension et justifier que la résiliation du contrat soit prononcée en application de l'article 1184 ancien du code civil applicable au litige, avec effet au 8 septembre 2020, date de la demande.



Au vu du tableau d'amortissement, de l'historique du compte et du décompte de créance versés aux débats, la créance de la société Banque populaire s'établit comme suit :

- mensualités échues impayées : 5 605,25 euros

- capital restant dû : 44 314,96 euros

soit une somme de 49 920,21 euros, outre les intérêts au taux conventionnel de 7,53 % à compter du 8 septembre 2020, date de la demande de résiliation. Rien ne justifie l'application du TAEG réclamé par l'intimée puisque s'applique le taux débiteur annuel fixe mentionné au contrat.



Il est également réclamé une somme de 3 545,19 euros au titre de la clause pénale contractuelle de 8 % qui est conforme aux articles L. 311-24 et D. 311-6 du code de la consommation. Néanmoins, il apparaît que la banque est partiellement mal fondée en sa demande dans la mesure où elle a irrégulièrement et sans avertissement prononcé la déchéance du terme. Il convient d'y faire droit dans la seule limite de 500 euros qui portera intérêts au taux légal à compter du 8 septembre 2020.





Sur la demande reconventionnelle de dommages intérêts



Dans le dispositif de ses écritures, M. [D] réclame une somme de 2 000 euros à titre de dommages intérêts pour le préjudice moral causé par la déchéance du terme irrégulièrement prononcée.



Comme le souligne l'intimée, il n'est développé aucun motif ni fondement à l'appui de cette demande, qui est par conséquent rejetée.





Sur la demande de délais de paiement



En l'absence de tout justificatif concernant la situation actuelle du débiteur, au regard de l'ancienneté de la dette, de l'obtention de larges délais de fait et de l'absence de tout versement depuis janvier 2018, le jugement est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de délais de paiement.





PAR CES MOTIFS



LA COUR,



Statuant par arrêt contradictoire et en dernier ressort, mis à disposition au greffe,



Confirme le jugement en ce qu'il a condamné M. [P] [D] à payer à la société Banque populaire Rives de Paris la somme de 49 920,21 euros outre les intérêts au taux contractuel de 7,53 % et la somme de 500 euros au titre des frais irrépétibles et en ce qu'il'a rejeté la demande de délais de paiement ;



Le réforme pour le surplus ;



Statuant à nouveau dans cette limite,



Prononce la résiliation judiciaire du contrat de prêt signé le 27 février 2015, à effet du 8 septembre 2020 ;



Condamne M. [P] [D] à payer à la société Banque populaire Rives de Paris la somme de 500 euros au titre de la clause pénale, outre les intérêts au taux légal à compter du 8 septembre 2020 ;



Dit que la somme de 49 920,21 euros portera intérêts au taux conventionnel de 7,53 % à compter du 8 septembre 2020 ;



Rejette toute autre demande ;



Y ajoutant,



Condamne M. [P] [D] aux entiers dépens, dont distraction au profit de Me Coralie Goutail, avocate, conformément à l'article 699 du code de procédure civile ;



Condamne M. [P] [D] à payer à la société Banque populaire Rives de Paris la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.





La greffièreLe président

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