2 juin 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 20-17.440

Deuxième chambre civile - Formation restreinte hors RNSM/NA

Publié au Bulletin

ECLI:FR:CCASS:2022:C200577

Titres et sommaires

SECURITE SOCIALE - Cotisations - Majorations de retard - Réduction - Conditions - Bonne foi - Application dans le temps de l'article L. 114-17-1 du code de la sécurité sociale - Loi plus favorable - Applicabilité du principe de rétroactivité in mitius

Aux termes de l'article L. 114-17-1, II, 1°, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018, la pénalité mentionnée au I est due pour toute inobservation des règles de ce code, du code de la santé publique, du code rural et de la pêche maritime ou du code de l'action sociale et des familles ayant abouti à une demande, une prise en charge ou un versement indu d'une prestation en nature ou en espèces par l'organisme local d'assurance maladie, sauf en cas de bonne foi de la personne concernée. Ces dispositions, en tant qu'elles introduisent l'exception de bonne foi, doivent être regardées comme une loi nouvelle plus douce, immédiatement applicable aux pénalités prononcées, après sa date d'entrée en vigueur, pour des faits commis avant cette date. La bonne foi étant présumée, il appartient à l'organisme de sécurité sociale d'établir, en cas de contestation, la preuve de la mauvaise foi de l'assuré

Texte de la décision

CIV. 2

LM



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 2 juin 2022




Rejet


M. PIREYRE, président



Arrêt n° 577 F-B

Pourvoi n° V 20-17.440

Aide juridictionnelle totale en défense
au profit de Mme [I].
Admission du bureau d'aide juridictionnelle
près la Cour de cassation
en date du 26 avril 2021.

R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 2 JUIN 2022

La caisse primaire d'assurance maladie du Loiret, dont le siège est [Adresse 2], a formé le pourvoi n° V 20-17.440 contre le jugement rendu le 10 mars 2020 par le tribunal judiciaire d'Orléans (pôle social), dans le litige l'opposant à Mme [S] [I], domiciliée [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Dudit, conseiller référendaire, les observations de la SCP Foussard et Froger, avocat de la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret, de la SCP Gatineau, Fattaccini et Rebeyrol, avocat de Mme [I], et l'avis de M. de Monteynard, avocat général, après débats en l'audience publique du 12 avril 2022 où étaient présents M. Pireyre, président, Mme Dudit, conseiller référendaire rapporteur, Mme Taillandier-Thomas, conseiller doyen, et Mme Aubagna, greffier de chambre,

la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon le jugement attaqué (tribunal judiciaire d'Orléans, 10 mars 2020), rendu en dernier ressort, à la suite d'un contrôle ayant révélé une omission déclarative, la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret (la caisse) a notifié à Mme [I] (l'assurée), bénéficiaire de la couverture maladie universelle complémentaire, par lettre du 30 août 2018, un indu d'un montant de 228,38 euros correspondant aux années 2015 et 2016, et, par lettre du 31 août 2018, une pénalité.

2. L'assurée a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale aux fins d'annulation de la pénalité.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La caisse fait grief au jugement d'annuler la pénalité, alors :

« 1°/ que toute inobservation des règles du code de la sécurité sociale ayant abouti à une demande, une prise en charge ou un versement indu d'une prestation en nature ou en espèces par l'organisme de sécurité sociale peut donner lieu à l'infliction d'une pénalité ; qu'en retenant, pour annuler la pénalité, que la mauvaise foi de l'assurée n'était pas établie, les juges du fond, qui ont ajouté une condition à la loi, ont violé les articles L. 162-1-14 et L. 114-17-1 du code de la sécurité sociale, dans leurs rédactions applicables à l'époque des faits ;

2°/ que toute inobservation des règles du code de la sécurité sociale ayant abouti à une demande, une prise en charge ou un versement indu d'une prestation en nature ou en espèces par l'organisme de sécurité sociale, sauf en cas de bonne foi de l'assuré, peut donner lieu à l'infliction d'une pénalité ; qu'il appartient à l'assuré de rapporter la preuve de sa bonne foi ; qu'en retenant, pour annuler la pénalité, que la mauvaise foi de l'assurée n'était pas établie, les juges du fond ont violé l'article L. 114-17-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable à la date de la pénalité, ensemble l'article 1353 [1315 ancien] du code civil ;

3°/ que l'ensemble des ressources perçues par les membres du foyer, prises en compte pour la détermination du droit à la protection complémentaire en matière de santé, doit donner lieu à déclaration ; qu'en annulant la pénalité, quand ils constataient l'existence des versements sur le livret de caisse d'épargne de la fille de l'assurée, non déclarés par cette dernière, au motif inopérant que l'on ignorait l'origine et la destination des fonds, les juges du fond ont violé les articles L. 861-1 et R. 861-4 du code de la sécurité sociale ;

4°/ que dès lors qu'était établie l'existence des versements dont se prévalait la caisse pour justifier de la méconnaissance par l'assurée de ses obligations déclaratives, il appartenait à l'assuré de justifier de l'origine et de la destination des fonds ; qu'en annulant la pénalité, au motif que l'on ignorait l'origine et la destination des fonds, les juges du fond, qui ont fait peser la charge et le risque de la preuve sur la caisse, ont violé les articles L. 861-1 et R. 861-4 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 1353 [1315 ancien] du code civil. »

Réponse de la Cour

4. Aux termes de l'article L. 114-17-1, II, 1°, du code de la sécurité sociale, dans sa rédaction issue de la loi n° 2018-727 du 10 août 2018, la pénalité mentionnée au I est due pour toute inobservation des règles de ce code, du code de la santé publique, du code rural et de la pêche maritime ou du code de l'action sociale et des familles ayant abouti à une demande, une prise en charge ou un versement indu d'une prestation en nature ou en espèces par l'organisme local d'assurance maladie, sauf en cas de bonne foi de la personne concernée.

5. Ces dispositions, en tant qu'elles introduisent l'exception de bonne foi, doivent être regardées comme une loi nouvelle plus douce, immédiatement applicable aux pénalités prononcées, après sa date d'entrée en vigueur, pour des faits commis avant cette date.

6. La bonne foi étant présumée, il appartient à l'organisme de sécurité sociale d'établir, en cas de contestation, la preuve de la mauvaise foi de l'assuré.

7. C'est par une appréciation souveraine des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que le tribunal, par une décision motivée, a jugé que la mauvaise foi n'était pas établie.

8. Le moyen, inopérant en sa première branche, n'est, dès lors, pas fondé pour le surplus.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du deux juin deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie du Loiret

Le jugement attaqué encourt la censure ;

EN CE QU' il a constaté qu'il n'est pas démontré l'existence d'une fraude commise par Mme [I] et annulé la pénalité financière notifiée à Mme [I] par courrier du 31 août 2018 ;

AUX MOTIFS QU' « il convient de constater en premier lieu que Madame [I] est divorcée de son conjoint par jugement du tribunal de grande instance de Montargis en date du 23 septembre 2015 ; qu'il apparaît que les versements pris en compte, pendant la période du 1er septembre 2015 au 30 septembre 2016, par la caisse primaire d'assurance-maladie concernant le livret caisse d'épargne de [K], fille de Madame [I] ; que la lecture des relevés de mouvements fait apparaître une très grande régularité de versement avec des débits immédiats ; que rien ne permet de connaître l'origine des mouvements, soit le père, soit la mère, alors que s'agissant d'un enfant mineur les deux parents ont des droits équivalents sur ce livret au moins en utilisation ; que la simple existence de ces mouvements de fonds ne permet pas de démontrer l'origine des fonds et leur destination et bénéficiaire et qu'ainsi une faute commise par Madame [I] n'est pas établie ; qu'en conséquence, alors que la mauvaise foi de Madame [I] n'est pas établie, il convient de faire droit à la demande de Madame [I] et d'annuler la pénalité financière prononcée » ;

ALORS QUE, premièrement, toute inobservation des règles du code de la sécurité sociale ayant abouti à une demande, une prise en charge ou un versement indu d'une prestation en nature ou en espèces par l'organisme de sécurité sociale peut donner lieu à l'infliction d'une pénalité ; qu'en retenant, pour annuler la pénalité, que la mauvaise foi de Mme [I] n'était pas établie, les juges du fond, qui ont ajouté une condition à la loi, ont violé les articles L. 162-1-14 et L. 114-17-1 du code de la sécurité sociale, dans leurs rédactions applicables à l'époque des faits ;

ALORS QUE, deuxièmement, et subsidiairement, toute inobser-vation des règles du code de la sécurité sociale ayant abouti à une demande, une prise en charge ou un versement indu d'une prestation en nature ou en espèces par l'organisme de sécurité sociale, sauf en cas de bonne foi de l'assuré, peut donner lieu à l'infliction d'une pénalité ; qu'il appartient à l'assuré de rapporter la preuve de sa bonne foi ; qu'en retenant, pour annuler la pénalité, que la mauvaise foi de Mme [I] n'était pas établie, les juges du fond ont violé l'article L. 114-17-1 du code de la sécurité sociale, dans sa version applicable à la date de la pénalité, ensemble l'article 1353 [1315 ancien] du code civil ;

ALORS QUE, troisièmement, l'ensemble des ressources perçues par les membres du foyer, prises en compte pour la détermination du droit à la protection complémentaire en matière de santé, doit donner lieu à déclaration ; qu'en annulant la pénalité, quand ils constataient l'existence des versements sur le livret de caisse d'épargne de la fille de Mme [I], non déclarés par cette dernière, au motif inopérant que l'on ignorait l'origine et la destination des fonds, les juges du fond ont violé les articles L. 861-1 et R. 861-4 du code de la sécurité sociale ;

ALORS QUE, quatrièmement, et en tout état, dès lors qu'était établie l'existence des versements dont se prévalait la Caisse pour justifier de la méconnaissance par l'assurée de ses obligations déclaratives, il appartenait à l'assuré de justifier de l'origine et de la destination des fonds ; qu'en annulant la pénalité, au motif que l'on ignorait l'origine et la destination des fonds, les juges du fond, qui ont fait peser la charge et le risque de la preuve sur la Caisse, ont violé les articles L. 861-1 et R. 861-4 du code de la sécurité sociale, ensemble l'article 1353 [1315 ancien] du code civil.

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