1 juin 2022
Cour d'appel de Paris
RG n° 20/05480

Pôle 5 - Chambre 6

Texte de la décision

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS







COUR D'APPEL DE PARIS



Pôle 5 - Chambre 6



ARRET DU 01 JUIN 2022



(n° , 12 pages)



Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 20/05480 - N° Portalis 35L7-V-B7E-CBV2Z



Décision déférée à la Cour : Jugement du 03 Février 2020 -TJ hors JAF, JEX, JLD, J. EXPRO, JCP de PARIS RG n° 18 / 02025





APPELANT



Monsieur [T] [C]

né le 17 Mai 1983 à KINSHASA (RDC)

7, Avenue des Tilleuls

77290 MITRY-MORY



Représenté par Me Sandra OHANA de l'AARPI OHANA ZERHAT, avocat au barreau de PARIS, toque : C1050





INTIMEES



Madame [K] [L] divorcée [B], de nationalité française

née le 08 Octobre 1965 à PARIS

6, croix de la Molède

12600 THERONDELS



Représentée par Me Michel-alexandre SIBON de l'AARPI FOURNIER LABAT-SIBON ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0204



S.A. BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS

prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités audit siège.

76-78 avenue de France

75204 PARIS CEDEX 13

N° SIRET : 552 00 2 3 13



Représentée par Me Yves-marie RAVET de la SELARL RAVET & ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, toque : P0209





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue le 04 Avril 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :



Madame Pascale SAPPEY-GUESDON, faisant fonction de Président

Mme Pascale LIEGEOIS, Conseillère

Mme Florence BUTIN,Conseillère



qui en ont délibéré, un rapport a été présenté à l'audience par Mme Pascale LIEGEOIS, Conseillère dans les conditions prévues par l'article 804 du code de procédure civile.





Greffier, lors des débats : Madame Anaïs DECEBAL







ARRET :



- CONTRADICTOIRE



- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.



- signé par Pascale SAPPEY-GUESDON, faisant fonction de Président et par Anaïs DECEBAL, Greffière, présent lors de la mise à disposition.






*

* *



Le 20 avril 2017, M. [T] [C] et M. [S] [B] ont créé la société par actions simplifiée Be My Bee ayant pour objet de créer un réseau social de livraison collaborative, chacun d'eux détenant 2 500 actions d'une valeur nominale d'un euro chacune. Le capital a été libéré à hauteur de 50 %, soit 1 250 euros par actionnaire et M. [S] [B] a été désigné comme président de la société.



La société Be my Bee a ouvert un compte dans les livres de la société Banque populaire rives de Paris, agence Paris-La Villette, dont Mme [K] [L] divorcée [B], mère de M. [S] [B], était la directrice.



Par acte sous signature privée du 15 mai 2017, M. [T] [C] a, d'une part cédé 1 000 actions à Mme [K] [L] pour un prix total de 500 euros et, d'autre part cédé 1 500 actions à M. [S] [B] pour un prix total de 750 euros.



Les actes de cession ont été enregistrés le 30 mai 2017.



Par courrier électronique du 11 août 2017, M. [T] [C] a demandé à M. [S] [B] de lui transmettre, pour ses archives, les actes de cession, le procès-verbal d'assemblée générale des associés de la société Be My Bee et la feuille de présence y afférente.



Par courriers recommandés avec avis de réception du 27 novembre 2017, le conseil de M. [T] [C] a mis en demeure Mme [K] [L] divorcée [B] et son employeur, la société banque populaire rives de Paris d'avoir à lui payer la somme de 5 140 000 euros aux motifs que son consentement à la cession d'actions lui avait été extorqué par violence.



Par courrier du 11 décembre 2017, Mme [K] [L] a dénié toute responsabilité et contesté les faits reprochés.



Par acte d'huissier de justice en date du 6 février 2018, M. [T] [C] a assigné Mme [K] [L] et la société Banque populaire rives de Paris en qualité d'employeur de celle-ci en responsabilité, devant le tribunal de grande instance (devenu tribunal judiciaire ) de Paris.



Par jugement en date du 3 février 2020, le tribunal judiciaire de Paris a :



-débouté M. [T] [C] de toutes ses demandes,

-déclaré irrecevable la demande de la banque de condamnation de M. [T] [C] à une amende civile,

-rejeté la demande en paiement de dommages-intérêts de la société Banque populaire rives de Paris,

-condamné M. [T] [C] à payer à Mme [K] [L], divorcée [B], la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérêts,

-condamné M. [T] [C] aux dépens dont distraction au profit de l'avocat de Mme [K] [L],

-condamné M. [T] [C] à payer à la société Banque populaire rives de Paris la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

-condamné M. [T] [C] à payer à Mme [K] [L], divorcée [B], la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile,

-ordonné l'exécution provisoire.





Par déclaration remise au greffe de la cour le 18 mars 2020, M. [T] [C] a interjeté appel de ce jugement en critiquant chacun de ses chefs à l'encontre de Mme [K] [L] et de la société Banque populaire rives de Paris sauf en ce qu'il a déclaré irrecevable la demande d'amende civile.



Dans ses dernières conclusions notifiées le 17 juin 2020, M. [T] [C] demande à la cour :



Vu l'article 1240 et suivants du Code Civil ;



DIRE ET JUGER recevable son appel ;



Y faisant droit :



INFIRMER le jugement rendu le 3 février 2020 par le tribunal Judiciaire en ce qu'il l'a débouté de ses demandes formées à l'encontre de Madame [K] [L] (divorcée [B]), à titre de dommages et intérêts, alors que le Tribunal avait considéré, sans tirer les conséquences de ses propres constatations, que cette dernière s'était livrée à un abus de fonctions caractérisé ;



INFIRMER le jugement rendu le 3 février 2020 par le tribunal Judiciaire en ce qu'il l'a condamné à payer à Madame [K] [L] (divorcée [B]), une somme de 2.000,00 € à titre de dommages et intérêts, alors que le Tribunal avait considéré, sans tirer les conséquences de ses propres constatations, que cette dernière s'était livrée à un abus de fonctions caractérisé ;



INFIRMER le jugement rendu le 3 février 2020 par le tribunal Judiciaire en ce qu'il l'a condamné à payer à Madame [K] [L] (divorcée [B]), une somme de 3.000,00 € au titre de l'article 700 du CPC, alors que le Tribunal avait considéré, sans tirer les conséquences de ses propres constatations, que cette dernière s'était livrée à un abus de fonctions caractérisé ;



Statuant à nouveau :



CONFIRMER le jugement rendu le 3 février 2020 par le Tribunal Judiciaire de PARIS en ce qu'il a considéré que Madame [K] [L] (divorcée [B]), s'était livrée à un abus de fonction caractérisé ;



CONDAMNER Madame [K] [L] (divorcée [B]), à titre de dommages et intérêts, à lui payer une somme de 417.735,00 €, au titre de la perte de chance de percevoir des dividendes dans la société BE MY BEE ;



CONDAMNER Madame [K] [L] (divorcée [B]), à titre de dommages et intérêts, à lui payer une somme de 139.245,00 € au titre de la perte de chance de vendre ses actions après le développement de l'activité de la société BE MY BEE ;



CONDAMNER Madame [K] [L] (divorcée [B]), à titre de dommages et intérêts, à lui payer une somme de 150.000,00 €, au titre de la perte de chance de vendre ses actions après le développement de l'activité de la société BE MY BEE ;



DEBOUTER Madame [K] [L] (divorcée [B]), de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions ;



CONDAMNER Madame [K] [L] (divorcée [B]), à lui payer à une somme de 2.000,00 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens ;





en faisant valoir que :



-il prend acte de ce que les premiers juges n'ont pas retenu la responsabilité de la société Banque populaire rives de Paris comme commettant comme à titre personnel mais qu'ils ont caractérisé, à juste titre, un abus de fonctions imputable à Mme [K] [L] dont ils auraient dû juger qu'il emportait nécessairement réparation du préjudice qui en a résulté pour lui,



-suite à cet abus de fonctions caractérisé, redoutant le fait que Mme [K] [L] ne vienne à utiliser ses pouvoirs et sa position pour compromettre le bon fonctionnement du compte de sa jeune société en plein développement s'il n'acceptait pas la cession ardemment sollicitée par la directrice de l'agence, il a préféré, sous emprise, renoncer à l'exploitation d'un concept novateur dont il était à l'origine, abandonnant ses actions à vil prix à celle-ci et à son fils, pour une somme dérisoire de 1.250 euros,



-ce faisant, il a perdu une chance de percevoir des dividendes à hauteur de 4.177.350,00 euros pour les trois premières années, comme le démontre le business plan qu'il produit ainsi qu'une chance de pouvoir céder ses actions dans cette société à fort potentiel à un prix très nettement supérieur à leur valeur nominale, après le développement de l'activité de la société, soit à hauteur de 1.392.450,00 euros, or la Cour de Cassation rappelle que toute perte de chance ouvre droit à réparation,



à supposer que le business plan établi pour le démarrage de l'entreprise ait été beaucoup trop ambitieux, « volontariste » et « optimiste » comme l'ont considéré les premiers juges, il propose de retenir le dixième de ces sommes, soit 417.735 euros au titre de la perte de chance de percevoir des dividendes dans la société BE MY BEE et 139.245 euros au titre de la perte de chance de vendre ses actions après le développement de l'activité de la société BE MY BEE,





-lorsque la cession de ses actions est intervenue au profit de Mme [K] [L] et de son fils [S], celle-ci n'a pas hésité à procéder à la clôture du compte bancaire de la société [R], dont il étant associé avec M. [H] et ce alors même que ce dernier était créditeur d'une somme de plus de 38.000 euros et à couper les accès internet au compte bancaire de la société de sorte que s'il n'avait pas procédé à la cession sollicitée, la directrice de l'agence n'aurait pas manqué d'abuser à nouveau de ses fonctions pour se livrer à de plus amples représailles, ce qui justifie l'indemnisation de son préjudice moral à hauteur de 150 000 euros,



-alors qu'il avait considéré que Mme [K] [L] avait manqué à ses obligations et agi de manière fautive, le tribunal ne pouvait sans se contredire lui reprocher d'avoir dénoncer ces faits à l'employeur de celle-ci et le condamner à lui payer des dommages-intérêts.





Dans ses dernières écritures notifiées le 23 juillet 2020, la société Banque populaire rives de Paris demande à la cour de :



Vu l'article 910-4 du Code de procédure civile :



Constater la force de la chose jugée et le caractère définitif du jugement de première instance, à défaut de Monsieur [C] d'en avoir demandé l'infirmation, au titre des dispositions ayant :



- Débouté Monsieur [C] de ses demandes à l'encontre de la BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS.

- Condamné Monsieur [C] à payer à la BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS la somme de 3.000 € en application de l'article 700 du Code de procédure civile.



Sur l'appel incident,



Vu les articles 1241 et 1242 du Code civil,



Infirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation de la BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS formulée contre Monsieur [T] [C].



Statuant à nouveau sur cette prétention,



Constater que Monsieur [T] [C] a tenté, par des allusions à une publicité de l'affaire, d'obtenir des sommes dont le paiement n'est justifié par aucun fondement juridique.



Condamner Monsieur [T] [C] à payer à la BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS la somme de 15.000,00 € à titre de dommages et intérêts.



En tout état de cause,



Condamner Monsieur [T] [C] à payer à la BANQUE POPULAIRE RIVES DE PARIS la somme de 5.000,00 € sur le fondement de l'article 700 du Code de procédure civile,



Condamner Monsieur [T] [C] aux entiers dépens,





en faisant valoir que :



-M. [T] [C] ne demande pas l'infirmation du jugement en ce qu'il l'a débouté de ses demandes formulées à l'encontre de la banque de sorte que les dispositions du jugement qui ont rejeté ses prétentions contre elle sont définitives,



-M. [T] [C] a mis abusivement en cause la banque pour des agissements de sa préposée qui en tout état de cause ne pouvait engager la responsabilité de son commettant en application de l'article 1242 al. 5 du code civil,



-les agissements reprochés à Mme [K] [L] sont extérieurs à la mission de directrice d'agence qui lui a été confiée par son employeur et elle a agi de manière totalement personnelle, il est en effet patent que les agissements qui lui sont reprochés ne sont pas liés à sa qualité de directrice d'agence, mais à sa qualité de mère de M. [S] [B], ce qui n'a pu échapper à M. [T] [C], de sorte que l'employeur, qui n'a en rien profité desdits agissements et qui n'y est pas associé, devait être mise hors de cause,



-par ailleurs, l'utilisation par Mme [K] [L] de sa messagerie professionnelle ne pouvait constituer, à elle seule, un élément suffisant pour mettre en 'uvre la responsabilité du commettant, M. [T] [C] a pris le prétexte de ces courriels pour soutenir que la banque serait engagée dans la cession de ses actions à Mme [K] [L] et à son fils alors même que le faible nombre de courriels échangés ainsi que le caractère particulièrement succinct de leur contenu démontre qu'ils ne pouvaient constituer qu'une infime partie des négociations intervenues entre M. [T] [C] et les consorts [B] et qu'ils ne permettent pas de retenir, en tout état de cause, la moindre implication de la banque dans la cession d'actions litigieuse,



-M. [T] [C] a également invoqué une immixtion de la banque dans les affaires de sa société ainsi que l'absence de procédure de contrôle mais il a été dans l'impossibilité de faire valoir des faits qui seraient constitutifs d'une gestion, par la banque, de la société BE MY BEE, ni de démontrer que la banque aurait dû tenue à un contrôle de la vie personnelle de ses employés comme il n'a pas plus rapporté la preuve de la moindre pression ou contrainte,



-les préjudices invoqués reposent exclusivement sur un business plan établi par la société BE MY BEE elle-même sans le moindre critère comptable, qui apparait totalement fantaisiste et dénué de portée,



-l'action de M. [T] [C] se discrédite ainsi par elle-même, tant au titre des fautes alléguées que par les montants exorbitants sollicités,



-sa mise en cause est totalement artificielle et repose sur des fondements non applicables au cas d'espèce, en particulier s'agissant des contrôles internes faisant référence à l'affaire [Z], de tels moyens, associés à des demandes de dommages et intérêts particulièrement élevées, ont été uniquement soulevés par M. [T] [C] pour tenter d'impressionner la banque et d'amener cette dernière à transiger, ainsi plus qu'un abus de droit, aux termes de son courrier de mise en demeure du 27 novembre 2017, M. [T] [C], par l'intermédiaire de son conseil, a procédé par voie de menace et a engagé sa responsabilité civile en tentant de l'intimider,



-en associant des prétentions totalement infondées, telles que l'extorsion et les menaces d'une plainte pénale, à des allusions sur une éventuelle publicité de l'affaire susceptible de nuire à sa réputation M. [T] [C] a ainsi tenté d'obtenir un accord transactionnel dans des conditions désavantageuses pour la banque ce qui lui a causé un préjudice devant être réparé à hauteur de 15 000 euros.











Dans ses dernières écritures notifiées le 4 septembre 2020, Mme [K] [L] divorcée [B] demande à la cour de :



Vu le nouvel article 1353 du Code Civil, ensemble l'article 9 du Code de Procédure Civile,

Vu le nouvel article 1240 du Code Civil,

Vu les articles 700, 696 et 699 du Code de Procédure Civile,

Vu le Jugement du Tribunal Judiciaire de Paris du 3 février 2020,



DECLARER Madame [K] [L] recevable et bien fondée en ses moyens de défense, fins et conclusions,



DECLARER Monsieur [T] [C] recevable mais mal fondé en son appel,



CONFIRMER le Jugement du Tribunal Judiciaire de PARIS du 3 février 2020 en ce qu'il a :



' Débouté Monsieur [T] [C] de toutes ses demandes ;



' Condamné [T] [C] à payer à [K] [L], divorcée [B], la somme de 2.000,00 € à titre de dommages-intérêts ;



' Condamné [T] [C] aux entiers dépens ;



' Autorisé Maître Michel-Alexandre SIBON, avocat aux offres de droit, à recouvrer les dépens dont il aurait fait l'avance sans en avoir obtenu provision conformément aux dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile ;



' Condamné [T] [C] à payer à [K] [L], divorcée [B], la somme de 3.000,00 € en application de l'article 700 du Code de Procédure Civile ;



Y ajoutant,



CONDAMNER Monsieur [T] [C] à payer à Madame [K] [B] la somme de 4.000 € au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile (cause d'appel) ;



CONDAMNER Monsieur [T] [C] aux entiers dépens d'appel, lesquels pourront être recouvrés s'il y a lieu par Maître Michel-Alexandre SIBON, avocat constitué,



en faisant valoir que :



-M. [T] [C] a changé de fondement juridique devant la cour puisqu'il lui reprochait devant les premiers juges des fautes pénales intentionnelles dans l'exercice de ses fonctions lui ayant causé préjudice que les premiers juges ont a juste titre écartées et lui reproche désormais un abus de fonctions retenu par les premiers juges si ce n'est que ceux-ci ont écarté le lien de causalité entre un tel abus et les préjudices allégués au titre des deux pertes de chance invoquées par le demandeur, non sans avoir préalablement conclu à l'absence de préjudice certain et actuel,



-si elle a pu faire preuve d'une certaine légèreté en utilisant à quatre reprises sa messagerie Banque Populaire pour des motifs personnels, il ressort des éléments objectifs du débat que l'objet des messages échangés par courriers électroniques ressortait du domaine privé sans qu'il ne soit jamais fait mention de ses titre et qualité autrement que par la signature générée automatiquement par les courriels en provenance de sa boite mail et que le corps des messages ainsi échangés ne fait ressortir aucune pression de quelque nature que ce soit, et moins encore en lien avec la nature de ses fonctions de sorte qu'aucune faute civile ne peut être retenue à son encontre,



-outre l'absence de faute qui lui soit imputable en lien avec le préjudice allégué, M. [T] [C] n'en démontre pas plus en cause d'appel qu'en première instance le caractère certain et actuel dans le cadre d'une perte de chance,



-le fait de lui adresser une mise en demeure en l'accusant sans le moindre fondement de deux infractions pénales d'une particulière gravité procède d'une intention malveillante ouvrant droit à réparation en ce que de tels agissements ont porté atteinte à sa réputation de salariée et lui ont nécessairement causé un préjudice à raison de la crainte de la réaction de son employeur et c'est par des motifs pertinents que le tribunal a considéré devoir faire droit à sa demande indemnitaire.





L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 février 2022.






MOTIFS DE LA DECISION





Sur l'appel principal de M. [T] [C]



En application de l'article 1382, devenu 1240, du code civil dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance 2016-131 du 10 février 2016, tout fait quelconque de l'homme, qui cause à autrui un dommage, oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer.



Il résulte des pièces produites que Mme [K] [L], alors qu'elle occupait le poste de directrice de l'agence bancaire Banque populaire rives de Paris de Paris-La Villette a utilisé sa messagerie professionnelle avec le " pavé de signature" généré automatiquement indiquant ses nom, prénom, coordonnées professionnelles et ses fonctions de directrice d'agence, à quatre reprises.



Aux termes du premier courrier, du 11 mai 2017 à 8H08, adressé à M. [U] [H], associé de M. [T] [C] dans une autre entité, la société [R] ayant ses comptes bancaires dans l'agence dirigée par Mme [K] [L], et ayant pour objet

" PERSONNEL" celle-ci écrit :



" [M] [U],

Voici les docs à faire signer à [T] s'il est ok. 4 exemplaires de chaque (1 pour chaque associé + greffe. Signature originale stp. Je croise les doigts. Bie (sic) cordialement "



Le deuxième courrier en date du 22 mai 2017 à 9H07 a pour objet " CESSIONS ", il est adressé à M. [T] [C] et indique : "[M],

Comme convenu l'acte de cession régularisé. Bonne réception. Cordialement. "



Le troisième courrier, en date du 11 août 2017 à 19H43, est adressé à M. [T] [C], avec son fils M. [S] [B] en copie, mentionne : " [D], Je récupère les documents ce week-end et vous adresse le tout mercredi. Cordialement. "



Le quatrième message, enfin, adressé à M. [T] [C], avec M. [S] [B] en copie, en date du 16 août 2017 à 12H59 indique : " [M], en pièce jointe le PV et l'acte de cession ; il manque la feuille de présence qu'[S] (qui me lit en copie ) a déchiré et jeté. Cordialement. "



Comme ont retenu les premiers juges, il ne résulte du premier message, le seul qui est antérieur à la cession des parts de la société Be my Bee, aucune pression ou contrainte tant sur M. [U] [H] que sur M. [T] [C], Mme [K] [L] se bornant à transférer au second, par l'intermédiaire du premier, les pièces nécessaires à la formalisation de cette cession de parts par M. [T] [C] à son profit et à celui de son fils, Mme [K] [L] faisant au contraire état du fait qu'elle espère que M. [T] [C] sera d'accord pour cette cession.



Les trois autres messages adressés directement, cette fois, à M. [T] [C] se bornent à lui transmettre les actes de cession, puis à répondre à la demande faite le 11 août 2017 à 00H57 par celui-ci ainsi rédigée :



" [M] [S],

sauf erreur de ma part, je n'ai pas reçu ma copie des documents signé suivants :

Acte de Cession Actions à Mme [B]

Feuille de présence

PV AGE



merci de m'envoyé une copie ( scan ou courrier postale ), comme je l'ai stipulé à ta mère lors de la signature sans ta présence, il me faut garder des Archives pour toute transparence.

Cordialement,

[T]. "



Or, force est de constater qu'il ne résulte pas plus de ce message la moindre contestation de la validité des cessions de parts de la société Be my Bee formalisées le 15 mai 2017 ni le moindre élément sur une situation de contrainte dans laquelle se serait alors trouvé M. [T] [C].



En revanche, aux termes d'une attestation rédigée le 6 novembre 2017, M. [U] [H] indique en particulier :



-avoir subi de très fortes pressions de la part de la directrice de l'agence où il possède ses comptes professionnels et personnels plus précisément concernant la vente des parts de M. [T] [C] de la SAS Be my Bee au profit d'[S] [B], fils de la directice d'agence,



-avoir été pris à partie dans cette affaire et sollicité par Mme [B] pour convaincre M. [C] de céder ses parts gratuitement à [S] [B],



-que la directrice a usé de ses fonctions au sein du groupe banque populaire pour prendre en otage le crédit qui devait être octroyé à une de ses sociétés en difficulté: " si je ne réussissais pas à influencer la décision de MR [C] " et il dit regretter avoir poussé M. [C] à prendre la mauvaise décision contre ses intérêts au profit des siens pour sauver son entreprise et au profit de la directrice et de son fils car il a subi " trop de pressions, des dizaines d'appels téléphoniques en quelques jours et des menaces concernant le bon fonctionnement de mes comptes pro et perso ainsi que des promesses d'obtention d'un financement " de sorte que " acculé par toutes ces pressions " il a été obligé de se soumettre pour ne pas entacher sa relation avec la banque populaire et qu'il a donc usé de sa position d'associé pour mettre " une très forte pression sur MR [C] pour le pousser à faire le mauvais choix ",



-après avoir réussi à convaincre M. [C], la directrice n'a pas tenu ses engagements et il s'est rendu compte qu'il avait été utilisé et manipulé dans le seul but de récupérer les parts de cette entreprise.



Néanmoins, comme relevé par les premiers juges, la force probante de ce témoignage ne saurait être retenue alors que M. [U] [H], comme il l'indique lui-même à l'occasion de ce témoignage est dans des liens d'intérêts et d'alliance avec M. [T] [C] pour être associé minoritaire avec celui-ci de la société [R].



En outre, aucune des affirmations de M. [U] [H] n'est corroborée par la moindre pièce ou le moindre élément objectif versé aux débats, tant en ce qui concerne la preuve des nombreux appels téléphoniques qu'il aurait reçus de Mme [K] [L], que les promesses de financement faites par celle-ci puis non tenues, que les pressions qu'il aurait lui-même exercées sur M. [T] [C], M. [U] [H] faisant de plus référence à une cession à titre gratuit au profit des consorts [B] alors que ceux-ci ont acquis les 2 500 parts sociales de M. [T] [C] de la société Be my Bee au prix unitaire de 0,50 centime d'euro, soit pour un montant total de 1 250 euros.



Enfin, il résulte d'un échange de courriers électroniques entre Mme [K] [L] et M. [T] [C] que celle-ci l'a informé de la clôture des comptes de la société [R] et des produits et services accordés, que M. [T] [C] lui a demandé le 19 juillet 2017 de faire un virement de la totalité des fonds disponibles sur un autre compte de la société [R] ouvert dans les livres de la BRED, que Mme [K] [L] l'a informé le 20 juillet 2017 que ce virement aurait lieu dès que la société aurait reçu un remboursement de ces produits et services au prorata de leur utilisation et après paiement des frais et que M. [T] [C] a insisté par réponse du même jour pour avoir un virement immédiat des fonds ou en deux temps, en ajoutant :



" vous nous avez obligé à clôturer notre compte pour raison personnel, le compte [R] se portait très bien sans aucun incident, vous avez récupérer les parts de ma société et je sent (sic)que vous continué (sic) a vouloir nous mettre la pression.

Vous n'avez aucun droit de faire cela, nos actes (sic) internet au compte sont coupé.

Merci de faire partir le virement ce jour, notre patience et gentillesse dur (sic) depuis bien trop longtemps. "



Cependant, si ces éléments démontrent une rupture de la relation bancaire deux mois après la cession de ses parts de la société Be my Bee par M. [T] [C] à Mme [K] [L] et à son fils, entre la société Banque populaire rives de Paris et une autre société appartenant à M. [T] [C], la société [R], les propres affirmations de celui-ci, qui ne sont étayées par aucun élément objectif, ne suffisent pas plus à établir la réalité des pressions dont il fait état ni du lien qu'il opère entre la cession de parts litigieuse et la situation de la société [R].



A ce titre, il convient de relever que malgré la gravité des faits dénoncés par M. [U] [H] dans son attestation comme par M. [T] [C] dans son courrier du 27 novembre 2017 adressé tant à Mme [K] [L] qu'à son employeur, la société Banque populaire rives de Paris, imputant à la première des faits de faux et usage de faux en écriture comme dirigeante de fait de la société Be my Bee, d'abus de sa position de directrice d'agence et de pressions exercées tant sur lui que sur M. [U] [H] aucune plainte n'a été déposée auprès des autorités judiciaires.



Au vu de ces éléments, s'il peut être relevé que Mme [K] [L] a effectivement utilisé sa messagerie professionnelle pour l'envoi de quatre courriers relatifs à un projet personnel commun avec son fils, sans lien avec ses attributions de directrice d'agence, d'acquisition des parts sociales de la société Be my Bee auprès de M. [T] [C], cet usage ne caractérise pas une faute à l'égard de ce dernier, tenant à l'exercice d' une contrainte pour lui imposer cette cession.



Dès lors, en l'absence de faute démontrée, la responsabilité civile de Mme [K] [L] n'est pas engagée tant au titre du préjudice moral que du préjudice matériel évoqué par M. [T] [C].



Le jugement entrepris est donc confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes d'indemnisation formées par M. [T] [C] à l'encontre de Mme [K] [L].





Par ailleurs, c'est par des motifs pertinents que la cour adopte, que les premiers juges ont alloué Mme [K] [L] la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral compte tenu des accusations portées à son encontre par M. [T] [C] auprès de son employeur dans son courrier du 27 novembre 2017.



Enfin, les premiers juges ont, à bon droit, rejeté la demande en paiement de dommages-intérêts formée par la société Banque populaire rives de Paris laquelle ne justifie pas d'un préjudice ayant résulté pour elle du courrier du 27 novembre 2017 quand bien même ses termes peuvent manifestement être qualifiés de pressions en ce qu'ils indiquaient : " A ce jour M. [C] n'a pas encore déposé plainte pour les faits décrits ci-dessus, préférant privilégier une solution amiable en sollicitant uniquement réparation de ses préjudices " ou encore " Une telle solution éviterait également la publicité d'une procédure judiciaire à l'encontre de votre banque " avec mise en demeure d'adresser une somme de " 5 400 000 € en réparation des préjudices subis par M. [C] qui, en contrepartie, renonce à toute action à votre encontre ainsi qu'à l'encontre de Mme [B] et de son fils ", étant précisé que ce courrier émane de l'avocat de M. [T] [C].



Par ailleurs, le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile.



M. [T] [C], qui succombe en appel, supportera les dépens d'appel et ses frais irrépétibles.



En application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, il est inéquitable de laisser à la charge de Mme [K] [L] et de la société Banque populaire rives de Paris les frais non compris dans les dépens exposés en appel et il convient de condamner M. [T] [C] à payer à Mme [K] [L] la somme de 4 000 euros et à la société Banque populaire rives de Paris celle de 5 000 euros à ce titre.





PAR CES MOTIFS





La cour statuant dans les limites de l'appel,



CONFIRME le jugement déféré en ce qu'il rejette l'ensemble des demandes de M. [T] [C] formées à l'encontre de Mme [K] [L] divorcée [B], le condamne à payer à Mme [K] [L] divorcée [B] la somme de 2 000 euros à titre de dommages-intérets, en ce qu'il rejette la demande d'indemnisation de la société Banque populaire rives de Paris ainsi qu'en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile,



Y ajoutant,



CONDAMNE M. [T] [C] aux dépens d'appel qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par les avocats qui en ont fait la demande,



CONDAMNE M. [T] [C] à payer à Mme [K] [L] divorcée [B] la somme de 4 000 euros et à la société Banque populaire rives de Paris la somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.





LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT,

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