31 mai 2022
Cour d'appel d'Angers
RG n° 18/01103

Chambre A - Commerciale

Texte de la décision

COUR D'APPEL

D'ANGERS

CHAMBRE A - COMMERCIALE







SB/CG

ARRET N°:



AFFAIRE N° RG 18/01103 - N° Portalis DBVP-V-B7C-EKER



jugement du 29 Mars 2018

Tribunal de Commerce du MANS

n° d'inscription au RG de première instance 2017003922







ARRET DU 31 MAI 2022





APPELANT :



Monsieur [W] [P]

né le [Date naissance 2] 1981 à [Localité 5] (36)

[Adresse 1]

[Localité 4]



(bénéficie d'une aide juridictionnelle Partielle (55%) numéro 2018/007911 du 12/10/2018 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle d'ANGERS)



Représenté par Me Claire MURILLO de la SCP PIGEAU - CONTE - MURILLO - VIGIN, avocat au barreau du MANS



INTIMEE :



SA COFIDIS, agissant poursuites et diligences de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège social, venant aux droits de la SA GROUPE SOFEMO suite à une fusion absorption ayant effet au 1er octobre 2015

[Adresse 6]

[Localité 3]



Représentée par Me Sophie DUFOURGBURG, avocat postulant au barreau d'ANGERS - N° du dossier 18081 et par Me HELAIN de la SELARL HAUSSMANN KAINIC HASCOET HELAIN, avocat plaidant au barreau de l'ESSONNE





COMPOSITION DE LA COUR :



L'affaire a été débattue publiquement à l'audience du 28 Mars 2022 à 14H00, les avocats ne s'y étant pas opposés, devant M. BENMIMOUNE, Conseiller qui a été préalablement entendu en son rapport.



Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :



Mme CORBEL, Présidente de chambre

Mme ROBVEILLE, Conseillère

M. BENMIMOUNE, Conseiller



Greffière lors des débats : Mme TAILLEBOIS



ARRET : contradictoire



Prononcé publiquement le 31 mai 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions de l'article 450 du code de procédure civile ;



Signé par Catherine CORBEL, Présidente de chambre et par Sophie TAILLEBOIS, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.






~~~~







EXPOSE DU LITIGE :

Selon bon de commande du 30 août 2013, M. [W] [P] a acquis auprès de la société Atmosphère du Maine une installation photovoltaïque pour un montant de 22 000 euros.

Pour financer cette acquisition, M. [P] a souscrit un prêt auprès de la SA GROUPE SOFEMO pour un montant de 22 000 euros, remboursable en 180 mensualités au taux de 5,61 % l'an, selon une offre préalable acceptée le même jour.

Certaines échéances étant demeurées impayées, la SA COFIDIS, venant aux droits de la SA GROUPE SOFEMO, par une lettre recommandée avec demande d'avis de réception du 25 mars 2016, a prononcé la déchéance du terme de ce prêt et a mis en demeure l'emprunteur de lui payer une somme totale de 25 467,89 euros.

Par un acte d'huissier délivré en date du 9 novembre 2016, M. [P] a fait assigner la SA COFIDIS devant le tribunal d'instance de La Flèche afin de la voir condamner à lui payer des dommages et intérêts d'un montant équivalent au capital restant dû et aux échéances tant remboursées qu'impayées outre une somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral subi.

Pour s'y opposer, la SA COFIDIS a soulevé in limine litis l'incompétence de la juridiction saisie au profit du tribunal de commerce du Mans estimant que l'activité de producition et de vente d'électricité constitue un acte de commerce par nature de sorte qu'en application des dispositions de l'article L. 721-3 du code de commerce, le litige relevait de la compétence de la juridiction commerciale.

Par jugement rendu le 6 avril 2017, le tribunal d'instance de La Flèche retenant que le contrat de prêt litigieux relevait de la catégorie des actes de commerce par accessoire a accueilli cette exception d'incompétence et s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de commerce du Mans.

Devant le tribunal de commerce, la SA COFIDIS a demandé, à titre reconventionnel, la condamnation de M. [P] à lui payer les sommes restant dues en exécution du prêt litigieux ainsi qu'une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des manoeuvres frauduleuses commises par le demandeur.

Par jugement rendu le 29 mars 2018, le tribunal de commerce du Mans a :

- dit que le contrat de prêt signé entre la SA COFIDIS, venant aux droits de la SA GROUPE SOFEMO, et M. [P] est soumis aux dispositions du droit commun et non pas à celles du droit de la consommation,

- débouté M. [P] de ses demandes,

- condamné M. [P] à payer à la SA COFIDIS, venant aux droits de la SA GROUPE SOFEMO, la somme de 25 467,89 euros avec intérêts au taux contractuel de 5,61 % l'an à compter du présent jugement,

- dit qu'il n'y a pas lieu à application de l'anatocisme,

- débouté la SA COFIDIS, venant aux droits de la SA GROUPE SOFEMO, de sa demande de dommages et intérêts,

- rejeté les demandes formées au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ordonné l'exécution provisoire du jugement,

- condamné M. [P] aux entiers dépens de l'instance,

- débouté les parties de toutes leurs autres demandes.

A l'instar du tribunal d'instance de La Flèche, le tribunal de commerce a considéré que, dans la mesure où M. [P] ne démontrait pas que l'installation réalisée avait pour objet principal un usage domestique, le contrat de prêt constituait un acte de commerce accessoire au contrat de vente et d'installation des panneaux photovoltaïques justifiant l'exclusion des règles du droit de la consommation au profit du droit commun. Il a ensuite écarté toute responsabilité contractuelle de la banque estimant que la preuve d'un manquement à son obligation d'information, de conseil, ou de mise en garde n'était pas rapportée.

Par une déclaration au greffe reçue le 24 mai 2018, M. [P] a interjeté appel de l'ensemble des chefs de dispositif de ce jugement, intimant la SA COFIDIS, venant aux droits de la SA GROUPE SOFEMO.

M. [P] demande à la cour d'appel :

- d'infirmer le jugement en toutes ses dispositions,

statuant à nouveau,

- de juger que la SA SOFEMO a manqué à ses obligations d'information, de conseil et de vérification de la situation de l'emprunteur,

- de juger que la SA SOFEMO est responsable des manquements et fautes de son apporteur d'affaires, la SARL Atmosphère du Maine,

- de condamner la SA COFIDIS à lui payer des dommages et intérêts d'un montant équivalent au capital restant dû et aux échéances tant remboursées qu'impayées,

- à tout le moins, de déchoir la SA COFIDIS de son droit à remboursement et la condamner à lui restituer les échéances d'ores et déjà remboursées,

- de condamner la SA COFIDIS à lui payer une somme de 1 500 euros en réparation de son préjudice moral,

- de condamner la même à lui payer une somme de 2 000 euros au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ainsi qu'aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux règles de l'aide juridictionnelle.

La SA COFIDIS prie la cour d'appel :

- de déclarer irrecevables les conclusions prises dans l'intérêt de l'appelant en application des articles 960 et 961 du code de procédure civile,

- de déclarer M. [P] irrecevable en ses demandes et subsidiairement l'en débouter,

- de confirmer le jugement dont appel en toutes ses dispositions,

- de condamner M. [P] à lui payer une somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel qui seront recouvrés en application de l'article 699 du code de procédure civile.

Par ordonnance du 13 juin 2019, le magistrat chargé de la mise en état a dit qu'il n'entrait pas dans les pouvoirs du conseiller de la mise en état de statuer sur l'irrecevabilité des conclusions fondées sur les articles 960 et 961 du code de procédure civile ; a débouté la SA COFIDIS de sa demande de radiation et a fait injonction à M. [P], sous astreinte de 50 euros par jour de retard pendant le délai d'un mois, de communiquer à la SA COFIDIS le contrat le liant à la société lui rachetant l'électricité produite par le toit photovoltaïque ainsi que les factures justifiant des sommes qu'il a perçues depuis février 2014 au titre de la vente d'électricité dans un délai de 2 mois suivant la signification de la décision.

Pour un plus ample exposé des prétentions et moyens des parties il est renvoyé, en application des dispositions des articles 455 et 954 du code de procédure civile, à leurs dernières conclusions respectivement déposées au

greffe :

- le 9 août 2018 pour M. [P],

- le 12 décembre 2019 pour la SA COFIDIS (conclusions d'intimée n°3).

L'ordonnance de clôture est intervenue le 30 août 2021.




MOTIFS DE LA DÉCISION :



- Sur l'étendue de la saisine de la cour :

Aux termes de l'article 954, alinéa 3, du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

En l'espèce, il ne ressort pas du dispositif de ses dernières conclusions que l'intimée ait formé un appel incident à l'encontre du chef du dispositif du jugement critiqué l'ayant déboutée de sa demande de paiement d'une somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts de sorte que la cour d'appel ne se trouve pas saisie de cette demande soutenu dans la discussion des conclusions de cette dernière.



- Sur la recevabilité des conclusions de M. [P] :

Il résulte de l'article 961 du code de procédure civile que les conclusions des parties ne sont pas recevables tant que les indications mentionnées à l'alinéa 2 de l'article 960 n'ont pas été fournies, soit pour une personne physique, ses nom, prénoms, profession, domicile, nationalité, date et lieu de naissance.

S'il est exact que les conclusions de l'appelant notifiées le 9 août 2018 ne comportent pas l'intégralité des indications énumérées par l'article 960, alinéa 2, du code de procédure civile, il est constant que les indications contenues dans la déclaration d'appel peuvent, si leur exactitude n'est pas contestée, suppléer l'absence dans les conclusions de ces mentions d'identification. Or, la déclaration d'appel reçue au greffe en date du 24 mai 2018 contient l'ensemble des énonciations d'identification nécessaires sans que leur exactitude ne soit contestée par l'intimée.

Partant, la fin de non-recevoir alléguée, qui n'est pas encourue, doit être rejetée. Les conclusions d'appelant notifiées le 24 mai 2018 seront donc déclarées recevables.



- Sur l'irrecevabilité tirée de la chose jugée du jugement rendu par le tribunal d'instance de La Flèche en date du 6 avril 2017 quant à la qualification du contrat de prêt litigieux :

La SA COFIDIS soutient que l'autorité de la chose jugée attachée au jugement définitif rendu le 6 avril 2017 s'oppose à ce que M. [P] remette en cause la qualification d'acte de commerce par accessoire du prêt litigieux ayant conduit le tribunal à écarter l'application des dispositions du droit de la consommation. Elle souligne que l'article L. 311-52 du code de commerce donne compétence exclusive au tribunal d'instance pour appliquer les dispositions du code de la consommation de sorte que la cour d'appel investie, par l'effet dévolutif de l'appel, des seuls pouvoirs du tribunal de commerce ne peut donc statuer comme si elle disposait de ceux du tribunal d'instance.

Toutefois, il découle de l'application combinée des articles 77 et 95 du code de procédure civile, dans leur rédaction application à la cause, que c'est seulement lorsque le juge a, en se prononçant sur la compétence, tranché dans le dispositif du jugement la question de fond dont dépend cette compétence que le jugement a autorité de la chose jugée sur cette question de fond.

Dès lors, le tribunal d'instance s'étant borné dans le dispositif de son jugement irrévocable rendu le 6 avril 2017 à se déclarer incompétent au profit du tribunal de commerce du Mans, la qualification d'acte de commerce retenue s'agissant du prêt litigieux n'est pas revêtue de l'autorité de la chose jugée.

Dans ces conditions, ce jugement n'ayant autorité de la chose jugée qu'en ce qu'il désigne le tribunal de commerce du Mans comme juridiction compétente pour trancher le litige, l'appelant est recevable à contester la qualification d'acte de commerce par accessoire retenue à l'égard du contrat de prêt litigieux afin de se prévaloir de l'application des dispositions du droit de la consommation, étant précisé que l'effet dévolutif de l'appel ne s'oppose aucunement à ce que la cour d'appel puisse en faire application.

A cet effet, M. [P] conteste tout d'abord que la vente d'électricité constitue un acte de commerce par nature ne s'agissant pas de l'achat d'un bien pour sa revente. Il ajoute qu'étant chauffeur routier, l'acquisition d'une installation photovoltaïque, de petite taille, et générant de faibles revenus, s'analyse en un acte de gestion de la vie courante en ce que cette installation est principalement destinée à un usage personnel.

En réplique, la SA COFIDIS soutient que les installations photovoltaïques destinées à vendre l'électricité produite, comme en l'espèce, relèvent du contentieux des actes de commerce soulignant que la production et la revente d'électricité constituent un acte de commerce par nature dont le contrat de vente et de prêt sont les accessoires.

Il résulte des dispositions de l'article L. 110-1 du code de commerce, dont la liste n'est pas limitative, que la vente d'électricité, laquelle s'analyse en une vente de meuble, constitue un acte de commerce par nature.

En l'occurrence, il ressort de la facture émise par la société Atmosphère Maine en date du 8 octobre 2013, que M. [P] a acquis et fait installer une centrale solaire aérovoltaïque pour production de chauffage et d'électricité comprenant 12 capteurs solaires thermiques à air pour un prix total de 22 000 euros en vue de produire de l'électricité et de la revendre à la société EDF. M. [P], qui a conclu, à cet effet, un contrat de raccordement d'accès et d'exploitation avec la SA ERDF pour une installation de production et de puissance inférieure ou égale à 36kVA, ne conteste pas que cette installation était destinée à la vente de l'intégralité de l'électricité ainsi produite comme en attestent les factures annuelles émises par la société EDF, produites aux débats pour les années de 2014 à 2019 sur injonction du conseiller de la mise en état, comportant une mention spéciale sur le contrôle de non-consommation personnelle imposée par la clause de vente en totalité, dont il ressort que pour chacune des années concernées le compteur de contrôle de non-consommation est resté à zéro.

Il en découle que, bien qu'il ne soit pas commerçant, M. [P] a fait installer sur le toit de son domicile un système de production d'électricité destiné à la revente intégrale de sa production à EDF, sans distraction pour sa consommation personnelle, de sorte qu'il est établi que cette installation n'était pas principalement destinée à un usage personnel mais à assurer des revenus à l'appelant par la revente de la totalité de la production électrique.

Par suite, cette opération de vente intégrale de l'électricité que l'appelant entendait produire par l'achat d'une installation photovoltaïque étant un acte de commerce par nature au sens des dispositions précitées, quel que soit le volume de cette production, le contrat d'achat de l'installation et le contrat de prêt le finançant en sont les accessoires préparatoires acquérant de ce fait une nature commerciale qui exclut l'application des dispositions du code de la consommation, étant précisé, comme le relève à juste titre la SA COFIDIS, qu'il n'est pas allégué ni a fortiori démontré que les parties ont entendues volontairement soumettre le contrat litigieux aux dispositions du code de la consommation.



- Sur la demande en paiement de dommages et intérêts :

L'application des dispositions du code de la consommation au contrat de prêt litigieux ayant été écartée, M. [P] n'est pas fondé à se prévaloir des dispositions de l'article L. 311-8 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause, pour rechercher la responsabilité civile de la SA COFIDIS d'autant plus que ces dispositions ne sont sanctionnées, en application de l'article L. 311-48 de ce même code que par la déchéance du droit aux intérêts conventionnels.

L'appelant reproche en outre au prêteur d'avoir manqué à son obligation de mise en garde en omettant d'attirer son attention sur les conséquences que le crédit souscrit pouvait avoir sur sa situation financière en cas de défaut de paiement. Ainsi, il soutient que la banque ne s'est pas assurée que sa situation financière lui permettait de faire face aux échéances de remboursement du prêt. Il explique que si SA GROUPE SOFEMO avait étudié sa situation financière, elle aurait relevé que les échéances de remboursement du prêt litigieux portaient son endettement mensuel total à une somme de 1 353,21 euros, représentant un taux d'endettement de l'ordre de 87 %. Il souligne que la banque aurait également dû s'apercevoir des informations erronées qui figuraient dans la fiche de dialogue que la société Atmosphère Maine lui a fait signer en blanc.

En réponse, la SA COFIDIS oppose à l'appelant qu'en sa qualité d'auteur d'actes de commerce il était parfaitement averti de sorte qu'aucune obligation de mise en garde ne lui incombait. Elle ajoute que le prêt a été accordé à M. [P] au vu des renseignements qu'il a déclarés dans la fiche dialogue en omettant de faire état des autres crédits dont il était redevable soulignant que ce dernier ne démontre pas avoir signé en blanc cette fiche, ce qui constituerait en tout état de cause une faute dont il ne pourrait se prévaloir. L'intimée précise enfin qu'il ne lui appartenait pas de procéder à des vérifications complémentaires dès lors que l'emprunteur avait signé la fiche dialogue comportant les informations patrimoniales le concernant.

Sur le fondement des dispositions de l'article 1147 du code civil, dans sa rédaction antérieure à celle issue de l'ordonnance du 10 février 2016, la banque est tenue à un devoir de mise en garde à l'égard d'un emprunteur non averti lorsque, au jour de son engagement, celui-ci n'est pas adapté aux capacités financières de nature à créer un risque d'endettement.

L'emprunteur averti est celui dont l'expérience et les compétences juridiques et financières lui ont permis d'appréhender le risque pris en concluant le contrat de prêt.

Dans le cas présent, contrairement à ce que soutient la SA COFIDIS, sur laquelle pèse la charge de la preuve du caractère averti, le seul fait que M. [P], qui exerce le métier de chauffeur, ait accompli un acte de commece en acquérant une installation photovoltaïque ne peut suffire à établir qu'il disposait de l'expérience comme des compétences juridiques et financières de nature à appréhender le risque qu'il prenait en s'engageant à rembourser le prêt litigieux. Dès lors, M. [P] doit être considéré comme un emprunteur non averti.

Pour autant, il appartient à l'appelant de démontrer que le prêt litigieux était inadapté, lors de la conclusion de ce dernier, à ses capacités financières.

Lorsque la banque exige une fiche de renseignement patrimoniale, cette dernière est en droit de se fier aux informations que l'emprunteur lui fournit en l'absence d'anomalie apparente et n'a pas à vérifier l'exactitude de ces déclarations. Dans ce cas, l'emprunteur n'est pas admis à établir que sa situation financière était en réalité moins favorable que celle qu'elle avait déclarée à la banque.

Dans le cas présent, la banque verse aux débats la fiche dialogue datée du 30 août 2013 dont il ressort que M. [P], célibataire ayant deux enfants à charge, percevait un salaire mensuel de 1 540 euros et remboursait une somme de 340 euros en remboursement d'un prêt immobilier conclu afin d'acquérir sa résidence principale. Il est également précisé sur cette fiche qu'une quittance EDF, un bulletin de salaire et un avis d'imposition ont été présentés à titre de justificatifs.

Pour reprocher à la banque d'avoir commis une faute, M. [P] soutient que cette dernière ne devait pas s'en tenir aux fausses informations déclarées par la société Atmosphère Maine mais aurait dû vérifier sa solvabilité ce qui lui aurait permis de se rendre compte qu'il avait déjà souscrits de nombreux prêts de sorte qu'il ne disposait d'aucune capacité de remboursement lors de la conclusion du prêt litigieux.

Toutefois, dans la mesure où M. [P] ne conteste pas sa signature, qui est d'ailleurs identique à celle qui figure sur l'offre préalable, mais se contente d'alléguer qu'il a signé en blanc la fiche dialogue, ce qui constituerait à tout le moins une faute de sa part, sans toutefois verser le moindre élément permettant de le démontrer, le créancier était fondé à s'appuyer sur les seuls éléments déclarés par l'emprunteur pour apprécier la réalité des capacités financières de celui-ci au jour de la conclusion du contrat de prêt, sans avoir à procéder à des vérifications complémentaires. En effet, outre que les informations résultant de l'avis d'imposition 2012, portant sur les revenus 2011, et du bulletin de salaire pour le mois de mai 2013 de M. [P], versés aux débats par la banque, corroborent le montant du salaire mensuel déclaré, la fiche dialogue, contrairement à ce qu'invoque M. [P], ne comporte aucune anomalie apparente s'agissant de la situation familiale de ce dernier, puisqu'il ressort de la copie du livret de famille, qu'il a lui même produite, que l'appelant a eu deux enfants avec sa compagne, avec laquelle il ne s'est pacsé que le 20 décembre 2013, de sorte qu'au jour de la rédaction de la fiche dialogue, il était effectivement célibataire au sens juridique du terme, et qu'à ce titre il lui était loisible de ne rattacher à sa déclaration fiscale qu'un seul enfant, l'autre enfant pouvant tout à fait être déclaré par l'autre parent.

Dans ces conditions, l'appelant ne peut se prévaloir, dans le cadre de la présente instance, des crédits non déclarés qu'il avait conclus antérieurement à ce contrat de prêt pour soutenir qu'il ne disposait pas des capacités financières suffisantes pour contracter ce prêt.

Au regard des seules ressources et charges déclarées dans la fiche dialogue, M. [P] disposait des capacités financières pour honorer le remboursement d'une mensualité de 193,44 euros au titre de ce prêt.

Partant, M. [P] ne démontre pas qu'au jour de sa conclusion le prêt contracté n'était pas adapté à ses capacités financières de nature à créer un risque d'endettement.

Par suite, aucun devoir de mise en garde n'incombait à la banque et le demande indemnitaire formée par M. [P] doit être rejetée. Le jugement sera confirmé de ce chef.

Enfin, si M. [P] demande à la cour de juger que la SA SOFEMO est responsable des manquements et fautes de son apporteur d'affaires, la SARL Atmosphère du Maine, force est de constater que non seulement il ne rapporte pas la preuve des manquements allégués mais surtout qu'il ne développe aucun moyen de nature à établir les liens pouvant exister entre l'intimée et le vendeur justifiant que la banque doive répondre des fautes de ce dernier.



- Sur la demande reconventionnelle en remboursement du prêt affecté :

Il ressort des pièces versées par la SA COFIDIS et notamment du décompte, arrêté au 25 mars 2016, lequel n'est pas contesté, que M. [P] reste redevable d'une somme totale de 25 467,89 euros dont 22 000 euros au titre du capital restant dû.

La SA COFIDIS justifie de l'exigibilité de sa créance, la déchéance du terme étant intervenue le 25 mars 2016.

Toutefois, M. [P] demande à la cour d'appel de déchoir la banque de son droit à remboursement en raison de la faute qu'elle a commise en débloquant les fonds après avoir été destinataire de deux attestations de livraison portant deux signatures différentes.

Néanmoins, s'il est constant que l'emprunteur peut se prévaloir, indépendamment de toute action en annulation ou en résolution du contrat principal, de l'article 311-31 du code de la consommation, dans sa rédaction applicable à la cause, dont il s'ensuit que les obligations de l'emprunteur ne prennent effet qu'à compter de la livraison du bien ou de la réalisation de la prestation convenue et qu'en cas de faute commise lors du déblocage des fonds, le prêteur se trouve privé de sa créance de restitution des fonds à hauteur du préjudice subi par l'emprunteur, l'application des dispositions du code de la consommation ayant été écartées dans le cas présent, M. [P] n'est pas fondé à s'en prévaloir.

Dans ces conditions, il ne peut qu'être débouté de cette demande, étant en outre observé que ne démontrant pas la faute qu'aurait commise la banque en débloquant les fonds, alors qu'il ressort des pièces produites que les fonds ont été débloqués le 23 octobre 2013 après qu'elle a reçu une attestation de livraison datée du 15 octobre 2013 que M. [P] ne conteste pas avoir signée, l'appelant ne peut pas davantage rechercher la responsabilité civile de la banque à ce titre.

Par suite, il convient de confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a condamné M. [P] à payer à la SA COFIDIS la somme de 25 467,89, outre intérêts au taux de 5,67 %, à compter de la date de ce jugement, sauf à dire que les intérêts au taux conventionnel courront sur sur la somme de 22 000 euros, et que les intérêts au taux légal courront sur la somme de 1 760 euros, due au titre de l'indemnité forfaitaire.



- Sur la demande de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral :

Estimant que les manquements de la banque lui a causé un préjudice moral, M. [P] sollicite l'allocation d'une somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts.

Toutefois, il résulte des motifs qui précèdent qu'aucune faute ne peut être imputée à la SA COFIDIS de sorte que l'appelant ne peut qu'être débouté de cette demande.



- Sur les demandes accessoires :

M. [P], partie perdante, sera condamné aux entiers dépens, les dispositions relatives aux dépens du jugement déféré étant confirmées.

Le bénéfice de l'article 699 du code de procédure civile sera accordé.

L'équité commande de condamner M. [P] à payer une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par conséquent, M. [P] sera débouté de sa demande formée au titre de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.



PAR CES MOTIFS :

La Cour, statuant contradictoirement, par arrêt mis à disposition au greffe, dans les limites de sa saisine,

DECLARE recevables les conclusions notifiées le 9 août 2018 par M. [P],

CONFIRME le jugement entrepris sauf à dire que la condamnation prononcée porte intérêts au taux conventionnel sur la somme de 22 000 euros et que la somme de 1 760 euros est assortie des intérêts au taux légal,

y ajoutant,

REJETTE la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée,

DEBOUTE M. [W] [P] de sa demande tendant à voir déchoir la SA COFIDIS, venant aux droits de la SA GROUPE SOFEMO, de son droit à remboursement,

DEBOUTE M. [W] [P] de sa demande en paiement de la somme de 1 500 euros à titre de dommages et intérêts et de sa demande formée en application de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991,

CONDAMNE M. [W] [P] à payer à la SA COFIDIS, venant aux droits de la SA GROUPE SOFEMO, la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

CONDAMNE M. [W] [P] aux dépens d'appel qui seront recouvrés en application de l'article 699 du code de procédure civile.

LA GREFFIERE LA PRESIDENTE





S. TAILLEBOIS C. CORBEL

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