1 juin 2022
Cour de cassation
Pourvoi n° 21-10.330

Chambre sociale - Formation restreinte hors RNSM/NA

ECLI:FR:CCASS:2022:SO00663

Texte de la décision

SOC.

LG



COUR DE CASSATION
______________________


Audience publique du 1er juin 2022




Rejet


Mme MARIETTE, conseiller doyen
faisant fonction de président



Arrêt n° 663 F-D

Pourvoi n° N 21-10.330






R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E

_________________________

AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________


ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, DU 1ER JUIN 2022

Mme [L] [D], épouse [C], domiciliée [Adresse 2], a formé le pourvoi n° N 21-10.330 contre l'arrêt rendu le 18 novembre 2020 par la cour d'appel de Montpellier (2e chambre sociale), dans le litige l'opposant à la société Théolia France, société par actions simplifiée, dont le siège est Immeuble Le Régent, [Adresse 3], aux droits de laquelle vient la société EDF renouvelables France, société par actions simplifiée, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation.

La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt.

Le dossier a été communiqué au procureur général.

Sur le rapport de Mme Le Lay, conseiller, les observations de Me Haas, avocat de Mme [D], de la SCP Célice, Texidor, Périer, avocat de la société EDF renouvelables France, après débats en l'audience publique du 5 avril 2022 où étaient présents Mme Mariette, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Lay, conseiller rapporteur, M. Pietton, conseiller, et Mme Lavigne, greffier de chambre,

la chambre sociale de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.

Faits et procédure

1. Selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 18 novembre 2020), Mme [D] a été engagée le 1er avril 2001 par la société Ventura, aux droits de laquelle est venue la société Théolia France (la société), devenue la société EDF renouvelables France. En dernier lieu, elle occupait les fonctions de responsable des ressources humaines.

2. Licenciée pour faute grave le 16 juillet 2014, elle a saisi la juridiction prud'homale.

Examen du moyen

Enoncé du moyen

3. La salariée fait grief à l'arrêt de l'arrêt de dire que les preuves produites par l'employeur au soutien de la faute grave sont licites et loyales, que le licenciement repose sur une faute grave et, en conséquence, de la débouter de ses demandes formées à l'encontre de la société au titre de son licenciement, alors :

« 1°/ que le comité d'entreprise est informé et consulté, préalablement à la décision de mise en oeuvre dans l'entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l'activité des salariés ; qu'en jugeant que l'employeur n'était pas tenu de consulter le comité d'entreprise préalablement à la mise en oeuvre d'un audit informatique diligenté par un prestataire externe à la demande de l'employeur, au motif qu'il s'agissait d'un audit ponctuel justifié par la nécessité de mettre un terme à d'éventuels agissements malveillants à l'origine d'une divulgation d'informations confidentielles, après avoir pourtant constaté que cet audit avait permis la restitution de l'ensemble des messages échangés par les salariés depuis la messagerie Exodus et de contrôler ainsi leur activité, la cour d'appel a violé l'article L. 2323-32 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015 ;

2°/ qu'aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été préalablement porté à sa connaissance ; qu'en retenant la licéité des preuves obtenues par l'employeur au moyen d'un audit informatique, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si cet audit dont elle avait constaté qu'il avait permis de restituer l'ensemble des messages échangés par les salariés depuis la messagerie Exodus et de contrôler ainsi leur activité, avait fait l'objet d'une information préalable de la salariée, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1222-4 du code du travail ;

3°/ qu'en tout état de cause, le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée, qui implique en particulier le secret des correspondances ; que l'employeur ne peut dès lors, sans violation de cette liberté fondamentale, prendre connaissance des messages émis ou reçus par le salarié grâce à un outil informatique sauf si ce dernier est mis à sa disposition par l'employeur pour les besoins de son travail et rattaché à une messagerie professionnelle ; qu'en considérant que l'employeur avait la faculté de prendre connaissance des messages instantanés échangés par la salariée par le biais de la messagerie Exodus, après avoir pourtant constaté, d'une part, que ce système mis en place à l'initiative d'un collègue de travail de la salariée, était utilisé par les salariés indistinctement pour des échanges professionnels ou privés et sans qu'aucune consigne ne soit donnée à aucun moment par la direction sur son utilisation et, d'autre part, que les conversations concernaient uniquement deux utilisateurs et n'étaient pas diffusées vers d'autres personnes, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs impropres à faire ressortir que la messagerie instantanée comportant les messages litigieux était rattachée à un compte professionnel et avait mise en place par l'employeur pour les besoins du travail, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et L. 1121-1 du code du travail ;

4°/ que la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en retenant que les termes employés par la salariée dans le cadre d'échanges de messages instantanés avec une collègue de travail, étaient constitutifs d'une faute grave, cependant qu'il ressortait de ses constatations que les propos visant les membres de la direction n'étaient pas diffusés publiquement et que la salariée comptait treize ans d'ancienneté sans la moindre sanction disciplinaire, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail. »

Réponse de la Cour

4. D'abord, la cour d'appel, qui a constaté que l'audit externe avait été diligenté à la suite de la divulgation d'informations confidentielles de l'entreprise sur un site internet, afin de vérifier si les postes informatiques contenaient des logiciels piratés qui auraient permis la fuite d'informations et vérifier si les configurations des ordinateurs respectaient l'ensemble des paramètres de sécurité, et fait ressortir que cet audit n'avait pas été utilisé pour contrôler la salariée dans l'exercice de ses fonctions, en a exactement déduit que les dispositions du code du travail relatives aux conditions de mise en œuvre de moyens et techniques de contrôle de l'activité des salariés, n'étaient pas applicables.

5. Ensuite, si le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de sa vie privée, l'employeur peut toujours consulter les fichiers présents sur l'ordinateur professionnel du salarié qui n'ont pas été identifiés comme personnels et les utiliser à son encontre s'ils ne relèvent pas de sa vie privée.

6. Ayant relevé que les messages litigieux provenaient d'une messagerie interne à l'entreprise à usage professionnel, qu'ils n'avaient pas été identifiés comme personnels par la salariée et qu'ils étaient en rapport avec son activité professionnelle, la cour d'appel en a exactement déduit que l'employeur était en droit de les ouvrir hors la présence de l'intéressée et qu'ils pouvaient être retenus au soutien de la procédure disciplinaire.

7. Enfin, la cour d'appel, qui a relevé que les propos tenus par la salariée en sa qualité de responsable des ressources humaines auprès d'une autre salariée avaient un caractère outrancier, injurieux et dénigrant, a pu retenir que les faits rendaient impossible son maintien dans l'entreprise.

8. Le moyen n'est donc pas fondé.

PAR CES MOTIFS, la Cour :

REJETTE le pourvoi ;

Condamne Mme [D] aux dépens ;

En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;

Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du premier juin deux mille vingt-deux.

MOYEN ANNEXE au présent arrêt

Moyen produit par Me Haas, avocat aux Conseils, pour Mme [D], épouse [C]


Mme [C] fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR dit que les preuves produites par l'employeur au soutien de la faute grave sont licites et loyales et que le licenciement repose sur une faute grave et, en conséquence, de L'AVOIR déboutée de ses demandes formées à l'encontre de la société Theolia France au titre de son licenciement ;

ALORS, 1°), QUE le comité d'entreprise est informé et consulté, préalablement à la décision de mise en oeuvre dans l'entreprise, sur les moyens ou les techniques permettant un contrôle de l'activité des salariés ; qu'en jugeant que l'employeur n'était pas tenu de consulter le comité d'entreprise préalablement à la mise en oeuvre d'un audit informatique diligenté par un prestataire externe à la demande de l'employeur, au motif qu'il s'agissait d'un audit ponctuel justifié par la nécessité de mettre un terme à d'éventuels agissements malveillants à l'origine d'une divulgation d'informations confidentielles, après avoir pourtant constaté que cet audit avait permis la restitution de l'ensemble des messages échangés par les salariés depuis la messagerie Exodus et de contrôler ainsi leur activité, la cour d'appel a violé l'article L. 2323-32 du code du travail, dans sa rédaction antérieure à la loi n° 2015-994 du 17 août 2015

ALORS, 2°), QU'aucune information concernant personnellement un salarié ne peut être collectée par un dispositif qui n'a pas été préalablement porté à sa connaissance ; qu'en retenant la licéité des preuves obtenues par l'employeur au moyen d'un audit informatique, sans rechercher, ainsi qu'elle y était invitée, si cet audit dont elle avait constaté qu'il avait permis de restituer l'ensemble des messages échangés par les salariés depuis la messagerie Exodus et de contrôler ainsi leur activité, avait fait l'objet d'une information préalable de Mme [C], la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision au regard de l'article L. 1222-4 du code du travail ;

ALORS, 3°) et en tout état de cause, QUE le salarié a droit, même au temps et au lieu de travail, au respect de l'intimité de sa vie privée, qui implique en particulier le secret des correspondances ; que l'employeur ne peut dès lors, sans violation de cette liberté fondamentale, prendre connaissance des messages émis ou reçus par le salarié grâce à un outil informatique sauf si ce dernier est mis à sa disposition par l'employeur pour les besoins de son travail et rattaché à une messagerie professionnelle ; qu'en considérant que l'employeur avait la faculté de prendre connaissance des messages instantanés échangés par la salariée par le biais de la messagerie Exodus, après avoir pourtant constaté, d'une part, que ce système mis en place à l'initiative d'un collègue de travail de Mme [C], était utilisé par les salariés indistinctement pour des échanges professionnels ou privés et sans qu'aucune consigne ne soit donnée à aucun moment par la direction sur son utilisation et, d'autre part, que les conversations concernaient uniquement deux utilisateurs et n'étaient pas diffusées vers d'autres personnes, la cour d'appel, qui s'est déterminée par des motifs impropres faire ressortir que la messagerie instantanée comportant les messages litigieux était rattachée à un compte professionnel et avait mise en place par l'employeur pour les besoins du travail, n'a pas donné de base légale à sa décision au regard des articles 8 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, 9 du code civil et L. 1121-1 du code du travail ;

ALORS, 4°), QUE la faute grave est celle qui rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise ; qu'en retenant que les termes employés par Mme [C] dans le cadre d'échanges de messages instantanés avec une collègue de travail, étaient constitutifs d'une faute grave, cependant qu'il ressortait de ses constatations que les propos visant les membres de la direction n'étaient pas diffusés publiquement et que la salariée comptait treize ans d'ancienneté sans la moindre sanction disciplinaire, la cour d'appel a violé les articles L. 1234-1, L. 1234-5 et L. 1234-9 du code du travail.

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